Texte intégral
LAURENCE FERRARI
C'est votre " Grande interview " sur CNews et sur Europe 1, bonjour Bruno LE MAIRE.
BRUNO LE MAIRE
Bonjour Laurence FERRARI.
LAURENCE FERRARI
Bienvenue dans nos studios. On va parler d'abord du pouvoir d'achat, l'inflation, qui reste la première préoccupation des Français, vous nous avez annoncé à plusieurs reprises le pic de l'inflation, qu'il a été atteint, est-ce que cette fois-ci on peut dire que la décrue est amorcée Bruno LE MAIRE ?
BRUNO LE MAIRE
Oui, l'inflation elle est derrière nous, l'inflation élevée est derrière nous, j'avais aussi annoncé que nous serions autour de 2% d'inflation début 2024, nous sommes fin mai 2024 et nous sommes autour de 2% d'inflation. Donc, le pari a été gagné, la bataille a été gagnée, et surtout, le plus important, c'est que les salaires commencent à augmenter plus vite que l'inflation, donc ça améliore le pouvoir d'achat des Français, n'empêche que ça reste très difficile…
LAURENCE FERRARI
Ça ne se voit pas encore sur les prix !
BRUNO LE MAIRE
Non, ça se voit sur certains prix, pas tous, on a en plus des prix à la pompe qui aujourd'hui sont stables ou en légère diminution, on a quelques produits alimentaires qui diminuent, mais il n'empêche que vous avez le coût du logement qui reste très élevé dans beaucoup de zones où c'est tendu, on a encore des difficultés structurelles à résoudre, mais sur le chiffre-même d'inflation, il était 5 points au-dessus il y a encore quelques mois, on s'est beaucoup battu pour le ramener à 2, j'avais pris un engagement, 2% d'inflation mi-2024, nous y sommes, l'engagement est tenu.
LAURENCE FERRARI
Alors, vous nous parlez des salaires, la Banque centrale européenne a constaté des hausses de salaires de 4,7% en zone euro au premier trimestre, ce qui pourrait générer une nouvelle poussée des prix. On n'en finira jamais ?
BRUNO LE MAIRE
Oui, je ne partage pas cette analyse, j'ai eu l'occasion d'en discuter avec Christine LAGARDE, la présidente de la Banque centrale européenne, en marge du G7 il y a quelques jours, je considère qu'il ne faut pas noircir le tableau. On a réussi à gagner la bataille contre l'inflation, on a maîtrisé les prix, on a des salaires qui sont plus dynamiques que les prix, tant mieux, on ne va pas non plus se battre pour avoir des salaires qui progressent moins vite que l'inflation…
LAURENCE FERRARI
Mais si ça fait rebondir l'inflation.
BRUNO LE MAIRE
Oui, je ne pense pas que ça fera rebondir l'inflation, ça c'est l'analyse de ceux qu'on appelle les faucons de la Banque centrale européenne, ou de certains faucons des milieux financiers européens qui, dès qu'il y a un frémissement sur les salaires, vous disent c'est terrible, ce n'est pas possible, il faut immédiatement augmenter les taux d'intérêt, je ne partage pas cette analyse. Je pense que le bon équilibre, c'est avoir un niveau d'inflation contenu, on est à 2%, nous avons gagné cette bataille, mais continuer à avoir des salaires qui augmentent plus vite que l'inflation. Si à chaque fois que les salaires augmentent on nous dit c'est tragique, c'est catastrophique, il faut serrer la vis, c'est complètement décourageant pour ceux qui travaillent.
LAURENCE FERRARI
Et on parle bien des faucons, des oiseaux, pour qu'il n'y ait pas de malentendu.
BRUNO LE MAIRE
Voilà, exactement.
LAURENCE FERRARI
Bruno LE MAIRE, l'assurance chômage, la réforme passe mal, Gabriel ATTAL en a dévoilé les contours, les seniors ne seront pas épargnés. Est-ce que c'est juste, est-ce que c'est logique de cibler les seniors sur cette réforme de l'assurance chômage, alors qu'on sait qu'ils ont du mal à retrouver un emploi ?
BRUNO LE MAIRE
Je pense que c'est cohérent à partir du moment où nous avons décalé l'âge légal de départ à la retraite de deux ans, d'en tirer les conséquences sur la filière seniors, qui, je le rappelle, va être maintenue, c'est-à-dire que les seniors, les plus 55 ans, 57 ans maintenant, auront droit à un traitement plus favorable, et c'est normal parce qu'il faut accompagner, je l'ai dit à de multiples reprises, il faut accompagner le plus possible les plus de 55 ans, ou de 57 ans, dans l'emploi, pour qu'ils restent dans l'emploi ou qu'ils retrouvent le plus rapidement possible un emploi. Mais sur cette réforme de l'assurance chômage, moi je soutiens pleinement ce qui a été décidé par le Premier ministre, par Gabriel ATTAL. Je le réclame depuis des mois, et je dis, je crois maintenant depuis des années, qu'à modèle social constant on ne pourra pas atteindre le plein emploi, il faut juste savoir ce que nous voulons collectivement. Est-ce que nous, Français, nous voulons, comme d'autres grandes nations développées, avoir 5% de taux de chômage ? On n'y est jamais arrivé depuis plus de 50 ans. On est aujourd'hui dans la bonne direction, on a le taux d'emploi le plus élevé, on a créé 2 millions d'emplois, on réindustrialise le pays et on a un taux de chômage qui est le plus bas depuis 40 ans, si on veut franchir une étape supplémentaire, c'est-à-dire se dire il n'y a plus du tout de chômage, ni de masse, ni de chômage résiduel, il reste uniquement quelques poches d'inactivité ici ou là, eh bien il faut inciter le plus possible nos compatriotes à reprendre un travail lorsqu'ils l'ont perdu. C'est le sens de cette réforme de l'assurance chômage. Ça veut dire aussi mieux qualifier, mieux accompagner, c'est ce qui est prévu avec France Travail, et je pense que c'est le bon équilibre, avoir une durée d'indemnisation plus courte, un meilleur accompagnement et le plus grand nombre possible de personnes au travail.
LAURENCE FERRARI
Mais, Bruno LE MAIRE, au fond est-ce que ces réformes, la réforme des retraites, vous l'avez évoqué, celle de l'assurance chômage, ne sont pas avant tout des réformes budgétaires, parce qu'il s'agit de trouver des économies, le gouvernement est aux abois, 20 milliards d'économies à trouver, où les trouver ? Dans la poche des Français.
BRUNO LE MAIRE
C'est deux choses très différentes, d'ailleurs si c'était vraiment un sujet budgétaire, on a un sujet budgétaire aujourd'hui, que nous allons résoudre calmement et sérieusement, et avec la fermeté nécessaire, mais ça ne ferait pas des années que j'explique qu'à modèle social constant on ne peut pas atteindre le plein emploi. Ça fait des années que, comme ministre de l'Economie, je défends la réforme de l'assurance chômage, je dis qu'il faut réduire la durée d'indemnisation pour inciter à reprendre le plus vite possible un travail, donc ça n'a rien à voir avec les sujets budgétaires. Les sujets budgétaires il faut les traiter avec sérieux, on a commencé à le faire en 2024, on le fera dans le budget 2025, nous commençons déjà à y travailler avec toutes les forces politiques, avec le ministre des Comptes publics, et nous présenterons notre copie en septembre, mais c'est deux sujets qu'il ne faut pas mélanger, parce que je vois bien que, dans le fond, c'est une façon de décrédibiliser la réforme de l'assurance chômage, de dire " ah, c'est une réforme budgétaire, réforme financière ", non, c'est une réforme pour le travail. Si on croit au travail, ce qui est mon cas, le travail pour tous, le travail pour tous les Français, eh bien la réforme de l'indemnisation du chômage est une bonne réforme.
LAURENCE FERRARI
Bruno LE MAIRE, vous allez être auditionné demain à 9h30 par la commission d'enquête sur la dégradation des finances publiques, la droite, qui est à l'initiative de cette commission d'enquête, vous accuse d'avoir sciemment dissimulé le dérapage du déficit fin 2003 et d'avoir laissé voter le budget 2024 sans modification des prévisions, alors que plusieurs notes internes à Bercy vous alertaient sur ce déficit qui galopait. Qu'est-ce que vous leur répondez ?
BRUNO LE MAIRE
Je leur réponds que cette accusation est inacceptable, inacceptable. J'apporterai toutes les preuves…
LAURENCE FERRARI
C'est faux ? Les chiffres sont faux ?
BRUNO LE MAIRE
Non seulement c'est faux, d'abord ça ne fait pas beaucoup avancer le pays, je pense que ce qui ferait avancer le pays c'est que la droite, plutôt que de mener des commissions d'enquête de ce type-là, me fasse des propositions concrètes, crédibles et ambitieuses de réduction de la dépense, je les vois toujours pas, qu'elle arrête de proposer des augmentations de dépenses comme elle n'a cessé de le faire au cours des derniers mois, et qu'on laisse de côté ces querelles et qu'on se mette ensemble à travailler sur la réduction des déficits et de la dette, mais l'accusation qui est portée contre moi est grave, demain j'apporterai tous les éléments d'explication pour montrer qu'à chaque étape de la procédure budgétaire j'ai suivi les recommandations qui me paraissaient les plus responsables et qu'au moment où nous avons vu qu'effectivement il y avait des recettes qui étaient moins élevées que prévu, j'ai pris toutes les décisions nécessaires qui, je le rappelle, n'ont été soutenues par personne, 10 milliards d'euros d'économies, aucun soutien, arrêt ou suspension pour un certain temps des aides sur l'électricité ou sur le gaz parce qu'il fallait revenir à la normale, soutien de personne, nouveau décret…
LAURENCE FERRARI
Mesure impopulaire évidemment.
BRUNO LE MAIRE
Oui, mesure impopulaire, mais comme toujours, on veut gagner de la popularité en dépensant davantage, là il y a beaucoup de monde au portillon pour réclamer plus de dépenses, mais quand sereinement et fermement on revient à la normale, parce qu'il faut rééquilibrer les comptes publics, et on le faire avec méthode et avec fermeté, eh bien il n'y a plus personne, tout le monde a disparu dans la nature, c'est un peu dommage.
LAURENCE FERRARI
Un petit mot aussi de votre visite en Allemagne, vous allez partir pour assister à un conseil des ministres franco-allemands, pour tenter de faire taire les différences entre nos deux pays afin de contrer l'offensive commerciale de la Chine, c'est bien cela, quitte à un petit peu brusquer les Allemands ?
BRUNO LE MAIRE
C'est indispensable. Brusquer un peu les Allemands, non, discuter avec eux, avec beaucoup de conviction, oui, c'est ce que je fais depuis sept ans, et quand je regarde le travail qui a été fait depuis sept ans avec le président de la République sur des sujets sur lesquels il n'y avait pas d'accord possible, finalement on a trouvé des accords. L'idée d'avoir une politique industrielle, les Allemands disaient " non ", on a réussi à trouver un accord, l'idée d'avoir de la dette en commun pour protéger nos emplois et nos entreprises face à la crise du Covid, les Allemands disaient " niet ", moi je me souviens d'un ancien ministre des Finances allemand, très connu, Wolfgang SCHAUBLE, qui était un homme tout à fait remarquable, au début de mes fonctions il me disait " c'est hors de question ", finalement on l'a fait. Maintenant…
LAURENCE FERRARI
Il disait " nein " plutôt.
BRUNO LE MAIRE
Voilà, il disait " nein ", mais de manière très ferme et très déterminée, ça s'est fait. Donc, nous avons fait bouger les lignes en Europe, sur la politique industrielle, sur le soutien à l'industrie, sur la dette en commun. Maintenant, vous avez parfaitement raison, le grand défi c'est quoi ? C'est de nous protéger face aux surcapacités industrielles chinoises. La Chine produit les mêmes produits que les nôtres, les véhicules électriques, des batteries, des pales d'éoliennes, des pompes à chaleur, à un prix 20 à 25% inférieur au notre, parce que c'est largement subventionné et produit dans des conditions environnementales qui sont moins satisfaisantes, moi je suis là pour défendre nos producteurs, pour défendre notre industrie, pour défendre nos ouvriers. Il y a quelques semaines j'étais dans une usine de pompes à chaleur, quand je leur ai dit que nous allions réserver le bonus de 9000 euros sur les pompes à chaleur aux seules pompes à chaleur produites chez eux, non seulement ils étaient contents, mais ils ont dit " Monsieur LE MAIRE qu'on attendait ça ", c'est exactement ce que nous avons proposé aux Allemands, protéger, défendre, notre industrie et nos emplois industriels.
LAURENCE FERRARI
Il n'y a pas que la Chine qui est notre ennemi commercial, il y a aussi les Etats-Unis…
BRUNO LE MAIRE
Pas ennemi, mais concurrent, et la concurrence doit être équitable et aujourd'hui elle n'est pas équitable.
LAURENCE FERRARI
On est d'accord.
BRUNO LE MAIRE
Regardez les chiffres, le déficit commercial entre l'Europe et la Chine il était de 100 milliards il y a quelques années, il a triplé, 300 milliards, eh bien on ne va pas rester les bras croisés, moi je plaide pour que nous soyons très offensifs et que l'Europe montre les dents. Il y a un proverbe de Mao qui disait lorsque le tigre ne montre pas ses dents, on peut penser qu'il n'en n'a pas, eh bien il est bon que l'Europe montre ses dents.
LAURENCE FERRARI
Très bien. Est-ce que nous en avons par rapport aux Etats-Unis, des dents, Bruno LE MAIRE ? ARCELORMITTAL, le président pour la France du numéro un mondial de l'acier, dit " nous on va finir par délocaliser nos usines françaises vers les Etats-Unis où on nous aide à décarboner notre production, alors qu'en Europe on ne nous aide pas à décarboner notre… " Qu'est-ce que vous lui dites, c'est 15 000 emplois à la clé au niveau mondial ?
BRUNO LE MAIRE
C'est absolument stratégique. Nous avons deux grands sites, Dunkerque et Fos-sur-Mer, mais j'ai eu l'occasion de le dire à Monsieur MITTAL, avec lequel nous travaillons très bien, en marge du sommet Choose France, nous avons aidé à décarboner le site de Dunkerque, et d'ailleurs quand Monsieur MITTAL a eu à choisir le site sur lequel il allait installer des fours électriques et décarboner sa production d'acier et d'aluminium, il y avait plusieurs choix sur la planète, il y en avait un aux Etats-Unis, il y en avait trois en Europe et il y en avait un en France, il a choisi le site français, donc c'est bien la preuve qu'on avait apporté les aides nécessaires. Pour le site de Fos moi je souhaite naturellement que nous apportions aussi le soutien nécessaire pour qu'il puisse décarboner son site et préserver les emplois.
LAURENCE FERRARI
ATOS, beaucoup d'inquiétudes toujours autour du géant informatique lourdement endetté qui a jusqu'au 31 mai, là, dans quelques jours, pour trouver une solution de sauvetage financier en lice. ATOS doit rester française, entière et indépendante, disent dans une tribune transpartisane des parlementaires. Qu'est-ce que vous nous dites ce matin, parce qu'il y a des repreneurs, plusieurs repreneurs, pour cette entreprise française, est-ce qu'il faut faire attention aux actifs français et stratégiques ?
BRUNO LE MAIRE
Oui, bien sûr. ATOS c'est une entreprise de 10 000 salariés, qui a des activités de gestion informatique, que font d'autres entreprises françaises, et puis des activités qui sont très stratégiques parce qu'elles ont trait à la cybersécurité, au super calculateur et aux questions nucléaires. Ça fait des mois que je suis le dossier ATOS. J'ai pris toutes les décisions nécessaires depuis des mois pour l'accompagner avec le comité interministériel aux restructurations, pour apporter un prêt de 500 millions d'euros, pour sécuriser les actifs stratégiques, j'ai pris la décision de marquer mon intention de reprendre le contrôle de toutes les activités stratégiques d'ATOS, le super calculateur, la cybersécurité, et tout ce qui a trait aux activités militaires d'ATOS. Il reste un élément très important, c'est ce qu'on appelle le contrôle commande des centrales nucléaires françaises…
LAURENCE FERRARI
Stratégique.
BRUNO LE MAIRE
Qui est absolument stratégique, donc il n'est pas question que ce contrôle commande des centrales nucléaires puissent désormais partir je ne sais trop où, elle doit rester sous le contrôle de la puissance publique, et je ferai en sorte que le contrôle commande des centrales nucléaires qui aujourd'hui est dans ATOS, pas encore dans le périmètre que nous avons sécurisé, soit dans le périmètre que nous avons sécurisé, qui restera sous le contrôle de la puissance publique, ça peut être EDF, ou une entreprise proche d'EDF, qui reprenne le contrôle des activités stratégiques, mais j'ai toujours dit que dans ATOS toutes les activités stratégiques resteraient sous le contrôle de la puissance publique, je vous confirme que toutes les activités stratégiques resteront sous le contrôle de la puissance publique, y compris les commandes de contrôle de nos centrales nucléaires.
LAURENCE FERRARI
Annonce importante ce matin Bruno LE MAIRE. La campagne des européennes, elle a débuté officiellement hier, Jordan BARDELLA est au-dessus de 30% d'intentions de vote, à deux semaines du scrutin quel est votre objectif, est-ce que vous aussi vous proposez peut-être un débat pour aider le soldat HAYER, Valérie HAYER ?
BRUNO LE MAIRE
C'est à chacun… des débats il y en a beaucoup, il y en avait encore un hier soir, c'est très bien d'ailleurs, ça permet de présenter les projets des uns et des autres, moi je fais campagne sur le terrain, je serai mercredi à Lille, avec Gérald DARMANIN, avec Violette SPILLEBOUT, lundi prochain à Toulouse, donc je continue à être sur le terrain. Je pense qu'il faut…
LAURENCE FERRARI
Est-ce qu'il faut sauver le soldat Valérie HAYER ?
BRUNO LE MAIRE
Il faut surtout se battre pour avoir le meilleur résultat possible le 9 juin. C'est un scrutin à un seul tour, je le rappelle parce que beaucoup ne le savent pas, c'est un scrutin qui est important, comme tous les scrutins, il n'y a pas des scrutins importants, des scrutins secondaires. Et en troisième lieu le grand enjeu c'est de savoir comment est-ce que la France se voit, est-ce qu'elle se voit comme une puissance qui pèse encore en Europe, qui va pouvoir faire bouger les lignes, comme je l'ai dit, sur l'industrie, sur la politique économique, sur la fiscalité internationale, ou est-ce que la France se place en retrait, en défensive, par rapport à l'Union européenne ? Eh bien moi je souhaite une France à l'offensive, une France acteur et pas spectateur, c'est ça qui se joue le 9 juin, pour ça on a besoin que notre électorat se mobilise totalement, beaucoup plus qu'il ne le fait aujourd'hui.
LAURENCE FERRARI
Est-ce que c'est en disant, comme Emmanuel MACRON l'a dit hier en Allemagne, " ce vent mauvais souffle en Europe, alors réveillons nous ", est-ce que vous pensez que c'est avec ce type d'arguments moraux que l'on va combattre le Rassemblement national ?
BRUNO LE MAIRE
Ce n'est pas simplement un argument moral, c'est un appel au réveil, moi je partage cet appel au réveil.
LAURENCE FERRARI
Pourquoi ?...
BRUNO LE MAIRE
Il faut que notre électorat se réveille, se mobilise, et comprenne que le 9 juin, si notre électorat souhaite que nous continuions à porter une voix claire, forte, offensive en Europe, on a besoin d'électeurs et on a besoin de députés, si on ne les a pas pour mener la politique économique que nous défendons, pour continuer à se battre pour une fiscalité internationale plus juste, ça va être beaucoup plus compliqué parce que je n'aurai pas les troupes nécessaires au Parlement.
LAURENCE FERRARI
Mais, est-ce que ça veut dire, Bruno LE MAIRE, que le Rassemblement national, menace l'Union européenne, pour vous ? C'est ça le message, en creux ?
BRUNO LE MAIRE
Mais parce que le Rassemblement national n'a jamais cru dans l'Union européenne. Enfin, pardon, c'est une évidence. Il change d'idée comme de chemise. Un jour, il vous dit " Ce n'est pas l'euro qu'il faut, c'est un panier de monnaie. Et puis finalement, je reviens à l'euro parce que c'est devenu populaire ". Il vous invente des doubles frontières, auxquelles ne n'ai strictement rien compris, c'est une idée fumeuse et totalement incompréhensible. Donc ce n'est pas un parti qui a une cohérence et une colonne vertébrale européenne. Le Rassemblement national n'a pas de colonne vertébrale. C'est un parti qui est opportuniste, chacun l'a compris. Maintenant, si ceux qui croient dans la place de la France en Europe, la capacité à faire bouger concrètement les lignes pour défendre nos usines, pour défendre nos ouvriers, pour défendre l'innovation, pour défendre la place de l'Europe dans l'intelligence artificielle, qui va bouleverser complètement les équilibres géopolitiques, si ceux qui croient en ça, restent dormir le 9 juin ou partent à la pêche ou partent en week-end, on est mal barré ! Donc je leur dis à eux aussi : réveillez-vous ! Vous croyez en l'Europe ? Vous croyez dans une France forte ? Vous croyez dans une France qui joue un jeu égal en Europe, avec la Chine, avec les Etats-Unis ? Eh bien, prenez au moins deux minutes, le 9 juin, scrutin à un seul tour, pour aller voter et nous soutenir. Après, il sera trop tard.
LAURENCE FERRARI
Encore une fois, Valérie HAYER, quand elle dit : " Jordan BARDELLA, Marine LE PEN, sont à la tête d'un parti politique fondé par Pierre BOUSQUET, caporal de la Waffen-SS ". C'est encore avec ce type d'arguments que vous allez motiver vos électeurs à aller dans les urnes ?
BRUNO LE MAIRE
Je crois qu'on motivera nos électeurs en leur disant...
LAURENCE FERRARI
En diabolisant ?
BRUNO LE MAIRE
En leur disant très simplement : il y a une majorité qui depuis cinq ans, a totalement fait bouger les lignes en Europe, et si aujourd'hui vous avez de l'industrie, de nouvelles filières industrielles, si on innove, si l'Europe peut être un champion d'intelligence artificielle, c'est parce que la France a pesé en Europe. Vous croyez en ça ? Vous croyez dans une France qui est debout, qui a une colonne vertébrale, qui a une cohérence, qui est respectée, qui agit, qui décide ? On a besoin de vos voix. Et si après vous n'êtes pas contents parce que l'Europe ne fait pas ce que vous souhaitez, qu'elle ne vous protège pas, qu'elle ne défend pas vos frontières, qu'elle ne réindustrialise pas, qu'elle ne pèse pas dans la politique commerciale face à la Chine, vous n'aurez à vous en prendre qu'à vous, parce que vous n'êtes pas allé voter.
LAURENCE FERRARI
Bruno LE MAIRE, pourquoi vous n'êtes pas allé aux élections européennes ? Pourquoi vous n'êtes pas candidat de la liste Renaissance ?
BRUNO LE MAIRE
Pour une raison qui est simple...
LAURENCE FERRARI
C'était trop dangereux ?
BRUNO LE MAIRE
Absolument pas. Je n'ai jamais eu peur du risque. Moi, j'aime beaucoup le risque. En revanche, j'essaie d'être toujours cohérent et sincère dans mes engagements politiques. J'ai dit par exemple que je ne ferai que trois mandats électoraux dans mon département de l'Eure, eh bien quand est arrivé le quatrième, j'aurais bien aimé le faire, je ne l'ai pas fait. Je n'ai pas...
LAURENCE FERRARI
Mais là, ce n'est pas un enjeu important, l'Europe ?
BRUNO LE MAIRE
C'est un enjeu très important, c'est pour ça que je me mobilise. Mais quand on ne souhaite pas être député européen, on n'est pas candidat sur la liste aux élections européennes. C'est aussi simple que ça. Moi, vous savez, les petits malins qui vous disent " je vais être candidat, et comme ça je vais gagner en notoriété. Mais ensuite je ne siégerai pas au Parlement européen ". Très peu pour moi. Cette politique-là, je la vomis. Moi, j'aime les engagements clairs et fermes. Je suis engagé totalement pour la majorité, totalement aux côtés du président de la République, totalement comme ministre de l'Economie et des Finances. Dieu sait que j'ai du pain sur la planche. Je n'ai pas envie de changer de planche.
LAURENCE FERRARI
Merci Bruno LE MAIRE.
BRUNO LE MAIRE
Merci à vous.
LAURENCE FERRARI
C'était votre Grande interview, sur CNews et sur Europe 1.
Source : Service d'information du Gouvernement, le 28 mai 2024