Interview de M. Bruno Retailleau, ministre de l'intérieur, à CNews le 24 septembre 2024, sur la politique en matière de sécurité et d'immigration et le nouveau gouvernement dirigé par Michel Barnier.

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Média : CNews

Texte intégral

SONIA MABROUK
Bonjour Bruno RETAILLEAU.

BRUNO RETAILLEAU
Bonjour Sonia MABROUK.

SONIA MABROUK
Et bienvenue Monsieur le ministre de l'Intérieur à " La grande interview " sur CNews et Europe 1. Vous avez d'ores et déjà effectué votre premier déplacement hier soir au commissariat de La Courneuve, en Seine-Saint-Denis, pour rappeler votre priorité de rétablissement de l'ordre. Tout d'abord sur la méthode, Bruno RETAILLEAU, qu'est-ce qui garantit que vous ne serez pas uniquement dans la communication et dans les coups de menton ?

BRUNO RETAILLEAU
C'est ma volonté, c'est ma volonté, et j'ai toujours fait preuve, dans ma vie politique, de convictions, et j'ai toujours voulu les appliquer. Si je me suis déplacé hier, à La Courneuve, c'est pour aller au milieu de mes troupes et pour saluer des policiers, dont un a été très grièvement blessé, il a malheureusement eu une main fracturée, j'ai voulu leur dire ma solidarité, j'ai voulu leur dire que je ne laisserai rien passé et que, ils font leur travail, et ce travail est un travail réussi parce que même s'il y a eu ce blessé, il y a eu quatre interpellations, donc ma volonté elle sera inflexible, je serai intraitable. J'ai une feuille de route que le Premier ministre m'a donnée, c'est l'efficacité, c'est le rétablissement de l'ordre, les Français, d'ailleurs, nous ont donné leur feuille de route, il faut entendre le message qu'ils nous ont envoyé au premier tour des législatives. Qu'est-ce qu'ils veulent ? Plus de sécurité, moins d'immigration, eh bien moi je suis un démocrate, respectueux du peuple souverain, et donc j'appliquerai cette feuille de route.

SONIA MABROUK
On va parler de votre feuille de route, vous dites que vous serez intraitable, Bruno RETAILLEAU, vous avez d'ailleurs affirmé plus largement que tous ceux qui mettraient une cible dans le dos de nos forces de l'ordre ils vous trouveraient sur leur chemin, qu'est-ce ça veut dire concrètement ? Je prends un exemple précis. Un responsable politique aujourd'hui qui dénigre la police, qui dit que toute la police tue sans distinction, qui affirme qu'elle est raciste, comme le disent certains responsables d'extrême gauche, comment vous réagirez, est-ce que vous allez saisir automatiquement la justice ?

BRUNO RETAILLEAU
Absolument, et là je vais être plus précis et encore plus clair. Toutes celles et ceux qui mettent une cible dans le dos de nos policiers, de nos gendarmes, me trouveront en travers de leur route. Un exemple très concret. Un député, Monsieur Raphaël ARNAULT, qui est par ailleurs fiché S, un Insoumis, fait, il y a deux jours, un tweet, je vais vous lire simplement le début du tweet : " Assassinat de Kanaks par les forces policières, envoyées spécialement à 17 000 kilomètres. " Vous avez ici, mais les auditeurs radio ne le voient pas, ceux qui écoutent CNews le voient, eh bien dans la journée je saisirai le procureur de la République, ça signifie que je porterai plainte.

SONIA MABROUK
Vous estimez qu'à travers cette réaction sur X Raphaël ARNAULT affirme que les policiers ont prémédité, que les forces de l'ordre ont prémédité un meurtre ?

BRUNO RETAILLEAU
Absolument, et je ne laisserai rien passer, et à chaque fois… et en plus c'est un député, on ne peut pas se ceindre d'une écharpe bleu blanc rouge pour avoir de tels comportements, ce genre de comportement est une violence qui est inacceptable. Les policiers, les gendarmes, sont le bouclier de la République, ils protègent les Français, et ils protègent, je le dis dans mon discours, les Français les plus faibles, parce que le problème aujourd'hui, cette demande d'ordre à nos frontières, d'ordre aussi dans la rue, elle n'émane pas de Français les plus riches, elle émane au contraire des Français les plus modestes. Pourquoi ? Parce que, eux, ils n'ont pas les moyens de mettre leurs enfants dans les bonnes écoles, ils n'ont pas les moyens d'habiter les beaux quartiers.

SONIA MABROUK
Monsieur RETAILLEAU, toute parole qui dénigre la police, qui selon vous dénigre la police, vous saisirez automatiquement la justice. Par ailleurs…

BRUNO RETAILLEAU
Exactement, parce que j'estime que rétablir l'ordre, vous me demandez quels sont les moyens pour rétablir l'ordre, eh bien c'est déjà le respect des forces de l'ordre, donc, là-dessus, ne rien laisser passer.

SONIA MABROUK
Il y a un agresseur des forces de l'ordre, là je parle physiquement, doit-il systématiquement, de votre point de vue, faire de la prison ferme ou passer par la case prison ?

BRUNO RETAILLEAU
Absolument, c'est fondamental. Vous savez, ce policier, jeune policier qui a eu une main brisée, plus de 40 jours d'interruption temporaire de travail, ce n'est pas rien, il me racontait que celui qui a été la cause, en réalité, de ces dommages, de cette atteinte à son intégrité physique, il avait 33 antécédents, parmi ces 33 antécédents, donc c'était un mineur, dans un cas il avait fait un vol avec torture, pas un seul jour de prison. Donc, il y a sans doute des textes à changer, et si on veut aboutir à des résultats, il faut que l'ensemble de la chaîne puisse être réactive.

SONIA MABROUK
Mais est-ce que vous aurez les moyens de ces ambitions-là Monsieur RETAILLEAU, parce que là vous parlez d'un domaine qui n'est plus tellement le vôtre et qui est celui du garde des Sceaux, Didier MIGAUD ? Il vous a répondu, hier d'ailleurs, à votre volonté de changer la politique pénale, il vous dit, vous concernant, " il doit savoir que la justice est indépendante dans notre pays et que c'est essentiel dans une démocratie. " Le bras de fer commence ?

BRUNO RETAILLEAU
Non, il a parfaitement raison.

SONIA MABROUK
Mais c'est un avertissement.

BRUNO RETAILLEAU
Non, il a parfaitement raison.

SONIA MABROUK
Vous ne le voyez pas comme une mise en garde ?

BRUNO RETAILLEAU
Une démocratie ce n'est pas seulement le suffrage universel, c'est aussi la séparation des pouvoirs, donc, bien sûr, la justice est indépendante, et le garde des Sceaux doit pouvoir le rappeler, et cette indépendance s'impose à tous, simplement, ce que je veux dire, c'est que les juges appliquent la loi. Les juges ne sont pas déconnectés de la volonté générale, la volonté notamment du Parlement, et il nous appartient, gouvernement, de prendre des initiatives, Parlement aussi, pour changer les lois, Monsieur DUPOND-MORETTI avait dans ses cartons, d'ailleurs, un texte pour modifier le cadre de la justice des mineurs, j'estime que sur la justice des mineurs, on ne peut plus rester cette façon-là. On ne peut pas, moi, me demander d'envoyer mes policiers, mes gendarmes, en première ligne, ils risquent parfois leur vie, sans qu'il y ait des sanctions qui soient fermes.

SONIA MABROUK
Vous êtes en train de nous dire…

BRUNO RETAILLEAU
Donc ce n'est pas un problème de la justice, de l'indépendance, l'indépendance des juges, oui, mais il y a la souveraineté du Parlement et du peuple français à travers les lois que le Parlement peut voter.

SONIA MABROUK
Monsieur le ministre de l'Intérieur, vous êtes en train de dire ce matin clairement sur CNews et Europe 1, que si la révolution pénale, ou le changement pénal, n'est pas enclenché, vous n'aurez pas les moyens de vos ambitions et de protéger les Français, les policiers ?

BRUNO RETAILLEAU
Evidemment. Je pense qu'il faut faire attention…

SONIA MABROUK
C'est important.

BRUNO RETAILLEAU
Il faut faire très attention parce que… je ne mésestime pas l'enfermement dans les rôles qu'on peut avoir, moi comme ministre de l'Intérieur, Didier MIGAUD comme garde des Sceaux…

SONIA MABROUK
Reconnaissez que c'est plutôt, j'allais dire, un duel, une confrontation, qu'un duo.

BRUNO RETAILLEAU
Non, non, non, mais je pense que…

SONIA MABROUK
Non ?

BRUNO RETAILLEAU
Ce qui doit…

SONIA MABROUK
Vous êtes en phase parfaitement, Monsieur RETAILLEAU ?

BRUNO RETAILLEAU
Ce qui doit nous inspirer, ce qui doit nous inspirer, c'est la feuille de route du Premier ministre. Voulons-nous, oui ou non, avoir des résultats, au-delà des discours, au-delà des mots, est-ce que nous voulons avoir des résultats en matière de fermeté, de rétablissement de l'ordre républicain, je pense que le Premier ministre, à plusieurs reprises, a dit ce qu'il en pensait.

SONIA MABROUK
Encore une question sur ce sujet. Didier MIGAUD est un homme de gauche, il a été député socialiste de nombreuses années, il a voté contre les peines planchers de Nicolas SARKOZY, en 2007 Didier MIGAUD avait voté contre la fameuse loi qui a instauré les peines minimales en cas de récidive. Vous nous dites quand même aujourd'hui, ce matin, que police et justice peuvent malgré tout marcher du même pas, au même rythme ?

BRUNO RETAILLEAU
J'en suis convaincu, j'en suis convaincu, parce que je connais des magistrats d'ailleurs, et je pourrais vous désigner des décisions de justice qui ont été très, très fermes, donc on ne peut pas généraliser, ce n'est pas le problème des magistrats en tant que tel, ce n'est pas le problème du garde des Sceaux en tant que tel, c'est le problème de textes qu'il faut changer, et je pense que, je l'ai dit hier soir sur un autre plateau, on a malheureusement élaboré, depuis un certain nombre d'années, en France, une sorte de droit à l'inexécution des peines, par des aménagements…

SONIA MABROUK
Ce que conteste le garde des Sceaux qui affirme que les peines sont exécutées en France.

BRUNO RETAILLEAU
Bien, alors nous verrons, mais je pense qu'en tout cas il doit y avoir des modifications législatives, il me semble que sur la justice des mineurs… vous savez, aujourd'hui, les choses sont simples, et je pourrais vous amener très concrètement, et je suis prêt à le faire publiquement, publiquement, des parcours de jeunes qui ont été enfermés dans des parcours de violence, de délinquance, qui ont 20, 30, voire même plus, d'antécédents, et, en réalité, en les enfermant dans ces parcours de violence on attend l'ultime extrémité pour pouvoir les condamner. Moi je pense qu'il faut inverser les choses, dès qu'il y a un délit sérieux, notamment atteinte à l'intégrité physique, il faut vraiment agir parce que sinon on les condamne, ces jeunes, on les condamne. La sanction fait partie aussi de la prévention, de la pédagogie.

SONIA MABROUK
Votre action, Monsieur le ministre, en matière migratoire, est très attendue, vous dites vouloir mettre un coup d'arrêt aux entrées illégales sur notre sol et cesser les appels d'air, vous n'excluez pas de revenir sur la circulaire Valls, vous pouvez nous le confirmer ce matin ?

BRUNO RETAILLEAU
Bien sûr. Plusieurs points, je pense que là encore il faut utiliser plusieurs leviers, je vais convoquer à mon ministère une dizaine de préfets qui ont les départements où il y a beaucoup de désordre migratoire, pour qu'ils me disent eux-mêmes quels sont les trous dans la raquette qu'il faudrait réparer, mais aussi je vais leur demander des résultats en matière notamment de régularisation, de naturalisation et d'expulsion, puisque la loi, nous l'avons changée, j'y ai participé d'ailleurs, et on a des leviers qu'il faut se saisir, premier point. Deuxième point, je ne m'interdis pas évidemment de prendre, notamment par la voie réglementaire, un certain nombre de choses, de dispositions, vous en avez cité une sur la circulaire Valls, il peut y en avoir d'autres, par exemple sur l'Aide Médicale d'Etat, le prédécesseur de Michel BARNIER, Gabriel ATTAL, je sais, a commencé ce travail, je vais voir où cela en est pour pouvoir le reprendre, mais, là encore, sur le plan réglementaire, on a des leviers. Et puis il y a la loi. Moi j'estime que sur un certain nombre de points, rétablissement du délit de séjour irrégulier, quand on franchit illégalement la frontière, c'est un délit, je pense que… c'est François HOLLANDE qui l'a annulé il y a un peu plus de dix ans, je pense qu'il faudrait le rétablir. Pareil, on a énormément aujourd'hui une immigration, notamment pour les étudiants, il faut nous donner les moyens de bien voir si ces études sont vraiment le caractère réel et sérieux des études. Pareil sur les contributions sociales. Une aide sociale en France ne doit pas être un dû.

SONIA MABROUK
Mais là vous appelez à une révolution également sur la politique migratoire, il y a aussi, j'allais dire, des garde-fous, comment allez-vous faire, Monsieur RETAILLEAU, vous-même vous avez été confronté aux limites par le Conseil constitutionnel, par le droit européen qui supplante le droit national, est-ce que par rapport aujourd'hui à ces garde-fous vous avez une solution maintenant que vous êtes aux manettes ?

BRUNO RETAILLEAU
Oui, absolument. Premièrement, le Conseil constitutionnel a censuré 35 articles très fermes que nous avions introduits au Sénat, plusieurs d'entre eux d'ailleurs venaient de mes propres amendements, il les a censurés non pas pour le fond, mais pour une question de forme. Si on reprend un certain nombre de ces articles, eh bien ça nous permet de passer dans les mailles du filet. Deuxième chose, sur la justice européenne. Moi je pense que le moment est venu, parce qu'il y a un alignement de planètes, et c'est une chance, en Europe on a beaucoup de gouvernements, et de droite, et de gauche, Monsieur SCHOLTZ n'est pas de droite, il n'est pas conservateur, il est social-démocrate, et je pourrais vous citer bien d'autres pays, il y a une fermeté des gouvernements européens, je pense qu'il y a un travail à faire en Europe, là encore, pour durcir et pour changer des règlements, des directives européennes, je pense à la " directive retour. "

SONIA MABROUK
Mais, Monsieur RETAILLEAU, en Allemagne les contrôles aux frontières respectent le droit européen, d'ailleurs c'est la raison pour laquelle ils sont temporaires. Est-ce que vous pourriez venir contre ce droit qui supplante aujourd'hui le droit national, est-ce que vous avez cette vision-là aujourd'hui, des choses, pour changer la politique migratoire en France ?

BRUNO RETAILLEAU
Bien sûr, mais l'Allemagne… alors, nous on a rétabli tous les six mois des contrôles aux frontières, pas dans la même forme, depuis les attentats de novembre 2015, mais je vous donne un exemple très concret. Nous on s'interdit de renvoyer en Afghanistan les Afghans, les Allemands viennent de renvoyer 28 Afghans. Mais, plus généralement, je pense qu'il faut avoir une alliance avec les grands pays européens qui veulent durcir et qui ont déjà durci leur arsenal législatif pour changer des règles européennes, je pense à la " directive retour " qui a été imaginée il y a plus de 20 ans, elle est totalement obsolète, en tout cas elle ne correspond plus aux menaces du moment, ça c'est fondamental.

SONIA MABROUK
Vous aviez été très critique, Bruno RETAILLEAU, à l'endroit d'Emmanuel MACRON et de Gérald DARMANIN, au sujet de l'exécution des obligations de quitter le territoire français, est-ce qu'aujourd'hui, vous, ministre de l'Intérieur, vous pouvez nous donner un chiffre justement, un objectif, un but d'exécution de ces fameuses OQTF ? On se souvient que le président avait évoqué le chiffre de 100% des exécutions d'OQTF.

BRUNO RETAILLEAU
Ça n'est pas, malgré tout le respect que j'ai pour le président de République, 100%, ce n'est pas un objectif que je peux reprendre, simplement…

SONIA MABROUK
Pourquoi ?

BRUNO RETAILLEAU
Parce que parce que 100%…

SONIA MABROUK
Vous prenez l'efficacité…

BRUNO RETAILLEAU
Mais c'est parce que, là encore, les OQTF sont soumises notamment à la justice. Et moi, je ne peux prendre des engagements que je peux tenir moi-même, mais pas pour d'autres. Et je pense qu'aujourd'hui le taux d'exécution est très bas, moins de 10%, 7%. Et il faut absolument… je ne vais pas vous donner de chiffres aujourd'hui, j'ai pris la passation de pouvoir, c'était, il y a moins de 24h. Donc laissez-moi… je vous le donnerai quand j'aurais vu les préfets, etc. je veux travailler sérieusement. Je ne veux pas faire d'effet d'annonce. Je l'ai dit moi-même dans mon discours de passation de pouvoir. Je ne raconterai pas d'histoires aux Français. Je vais me mobiliser, et on va augmenter considérablement, vraiment, ça, c'est un engagement, le taux d'exécution des OQTF.

SONIA MABROUK
Vous ne voulez pas raconter d'histoires aux Français, mais certains de vos propos que vous avez tenus ont provoqué des polémiques. Vous le savez, Monsieur RETAILLEAU, hier, sur notre antenne, à votre place, Manuel BOMPARD, responsable de La France Insoumise, a dit que vos propos, notamment sur la régression vers les origines ethniques ou encore les Français de papiers relevaient du racisme. Est-ce que vous regrettez de tels…

BRUNO RETAILLEAU
C'est l'hôpital qui se moque de la charité.

SONIA MABROUK
Pourquoi ?

BRUNO RETAILLEAU
Eh bien, parce que les Insoumis, pour moi, en voulant racialiser les rapports sociaux, en passant par ce critère de la race, en réalité, finalement, font de cet antiracisme un nouveau racisme, et notamment avec cette inclinaison qu'ils ont notamment sur l'antisionisme, qui n'est bien souvent que le masque pour cacher l'antisémitisme. Je n'ai pas de leçon à recevoir de monsieur BOMPARD. D'ailleurs, j'aimerais savoir si monsieur BOMPARD, ce matin, va condamner les propos de ce député Raphael ARNAULT, qui siège dans le groupe LFI, des Insoumis à l'Assemblée nationale, en accusant, je le dis encore, les forces de l'ordre en Nouvelle-Calédonie, je lui rappellerai que deux gendarmes sont décédés, laissant des familles endeuillées, des amis. Voilà, une souffrance terrible. Je n'ignore pas aussi que d'autres, puisqu'il y a eu 13 morts, je ne les ignore pas, mais un peu de respect, un peu de dignité.

SONIA MABROUK
Vous avez affirmé hier, Monsieur le Ministre, qu'il n'était pas question de revenir sur certaines lois comme le mariage pour tous. Certains pointent malgré tout une opposition de votre part, en tout cas, ils l'imaginent, aux droits des homosexuels. Plus largement, je voudrais vous faire réagir à ce qui s'est passé à Mazamet, où une dizaine de jeunes a roué de coups Paul, âgé de 17 ans. Ses agresseurs sont mineurs, tabassé, semble-t-il, car homosexuel. Beaucoup de responsables politiques ont réagi, Marine LE PEN notamment. D'abord, comment vous réagissez, et est-ce que vous serez, comme ministre de l'Intérieur, le garant du droit des homosexuels à pouvoir vivre librement évidemment…

BRUNO RETAILLEAU
Je serai le garant des droits de tous les Français. J'ai à mes côtés un homme qui est très estimé, qui s'appelle Othmane NASROU, qui est secrétaire d'Etat à mes côtés au ministère de l'Intérieur, et qui est chargé justement de la lutte contre les discriminations. Eh bien, je veux que l'on sache de façon très, très claire que je serai intraitable aussi, nous serons intraitables vis-à-vis de ceux, celles qui attaquent un certain nombre de nos compatriotes en raison de leurs origines, en raison de leur confession, etc. Et ça, je pense que… j'ai vu, c'est un jeune qui avait, je crois, 17 ans, c'est ignoble, c'est ignoble. Et je suis à son côté comme aux côtés de tous les Français qui souffrent lorsqu'ils sont injustement attaqués.

SONIA MABROUK
Des questions un peu plus politiques Monsieur RETAILLEAU. Le RN et Marine LE PEN surveillent de très près le gouvernement. Est-ce que, aujourd'hui, eh bien, vous dépendez du bon vouloir du Rassemblement national ?

BRUNO RETAILLEAU
Moi, je dépends du bon vouloir des Français, et puis, je l'ai dit. Et encore une fois, je veux, moi, et c'est le Premier ministre qui le dit aussi, nous voulons faire la politique de la majorité nationale. Au premier tour, les Français, encore une fois…

SONIA MABROUK
Sans majorité…

BRUNO RETAILLEAU
Mais sans majorité à l'Assemblée.

SONIA MABROUK
Arithmétiquement…

BRUNO RETAILLEAU
Arithmétiquement…

SONIA MABROUK
Est-ce que Marine LE PEN détient, eh bien, la feuille des calculs qui peut vous dire merci, au revoir ?

BRUNO RETAILLEAU
Menons la politique que veulent les Français, c'est…

SONIA MABROUK
C'est la garantie de ne pas être censuré ?

BRUNO RETAILLEAU
C'est le meilleur bouclier. Parce que si on mène cette politique-là, que nous ont demandée les Français, c'est-à-dire beaucoup plus de fermeté, le rétablissement de l'ordre, l'ordre, toujours l'ordre, l'ordre, mais aussi pour la concorde, parce que sans ordre, il ne peut pas y avoir de fraternité républicaine, parce que c'est l'ordre, c'est la violence qui détruit les liens les uns avec les autres. Je pense qu'ordre et concorde…

SONIA MABROUK
Ordre et concorde…

BRUNO RETAILLEAU
L'ordre étant la condition de la concorde, les conditions de la fraternité…

SONIA MABROUK
Et cohérence, j'ajouterais, Monsieur RETAILLEAU, pour vous poser ma question, après avoir tant critiqué Emmanuel MACRON, vous l'avez fait beaucoup ici-même sur ce plateau, vous l'avez remercié hier lors de la passation des pouvoirs. Que dites-vous ce matin sur CNews et Europe 1, à un électeur de droite, qui vous a connu pendant des années, critiquant sévèrement ou lucidement Emmanuel MACRON et qui vous voit ce matin membre de ce gouvernement ?

BRUNO RETAILLEAU
Je lui dis qu'il y a une logique. D'abord, on a tout fait. Et je veux associer Laurent WAUQUIEZ, Annie GENEVARD aussi, pour qu'on bloque finalement l'arrivée de la gauche au pouvoir. On a bloqué, c'est pour ça qu'on a fait un pacte législatif. Et quand Michel BARNIER a été nommé, c'est-à-dire, un Premier ministre de notre famille politique, à un moment où on peut enchaîner les crises, des crises en matière de sécurité, crises aussi financières, crises politiques aussi, on ne pouvait pas rester, si j'ose dire, planqué. Je pense qu'on attendait de nous, on attendait de nous justement qu'on monte au front, qu'on monte au front sous la mitraille…

SONIA MABROUK
Vous n'êtes pas les supplétifs d'Emmanuel MACRON ?

BRUNO RETAILLEAU
Mais c'est très différent. Il n'y a pas de cohabitation. Mais je vous…

SONIA MABROUK
Quel mot vous employez ?

BRUNO RETAILLEAU
Je n'ai pas de mot…

SONIA MABROUK
C'est intéressant, si ce n'est pas une cohabitation, c'est quoi ?

BRUNO RETAILLEAU
Ça n'est ni une cohabitation, ni le système qu'on a connu, où le président gouvernait, le président, ça n'est plus…

SONIA MABROUK
Ce n'est pas un « ni-ni », mais ça donne quoi Monsieur RETAILLEAU ?

BRUNO RETAILLEAU
C'est la 5ème République. Je suis gaulliste. Il y a une fonction présidentielle. Je l'ai remercié, parce que ce n'est pas le Premier ministre qui nomme, le Premier ministre propose ses ministres, son gouvernement, la composition du gouvernement. Mais celui qui signe ensuite, c'est le président de République. Donc moi, je suis respectueux de la fonction présidentielle. Mais ce qui change tout, et c'est la raison pour laquelle je pouvais aller dans ce gouvernement, sinon je n'y serai jamais allé, ça n'est pas le président qui gouverne, ça sera Michel BARNIER, qui est issu de notre famille politique.

SONIA MABROUK
En un mot, pour conclure, Monsieur RETAILLEAU, est-ce que vous avez un père spirituel en politique, on a beaucoup vu votre parcours détaillé ces derniers jours, on a vu François FILLON, votre fidélité, mais aussi une ascendance, j'allais dire un peu plus ancienne et importante avec Philippe de VILLIERS, le Puy du Fou. Est-ce que vous reconnaissez peut-être en Philippe de VILLIERS ou en François FILLON un père ou un frère spirituel ?

BRUNO RETAILLEAU
Non, je n'ai pas ni de père spirituel ni de frère spirituel. J'essaie de m'inspirer, vous savez que je lis, j'essaie d'avoir des convictions que je nourris dans mes lectures, que je nourris par la réflexion et j'essaie d'accorder, ce n'est jamais facile, cette réflexion sur le fond avec la possibilité d'une action. Et je pense que ce qui est terrible dans le monde actuel, c'est que chez les hommes et les femmes politiques, c'est que la communication a mangé l'action. Il y a une sorte de frénésie de la communication pour cacher l'impuissance. Et ça, je ne veux pas tomber dans ce piège-là.

SONIA MABROUK
Donc vous allez agir plutôt que communiquer, comme vous l'a demandé monsieur le Premier ministre ?

BRUNO RETAILLEAU
Eh bien, il faut les deux, il faut les deux, parce que nous sommes dans une démocratie, et il faut s'exprimer, parce que quand on ne s'exprime pas, les gens pensent qu'on ne fait rien. Donc, il faut à la fois s'exprimer, mais rechercher vraiment les résultats. Ça sera ma ligne, ce n'est pas… je veux dire, il n'y a pas d'ombre tutélaire qui plane au-dessus de moi. La seule ombre tutélaire, c'est le peuple souverain, ce sont les Français. C'est ma patrie que j'aime, je la sers, j'ai eu un grand-père paternel qui a eu la gorge traversée par une balle allemande en 1914. Mon père qui a fait la guerre d'Algérie. Je me suis toujours demandé dans ma petite province, dans ma toute petite commune rurale, comment, moi, je pouvais rendre ce que l'on m'avait donné, si je pouvais un jour être à la hauteur de ce qu'on m'avait inspiré, c'est le sentiment de gratitude. Je suis redevable, je suis redevable aux miens, aux Français, et je veux essayer de ne pas les décevoir.

SONIA MABROUK
Merci Bruno RETAILLEAU. C'était votre grande interview sur CNews et Europe 1. Monsieur le Ministre de l'Intérieur, à bientôt et bonne journée à vous.

BRUNO RETAILLEAU
Merci.


Source : Service d'information du Gouvernement, le 25 septembre 2024