Texte intégral
AMANDINE BEGOT
Et tout de suite l'invité de RTL Matin. Thomas, vous recevez celle qui hérite sans doute du portefeuille le plus compliqué de ce Gouvernement. Maud BREGEON, la porte-parole du Gouvernement de Michel BARNIER.
THOMAS SOTTO
Bonjour et bienvenue Maud BREGEON !
MAUD BREGEON
Bonjour.
THOMAS SOTTO
Merci d'avoir accepté l'invitation de RTL pour votre toute première interview en tant que porte-parole du Gouvernement. Est-ce que vous êtes bonne slalomeuse ?
MAUD BREGEON
C'est une mission qui est périlleuse dans un contexte fragile, complexe. Mais je crois que c'est une mission qui est absolument essentielle. Parce qu'à l'heure où, dans toutes les démocraties occidentales, on voit que le fossé se creuse entre le peuple et leurs dirigeants, la parole publique, la parole politique, je crois, n'a jamais été aussi importante. Et donc j'essaierai humblement de le faire de la façon la plus précise – et c'est osé pour une porte-parole – mais la plus honnêtement possible.
THOMAS SOTTO
C'est osé pour une fois de dire qu'on est quand même peu condamné par ce genre de loi quand on est porte-parole.
MAUD BREGEON
Je pense que les Français attendent de nous qu'on prenne le risque de l'honnêteté.
THOMAS SOTTO
Vous étiez quoi quand Michel BARNIER vous a appelé pour vous dire "je voudrais que tu sois porte-parole" ? Vous avez débouché une bouteille de champagne ou vous avez pris un Doliprane préventif ?
MAUD BREGEON
J'étais extrêmement honorée. Moi, je ne viens pas de la politique. Je n'étais pas prédestinée à ça.
THOMAS SOTTO
J'ignore des informations.
MAUD BREGEON
Oui, j'ai grandi dans une famille modeste, dans le Poitou-Charentes. Je suis devenue ingénieure grâce à l'école de la République. Et j'ai eu envie de m'engager parce que je pense que la politique peut encore changer la vie des gens et parce que je crois dans cette idée de dépassement qui a été le nôtre et qui, au fond, perdure dans ce Gouvernement. Et c'est aussi pour ça que je l'ai accepté.
THOMAS SOTTO
Et ça commence fort. J'imagine que vous avez regardé les "20h" hier. Il y avait Bruno RETAILLEAU sur TF1 qui disait que le laxisme de la Justice, il faut que les peines soient exécutées, qui étaient très sévères. Et puis, en face, à la même heure, sur France 2, il y avait Didier MIGAUD qui disait "La justice est indépendante, j'aurai des échanges avec Bruno RETAILLEAU." Ambiance, dis-donc ?
MAUD BREGEON
Le Premier ministre a constitué le Gouvernement le plus large possible. Mais ce n'est pas un Gouvernement de clones. On ne le découvre pas, on ne pense pas tous pareil. On a eu des divergences par le passé. On a des histoires, des cultures politiques différentes…
THOMAS SOTTO
Ça va être une cohabitation en interne en fait ?
MAUD BREGEON
…combattues parfois durement. Mais on se retrouve tous dans le cadre qui a été donné par le Premier ministre. Et regardez les résultats de l'Assemblée nationale ; les Français ne pensent pas tous la même chose. Ils n'ont pas fait le choix de la pensée unique, mais ils nous demandent de nous accorder. Et c'est pour ça que nous sommes là parce qu'on a envie, parce qu'on a la volonté de trouver des points d'accord, de faire avancer le pays. Au fond c'est une forme de Gouvernement d'urgence nationale face aux défis qu'on a à relever.
THOMAS SOTTO
Mais quand on s'accorde au sein du Gouvernement, il ne faut pas commencer à se désaccorder le premier soir dans "les 20h", c'est quand même un peu touchy, non ?
MAUD BREGEON
C'est normal qu'il y ait des échanges, c'est normal qu'il y ait des visions. Chacun est dans son rôle. Bruno RETAILLEAU est ministre de l'Intérieur ; Didier MIGAUD est ministre de la Justice. Mais encore une fois, je le redis, le cadre et le seul cadre qui vaille et dans lequel on doit tous se tenir, c'est celui qui est fixé par Michel BARNIER et qu'il aura l'occasion de préciser lors de la discussion de politique générale…
THOMAS SOTTO
Ça sera mardi prochain.
MAUD BREGEON
Voilà, le 1er octobre prochain.
THOMAS SOTTO
Bruno RETAILLEAU, lors de son arrivée à Beauvau, ministère de l'Intérieur, n'avait qu'un mot à la bouche : de l'ordre, de l'ordre, de l'ordre. Et vous, qu'est-ce que vous répondez à ceux qui s'inquiètent de vous voir être la porte-parole d'un Gouvernement de droite, de droite, de droite ? C'est ça le Gouvernement BARNIER ?
MAUD BREGEON
Non, c'est, encore une fois, je le redis, le Gouvernement le plus large possible. Michel BARNIER a tendu la main à tout le monde. Il a tendu la main à la gauche, il a tendu la main à la droite. Certains, à gauche, comme Didier MIGAUD, ont saisi cette main tendue…
THOMAS SOTTO
Il y en a un.
MAUD BREGEON
Au sein de ma famille politique, des personnes qui viennent plutôt de la gauche – je pense par exemple à Agnès PANNIER-RUNACHER qui est, aujourd'hui, ministre de l'écologie – ont également décidé de rejoindre ce Gouvernement parce que… Encore une fois, on sait qu'on a eu des désaccords par le passé, mais on a cette volonté d'arriver à discuter ensemble et à s'accorder. Je crois qu'il faut changer de logiciel en fait, et peut-être apprendre à écrire au pluriel et se dire qu'on n'est pas toujours tous d'accord, mais qu'au fond c'est assez humain…
THOMAS SOTTO
C'est marrant, on a dit ça en 2017, au moment de l'élection d'Emmanuel MACRON.
MAUD BREGEON
Et qu'on arrive à se retrouver sur des plus petits dénominateurs communs.
THOMAS SOTTO
Il y a une petite phrase du prédécesseur de Bruno RETAILLEAU, Gérald DARMANIN, qui a fait beaucoup réagir depuis hier. Est-ce qu'il a raison de dire que s'il s'était appelé Moussa DARMANIN (ce qui est son deuxième prénom), il n'aurait été ni maire, ni député et sans doute pas ministre de l'Intérieur ? C'est ça la France de 2024 ?
MAUD BREGEON
Ce qui est indéniable, c'est qu'il y a encore, en France, des discriminations et que ce sera une priorité du Premier ministre d'arriver à continuer à les combattre. On a appelé ça en 2017 "l'assignation à résidence". C'est une réalité qui perdure encore aujourd'hui.
THOMAS SOTTO
On n'a pas progressé là-dessus.
MAUD BREGEON
C'est une réalité qui perdure encore aujourd'hui et donc ça passe par tout le travail qui sera mené par ma collègue, Anne GENETET, par exemple sur l'éducation nationale, qui est absolument primordiale.
THOMAS SOTTO
Est-ce que vous parlez déjà bien de Michel BARNIER, Maud BREGEON ?
MAUD BREGEON
J'apprends à le découvrir.
THOMAS SOTTO
Parce que nous, on a déjà besoin de quelques éclaircissements. Il n'y aura pas de hausses d'impôts sur les classes moyennes, a-t-il dit. Ça s'arrête à quel niveau de revenu, une classe moyenne ?
MAUD BREGEON
Je ne veux pas faire, encore une fois, la discussion de politique générale avant le Premier ministre, mais je voudrais rappeler le cadre très clair qu'il a donné. Il est hors de question d'alourdir l'impôt sur l'ensemble des Français. Nous n'irons pas chercher l'argent dans les poches des classes populaires et des classes moyennes qui travaillent…
THOMAS SOTTO
Et ça s'arrête où les classes populaires et les classes moyennes ? C'est important ça.
MAUD BREGEON
Et plus globalement, parce qu'il ne faut pas faire peur aux Français. Nous ne mènerons pas une politique d'austérité. L'austérité, ce n'est pas ça. L'austérité, c'est ce qui s'est passé en Grèce : des salaires moyens qui ont diminué de plus de 20 % en quinze ans et une paupérisation qui a explosé. Ce n'est pas le cas de la France. Mais on a une situation qui est extrêmement préoccupante. On a terminé le déficit… On a terminé, pardon, l'année dernière avec un déficit à 5,5 % et donc, il va falloir faire des efforts…
THOMAS SOTTO
Et ce sera pire l'année prochaine.
MAUD BREGEON
Ça passera… Parce qu'on parle beaucoup d'impôts…
THOMAS SOTTO
Pardon, pardon….
MAUD BREGEON
On parle beaucoup d'impôts… Je termine. Ça passera d'abord par la réduction des dépenses.
THOMAS SOTTO
Réduction des dépenses, mais aussi hausse des impôts. Même le président du MEDEF dit, ce matin, dans Le Parisien qu'il n'y est pas forcément opposé sous condition. Je vous repose ma question. François HOLLANDE avait dit qu'à 4 000 euros par mois, on était riche. À combien on bascule des classes moyennes aux classes aisées, aux riches ?
MAUD BREGEON
Je ne vais pas rentrer dans ce débat-là. Encore une fois, je vais…
THOMAS SOTTO
Ce n'est pas tranché ?
MAUD BREGEON
Je vais laisser le Premier ministre préciser les choses, il aura l'occasion de le faire, je le redis, le 1er octobre prochain, mais rassurons les Français, nous ne toucherons pas aux classes moyennes, nous ne toucherons pas aux Français qui travaillent durement qui ont déjà, et Michel BARNIER le sait, du mal à finir le mois, pour qui c'est difficile, qui font beaucoup d'efforts. On a passé une crise inflationniste qui a été compliquée pour les Français. On a essayé de les aider du mieux qu'on a pu, mais pour autant, on arrive aujourd'hui à une situation où le Premier ministre se laisse la possibilité de demander à ceux qui le peuvent le plus de contribuer à l'effort national.
THOMAS SOTTO
Vous, vous disiez en mai dernier encore : "L'augmentation des impôts est une ligne rouge absolue", vous étiez Maud BREGEON, mais pas encore porte-parole du Gouvernement à ce moment-là.
MAUD BREGEON
Ah, mais je continue à penser, et c'est la ligne du Premier ministre, qu'augmenter les impôts sur l'ensemble des Français, serait fondamentalement injuste…
THOMAS SOTTO
Ça peut être une hausse en fourbe via le gel des barèmes de l'impôt sur les revenus ?
MAUD BREGEON
Je laisserai le Premier ministre préciser les choses.
THOMAS SOTTO
Bon, je n'aurai rien là-dessus.
MAUD BREGEON
Et vous le savez très bien, c'est normal.
THOMAS SOTTO
Bon, sur la réforme des retraites, le Premier ministre a dit vouloir confier une amélioration du texte aux partenaires sociaux. L'âge légal de départ à 64 ans est-il négociable ? Ça, c'est quand même un marqueur important, 64 ans, c'est négociable ou pas ?
MAUD BREGEON
Cette réforme, on ne l'a pas fait de gaieté de cœur et cet âge de 64 ans a été mis en place pour sauver cet extraordinaire système français qu'est le système de retraite par répartition. Il faut se tenir au cadre budgétaire qui était celui de cette réforme des retraites. Ensuite…
THOMAS SOTTO
Attendez, j'essaye de traduire, Maud BREGEON, ça veut dire que l'âge légal de départ à 64 ans, on ne va pas y toucher a priori ?
MAUD BREGEON
Aujourd'hui, ce n'est en tout cas pas la piste qui a été proposée par le Premier ministre. Mais pourquoi ? Parce qu'on est face à un contexte budgétaire et financier qui est extrêmement contraint, c'est pour ça qu'on a fait cette réforme maintenant, et c'est ce qu'a dit le Premier ministre. Est-ce qu'on peut la modifier ? Est-ce qu'on peut l'améliorer, par exemple pour les carrières les plus pénibles ou les carrières les plus longues ? Peut-être, on peut toujours s'améliorer et ce n'est pas se renier que de dire ça, c'est pour ça que le Premier ministre a ouvert cette porte-là, ça se fera par des discussions avec le Parlement, évidemment et puis les partenaires sociaux.
THOMAS SOTTO
Les partenaires sociaux, Maud BREGEON, j'ai une dernière question. Je ne sais pas si vous avez entendu Philippe CROIZON hier matin, il était l'invité d'Amandine BEGOT. Il était très remonté tout simplement parce qu'il n'y a pas de ministre en charge du Handicap. Emmanuel MACRON, lors de la clôture des Jeux paralympiques, avait dit : "La flamme que vous avez allumée en chacun de nous continuera d'éclairer nos vies", c'était un feu follet ?
MAUD BREGEON
Thomas SOTTO, je vais être extrêmement claire, c'est une des priorités de façon indéniable de ce Gouvernement.
THOMAS SOTTO
Il n'y a pas de ministère du Handicap.
MAUD BREGEON
Ce Gouvernement, mon collègue Paul CHRISTOPHE est en charge de ce sujet-là. Il a communiqué le jour même, le jour même de la composition du Gouvernement.
THOMAS SOTTO
Ministre des Solidarités, de l'autonomie et de l'égalité femmes-hommes, il n'y a pas le mot "handicap", ce qui vexait beaucoup Philippe CROIZON qui disait que ça concernait douze millions de personnes handicapées et onze millions d'aidant, ça ne vaut pas un ministère, Maud BREGEON ?
MAUD BREGEON
Je l'entends parfaitement, mais ce qui compte, ce seront les actions plus que les mots et je le redis, c'est une priorité fondamentale de mon collègue Paul CHRISTOPHE et du Gouvernement de Michel BARNIER. Ça a été clarifié, dès la mise en place du Gouvernement.
THOMAS SOTTO
Est-ce que vous pouvez répondre à une question pour finir, vous n'aimeriez pas qu'on rajoute un ministère ? Comme le ministère des Personnes Handicapées, ça ne mériterait pas de rajouter un poste pour le coup ? On se posait la question.
MAUD BREGEON
Je connais bien Paul CHRISTOPHE.
THOMAS SOTTO
Il est super, Paul CHRISTOPHE, mais ne peut pas tout faire.
MAUD BREGEON
Qui est… Mais ce n'est pas une histoire d'être super, il est en charge de ce sujet-là. Il a été président de la commission des affaires sociales. Il est personnellement engagé sur le sujet. Donc je voudrais vraiment dire aux gens qui nous écoutent que nous ne passons pas à côté de cet enjeu majeur.
THOMAS SOTTO
Merci beaucoup, Maud BREGEON, d'être venue ce matin sur RTL. Je crois dire que c'était historiquement la radio familiale chez les BREGEON ?
MAUD BREGEON
Oui, mais c'est la radio de beaucoup de Français normaux de province, enfin, je pense.
THOMAS SOTTO
Je crois que vous avez complètement raison. Merci beaucoup.
Source : Service d'information du Gouvernement, le 25 septembre 2024