Interview de Mme Salima Saa, secrétaire d'État, chargée de l'égalité entre les femmes et les hommes, à France Info le 25 novembre 2024, sur la lutte contre les violences faites aux femmes, la protection des victimes, le numéro d'appel d'urgence, les aides pour les femmes qui quittent le domicile familial, la formation des professions susceptibles de recevoir des victimes et les féminicides.

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Média : France Info

Texte intégral

JEAN-BAPTISTE MARTEAU
C'est Salima SAA qui est notre invitée secrétaire d'État chargée de l'égalité entre les femmes et les hommes. Bonne journée.

SALHIA BRAKHLIA
Bonjour Salima SAA.

SALIMA SAA
Bonjour Salhia BRAKHLIA

SALHIA BRAKHLIA
C'est aujourd'hui la journée internationale de lutte contre les violences faites aux femmes. Ce week-end, des manifestations ont eu lieu dans plusieurs villes de France pour réclamer un sursaut contre ces violences. Des choses ont été faites aujourd'hui, mais ça reste insuffisant, c'est ce que disaient les manifestants dans la rue. Vous l'avez entendu ce message ?

SALIMA SAA
Aujourd'hui, c'est la journée. Le 25 novembre, c'est une journée cruciale, c'est la journée internationale de lutte contre les violences faites aux femmes. Donc oui, c'est un message où on entend les associations, puisque, d'abord, je tiens à saluer le travail qui est fait au quotidien par les élus, par les associations, par toute la société et notamment les associations comme Solidarité Femmes, comme France victimes, comme le Planning Familial, le CIDFF. Enfin, sans eux, rien ne pourrait se faire. Donc, oui, j'entends, j'entends ce sursaut, j'entends leur message et je suis là pour les accompagner et pour mettre en place ces choses avec elles et continuer à travailler.

SALHIA BRAKHLIA
Elles ont deux revendications, ces associations, elles l'ont, elles l'ont répété encore samedi, elles réclament un budget total de 2,6 milliards d'euros par an et une loi-cadre intégrale pour remplacer une législation qu'elle considère aujourd'hui actuelle, qu'elles jugent morcelée et incomplète. Là-dessus, qu'est-ce que vous leur répondez ?

SALIMA SAA
Je dis que tout le Gouvernement est mobilisé sur l'action et sur l'accompagnement des femmes et pour lutter contre les violences faites aux femmes, et notamment le Premier ministre, c'est le premier, le chef du Gouvernement est plus que mobilisé. Je rappelle juste que lors de sa déclaration de politique générale, il l'a bien dit : "Aucune tolérance à l'égard des violences faites aux femmes, et la preuve aujourd'hui, il fait un déplacement cet après-midi, il sera à la Maison des femmes de l'Hôtel-Dieu. Je serai à ses côtés avec le ministre Paul CHRISTOPHE, avec la ministre Geneviève DARRIEUSSECQ et il fera, il annoncera de nouvelles mesures, mais tout ça pour dire que c'est vraiment un enjeu crucial pour le Gouvernement, c'est une priorité. Donc oui, on les écoute, oui, on travaille sur le sujet et oui, on va continuer. Il y a déjà beaucoup de choses qui ont été faites, comme vous l'avez dit, je tiens à le rappeler, il y a eu un avant Grenelle et un après Grenelle aujourd'hui. Aujourd'hui, il y a les bracelets antirapprochements. Il y a le 39 19, le 39 19…

SALHIA BRAKHLIA
Le numéro d'urgence.

SALIMA SAA
Exactement. Je rappelle à tous les auditeurs et les auditrices, c'est un numéro d'urgence, mais c'est aussi un numéro de conseil, c'est un numéro qui répond à l'ensemble de la problématique. Il y a eu les pôles, ce qu'on appelle les pôles VIF dans les tribunaux, c'est-à-dire le pôle Violences intrafamiliales avec... Je suis allé à Pontoise visiter un pôle VIF. Ça veut dire quoi ? Ça veut dire que quand vous êtes victimes de violences, vous arrivez dans ce tribunal, il y a des guichets spécifiques pour vous, pour vous accueillir. Vous êtes accompagné ensuite par les acteurs sociaux, par des psychologues et il y a des magistrats qui sont formés spécialement sur ce sujet. Donc ça, c'est une grande avancée sur un certain nombre de tribunaux en France. Donc, l'accompagnement est fait, mais il faut faire plus. Vous avez raison, les chiffres sont têtus, les chiffres sont têtus…

SALHIA BRAKHLIA
Mais justement, on les a les chiffres, et ils sont impressionnants.

JEROME CHAPUIS
217 000 femmes victimes de viol, tentative de viol, chiffres de l'Observatoire national des violences faites aux femmes. On est à 122 féminicides depuis le début de l'année, selon le collectif Nous Toutes. Écoutez, la mère d'Alexia DAVAL, assassinée par son mari il y a sept ans, c'était hier soir sur France 2.

ISABELLE FOUILLOT, MERE D'ALEXIA DAVAL
Alexia, je sais qu'elle a été reconnue, elle est connue, mais on ne sait pas qui était la 146e, on ne sait pas qui était la 148e, après Alexia, derrière ce numéro, elles, elles ont un visage, elles ont un âge, elles ont un nom, et je voudrais qu'ils en sortent quelque chose de bon de ce drame, pour rendre service aux autres jeunes filles. Qu'à la moindre alerte, qu'à la moindre petite suspicion, qu'elles ne disent pas : "Ce n'est qu'une dispute, ça va passer", non, non, si elles doutent de quelque chose, il faut qu'elles agissent.

JEROME CHPAPUIS
Derrière chaque chiffre, une histoire. Votre réaction, Salima SAA ?

SALIMA SAA
Déjà, c'est poignant d'entendre une mère. Vous savez, quand on perd un enfant, on ne s'en remet jamais. Donc, j'ai beaucoup de compassion, j'ai beaucoup de soutien pour cette mère, mais elle a raison, en effet, quand on parle de ça, on parle de personnes, on parle de femmes, on parle de vies qui sont prises, on parle de violences. Donc oui, c'est quelque chose, on est dans l'humain, on est dans l'humain, et c'est la raison pour laquelle, lorsque j'ai pris mes fonctions, j'ai organisé dès le lundi 21 octobre, une cellule, que j'ai appelée cellule d'urgence, mais c'est plus une cellule pluridisciplinaire, où j'ai réuni à la fois des associations, des forces de l'ordre, des personnels de la justice, des magistrats, des médecins, enfin, tous les experts, mais je n'ai pas fait un grand conciliabule. J'ai pris cinquante personnes, et j'aurai demandé de travailler et de réfléchir, enfin, ce sont des experts, quelles sont les mesures que nous pouvons prendre pour améliorer la situation ? Puisque, oui, on constate, des choses ont été faites, les chiffres sont encore effrayants, le témoignage qu'on vient d'écouter est vraiment poignant. Donc qu'est-ce qu'on va faire ? Donc on a travaillé sur trois thématiques : comment protéger, comment éduquer, et comment agir ? On a réuni ces groupes, et il en est sorti des mesures, puisque les mesures qu'on annonce, ce ne sont pas des mesures qui sortent de notre tête, c'est vraiment des mesures du terrain, et pour moi, c'est important de le faire avec.

JEROME CHAPUIS
On va prendre les sujets un par un, Salima SAA.

SALHIA BRAKHLIA
Oui, avant justement de parvenir à ces drames, comment les éviter ? Et donc, ça commence par les signaux d'alerte, et parmi les urgences, il y a déjà l'accueil de ces femmes victimes de violences, quand elles doivent fuir leur foyer, déjà, dès le départ, pour échapper à leurs compagnons, à ce sujet, des efforts vont être faits, ça fait partie des mesures.

SALIMA SAA
Oui, ça fait partie des mesures, puisqu'en effet, pour une victime, il y a toujours trois temps, et le premier temps, c'est le temps de l'urgence. Alors qu'est-ce qu'on fait en cas d'urgence, quand on veut partir, on est sous les coups, on veut… Avec Paul CHRISTOPHE, nous avons réussi à obtenir une augmentation de 10 % du budget qui est consacré au secrétariat d'État, à l'Égalité entre les femmes et les hommes, et qui est spécifiquement une augmentation de l'aide universelle d'urgence. On passe de treize millions d'euros à vingt millions d'euros. Qu'est-ce que ça veut dire ? Cette mesure existait déjà, l'année dernière, 33 000 femmes…

SALHIA BRAKHLIA
Elle a été créée l'année dernière, effectivement, et c'est une aide d'urgence pour les femmes qui quittent leur foyer.

SALIMA SAA
Les femmes qui quittent leur foyer, qui doivent faire face aux frais immédiatement. Qu'est-ce que ça veut dire concrètement ? Vous voulez partir, vous hésitez, il faut y aller, il faut aller porter plainte, une fois que vous avez déposé plainte, vous êtes mis en relation avec la CAF, qui vous verse de l'argent, concrètement, qui vous verse de l'argent entre trois et cinq jours, pour faire face aux premiers frais ; nourrir vos enfants, prendre une chambre, enfin faire face. Et donc la moyenne du montant qui a été attribué aux femmes, l'année dernière, aux 33 000 femmes qui ont bénéficié de cette aide universelle d'urgence, est un montant de 800 euros, mais c'est une moyenne, puisque ça peut aller de 300 euros jusqu'à 1 400 euros.

SALHIA BRAKHLIA
C'est en fonction de quoi ? Du nombre d'enfants à charge ?

SALIMA SAA
En fonction du nombre d'enfants, enfin, on étudie la situation, mais ce que ça veut dire, c'est qu'il ne faut pas hésiter. Il ne faut pas hésiter, parce qu'en effet, c'est ce que vient de dire exactement cette mère, c'est que quand vous êtes dans une situation compliquée, on sait bien que ces femmes, elles sont dans une situation où elles hésitent, elles ne savent pas, elles ont peur, elles ne savent pas comment faire.

SALHIA BRAKHLIA
En tout cas, il ne faut pas rester pour l'argent, parce que vous êtes là pour une aide d'urgence.

SALIMA SAA
On est là, et pour un accompagnement.

SALHIA BRAKHLIA
Juste, si on augmente le nombre de femmes qui vont pouvoir en bénéficier, ou bien le montant de l'aide ?

SALIMA SAA
Alors, on sera à l'écoute, et on sera là pour répondre…

JEROME CHAPUIS
Parce que 869 euros, c'est assez peu, et c'est un peu vertigineux pour une femme de se dire : "Je vais vivre avec".

SALIMA SAA
Non mais c'est l'urgence, puisqu'après, il y a quand même l'accompagnement social, la maison… Vous déposez plainte, ensuite il y a tout un accompagnement avec les associations, C'est juste l'urgence. Comment vous faites tout de suite pour partir sans hésiter ? Et c'est vraiment une mesure efficace. Alors, comme vous le dites, Salhia BRAKHLIA, peut-être que, moi, j'espère qu'il y aura de moins en moins de femmes qui vont faire appel. Vous voyez, l'idée, ce n'est pas qu'il y en ait plus, mais en tout cas, on est conscient qu'il faille augmenter ce budget, et c'est un effort important. On est dans une période où, en effet, sur le budget, c'est un petit peu compliqué. Le Premier ministre, avec Paul CHRISTOPHE, ont décidé de l'augmenter ce budget, et de l'augmenter spécifiquement sur cette aide, donc je tiens quand même à signaler cet effort qui est fait, et qui est quand même significatif.

JEROME CHAPUIS
Sur la question de l'hébergement, parce qu'on parle de ces montants, mais il y a aussi la question de, où est-ce que je vais habiter ? C'est la question qui se pose la plupart du temps aux femmes qui veulent fuir leur foyer.

SALIMA SAA
C'est vrai, cette question est une question importante et d'ailleurs, depuis ces dernières années, on a doublé le nombre de places d'hébergement d'urgence, qui est vraiment uniquement pour les femmes victimes de violences. On est passé, et on est aujourd'hui à 11 000 places d'hébergement d'urgence réservées aux femmes victimes de violences, donc un effort a été fait. Bien sûr qu'on peut toujours faire plus. On y travaille, mais aujourd'hui, déjà, doubler le nombre de places réservées aux femmes victimes de violences, c'est un effort.

SALHIA BRAKHLIA
C'est sur tout le territoire ?

SALIMA SAA
Bien sûr que c'est sur tout le territoire, c'est important, c'est important ce point. En effet, quand on travaille avec les associations, c'est un maillage territorial. On travaille par exemple avec le CIDFF, 98 antennes du CIDFF, c'est pour nous le relais important, sur tout le territoire, quand on travaille avec Solidarité Femmes, quand on travaille avec France Victime, avec le planning familial, ils sont partout en France, c'est important, le 39 19, 24 heures sur 24, 7 jours sur 7.

SALHIA BRAKHLIA
Mais accessible, c'est pareil. Là encore, sur tout le territoire, en métropole, on sait. C'est valable aussi dans les territoires outre-mer ?

SALIMA SAA
Alors, il est accessible sur les territoires d'outre-mer et nous avons l'intention de le déployer encore plus. Donc, nous, notre rôle, c'est de donner les moyens au 39 19 pour le déployer encore plus. Parce que oui, nous n'oublions aucune personne, aucune, que ce soit sur les zones rurales, sur les zones dites prioritaires politiques de la ville, que ce soit en outre-mer. Ce sont tous les citoyens et citoyennes françaises et ce sont surtout tous les habitants de notre pays, quel que soit le territoire, qu'ils peuvent appeler le 39 19 et avoir une réponse. Et nous sommes là pour les accompagner.

JEROME CHAPUIS
Le moment crucial dans les violences conjugales, c'est souvent ce moment où on doit dénoncer ce qui arrive. Le recueil de la parole des femmes, ça a longtemps été très compliqué parce que beaucoup de femmes racontent qu'elles n'ont pas été prises au sérieux quand elles ont poussé la porte du commissariat. Qu'est-ce que vous pouvez nous annoncer pour améliorer les choses sur ce sujet ?

SALIMA SAA
Alors, il y a aussi eu beaucoup d'améliorations. Heureusement, puisqu'il y a des dépôts de plaintes, donc, ça veut dire que quand même, il y a eu un travail de formation qui a été fait, que ce soit auprès des forces de l'ordre, que ce soit auprès de la justice. Enfin, il y a un gros travail qui a été fait. Aujourd'hui, dans énormément de commissariats, nous avons des intervenants sociaux spécifiques qui sont dédiés à ce sujet, mais il faut toujours en faire plus, il y en a 468 sur le territoire français. En fait, la première demande qui est sortie de ces groupes de travail dont je vous ai parlé, vraiment, c'était une demande massive, c'est une demande de formation. Même moi, j'étais surprise quand on me demandait autant.

SALHIA BRAKHLIA
De qui ? Des policiers, des forces de l'ordre ?

SALIMA SAA
De tout le monde, en fait. Il y a déjà des formations, mais l'idée, c'est de faire des formations tout au long de la carrière. Puisque vous avez des formations initiales, mais notamment, même les médecins qui m'ont demandé, ils m'ont dit : "Nous, on connaît notre métier, mais on n'est pas forcément formés à l'accueil de la parole d'une victime. Une victime arrive, elle est en détresse, elle est en mode survie, et donc, il faut savoir écouter cette parole. Ce n'est pas toujours évident". Même les associations…

JEROME CHAPUIS
C'est quoi ? C'est l'écoute de la parole, et puis c'est, est-ce que je préviens ou non, quelles sont mes obligations, par exemple, en tant que médecin, c'est ça ?

SALIMA SAA
Alors, ce sujet est déjà pris en compte, mais il doit être amélioré, mais la formation, j'insiste, parce que c'est un point qui a été vraiment important. En fait, l'idée, ce n'est pas uniquement une formation quand vous êtes à l'école, au début, c'est tout au long de la carrière, puisqu'on sait bien que…

SALHIA BRAKHLIA
Alors, si prends l'exemple d'un policier, par exemple.

SALIMA SAA
Exactement, j'allais dire, je prends l'exemple d'un policier. Un policier qui est en école, il a une formation sur l'accueil de la parole, et sur les violences intrafamiliales et les violences sexistes et sexuelles. En revanche, une fois qu'il travaille, qu'il est en poste, qu'il est soit dans un commissariat ou soit qu'il va aider une femme dans un foyer pour l'extraire de son foyer, quand on revient après quelques années et qu'on refait une formation, on n'a pas la même approche, on n'a pas les mêmes questions. Il y a quand même ce retour de terrain qui est intéressant, donc, la formation…

SALHIA BRAKHLIA
Donc, des formations obligatoires ?

SALIMA SAA
Les formations, elles sont déjà obligatoires, mais les formations, elles vont surtout être tout au long de la vie, elles vont être faites régulièrement et surtout, elles vont être faites pour tout le monde. Alors, nous, ce qu'on fait au secrétariat d'État, c'est aussi fournir les outils de formation, parce que les outils de formation, il faut les adapter aux nouvelles violences, c'est ça aussi le sujet d'aujourd'hui. Il y a des violences, mais il y a toujours, perpétuellement des nouvelles violences, et là, on fait face aujourd'hui à une nouvelle forme de violence qui est la soumission chimique. Donc nous, nous fournissons aussi des outils, on accompagne tous les ministères, les services qui travaillent sur ces formations et qui mettent en place des plans de formation pour avoir des outils adaptés aux nouvelles formes de violences.

SALHIA BRAKHLIA
Jérôme parlait des commissariats, mais très souvent, les femmes, elles se retrouvent d'abord à l'hôpital avant de pouvoir penser à pousser la porte du commissariat. Comment les choses peuvent se dérouler à l'hôpital pour faciliter la démarche d'aller porter plainte ? On le sait, c'est difficile pour nombre de femmes. Comment on les aide ces femmes qui ont envie de porter plainte ? Mais, passer la porte du commissariat, c'est difficile.

SALIMA SAA
Alors, c'est important ce point, parce que passer la porte du commissariat, ce n'est pas évident pour une femme. Et puis quand vous êtes dans une zone rurale, passer la porte d'une gendarmerie, c'est encore moins évident parfois parce que tout le monde vous connaît, tout le monde se connaît. Donc, le dépôt de plainte à l'hôpital, c'est quelque chose qui existe déjà, il existe 236 conventions qui ont été signées en France. Moi, quand j'étais préfète de la Corrèze, je l'ai fait. J'ai signé cette convention avec le procureur, avec les hôpitaux. Donc, en Corrèze, c'est possible aujourd'hui d'aller à l'hôpital et de déposer plainte.

JEROME CHAPUIS
Mais ça veut dire qu'il faut des policiers, il faut des magistrats qui se déplacent ?

SALIMA SAA
Là, ce qu'on propose, et ce qui va être annoncé officiellement par le Premier ministre cet après-midi lors du déplacement, c'est d'étendre ce dispositif, et de l'étendre pour faire en sorte que d'ici la fin d'année, en effet, tous les hôpitaux qui sont dotés d'un service d'urgence et d'un service gynécologique, à l'intérieur de cet hôpital, en effet, une femme qui se déplace là-bas pourra déposer plainte.

JEROME CHAPUIS
D'ici la fin de l'année 2024, 2025 ?

SALIMA SAA
2025. Il n'y aura, si vous voulez, pour que la machine judiciaire se mette en place, il faut un dépôt de plainte. Le dépôt de plainte, c'est nécessaire. Donc il faut accompagner au mieux ces femmes, pour qu'elles…

SALHIA BRAKHLIA
Pardon, juste, j'essaie de comprendre, et pour que les auditrices qui nous écoutent et les téléspectatrices sachent comment ça se passe, si malheureusement elles font face à cette situation, elles sont à l'hôpital, il y aura un policier, il y aura une permanence policière à l'hôpital ?

SALIMA SAA
En fait, l'hôpital et le commissariat ou les gendarmeries sont en contact. Et en fait, à ce moment-là, ils appellent et quelqu'un vient pour prendre le dépôt de plainte. En fait, c'est comme ça que ça se passe, et après, c'est adapté à vos fonctions des hôpitaux. Mais ce que ça veut dire, c'est qu'il faut que… Et c'est ça le message que je veux faire passer aujourd'hui aux femmes qui nous écoutent, c'est : "N'hésitez pas à franchir la peur d'un hôpital et n'hésitez pas non plus à franchir la peur de la gendarmerie, la peur d'un commissariat. Aujourd'hui, on est là pour vous accueillir, on est là pour vous accompagner. Il ne faut pas hésiter".

SALHIA BRAKHLIA
Une précision importante, Madame la Ministre, parce que vous disiez les hôpitaux qui sont dotés d'un service d'urgence ou d'un service gynécologique, c'est tous les hôpitaux de France ?

SALIMA SAA
C'est 377 hôpitaux en France.

JEROMS CHAPUIS
Salima SAA, vous nous annoncez donc la généralisation, en tout cas l'extension très importante de ce dispositif de recueil des plaintes à l'hôpital. On va continuer sur ce chapitre très important, ce sera juste après le Fin Info, il est 8h47, Maureen SUIGNARD.

(…)

JEROME CHAPUIS
Et toujours avec Salima SAA, la secrétaire d'État chargée de l'égalité entre les femmes et les hommes, vous nous disiez que vous seriez tout à l'heure avec Michel BARNIER à la maison des femmes de l'hôtel-Dieu à Paris. C'est l'un des lieux où le recueil de la parole des femmes est réalisé très tôt, si tôt, l'hospitalisation de ces femmes victimes de violences conjugales et c'est très important parce qu'il faut parler du recueil des preuves qui est absolument clé dans la constitution du crime de viol. Comment est-ce que vous comptez améliorer ce recueil des preuves à l'avenir ?

SALIMA SAA
Alors, le recueil des preuves, c'est important, puisque pour que la machine judiciaire se mette en place, il faut un dépôt de plainte. Pour que ça continue, il faut qu'il y ait un dossier qui soit bien monté avec les preuves. Donc le recueil des preuves, ça passe également par la formation. Comment former mieux quand on accueille les victimes et on leur donne les conseils ? Et il faut absolument, comment dire, contacter, quand on va à l'hôpital, il faut pouvoir parler avec le médecin et que le médecin, et c'est ce qui se fait à la maison des femmes…

JEROME CHAPUIS
A l'hôtel-Dieu à Paris.

SALIMA SAA
À l'hôtel-Dieu, ils ont une spécificité, en plus, qui est vraiment particulière à leur établissement et je tiens à souligner, parce que c'est quelque chose de remarquable ce qu'ils font. On sait bien qu'une femme ne porte pas plainte tout de suite, mais par contre, quand elle est agressée et qu'elle vient, ils ont la possibilité, c'est une spécificité de cet établissement, de recueillir les preuves et de les conserver pendant trois ans. Parce que parfois, la victime de violences, cette femme, elle n'est pas prête à porter plainte. En revanche, il faut garder les preuves. Et à l'hôtel-Dieu, ils ont la possibilité, puisqu'ils ont un médecin légiste, de faire un recueil des preuves, de prendre, de faire les analyses nécessaires et de les conserver.

SALHIA BRAKLHIA
Et ça, par exemple, est-ce que c'est possible dans tous les hôpitaux que vous avez soulignés, les plus de 300 hôpitaux ?

SALIMA SAA
Aujourd'hui, ce n'est pas possible dans tous les hôpitaux, c'est possible dans certains.

SALHIA BRAKHLIA
Parce qu'on manque de moyens pour avoir un médecin légiste, comme vous le disiez, dans chaque établissement.

SALIMA SAA
Il faut s'organiser, c'est la raison pour laquelle j'insiste sur ce point, parce qu'à l'hôtel-Dieu, c'est vraiment remarquable ce qu'ils font. Quand on peut garder les preuves pendant trois ans, ça permet à une victime de se dire : "Je peux porter plainte dans un an ou dans deux ans".

JEROME CHAPUIS
Il faut les sensibiliser, les victimes, parce qu'elles n'ont pas forcément, d'ailleurs…

SALIMA SAA
Exactement ! C'est la raison pour laquelle je suis là aujourd'hui : allez porter plainte, allez voir un médecin, vous pouvez avoir des certificats, il faut des analyses, il faut être accompagné. Les associations sont vraiment là sur le terrain pour vous dire exactement ce qu'il faut faire. Le dossier qu'il faut monter, c'est le plus important pour que la plainte puisse aller au bout.

SALHIA BRAKHLIA
D'autant plus qu'il y a de nouvelles agressions. Vous l'avez souligné, l'exemple de la soumission chimique, une nouvelle forme d'agression, alors nouvelle, vous allez nous le dire. Et l'exemple d'actualité auquel on assiste aujourd'hui, c'est le procès Pélicot. Toutes les femmes, les militantes féministes, Salima SAA, ne sont pas d'accord sur la portée du procès Pélicot. Vous vous dites qu'il y aura un avant et un après. Pourquoi ?

SALIMA SAA
Alors, d'abord, je tiens quand même à souligner le courage de Gisèle PELICOT, c'est vraiment une femme courageuse qui nous démontre des choses incroyables. En plus, cette semaine, c'est une semaine particulière pour elle, puisqu'on rentre dans la semaine des réquisitions, c'est quand même un procès, une histoire qui a chamboulé toute la famille. Moi, j'ai eu au téléphone Caroline DARIAN, donc, sa fille, qui est fait de cette blessure, une force également, et ses fils, enfin, toute la famille est traumatisée. Le procès, c'est comme un procès qui, pour nous, c'est un procès qui choque toute la France, c'est un procès qui a un retentissement international. C'est un procès qui, quand on le voit, on se dit, à la fois d'un sentiment de dégoût, d'incompréhension, de colère.

SALHIA BRAKHLIA
Mais qu'est-ce qu'il dit, ce procès ? Parce que sur le banc des accusés, on a vu des messieurs tout le monde. On a vu des messieurs tout le monde. Là, une cinquantaine, et ils sont sûrement plus, d'après ce que dit l'enquête. Comment on évite que ces messieurs tout le monde reproduisent les mêmes actes ?

SALIMA SAA
Alors, moi, je reprendrais l'expression de Gisèle PELICOT. Elle a dit que c'est le grand procès de la lâcheté. Et moi, je pense que c'est un procès, en effet, pédagogique et historique. Et je l'ai dit, en effet, il y a eu un avant-#metoo, un après-#metoo, il y a eu un avant-Mazan et un après-Mazan, parce que ce qu'on voit, en effet, ce sont des hommes ordinaires et on voit une situation incroyable. Donc le sujet, ça met en exergue quand même deux sujets pour moi, et notamment le sujet de la soumission chimique qui est un nouveau fléau. Alors, il n'est pas complètement nouveau, seulement, là, on le voit encore plus. C'est la raison pour laquelle le Premier ministre a confié à nouveau la mission parlementaire à la députée Sandrine JOSSO.

SALHIA BRAKHLIA
Qui elle-même a été…

SALIMA SAA
Exactement, et à la sénatrice Léonie GUILLOTIN. Et on attend les premières conclusions de ce rapport, début mai. C'est un sujet important, la soumission chimique, et en effet, il faut y faire face. Et c'est la raison pour laquelle dans les outils de formation, comme je vous l'ai dit, et cette formation sur tous ceux qui accueillent la parole des victimes, qu'ils soient capables de répondre et de savoir ce qu'il faut faire, parce que quand on est victime de soumission chimique, il faut pareil, recueillir les preuves, et il faut aller dans des laboratoires spécifiques, ce n'est pas dans tous les laboratoires. Donc il y a cette histoire de formation, d'accompagnement, comment on accompagne au mieux les victimes.

SALHIA BRAKLIA
Mais du coup, il faut de la communication pour ça.

SALIMA SAA
Il faut de la communication, et quand j'ai rencontré Caroline DARIAN, avec son association "M'endors pas", et le CRAFS, qui est une plateforme d'écoute spécifique, pour répondre aux besoins et aux conseils concernant la soumission chimique, ils lancent cette semaine une grande campagne de communication, en partenariat avec l'Ordre des pharmacies, sur l'ensemble des pharmacies, et nous soutenons cette campagne. Ça veut dire qu'il y aura un QR code sur l'ensemble des pharmacies, n'importe où en France, c'est là, on y revient, sur le maillage territorial, sur l'ensemble de la France. Et vous pouvez avoir le numéro de téléphone, c'est une plateforme qui peut répondre, et vous conseiller, et vous indiquer dans quel laboratoire, ce qu'il faut faire avec vos cheveux, des prises de sang, l'urine. Comme me disait le médecin, le docteur CHAOUACHI, qui s'occupe du CRAFS, franchement, cette plateforme, elle est exceptionnelle. Elle me dit, vous avez toute l'histoire de votre vie sur vos cheveux, mais il faut le savoir. Il faut savoir où elle est, les laboratoires spécifiques, agréés.

SALHIA BRAKHLIA
Mais ça coûte cher, vous le savez, ces tests coûtent cher, et l'Ordre des médecins demande à ce qu'ils soient remboursés.

SALIMA SAA
Alors, les tests sont déjà remboursés quand vous portez plainte, quand vous avez fait un dépôt de plainte, les tests sont remboursés. Et la députée Sandrine JOSSO a déposé un amendement pour faire en sorte que tous ces tests soient remboursés, même sans dépôt de plainte. Et cet amendement a été approuvé par le Gouvernement, et notamment par la ministre Geneviève DARRIEUSSECQ, la ministre de la Santé.

JEROME CHAPUIS
Plusieurs questions encore dans l'actualité, et notamment une des questions qui est remise sur la table par ce procès, c'est la question du consentement. Faut-il ou non introduire cette notion dans la définition du viol dans le droit français ? On ne comprend pas toujours la position du Gouvernement sur ce sujet. Le garde des Sceaux, Didier MIGAUD, se dit ouvert à l'inscription de la notion de consentement. Est-ce que ça va se faire, oui ou non ?

SALIMA SAA
Alors, en effet, c'est un sujet assez sensible, sur lequel il faut quand même être prudent, mais sur lequel nous devons travailler, et nous y travaillerons, avec le garde des Sceaux. D'ailleurs, il y a une mission qui est en cours avec deux députés.

JEROME CHAPUIS
Les rapporteurs se sont prononcés déjà favorablement à cette…

SALIMA SAA
Non, mais la mission qui est en cours sur le sujet, dès l'introduction de la notion de consentement dans le droit pénal, je rappelle quand même la définition du viol, qui est sur quatre critères, donc la contrainte, la surprise, la menace ou la violence. Donc, aujourd'hui, il y a les députés Véronique RIOTTON et Marie-Charlotte GARIN, puisque c'est ce qu'on appelle une PPL…

SALHIA BRAKHLIA
Proposition de loi.

SALIMA SAA
Alors là, je comprends les termes, qui ont été dits, une proposition de loi transpartisane. Elles travaillent aujourd'hui sur un rapport, et elles vont déposer leur conclusion début décembre. Et à partir de là, avec le garde des Sceaux, nous allons travailler sérieusement, c'est un sujet extrêmement sensible et extrêmement sérieux. On ne peut pas le faire dans la précipitation. Par contre, oui, je pense qu'il est nécessaire de modifier le code pénal et d'y introduire cette notion. Maintenant, comment on l'écrit ? Puisque notre préoccupation, ce sera toujours de protéger les victimes et c'est ça le moteur. Il faut toujours protéger les victimes. Et pour ça, il faut être extrêmement prudent et c'est le travail que nous faisons, et nous prendrons le temps de le faire à partir du travail qui est fait par les députés.

JEROME CHAPUIS
Autre point de droit important, Aurore BERGE, qui vous a précédé dans ses fonctions dans le précédent Gouvernement, propose ce matin la fin de la prescription pour les victimes mineures de violences sexuelles. Est-ce que vous travaillez en ce sens ?

SALIMA SAA
Écoutez, je vais rencontrer Aurore BERGE, et nous allons en discuter. Aujourd'hui, nous n'avons pas pris la décision, mais ça fait partie…

SALHIA BRAKHLIA
Elle ne vous a pas tenu au courant ?

SALIMA SAA
Des sujets…

SALHIA BRAKHLIA
De ce qu'elle propose ?

SALIMA SAA
Si, si, je l'ai rencontrée il n'y a pas longtemps. On a commencé à en discuter. Nous allons continuer. Et ça fait partie des sujets. Il y a énormément de sujets. Et comme on l'a dit, aujourd'hui, c'est la journée internationale de lutte contre les violences faites aux femmes. C'est une journée cruciale, c'est une journée de mobilisation, je dirais même de remobilisation, de l'ensemble des acteurs, que ce soit les associations, la société, l'État, les services de l'État et les élus locaux. On travaille tous ensemble et on est fortement mobilisé.

SALHIA BRAKHLIA
Et Salima SAA, on vient d'en parler pendant 25 minutes. Sujet très important, et il faut évidemment l'évoquer. Sauf que quand on regarde l'ordre, le protocole dans le Gouvernement, vous figurez à l'avant-dernière place. On l'a dit, les associations, elles réclament beaucoup plus d'argent. 2,6 milliards, là où on est à peu près à 150 millions. Votre ministre de tutelle est un homme. Votre prédécesseur, on en a parlé, Aurore BERGE, va déposer une proposition sur les violences sexistes et sexuelles. Et visiblement, elle ne vous a pas prévenue.

SALIMA SAA
Si, si, on en a parlé.

SALHIA BRAKHLIA
Comment on gère une telle cause importante ? Est-ce que vous sentez que vous avez les moyens d'agir au niveau où vous êtes ?

SALIMA SAA
Alors, j'ai les moyens et le soutien parce que je travaille avec Paul CHRISTOPHE. En fait, nous sommes deux. Il y a un ministre des Solidarités et de l'Égalité entre les femmes et les hommes et une secrétaire d'État. En fait, on est deux et on est deux soutenus également par le Premier ministre. Je le rappelle, il en a fait une priorité lors de sa déclaration de politique générale. Ça veut dire que c'est une priorité pour le Gouvernement et on est deux. Et les moyens, avec Paul CHRISTOPHE, on a réussi à les augmenter de 10 %. Donc, je pense que c'est la meilleure preuve que c'est une priorité pour le Gouvernement et que ça reste une priorité. Et mon rôle au sein du Gouvernement, et c'est ça qui est important, c'est que je serai toujours l'avocate des femmes et je suis là pour faire en sorte que ce sujet reste une priorité au sein du Gouvernement. Je dois travailler, en effet, c'est un secrétariat d'État interministériel. Je dois travailler avec l'ensemble des ministères et c'est ce que nous faisons. Le ministre du Transport, par exemple, a fait des annonces hier et travaille sur le sujet du transport avec le ministre des Sports également pour mieux protéger les femmes, donc, avec la ministre de la Santé, avec la ministre de l'Éducation, avec le ministère de l'Intérieur, on travaille tous ensemble. En effet, c'est ça mon rôle. C'est d'animer, on va dire, en tout cas, de les motiver. Ils sont motivés, mais de faire en sorte, en effet, que les services, que l'administration, que tout ça suive derrière, je n'ai pas besoin de les convaincre. Ils sont déjà très convaincus, mais c'est sûr que la parole compte dans ce type d'engagement.

JEROME CHAPUIS
Merci Salima SAA, secrétaire d'État chargée de l'Égalité entre les femmes et les hommes. Vous étiez l'invité du 8.30 France Info.

SALIMA SAA
Je vous remercie beaucoup.

JEROME CHAPUIS
Je vous laisse en compagnie de Salhia BRAKHLIA et Renaud DELY pour Les Informés dans quelques minutes.


Source : Service d'information du Gouvernement, le 27 novembre 2024