Texte intégral
JEAN-BAPTISTE MARTEAU
Bonjour Bruno LE MAIRE.
BRUNO LE MAIRE
Bonjour Jean-Baptiste MARTEAU.
JEAN-BAPTISTE MARTEAU
Bienvenu dans " Les 4V ". La France va donc une nouvelle fois aujourd'hui dérouler le tapis rouge aux investisseurs étrangers. C'est le principe du sommet " Choose France ", qui se tient pour la septième fois au château de Versailles. Plusieurs annonces importantes sont attendues aujourd'hui, notamment pour un montant de plus de 15 milliards d'euros. 56 projets, dont le plus important concerne MICROSOFT. On va y venir. Est-ce que c'est une lueur d'espoir dans un océan de dettes ou est ce qu'il y a vraiment des raisons de se réjouir, Bruno LE MAIRE ?
BRUNO LE MAIRE
Ah, c'est plus qu'une lueur d'espoir, c'est un grand succès, et c'est un succès qui est dû à une politique économique qui est la même depuis 7 ans. Moi, je vois beaucoup de nos compatriotes qui se disent : « Mais pourquoi est-ce qu'ils ont baissé les impôts de production sur les entreprises ? Pourquoi est-ce qu'ils ont baissé l'impôt sur les sociétés ? Pourquoi est-ce qu'ils ont cette politique économique pour les entreprises ? » Eh bien tout simplement parce ça crée de l'activité sur tous les territoires, ça nous permet d'avoir de la croissance. On a eu de la croissance au début de ce trimestre. Ça nous permet d'avoir de l'activité, dans des territoires qui sont reculés, dans des territoires ruraux. Quand vous avez une entreprise, on a beaucoup cité MICROSOFT, c'est formidable MICROSOFT, c'est 4 milliards d'euros d'investissements, mais prenez une entreprise comme GSK, à Evreux, dont j'ai été élu pendant 15 ans, quand elle investit 200 millions d'euros, GSK c'est un des poumons économiques de la ville d'Evreux, c'est l'avenir de ce site, et des centaines de salariés qui sont sur place, qui est garanti. C'est à ça que sert la stabilité de notre politique économique, celle que nous menons avec le président de la République depuis 7 ans, être attractif pour les investissements, avoir de l'activité sur tous les territoires, nous rapprocher du plein emploi et tenir cet objectif stratégique pour la Nation française, redevenir une grande Nation de production. On a été pendant des années une Nation de consommateurs, on doit redevenir une grande Nation industrielle, agricole, de production.
JEAN-BAPTISTE MARTEAU
C'est du symbole aujourd'hui en tout cas à Versailles, c'est le fait de recevoir tous ces chefs d'entreprise, dans un cadre prestigieux, de les traiter peut-être différemment, qui les fait venir en France ? Ou est-ce que c'est une manière d'afficher, tout ce que vous avez fait en coulisses peut-être avant ?
BRUNO LE MAIRE
On ne fait pas venir des mouches avec du vinaigre, comme on dit, donc c'est bien de traiter bien les gens, quand ils investissent sur votre territoire. Mais surtout, le plus important, c'est de comprendre, et l'exemple que vous avez montré avec la Chine a été très significatif, que nous vivons actuellement deux révolutions économiques. La révolution énergétique, avec la décarbonation de l'économie, et la révolution technologique, avec l'intelligence artificielle. C'est une occasion historique pour la France, de redevenir cette grande Nation de production dont je parlais tout à l'heure. C'est-à-dire de rouvrir des usines, pour les éoliennes pour les éléments permanents, pour les batteries électriques, pour le traitement des terres rares, et redevenir une grande Nation d'intelligence artificielle, parce que nous sommes aujourd'hui leaders en Europe, que nous avons des grands succès dans certaines start-up comme la start-up Mistral, et que nous voulons, avec des investissements comme Mistral, accentuer cette avance. La plus grande Nation de production, dans les nouvelles technologies et dans la décarbonation, c'est l'enjeu de Choose France.
JEAN-BAPTISTE MARTEAU
L'informatique, l'intelligence artificielle, sont évidemment des thèmes qui sont mis particulièrement en avant dans ce sommet. Malgré tout, vous dites « On est leader en Europe », on est malgré tout en Europe, très en retard par rapport aux Etats-Unis, à la Chine. On peut encore rattraper notre retard sur l'intelligence artificielle ?
BRUNO LE MAIRE
Bien sûr. Bien sûr, sous deux conditions. La première, c'est qu'on privilégie l'innovation sur la régulation. L'Europe…
JEAN-BAPTISTE MARTEAU
On aime bien la régulation en Europe.
BRUNO LE MAIRE
Oui, mais on aime trop la régulation. On met des normes, des carcans, des obligations, des contraintes. Il y a des normes qui sont indispensables, notamment dans le domaine environnemental. Et il y en a qui sont complètement inutiles, qui coûtent cher et qui nous ralentissent. Quand je défends le projet de loi sur la simplification en France, c'est bien fait, justement pour alléger la charge administrative qui empêche nos TPE, nos petites et moyennes entreprises, nos start-up, de se développer rapidement. C'est la première condition ? Débureaucratiser, comme l'avait dit le Premier ministre, la production française et je dirais aussi la production européenne. La deuxième condition, c'est l'argent. Tout cela demande des dizaines de milliards d'euros d'investissement. Donc, nous avons besoin de mettre en place ce que je défendrai ce soir à Bruxelles, l'Union des marchés de capitaux, c'est un terme très complexe pour dire : quand une entreprise arrive en France, elle peut lever de l'argent avec les mêmes règles, dans les mêmes conditions, à Paris, à Berlin, à Bruxelles, à Rome ou à Madrid, sans aucune contrainte, sans aucune difficulté. C'est ce qui nous permettra de résister à la Chine et aux Etats-Unis. Investir plus et plus facilement.
JEAN-BAPTISTE MARTEAU
On multiplie les projets d'investissements étrangers en France, mais dans le même temps. Bruno LE MAIRE, c'est vrai que notre déficit commercial a battu encore un record l'année dernière, presque 100 milliards d'euros de déficit commercial. Donc on continue d'importer encore énormément, notamment de Chine.
BRUNO LE MAIRE
Alors, ça se résorbe, mais vous avez parfaitement raison, c'est un des grands enjeux de faire basculer une France qui depuis 40 ans a désindustrialisé, fermé des usines, renoncé, à sa culture ouvrière, vers une France, ce que nous faisons depuis 7 ans, qui ouvre des usines, plus de 600 usines ouvertes, qui recrée des emplois industriels et des emplois d'ouvriers, plus de 150 000 emplois ouvriers qui ont été créés, et qui redevient une Nation de production. Pourquoi est-ce qu'on a un déficit commercial ? Eh bien si vous ne produisez pas des voitures, des avions, des biens manufacturiers, et que vous n'avez rien à exporter, vous avez un déficit commercial. C'est ce qui a été fait pendant 40 ans en France. C'est ce que nous avons inversé avec le président de la République depuis 7 ans. Et pour moi, le plus grand succès de notre politique économique, il est là, et c'est ce qu'il faut lire derrière Choose France, ce n'est pas simplement d'avoir des patrons qui viennent à Versailles, ce n'est pas ça le sujet, c'est de refaire basculer la France du côté des Nations qui réussissent à produire des voitures, des avions, des fusées, des satellites, des biens manufacturiers, mais aussi demain aussi des vêtements, des biens électroménagers, pour les exporter en dehors de nos frontières, rééquilibrer notre balance commerciale, et rester une grande puissance économique au 21e siècle. Et je le dis, la chance historique, c'est qu'avec la décarbonation et l'IA, on peut gagner cette bataille.
JEAN-BAPTISTE MARTEAU
On parlait des voitures électriques avec Axel de TARLE, est ce que face à la Chine, l'Europe dans son ensemble, peut-être l'Allemagne en particulier, mais l'Europe et nous aussi, on est vraiment trop naïfs encore avec la Chine ? On continue à les accueillir et à acheter leurs voitures électriques, sans en produire beaucoup.
BRUNO LE MAIRE
L'Europe se soigne, mais elle n'est pas encore guérie. Elle se soigne, quand je vois qu'il y a une enquête qui est menée sur le dumping sur les véhicules chinois. On sait tous qu'il y a des surcapacités chinoises. Tous. Donc il est peut-être temps qu'on réagisse. Donc, c'est bien que la Commission européenne ait lancé une enquête.
JEAN-BAPTISTE MARTEAU
On en a mis du temps.
BRUNO LE MAIRE
Oui, on a mis encore trop de temps, comme toujours, c'est trop lent, il faut aller plus vite. Et puis surtout, je voudrais qu'on parle d'une seule voix. Axel de TARLE l'a très bien dit. J'ai pris la décision de réserver le bonus sur les véhicules électriques qui peut aller jusqu'à 7 000 €, c'est quand même très important, uniquement aux voitures qui respectent les normes environnementales les plus strictes, c'est-à-dire les voitures européennes. J'aimerais que tous les autres pays européens fassent la même chose, parce qu'unis on est plus fort. S'il n'y a que la France qui prend cette décision, qu'est ce qui se passe ? Eh bien la Chine peut riposter contre la France. Alors que si demain les 27 Etats de l'Union européenne disent " On va protéger notre marché, réserver nos aides aux produits européens, défendre l'idée d'un contenu européen, par exemple pour les champs éoliens, ce sera 50 ou 60% de produits exclusivement européens ", eh bien, comme nous sommes le plus grand marché de la planète, le plus grand marché de consommateurs, ça pourra changer la donne.
JEAN-BAPTISTE MARTEAU
La France a donc été le pays le plus attractif en 2023, selon le cabinet EY une nouvelle fois, mais c'est aussi le pays le plus endetté. En quelques mots, qu'est ce qui bloque encore, Bruno LE MAIRE ? Pourquoi on continue comme ça ? On est de plus en plus endetté d'avoir une dette de plus en plus importante, même si on est attractif ? Ça parait paradoxal.
BRUNO LE MAIRE
D'abord, nous réussissons économiquement. J'insiste là-dessus. Il faut bien faire la distinction.
JEAN-BAPTISTE MARTEAU
Ça peut paraître paradoxal.
BRUNO LE MAIRE
Oui, ça peut paraître paradoxal, mais on est le pays le plus attractif. On a de la croissance et surtout la meilleure nouvelle qui soit tombée économiquement pour les Français depuis plusieurs mois, c'est que désormais, les salaires augmentent plus vite que l'inflation. Et ça, pour moi, c'est absolument essentiel. C'est-à-dire que les gens qui bossent, les gens qui travaillent, vont pouvoir vivre mieux, puisque l'inflation recule et que les salaires continuent d'augmenter. Après, cette dette, il faut s'en débarrasser. Il faut renoncer effectivement à continuer à dépenser toujours plus, à faire des chèques. Nous avons mis fin à la politique du quoi qu'il en coûte avec le président de la République, nous rentrons dans une nouvelle phase, le Covid est derrière nous, l'inflation est derrière nous. Eh bien il faut rétablir sereinement, mais fermement, les comptes publics, avec un objectif : revenir sous les 3% de déficit en 2027.
JEAN-BAPTISTE MARTEAU
Toujours sans augmenter les impôts, vous tenez à cette ligne, même sur les plus riches, même sur les bonus, les profits particuliers ?
BRUNO LE MAIRE
Oui. Pourquoi est-ce que, l'exemple de Choose France, je préfère dire d'ailleurs « Choisir la France » que « Choose France »…
JEAN-BAPTISTE MARTEAU
Oui, c'est vrai, pourquoi en anglais ? Ça peut paraître un peu paradoxal.
BRUNO LE MAIRE
C'est choisir la France, et choisir la France, dans le fond, c'est un bon slogan politique à mes yeux. Oui, je vous le confirme, nous n'augmenterons pas les impôts. Pourquoi ? Parce que c'est cette stabilité fiscale qui fait que les investisseurs viennent en France, qu'ils viennent ouvrir des usines, qu'ils viennent créer des emplois. Et je vous disais que les salaires augmentent plus vite que l'inflation. Donc tout d'un coup, les gens qui travaillent retrouvent un tout petit peu d'air. Par moment, ils retrouvent un petit peu d'air, ce n'est pas le moment de leur dire qu'on va augmenter leurs impôts. Au contraire, il faut continuer dans cette politique où nous refusons catégoriquement toute augmentation d'impôts sur les ménages français.
JEAN-BAPTISTE MARTEAU
Un mot des européennes. On est à moins de quatre semaines du scrutin, on voit mal comment la liste de la majorité pourrait rattraper celle du Rassemblement national, alors que celle maintenant de Raphaël GLUCKSMANN est en troisième, voire se rapproche effectivement de votre liste, celle de Valérie HAYER dans les sondages. Vous pouvez encore espérer quelque chose ? Ou alors l'usure du pouvoir fait que de toute façon vous allez être battus dans quatre semaines ?
BRUNO LE MAIRE
Non, moi je reste très confiant. Je pense que nous aurons un bon résultat aux élections européennes. Je pense que Valérie HAYER fait une très bonne campagne…
JEAN-BAPTISTE MARTEAU
Méthode Coué.
BRUNO LE MAIRE
... Je pense que toute la majorité est en train de se mobiliser et surtout que beaucoup de nos compatriotes sont en train de voir que les seuls qui ont une politique européenne cohérente, volontariste, c'est la liste de la majorité. Les résultats économiques, à quoi ils sont liés ? Ils sont liés aussi non seulement à notre politique économique, mais à la relance que nous avons votée après le Covid. Ni monsieur GLUCKSMANN, ni monsieur BARDELLA n'ont voté la relance. La protection de notre outil économique, c'est lié à la dette en commun, que nous avons décidée avec le président de la République. Ni monsieur GLUCKSMANN, ni monsieur BARDELLA n'ont voté cette dette en commun qui a permis de protéger nos compatriotes face à la crise du Covid. Les Européens de coeur, et d'action, et de décision, c'est nous. Et je pense que c'est ce qui fera la différence le 9 juin.
JEAN-BAPTISTE MARTEAU
Un tout petit mot pour terminer sur la SNCF qui tient son assemblée générale aujourd'hui. Son PDG nommé en 2019, ne sera pas reconduit pour un second mandat. Jean-Pierre FARANDOU a 65 ans. Le gouvernement évoque la limite d'âge. C'est aussi peut être l'accord qu'il a signé récemment avec les syndicats, qui rogne en partie les effets de la réforme des retraites, qui n'a pas beaucoup plu à l'exécutif ?
BRUNO LE MAIRE
Non, pas du tout. Moi j'ai dit ce que j'avais à dire sur cet accord, je le confirme.
JEAN-BAPTISTE MARTEAU
Vous l'avez découvert, d'ailleurs…
BRUNO LE MAIRE
Et je veux savoir comment est-ce que cet accord sera financé. Je ne trouve pas que ce soit un très bon signal de dire qu'on peut partir plus tôt de son travail, alors que toute notre politique économique, c'est de faire en sorte que tous les Français puissent travailler davantage pour avoir une économie qui se porte mieux. Il n'empêche…
JEAN-BAPTISTE MARTEAU
Donc, Jean-Pierre FARANDOU est en partie sanctionné pour ça.
BRUNO LE MAIRE
Non, mais c'est cet accord, je verrai Jean-Pierre FARANDOU prochainement. Je lui demanderai surtout comment est-ce qu'il compte financer cet accord, parce que je suis ministre des Finances, c'est ma responsabilité de savoir comment est-ce qu'on finance cet accord. Ça n'empêche que Jean-Pierre FARANDOU a fait un travail remarquable à la tête de la SNCF. Mais les deux choses sont parfaitement compatibles. Moi, j'ai une difficulté avec cet accord. Je l'ai dit. Je verrai Jean-Pierre FARANDOU pour qu'on s'explique sur ce sujet, qu'il me dise comment financer cet accord. Mais un mandat ne se résume pas à une décision prise avec les syndicats. Jean-Pierre FARANDOU a été un grand patron de la SNCF et il a fait un très bon boulot.
JEAN-BAPTISTE MARTEAU
Merci Bruno LE MAIRE d'avoir été l'invité des « 4V ». Et bonne journée à Versailles et à Bruxelles.
BRUNO LE MAIRE
Merci beaucoup.
Source : Service d'information du Gouvernement, le 14 mai 2024