Interview de M. Antoine Armand, ministre de l'économie, des finances et de l'industrie, à RTL le 2 octobre 2024, sur la politique économique prévue face au déficit public.

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Média : RTL

Texte intégral

AMANDINE BEGOT
On parle d'argent, d'impôts, avec votre invité, Thomas. Vous recevez ce matin le tout nouveau ministre de l'Economie, des Finances et de l'Industrie, Antoine ARMAND.

THOMAS SOTTO
Bonjour. Bonjour et bienvenue sur RTL, Antoine ARMAND.

ANTOINE ARMAND
Bonjour. Merci.

THOMAS SOTTO
Vous êtes donc le ministre qui va devoir nous serrer la ceinture. Celui qui va devoir mettre en musique le déjà célèbre " Nous ne pourrons pas dépenser plus, nous dépenserons mieux ". Le Premier ministre a donc donné des pistes hier, on a besoin d'en savoir un peu plus, et on va y aller chapitre par chapitre, si vous voulez bien. Pour ramener le déficit à 5% l'an prochain, en 2025, Michel BARNIER a annoncé des hausses d'impôts ciblées. Qui seront les Français les plus fortunés à qui vous allez demander une contribution exceptionnelle ?

ANTOINE ARMAND
Vous avez raison de poser cette question. Je voudrais avoir un mot avant sur le pourquoi. Pourquoi est-ce qu'on doit réduire le déficit à 5% en 2025 ? Pour une raison très simple, ça fait 50 ans en France qu'on n'a pas équilibré un budget et on a une dette de 3 000…

THOMAS SOTTO
3 220 milliards.

ANTOINE ARMAND
... milliards d'euros, qui inquiète les Français. Tous les jours, on m'en parle. Je suis élu de Haute-Savoie, on m'en parle tous les jours. Qui inquiète nos compatriotes et qui inquiète bien sûr les Européens. Comment est-ce qu'on va y arriver ? On va y arriver d'abord par la baisse de la dépense. Très largement, le Premier ministre l'a dit…

THOMAS SOTTO
C'est ce qu'il a dit hier, deux tiers de baisse des dépenses…

ANTOINE ARMAND
Au moins deux tiers.

THOMAS SOTTO
Et un tiers par la baisse de l'impôt.

ANTOINE ARMAND
Oui, mais, c'est très important. Vous imaginez, ça fait 50 ans que notre dépense publique augmente, et on commencerait par dire : " ce ne sera pas par la dépense publique qu'on y arrivera ". Donc c'est très important de le dire. Et ensuite…

THOMAS SOTTO
Cela dit, pardon, mais sur la baisse de la dépense, donc, deux tiers des économies, on a envie de vous dire " bonne chance ", où est ce que vous allez les chercher l'argent ? Parce que le coût de la lutte contre les gaspillages, la lutte contre les fraudes fiscales, la fraude sociale, vous écoutiez peut-être Etienne GERNELLE, tout à l'heure, à 07h15, ça fait 30 ans qu'on nous le fait.

ANTOINE ARMAND
Mais, vous savez, je ne demande aucune indulgence. Je ne demande pas qu'on dise : " C'est le nouveau ministre de l'Economie, il va y arriver là où les autres ne sont pas arrivés ". Vous nous jugerez sur nos résultats. Et vous avez raison de dire que la seule solution d'y arriver, c'est que chacun contribue à cet effort de dépense, c'est à dire chaque administration. Qu'on réorganise de nombreux services…

THOMAS SOTTO
Mais est-ce que ça peut suffire ?

ANTOINE ARMAND
... l'Etat, comme les collectivités et la sphère sociale.

THOMAS SOTTO
Parce que moi, j'ai bien écouté le Premier ministre, il a dit : " Il faut plus de policiers, plus visibles, créer de nouvelles brigades de gendarmerie, lutter contre les déserts médicaux, construire des prisons, rendre, répondre au défi des professeurs absents à l'école, assumer la loi de programmation militaire, offrir aux Français des services publics toujours plus performants. Tout ça, ça coûte cher et ça ne rentre pas forcément dans le " Nous ne pourrons pas dépenser plus, nous dépenserons mieux ".

ANTOINE ARMAND
Il y a une phrase qu'on me dit souvent chez moi en Haute-Savoie, que je trouve très très juste, on me dit : " On a l'impression qu'on ne dépense pas au bon endroit ". Eh bien je crois que c'est très juste. Je crois qu'effectivement on a besoin de dépenser, à terme, davantage dans l'hôpital, dans la rémunération de nos soignants, dans les professeurs évidemment, les policiers, les gendarmes au quotidien. Mais notre dépense globale, elle doit baisser. Je vais vous dire quelque chose de très simple : on a la dépense publique en Europe la plus élevée. Est ce qu'on a les services publics les meilleurs de toute l'Europe ? Je ne crois pas que ce soit une évidence. Donc, il faut qu'on soit prêt à se remettre en question.

THOMAS SOTTO
Pour ramener le déficit à 5% l'an prochain, il faut économiser 40 milliards à peu près. Je parle sous votre contrôle…

ANTOINE ARMAND
Il y a un ordre de grandeur qui est celui-ci…

THOMAS SOTTO
Ça sera combien pour…

ANTOINE ARMAND
... on aura l'occasion de le détailler.

THOMAS SOTTO
Ça sera combien pour la réduction des dépenses, donc ?

ANTOINE ARMAND
Et donc ce sera au moins de tiers. L'effort il doit être au moins de deux tiers. Mais j'ajoute quelque chose, et c'est à ça que sert le débat parlementaire, c'est que si on nous fait des propositions supplémentaires d'économies, on sera tout à fait prêts, avec le ministre du Budget, à réduire encore l'effort qui sera demandé en fiscalité. Parce que moi, je l'ai dit, je ne serai pas le ministre du matraquage fiscal. Je ne suis pas venu à Bercy pour augmenter les impôts alors qu'on est le pays le pays qui taxe le plus au monde.

THOMAS SOTTO
Si vous voulez bien, on va être très concrets. Je vous repose ma question de tout à l'heure : qui seront les Français les plus fortunés à qui vous allez demander une contribution exceptionnelle ? C'est qui les plus fortunés ?

ANTOINE ARMAND
Alors, on aura l'occasion avec le ministre du Budget, de le présenter en détail, et c'est normal, c'est la procédure parlementaire, aux députés et aux sénateurs la semaine prochaine. Un mot, pour dire que oui, un effort sera demandé. Il sera demandé une fois…

THOMAS SOTTO
Il sera de combien ?

ANTOINE ARMAND
Une fois qu'on aura réussi à baisser la dépense publique d'une grande partie. Deuxièmement, il sera demandé à celles et ceux qui ont des revenus extrêmement importants. Et…

THOMAS SOTTO
Et ça veut dire quoi ? Pardon, mais on a ... jours, on ne sait pas…

ANTOINE ARMAND
Et j'y reviens, mais de manière exceptionnelle, et de manière exceptionnelle, de manière temporaire. Je vais le dire très simplement : le barème de l'impôt sur le revenu, l'impôt sur le revenu que paient au quotidien les Françaises et les Français qui travaillent, de classe moyenne, c'est non.

THOMAS SOTTO
Vous ne toucherez pas au barème de l'impôt sur le revenu.

ANTOINE ARMAND
On ne touchera pas, de manière générale, au barème de l'impôt sur le revenu, pour celles et ceux qui travaillent au quotidien. Pourquoi…

THOMAS SOTTO
Il n'y aura pas de gel du barème de l'impôt sur le revenu par exemple.

ANTOINE ARMAND
L'idée, l'idée c'est de respecter les engagements qu'on a toujours eu par le passé. Et c'est à dire que celles et ceux qui travaillent doivent continuer à mieux gagner leur vie. C'est pour ça aussi qu'on aura une augmentation du SMIC. C'est pour ça qu'on ne touchera pas à la fiscalité des classes moyennes et des classes moyennes supérieures.

THOMAS SOTTO
Mais pardon, où s'arrête la classe moyenne supérieure ? C'est toujours la même question : où se trouve le seuil ? Encore une fois, qui sont ces Français les plus fortunés qui vont payer davantage ? Vous ne le savez pas encore... ?

ANTOINE ARMAND
On a transmis ce matin au Haut Conseil des finances publiques, le projet, on le présentera en primeur, et c'est normal, on ne peut pas... Vous savez, Michel BERGER... Michel BARNIER…

THOMAS SOTTO
Non, ce n'est pas le même.

ANTOINE ARMAND
... hier, il a eu une nouvelle méthode, et je pense que ça s'est vu pour celles et ceux qui ont écouté nos échanges au Parlement. Il a dit : " Je ne ferai pas de miracles et je vous respecterai chacune et chacun ". La base de ce respect, la base de ce respect, c'est de commencer par réserver la primeur aux parlementaires du prochain budget.

THOMAS SOTTO
Alors, vous avez quand même dit quelque chose, vous avez dit : " Ça sera exceptionnel et temporaire ". Ça va durer combien de temps ? C'est pour un an ? C'est pour deux ans ou ce n'est pas fixé encore ?

ANTOINE ARMAND
Vous aurez l'occasion de voir dès la semaine prochaine. Mais vous avez raison de poser cette question, parce qu'en France…

THOMAS SOTTO
Oui, parce qu'on connaît le temporaire qui dure, la CSG…

ANTOINE ARMAND
... on connaît le temporaire pérennisé. A nouveau, et j'aurai l'occasion de dire à la fois aux entreprises, avec le ministre du Budget aux particuliers, ce sera exceptionnel, temporaire, ça ne sera pas une hausse pour plusieurs années sur l'ensemble des postes fiscalité.

THOMAS SOTTO
Donc c'est un an ou deux, c'est ça ? On est à peu près dans les clous, si on dit un an ou deux ?

ANTOINE ARMAND
En tout cas, il est hors de question que ça dure plusieurs années, de suite, au même niveau, pour tout le monde.

THOMAS SOTTO
Bon. Et pour les entreprises, alors, l'effort va concerner celles qui réalisent des profits importants. Le Monde parlait des entreprises qui font plus d'un milliard d'euros de chiffre d'affaires. Est-ce que c'est à peu près ça ? J'ai compris que vous ne répondrez pas précisément, mais est-ce que c'est à peu près ça ? Celles qui sont concernées ?

ANTOINE ARMAND
L'idée, c'est que les TPE, PME, les ETI, les Entreprises de Taille Intermédiaire, et un certain nombre de groupes qui sont très exposés en ce moment, ne doivent pas contribuer davantage. Et je le dis parce que parfois ça étonne, mais on a baissé le taux d'impôt sur les sociétés de 33 à 25% en sept ans. Et figurez-vous que ça a augmenté les recettes des impôts. Pourquoi ? Parce que quand on diminue les impôts, on redonne la possibilité aux gens d'investir, d'agir et ça crée de la richesse. Donc il y aura une contribution et ce n'est pas une annonce, mais je le dis quand même ici, on en a discuté avec les représentants des entreprises, et j'ai pu voir, y compris la semaine dernière par exemple, le patron du MEDEF, faire preuve d'une très grande responsabilité, en disant " Les très grands groupes sont prêts à contribuer ". Et je crois que dans cette société de…

THOMAS SOTTO
C'est vraiment là, les très grands groupes, c'est le haut du panier.

ANTOINE ARMAND
Oui, parce que l'idée, c'est de faire contribuer que ceux qui le peuvent et temporairement. C'est de faire…

THOMAS SOTTO
C'est TOTAL, c'est LVMH, c'est ça ? C'est à eux que vous pensez ?

ANTOINE ARMAND
C'est de faire contribuer les très grands groupes du pays, qui ont fait des bénéfices, y compris dans des situations difficiles, et qui peuvent contribuer. Mais ce n'est pas de faire du name & shame. Si vous voulez…

THOMAS SOTTO
Ce n'est pas du name & shame, c'est comprendre et savoir qui va payer. Il n'y a rien de honteux, au contraire, on les remercie si elles contribuent davantage.

ANTOINE ARMAND
Exactement. Et je fais partie de ceux qui pensent que si on commence par essayer de stigmatiser ceux qui font des profits et ceux qui gagnent correctement leur vie en France, on ne résoudra aucun de nos problèmes.

THOMAS SOTTO
Monsieur le Ministre, vous êtes très fort au " Ni oui ni non ", là, j'ai deux petites questions très concrètes, avec oui ou non. Est-ce qu'une hausse des taxes sur les électricités est à l'étude ou non ?

ANTOINE ARMAND
Mais, on regarde l'ensemble des méthodes sur l'énergie, qui nous permettent de faire deux choses. La première c'est de verdir. C'est de verdir. Pourquoi ? Parce que vous le savez, aujourd'hui, on a un système qui a tendance à encourager davantage la consommation de choses qui sont mauvaises pour la planète.

THOMAS SOTTO
Donc, vous n'excluez rien.

ANTOINE ARMAND
Mais c'est plus qu'à l'étude, c'est instruit et on a présenté notre projet au Haut Conseil des finances publiques. On aura l'occasion de présenter la semaine prochaine.

THOMAS SOTTO
Une taxe sur les billets d'avion qui pourrait tripler en 2025. C'est ce qu'affirme Les Echos ce matin.

ANTOINE ARMAND
Je ne vais pas confirmer, vous imaginez bien, des sources de Presse. Ce qui est important, c'est que…

THOMAS SOTTO
Vous comprenez que c'est compliqué pour ceux qui nous écoutent, là, quand même, parce qu'on vous pose beaucoup de questions très concrètes et on n'a pas les réponses. Et hier on n'avait pas les réponses. Et le budget, il est présenté la semaine prochaine, donc on se dit…

ANTOINE ARMAND
Mais monsieur SOTTO…

THOMAS SOTTO
... est-ce que ce gouvernement sait où il va ?

ANTOINE ARMAND
Mais monsieur SOTTO, vous me demandez de vous donner des informations qui constitutionnellement doivent arriver d'abord aux élus de la Nation qui représentent vos auditeurs. Je ne peux pas, et je ne le ferai pas, dévoiler des choses qui sont le débat démocratique de base. Vous avez constaté comme moi hier, que le Premier ministre, il a dit : " Le respect des parlementaires, le respect des élus, ce sera la ligne une ". On commencera toujours par ça. Respecter le débat, c'est présenter les choses dans le bon ordre.

THOMAS SOTTO
Et j'ai une dernière question sur le SMIC. Hausse du SMIC de 2 =% au 1er novembre, c'est un coup de pouce en attendant une autre hausse le 1er janvier ou c'est la hausse du 1er janvier qui est avancée de deux mois ?

ANTOINE ARMAND
Alors, le Premier ministre a à la fois annoncé une hausse de 2%, ça pouvait être moins. Et deuxièmement, il a annoncé que cette hausse n'interviendrait pas, on n'attendrait pas janvier pour qu'elle intervienne, ça va être dès le 1er novembre. Je le dis très concrètement, ça veut dire que le SMIC passera à plus de 1 400 € nets par mois.

THOMAS SOTTO
C'est à peu près 30 € de plus par mois, c'est ça.

ANTOINE ARMAND
Est-ce que ça réglera tous les problèmes de pouvoir d'achat ? Personne n'est en train de le dire. Est-ce que c'est un geste significatif pour dire : des salaires plus décents, une rémunération plus juste pour ceux qui travaillent ? Oui, et je crois que c'est un signal extrêmement important envoyé par le Premier ministre.

THOMAS SOTTO
Il n'y aura pas de nouvelles hausses en janvier. On est d'accord pour que les choses soient claires.

ANTOINE ARMAND
Si la hausse de janvier est avancée à novembre, ce n'est pas pour en refaire une immédiatement.

THOMAS SOTTO
D'un mot le livret d'épargne dédié à l'industrie, ce sera pour quand et à quel taux ? C'est décidé ou pas ça ?

ANTOINE ARMAND
On est en train d'y travailler, avec l'idée que dès le début de l'année prochaine, on pourra sans doute proposer une offre, qui répond à un besoin très simple : on a tous et toutes envie de contribuer à ce qu'il ait plus d'usines en France, à contribuer à ce qu'on puisse, avec notre épargne…

THOMAS SOTTO
Ça c'est dès début 2025.

ANTOINE ARMAND
L'idée, c'est qu'on puisse la mettre en place dans les toutes prochaines semaines. Pourquoi ? Parce qu'on a aujourd'hui une épargne des Français qui est très importante, avec des gens qui ont envie d'investir dans des usines, dans de l'industrie française, en laquelle ils ont confiance. Et ça, je crois que c'est une bonne idée, à la fois pour l'industrie et pour la confiance des Français.

THOMAS SOTTO
Merci beaucoup Antoine ARMAND, ministre de l'Economie, d'être venu en direct ce matin sur RTL nous faire partager le Paradis blanc de Michel BERGER, en quelque sorte.

ANTOINE ARMAND
Merci à vous.

THOMAS SOTTO
Merci à vous.

AMANDINE BEGOT
" On ne touchera pas au barème de l'impôt sur le revenu ". Voilà l'une des petites précisions que vous avez réussi à avoir, Thomas.


Source : service d'information du gouvernement, le 3 octobre 2024