Texte intégral
APOLLINE DE MALHERBE
Bonjour Gérald DARMANIN.
GERALD DARMANIN
Bonjour.
APOLLINE DE MALHERBE
Merci d'être mon invité ce matin. Vous êtes le ministre de l'Intérieur, ministre démissionnaire, on va bien sûr parler aussi de l'avenir politique, une coalition est-elle possible et avec qui. Mais d'abord, on l'a appris hier soir, un gendarme est mort à Mougins, dans les Alpes Maritimes, tué dans un refus d'obtempérer. Le chauffard a été interpellé cette nuit. Est-ce que vous pouvez nous en dire plus ?
GERALD DARMANIN
Eh bien, hier, il y a eu un contrôle de police avec la police municipale à l'entrée de l'autoroute A8, effectivement sur la commune de Mougins, dans les Alpes-Maritimes, comme les gendarmes, les policiers en font énormément, quelqu'un ne s'est pas arrêté, a foncé sur eux. Manifestement, il a été retrouvé alors qu'on avait très peu d'éléments. Donc je voudrais vraiment remercier les gendarmes, la police scientifique et judiciaire qui a pu retrouver très vite cette personne à 4h30 du matin, elle a été interpellée. Il s'agit d'un Capverdien, qui est étranger régulier sur le sol national, qui avait son permis de conduire, mais qui avait de nombreux faits de délits routiers, notamment de refus d'obtempérer. Ce n'est pas la première fois, moi, je suis heureux qu'il ait été très rapidement interpellé. Mais j'ai évidemment une pensée pour tous les gendarmes, pour tous les policiers, pour Eric COMYN, c'est un gendarme de 54 ans qui a deux enfants, voilà, qui est mort d'arrêt respiratoire sur une aire d'autoroute parce qu'il faisait son métier pour nous protéger, pour arrêter un chauffard.
APOLLINE DE MALHERBE
Gérald DARMANIN, vous dites, il était connu pour de nombreux faits, délits dont refus…
GERALD DARMANIN
De délits routiers, oui…
APOLLINE DE MALHERBE
Donc délit d'obtempérer. Ça veut dire que c'est une récidive de délit d'obtempérer ?
GERALD DARMANIN
Manifestement, moi, je n'ai pas les condamnations judiciaires. Je n'ai que les inscriptions que la police et la gendarmerie faisaient sur ce qu'on appelle son casier, le TAJ, effectivement, à plusieurs reprises depuis quelques années, il était un délinquant de la route.
APOLLINE DE MALHERBE
Les refus d'obtempérer, ils tuent. Ils ont tué hier soir, ils ont tué parfois ceux qui refusent d'obtempérer. On pense évidemment à Nahel. Ils tuent parfois aussi des passants qui se trouvent sur ces courses poursuites. Comment cesser ce que certains policiers appellent un véritable fléau ?
GERALD DARMANIN
Il y en a 25.000 par an en moyenne. Il y a eu des pics, jusqu'en 2021, c'était 27.000, 28.000. Ça a un tout petit peu baissé. On est autour de… entre 20.000 et 23.000 les trois dernières années, mais c'est très…, effectivement, très nombreux, ces refus d'obtempérer, ce qu'on appelle des rodéos urbains en voiture, en quad, en moto. Et je pense que le mieux pour les arrêter, c'est que les gens s'arrêtent quand la police et la gendarmerie leur demandent de s'arrêter. C'est un discours qu'on doit tous tenir. Quand un policier, un gendarme, un policier municipal vous dit de vous arrêter, vous devez vous arrêter. Et vous savez, sur ces 25.000 en moyenne refus d'obtempérer par an, ce qui fait effectivement beaucoup de mises en danger des autres, il y en a 5.000 qui touchent directement les policiers, les gendarmes, les citoyens qui passent sur le passage piétons à côté. Et il y a malheureusement beaucoup de morts. Vous savez, quand je suis devenu ministre de l'Intérieur, ça fait maintenant plus de quatre ans, l'un de mes premiers actes a été d'aller voir une famille, celle de Romain BOULENGE, un policier de Lille, qui est mort par un accident de la route mortel, et qui est en fait, me semble-t-il, pour moi, un acte de crime. Parce que ce qui s'est passé hier, ce n'est pas un refus d'obtempérer classique, ce n'est pas simplement, je n'ai pas voulu arrêter ma voiture, c'est un crime.
APOLLINE DE MALHERBE
Il a foncé délibérément sur le gendarme qui tentait de l'arrêter.
GERALD DARMANIN
Je n'étais pas là. La justice dira si c'est volontaire ou involontaire. En tout cas, c'est un acte criminel, c'est incontestable. Un père de famille est mort. Il était… il avait l'uniforme de la République. On ne pouvait manifestement pas le louper. Il n'était pas en course-poursuite, ce gendarme. Il faisait, ce que nous avons tous vu quand nous conduisons notre voiture, un contrôle routier dans une entrée d'autoroute avec la police municipale, et quelqu'un a commis un acte criminel, qui est de tuer ce gendarme.
APOLLINE DE MALHERBE
Gérald DARMANIN, il était sur le chemin de la gendarmerie, il l'envisageait de se rendre de lui-même ?
GERALD DARMANIN
Manifestement, depuis 3h du matin, il y avait un encerclement du site, puisqu'il avait été géolocalisé grâce à la téléphonie notamment. Il y avait des hélicoptères, pardon, d'ailleurs pour les habitants de ces communes, qui quadrillaient avec une centaine de gendarmes, le terrain, les communes aux alentours. Et manifestement, de ce que j'en comprends, il allait se rendre à la brigade de gendarmerie ou au commissariat de police.
APOLLINE DE MALHERBE
Ce que vous laissez entendre, c'est qu'il allait peut-être se rendre aussi parce qu'il se savait traqué et cerné…
GERALD DARMANIN
C'est à peu près certain.
APOLLINE DE MALHERBE
Gérald DARMANIN, un mot encore de ces attaques qui sévissent. Il y a eu des attaques à Grenoble, il y a eu des attaques en centre-ville de Besançon, une fusillade en plein jour en centre-ville. Et puis, il y a eu le retour du terrorisme, puisque c'est le Parquet antiterroriste qui s'est chargé de l'affaire avec l'attaque de la synagogue de la Grande-Motte. Est-ce qu'aujourd'hui, vous en savez un peu plus sur les motivations et peut-être les complicités du terroriste, a-t-il agit seul ?
GERALD DARMANIN
Alors, ce qui s'est passé à la Grande-Motte, encore une fois, est évidemment ignoble, et je voudrais le répéter, l'augmentation de 200% des actes antisémites depuis ce 1er janvier, c'est-à-dire qu'on voit bien que nos compatriotes juifs subissent des actes répétés contre les personnes, contre les lieux, contre les lieux de culte. D'ailleurs, je veux dire que je suis ministre de l'Intérieur, sans doute encore pour quelques jours, mais, je vais avoir un oeil tout particulier pour, comme je l'ai toujours fait, les vendredis et samedis pour le shabbat, et lundi pour la rentrée scolaire, notamment autour des écoles juives. Ils peuvent être assurés de la protection totale de la République.
APOLLINE DE MALHERBE
Ça veut dire, pardon, Gérald DARMANIN, que vous anticipez, vous, une montée, voire même un passage à l'acte dans les jours qui viennent. Quand vous dites le shabbat, c'est cette fin de semaine. Quand vous dites la rentrée des classes, c'est lundi. On sait que depuis l'attaque de la synagogue, il y a également un homme qui a été interpellé avec un couteau, qui menaçait une femme juive, qui avait planté un couteau, vraisemblablement devant un magasin casher.
GERALD DARMANIN
Et c'est manifestement quotidien. Je pense qu'il faut être aveugle pour ne pas le voir.
APOLLINE DE MALHERBE
Cette arrestation, c'était hier dans le Val-de-Marne, de cet homme avec son couteau…
GERALD DARMANIN
Vous savez, avec le président du CRIF ou du Consistoire, malheureusement, nous nous retrouvons souvent devant des synagogues brûlées. Je pense à celle de Rouen, il n'y a pas si longtemps que ça, devant des attaques contre des rabbins. C'était par exemple à Levallois-Perret, il n'y a pas si longtemps que ça, et devant des écoles juives, qui ont besoin de sécuriser, il y a des enfants qui, vous le savez bien, sortent du système scolaire classique pour aller dans des écoles plus sécurisées. Les écoles juives elles-mêmes ont besoin d'être sécurisées. Les policiers, les gendarmes sont tous les jours devant les écoles confessionnelles, devant les synagogues, dans les rues qu'on pourrait qualifier de communautaires, où il y a des quartiers communautaires, des commerces communautaires, pour protéger nos compatriotes juifs. Mais c'est évident. Et ne pas le voir, ne pas voir cet antisémitisme qui est à la fois nourri par la haine d'Israël, et la haine juive tout simplement, qui touche toute l'Europe, bien évidemment, mais qui nous touche, évidemment, nous, qui avons la première communauté juive d'Europe, c'est évidemment être aveugle. Donc cet acte terroriste…
APOLLINE DE MALHERBE
Le profil de cet homme qui s'était drapé dans un drapeau palestinien qui s'était couvert la tête d'un keffieh…
GERALD DARMANIN
Aujourd'hui, il est en garde à vue à la DGSI, effectivement, les magistrats antiterroristes, entre guillemets, l'interrogent et voient avec les services spécialisés quelles ont été ses complicités éventuelles. Mais il est certain que c'est incontestablement sa haine d'Israël qui l'a poussé à cela. Il avait une activité assez soutenue sur les réseaux sociaux, et je crois qu'il a été encouragé par ce que d'autres appellent le djihadisme d'atmosphère, pour ce qui concerne l'islamisme radical. Mais il y a une haine d'Israël, d'atmosphère, incontestable, qui est portée par certains discours politiques notamment, on verra le lien qui sera fait par les magistrats eux-mêmes. Mais ce contexte…
APOLLINE DE MALHERBE
Vous estimez aujourd'hui qu'il y a un terrorisme ou un antisémitisme d'atmosphère, pour reprendre les mots de monsieur KEPEL, qui parlait du djihadisme d'atmosphère. Gérald DARMANIN, vous considérez aujourd'hui que c'est nourri par certaines forces politiques ?
GERALD DARMANIN
Mais évidemment…
APOLLINE DE MALHERBE
Lorsque le président du CRIF hier parle de Jean-Luc MELENCHON comme d'un pompier pyromane, vous reprendriez cette expression ?
GERALD DARMANIN
Je ne suis pas là pour dénoncer les arguties des uns ou des autres. En tout cas, ce qui est sûr, c'est qu'il y a un discours politique qui peut rendre légitimes sans doute des passages à l'acte pour des personnes comme ce monsieur, je ne sais pas si c'est le cas précis pour ce monsieur, mais c'est le cas, en tant que ministre de l'Intérieur, je le vois tous les jours, les propos de madame HASSAN, les propos de certains dirigeants politiques…
APOLLINE DE MALHERBE
Rima HASSAN…
GERALD DARMANIN
Malheureusement, poussent sans doute des personnes à faire ce genre d'actes ignobles. Mais vous savez ce qui a été terrible dans La Grande-Motte, bien sûr, le lieu est un lieu sacré, celui de la synagogue, comme celui d'une mosquée ou d'une église. Mais c'est que le rabbin était attendu avec une hache. Ça aurait pu être un drame absolument ignoble ce qui s'est passé à la Grande-Motte si les gendarmes n'étaient pas arrivés très vite. Donc, il faut faire attention tous les jours, et je sais la peur de nos compatriotes juifs, et je veux leur dire que la République, par le ministère de l'Intérieur, les protège et les protégeront.
APOLLINE DE MALHERBE
Gérald DARMANIN. Je vois que vous avez remis une cravate en tant que ministre de l'Intérieur dans ces circonstances évidemment dramatiques…
GERALD DARMANIN
Eh bien, un gendarme est mort, oui…
APOLLINE DE MALHERBE
Dans ces circonstances dramatiques, vous l'aviez enlevée ces derniers temps, parce que c'était déjà un autre temps politique. Je voudrais qu'on en vienne à cette politique. Emmanuel MACRON qui a annoncé hier écarter le Nouveau Front populaire pourtant arrivé en tête, est-ce que vous comprenez ?
GERALD DARMANIN
Mais le Président de la République, il a fait des consultations. Et ce que je ne comprends pas, c'est pourquoi des partis politiques de gouvernement, je pense au Parti socialiste, ne répondent pas de nouveau à ces consultations aujourd'hui.
APOLLINE DE MALHERBE
Ils ont annoncé leur refus d'y aller. Olivier FAURE, le patron du Parti socialiste, refuse, je cite, d'être complice d'une parodie de démocratie. Lucie CASTETS appelle les gens à se mobiliser face à ce déni de démocratie.
GERALD DARMANIN
Madame CASTETS, avec tout le respect qu'on lui doit, elle ne s'est pas présentée aux élections législatives. Elle n'a pas été élue députée, elle ne s'est même pas présentée au suffrage des électeurs. Le Front populaire n'a pas présenté madame CASTETS avant de se présenter devant les électeurs comme étant la future Première ministre. Et d'ailleurs, la Constitution de la 5ème République depuis 1958 prévoit que c'est le président de la République qui nomme le Premier ministre. Ce ne sont pas les partis politiques qui décident comme ça de dire qui est le Premier ministre. Personne n'a gagné ces élections législatives. Le camp présidentiel…
APOLLINE DE MALHERBE
Mais enfin, il y en a un qui arrive en tête quand même, personne n'a gagné, mais enfin, il y a un numéro un…
GERALD DARMANIN
Non, attendez, arrivé en tête au premier tour, c'était le Front national. Il ne faut pas l'oublier, 11 millions de voix…
APOLLINE DE MALHERBE
Oui, mais ça se joue au deuxième tour quand même, les élections, Gérald DARMANIN…
GERALD DARMANIN
Non, non, attendez, il y a eu 11 millions de voix qui ont voté pour le Front national. Moi, je ne veux pas les mépriser, les électeurs du Front national. Ils disent tous quelque chose de notre incapacité, de nos difficultés et de notre défaite. Il y a eu des désistements entre les deux tours. J'ai moi-même dit d'ailleurs je n'étais pas très favorable à cette politique de désistement. Mais dont acte, ça a été fait. Les gens se sont désistés et n'ont pas voté forcément pour avoir madame Lucie CASTETS, Premier ministre, il faut que chacun reste raisonnable, peu prétentieux, et sans doute un peu modeste…
APOLLINE DE MALHERBE
Oui, mais pour avoir qui, pour avoir un Premier ministre tout de même ?
GERALD DARMANIN
Nous avons des consultations. Qu'a dit le président de la République cet été ? Il faut que les partis politiques, les groupes politiques se parlent. Manifestement, ils ne se sont pas beaucoup parlé, ils n'ont pas beaucoup trouvé ensemble une solution. Qu'a dit le Nouveau Front Populaire au président de la République qui les a reçus ? C'est tout notre programme, rien que notre programme. Il n'y a pas de majorité pour ça. Il n'y en a pas. Indépendamment de ce qu'on pense du programme du Nouveau Front Populaire, et j'en pense le plus grand mal…
APOLLINE DE MALHERBE
Mais est-ce qu'il ne fallait pas les laisser au moins le tenter ? Ils disent : mais, laissez-nous notre chance. Nous sommes arrivés en tête, on verra bien, si, ensuite, il faut discuter et trouver d'autres majorités, une fois qu'on est dans la place…
GERALD DARMANIN
Mais les institutions de la République, ce n'est pas un jeu. Tous les partis politiques qui n'appartenaient pas au Nouveau Front Populaire, qui représentent à peu près 350 députés, plus largement plus de la moitié de l'hémicycle, on dit qu'ils censuraient le jour même de la nomination du gouvernement.
APOLLINE DE MALHERBE
Oui, enfin, vous dites que ce n'est pas un jeu, mais on est bien d'accord, l'argument d'Emmanuel MACRON aujourd'hui, c'est la question de la stabilité. Je cite : stabilité institutionnelle. Mais si vous voulez la stabilité institutionnelle, il ne fallait pas dissoudre.
GERALD DARMANIN
Le gouvernement du Nouveau Front Populaire n'a aucune chance, aucune chance de prospérer plus d'une journée. Tout le monde l'a dit à la sortie de l'Elysée. Il faut donc raison garder. Le président de la République n'a pas écarté les socialistes ou les communistes des responsabilités politiques. Il a écarté, et fort heureusement, la France Insoumise, qui est un parti dangereux, chacun le voit, à la fois, pour des questions d'antisémitisme ou de respect des forces de l'ordre. Je pense que c'est le minimum qu'on doit attendre, me semble-t-il, d'un parti de gouvernement, c'est de ne pas s'allier avec La France Insoumise. Une fois que nous avons une discussion avec des socialistes, on parle aujourd'hui de monsieur CAZENEUVE par exemple, mais pourquoi pas ? Monsieur CAZENEUVE est un homme respectable, il ne fait pas partie de ma famille politique, moi, je l'ai jadis combattu. Mais je constate que c'est un grand républicain laïque, on pourrait très bien discuter d'une coalition avec un socialiste comme monsieur CAZENEUVE…
APOLLINE DE MALHERBE
Le souhaite-t-il ? Est-ce que vous savez si les échanges ont commencé avec Bernard CAZENEUVE ?
GERALD DARMANIN
Je ne le sais pas, non, je n'ai pas eu de contact récemment avec Bernard CAZENEUVE, en tout cas pas depuis la dissolution. Mais c'est un travail que ce qui se fait sans doute entre le président de la République et lui…
APOLLINE DE MALHERBE
Et si, tirons ce fil, tirons ce fil, puisqu'à un moment, il quand même essayer d'imaginer un scénario de la suite, Gérald DARMANIN…
GERALD DARMANIN
Donc le président de la République n'écarte pas les socialistes. Vous avez bien compris, il écarte le Nouveau Front Populaire qui n'a pas de majorité…
APOLLINE DE MALHERBE
Bernard CAZENEUVE, Premier ministre, vous pourriez rester, vous pourriez rester quelques temps dans ce gouvernement, d'ailleurs, c'était votre prédécesseur à Beauvau ?
GERALD DARMANIN
Mais, d'abord, moi, j'ai beaucoup de respect pour Bernard CAZENEUVE, qui est un grand républicain, une nouvelle fois, et qui était un grand ministre de l'Intérieur, qui respecte les forces de l'ordre. Mais ce n'est pas moi qui décide les membres du gouvernement, c'est le Premier ministre qui le propose au président. On n'en est pas du tout là. Moi, je fais mon travail pour aujourd'hui, et je crois que vous avez vu que l'actualité est au rendez-vous, pour être au rendez-vous de la sécurité des Français. Mais l'exemple que je vous donne, c'est que le président de la République, il n'écarte pas le fait que quelqu'un d'autre que sa famille politique préside aux destinées du gouvernement, même si c'est un socialiste ou si c'est Xavier BERTRAND, pour le côté de la droite…
APOLLINE DE MALHERBE
Pourquoi pas, pourquoi pas Xavier BERTRAND ? Vous diriez la même chose que vous disiez à l'instant sur Bernard CAZENEUVE ?
GERALD DARMANIN
Mais que fait le président de la République ? Il essaie, dans un contexte où personne n'a gagné ces élections, où personne n'a de majorité, alors que la 5ème République, c'est le fait majoritaire, c'est la première fois qu'il n'y a pas de fait majoritaire à ce point, de trouver non pas une majorité pour, mais qu'il n'y ait pas une majorité contre, pour que nous ayons un budget, pour que les fonctionnaires soient payés, pour que la voix de la République soit portée à l'extérieur. Il y a des grands sujets, la rentrée scolaire, le soutien que nous devons à nos forces de l'ordre, l'hôpital public, l'aide évidemment à tous nos concitoyens qui sont en difficulté. Personne n'accepterait que nous ne puissions pas payer les fonctionnaires, que l'hôpital public ne fonctionne pas, et que la voix de la France ne soit pas entendue…
APOLLINE DE MALHERBE
Vous avez été ministre des Comptes publics, Gérald DARMANIN, vous êtes aujourd'hui ministre de l'Intérieur. Est-ce que s'il n'y a pas de budget, est-ce que si cette situation d'incertitude perdure, les fonctionnaires, les policiers seront payés ?
GERALD DARMANIN
Eh bien, il faut que nous ayons un gouvernement d'ici la fin du mois, très certainement, puisque le 1er octobre, le Parlement se réunit et commence à étudier le budget, le Parlement modifiera le budget proposé par le gouvernement. Bien évidemment, c'est la loi démocratique, et il faut qu'avant le 31 décembre, nous ayons un budget, si le gouvernement tombe, comme ça aurait été le cas si madame CASTETS avait été nommée Première ministre, puisque dès le lendemain, ce gouvernement aurait été nul et non avenu. Et nous sommes rentrés dans une crise institutionnelle. C'est ce qu'a dit le président de la République. Effectivement, le danger est grave que la France se fasse attaquer sur les marchés financiers…
APOLLINE DE MALHERBE
Mais on n'est pas déjà dans une crise institutionnelle…
GERALD DARMANIN
Et le danger…
APOLLINE DE MALHERBE
Enfin, c'est quand même étrange…
GERALD DARMANIN
Mais, crise institutionnelle, pour l'instant…
APOLLINE DE MALHERBE
Provoquée par qui ?
GERALD DARMANIN
Pardon, pardon, mais les Jeux Olympiques se sont déroulés. On a pu accueillir le monde sans aucun problème.
APOLLINE DE MALHERBE
Tout à fait.
GERALD DARMANIN
Nous avons tous passé, pour ceux qui ont pu en prendre, quelques vacances en toute sécurité. Les gens qui ont pu être soignés ont été soignés. La rentrée scolaire se passera. Nous accueillons les Jeux paralympiques désormais…
APOLLINE DE MALHERBE
Donc ça peut durer ?
GERALD DARMANIN
Non, mais aujourd'hui, il n'y a pas d'instabilité institutionnelle. L'instabilité institutionnelle, c'est si les gouvernements ne peuvent pas passer plus d'une journée en responsabilité. Madame CASTETS n'avait aucune chance. Ce n'est pas le président de la République qui l'a décidé ainsi. Ce sont les autres forces politiques qui représentent une majorité contre eux qui lui ont dit à l'Elysée. Il les a reçues, il a pris son temps, il les reçoit à nouveau. C'est un homme qui écoute…
APOLLINE DE MALHERBE
Mais maintenant, on sait que le Parti socialiste dit non, on sait que le Parti communiste dit non, on sait qu'Europe Ecologie disent non. Ils ont dit non ce matin…
GERALD DARMANIN
Vous êtes bien d'accord que tout le monde n'est pas totalement d'accord au Parti socialiste, il y a la position de Monsieur FAURE…
APOLLINE DE MALHERBE
Il y a celle de Monsieur GLUCKSMANN…
GERALD DARMANIN
Je la trouve, je la trouve assez irrespectueuse des institutions parce que je pense que quand le président de la République propose des consultations, la moindre des choses, c'est d'y aller, quitte à dire qu'on n'est pas d'accord, évidemment. Je ne comprends pas la position, d'un grand parti de gouvernement comme le Parti socialiste. Il y a plein d'élus encore ce matin, en lisant rapidement le journal, de grands élus socialistes qui disent : " Ce n'est pas tout à fait normal, cette position ". Est-ce que…
APOLLINE DE MALHERBE
Vous espérez donc qu'une partie du Parti socialiste, éventuellement, rejoigne cette proposition de coalition ?
GERALD DARMANIN
Mais je pense que ce serait une bonne chose. Nous nous sommes mis d'accord pour lutter contre le Rassemblement national. On était d'accord sur l'essentiel. Pourquoi aujourd'hui on ne serait pas d'accord alors qu'il faudrait sans doute affirmer la laïcité, soutenir nos forces de l'ordre, soutenir notre économie, redonner le pouvoir d'achat à nos concitoyens ? On est contre le fait que la Russie gagne la guerre en Ukraine et on est pour la paix au Proche-Orient. On pourrait se mettre d'accord sur un minimum, c'est ça une coalition, ce n'est pas parfait, ce n'est pas tout à fait ce que nous pensons, chacun d'entre nous, mais ça permet à la France de fonctionner, c'est ce qu'ont voulu les Français en finalement de ne donner le pouvoir ni à Monsieur MELENCHON, ni à Madame Le PEN. Pourquoi aujourd'hui Monsieur FAURE préfère l'alliance avec Monsieur MELENCHON que l'alliance avec les partis de Gouvernement de la majorité, de l'ex-majorité ? Il y a quelque chose qui ne va pas. Donc, aujourd'hui, le président de la République est dans sa responsabilité de pouvoir trouver un/une Première ministre qui pourra ne pas avoir immédiatement une majorité contre elle ou contre lui.
APOLLINE DE MALHERBE
Sauf que, à cela, je le disais, ils ont non seulement répondu non, mais ils passent même à l'attaque, en quelque sorte, avec une menace de destitution qui est lancée par la France Insoumise et un appel à la grande mobilisation. Ça, c'est ce que Fabien ROUSSEL a immédiatement lancé hier soir.
GERALD DARMANIN
Mais ils ne sont pas d'accord entre eux. J'ai entendu ce matin Monsieur FAURE lui-même dire qu'il n'était toujours pas d'accord avec la proposition de destitution de Monsieur MELENCHON. D'abord cette alliance de bric et de broc, finalement…
APOLLINE DE MALHERBE
Mais elle tient, elle tient cette alliance.
GERALD DARMANIN
Elle ne tient rien du tout. Ils ne se sont pas mis d'accord pour pouvoir ouvrir un minimum, leur projet, leur Gouvernement, pour tenir une coalition qui aurait une majorité à l'Assemblée nationale. Ça n'a pas de sens, et j'ai beaucoup de respect pour Monsieur ROUSSEL et Monsieur ROUSSEL lui-même sait bien qu'il ne peut pas, puisque lui-même ne parle plus à Monsieur MELENCHON ou gouverner avec Monsieur MELENCHON. D'ailleurs, ce qui se pose aujourd'hui comme question, c'est : est-ce qu'on est d'accord pour se retrouver sur l'essentiel, pour éviter que notre pays aille justement dans une instabilité qui lui coûterait extrêmement cher ? Il n'est pas raisonnable, me semble-t-il, de vouloir absolument exiger de pouvoir, quand on n'a pas les moyens d'appliquer le programme pour lequel on n'a pas de majorité.
APOLLINE DE MALHERBE
Quel sera votre rôle à vous, Gérald DARMANIN ? Qu'est-ce que vous demandez, y compris à la famille dont vous venez, la famille de la droite ?
GERALD DARMANIN
Moi, je pense qu'il faut que chacun soit raisonnable. On peut se mettre d'accord sur un certain nombre de sujets pour faire avancer notre pays, on sait qu'ils sont urgents, on n'est pas d'accord sur tout, je pense qu'un grand acte de décentralisation est nécessaire. Il est évident qu'il nous faut un budget qui nous permette de continuer à soutenir ce qu'on appelle l'Etat régalien, la justice, la police et me semble-t-il, l'Éducation nationale qui a besoin de moyens très importants pour nos enfants. Je pense qu'il y a des réformes qu'il faut que nous portions incontestablement.
APOLLINE DE MALHERBE
Et quelle serait votre priorité ?
GERALD DARMANIN
Le logement, le logement, moi, je vois à Tourcoing, il y a 6 000 demandes de logements en attente, voilà une difficulté pour lequel nous n'avons pas su être forcément au rendez-vous. Il y a plein de gens qui attendent pour être logés, qui attendent de pouvoir fonder une famille dans un logement. On sait tous que le logement, c'est 40, 50% parfois de votre salaire qui y passe. Au lieu d'augmenter le pouvoir d'achat immédiatement par du numéraire, il faut peut-être penser aux dépenses contraintes, comme le logement par exemple. Il y a évidemment un sujet de soutien à l'Ukraine.
APOLLINE DE MALHERBE
Et vous y croyez ? Vous pensez que cette coalition peut, peut dans les jours qui viennent ? Cela peut durer combien de temps ?
GERALD DARMANIN
Ça, je pense que ça dépend du pragmatisme des femmes et des hommes politiques et de leur responsabilité. Vous savez, par exemple, dans cette question du logement, moi, j'étais un maire de droite à Tourcoing, mais je pense qu'il y a plein de maires de gauche qui sont absolument d'accord avec moi, je pense que le maire de Rouen, la maire de Nantes, le maire de Marseille, peut-être même la maire de Paris, on a eu des problèmes de maires, on est capables de se mettre d'accord pour dire : " Il faut construire des avantages. "
APOLLINE DE MALHERBE
Ce que vous arrivez parfois à faire d'ailleurs dans les municipalités, des alliances de circonstance, vous pourriez le faire ?
GERALD DARMANIN
Mais j'ai porté, j'ai porté, personnellement plusieurs lois à l'Assemblée nationale et au Sénat, j'ai mets la loi immigration de côté qui était plus clivante, mais toutes les lois que j'ai portées ont été votées par la gauche. J'ai réussi à donner des moyens supplémentaires à la police, la gendarmerie, la demande du président de la République avec les voix du Parti socialiste. Nous avons fait voter des lois qui nous ont aidés, me semble-t-il, à organiser ces Jeux olympiques avec les voix du Parti socialiste. J'ai organisé à Paris les Jeux olympiques avec un maire de Paris sous l'autorité du président de la République.
APOLLINE DE MALHERBE
Et une dernière question là-dessus, justement…
GERALD DARMANIN
Avec la maire de Paris socialiste, on n'y arrive, on n'est pas d'accord, sur tout avec Anne HIDALGO. Moi, je ne suis pas devenu socialiste, mais sur l'essentiel, quand l'essentiel est en jeu, comme De GAULLE en 1958, on peut se mettre d'accord, me semble-t-il.
APOLLINE DE MALHERBE
Et dans ce contexte, les Jeux paralympiques commencent demain. Est-ce qu'il y a encore un pilote dans l'avion ? Est-ce que vous êtes confiant sur la sécurité de cet événement ?
GERALD DARMANIN
Oui, je suis confiant comme on l'a été pendant les Jeux olympiques, même si la menace terroriste est importante. Regardez ce qui s'est passé en Allemagne, regardez ce qui nous est arrivé à La Grande-Motte. Donc, il y a 25 000 policiers et gendarmes mobilisés tous les jours, 10 000 agents de sécurité privés, 8 000 militaires de sentinelle. De nouveau, la sécurité sera extrêmement présente sans être oppressante. Je pense que ça a été la grande réussite des Jeux olympiques de Paris. Il faut être très attentif et pendant une grosse dizaine de jours, nous serons extrêmement attentifs à Paris, en Île-de-France et ailleurs.
APOLLINE DE MALHERBE
Et donc, ce n'est pas le moment de l'instabilité ?
GERALD DARMANIN
Aujourd'hui, il y a des grands préfets, il y a des grands directeurs généraux. Celui qui aura le bonheur d'être ministre de l'Intérieur dans les prochains jours, si jamais le président de la République choisira, il a à la fois des moyens budgétaires, des femmes et des hommes très courageux et je pense, un dispositif qui a fait ses preuves.
APOLLINE DE MALHERBE
Merci, Gérald DARMANIN, d'être venu ce matin, vous le disiez en début de cet entretien, le chauffard qui a tué - le criminel même, dites-vous - qui a tué ce gendarme dans ce refus d'obtempérer, a été arrêté cette nuit. Il était, dîtes-vous, déjà connu pour des délits routiers et notamment des délits d'obtempérer. Merci à vous.
Source : Service d'information du Gouvernement, le 9 septembre 2024