Déclaration de Mme Élisabeth Borne, ministre d'État, ministre de l'éducation nationale, de l'enseignement supérieur et de la recherche, sur le discours de politique générale du Premier ministre, au Sénat le 14 janvier 2025.

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  • Élisabeth Borne - Ministre d'État, ministre de l'éducation nationale, de l'enseignement supérieur et de la recherche

Circonstance : Lecture d'une déclaration du Gouvernement

Texte intégral

M. le président. L'ordre du jour appelle la lecture d'une déclaration de politique générale du Gouvernement.

Je donne la parole à Mme Élisabeth Borne, ministre d'État, ministre de l'éducation nationale, de l'enseignement supérieur et de la recherche, qui va lire cette déclaration devant le Sénat. (Applaudissements sur les travées des groupes RDPI et INDEP, ainsi que sur des travées du groupe UC. – Murmures sur les travées du groupe Les Républicains.)

Mme Élisabeth Borne, ministre d'État, ministre de l'éducation nationale, de l'enseignement supérieur et de la recherche. Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, comme le veut la tradition, j'ai l'honneur de m'adresser à vous pour vous faire part de la déclaration de politique générale que le Premier ministre prononce en ce moment même devant l'Assemblée nationale.

"En vérité, contrairement à ce que beaucoup pensent, la situation de ce gouvernement présente un avantage considérable : sur ces bancs, même parmi ceux qui sont violemment hostiles à ce que nous pensons, pas un ne trouve notre position enviable. (Exclamations amusées sur les travées des groupes SER et Les Républicains.)

"Quelque 84 % des Français, paraît-il, jugent que le Gouvernement ne passera pas l'année. Il m'arrive même de me demander où les 16 % restants trouvent la source de leur optimisme !" (Sourires.)

M. Mickaël Vallet. Nous aussi !

Mme Élisabeth Borne, ministre d'État. "Eh bien, au risque de vous surprendre, je crois que cette situation est un atout. Quand tout va bien, on s'endort sur ses lauriers."

M. Mickaël Vallet. Les lauriers de Jupiter ! (Sourires sur les travées du groupe SER.)

Mme Élisabeth Borne, ministre d'État. "Quand tout va mal, on est contraint au courage.

"Il y a un deuxième atout décisif. C'est le besoin, l'exigence, l'injonction que notre pays nous assigne : retrouver de la stabilité. (Exclamations sur les travées du groupe Les Républicains.)

"Tout le pays, tous les Français en ont besoin. Ils comprennent bien que nous ne sommes pas d'accord sur tout, mais ils nous enjoignent, je le crois, d'unir nos forces pour forcer les issues. Un grand pays, un pays digne de ce nom, est un pays capable de regarder en face ses chances – elles sont grandes –, ainsi que ses difficultés, qui ne le sont pas moins.

"Les sujets d'inquiétude sont innombrables. Il en est un, toutefois, qui émerge avec une force criante : le surendettement de notre pays. Nos compatriotes, surtout les plus fragiles, savent ce qu'est le surendettement et quelles incertitudes et difficultés cette situation suscite."

M. Michel Savin. Eh oui !

Mme Élisabeth Borne, ministre d'État. "Depuis la guerre, la France n'a jamais été aussi endettée qu'elle l'est aujourd'hui. J'affirme qu'aucune politique de ressaisissement et de refondation ne pourra être conduite si elle ne tient pas compte de notre surendettement et si elle ne se fixe pas l'objectif de le contenir et de le réduire.

"Pourquoi cette situation de surendettement nous oblige-t-elle collectivement ? Parce que tous les courants dits de gouvernement y ont pris leur part.

"Quand François Mitterrand est élu,"… (Exclamations ironiques sur les travées du groupe SER.)

Mme Émilienne Poumirol. Et Giscard ?

M. Thierry Cozic. Et René Coty ?…

Mme Élisabeth Borne, ministre d'État. … "la France est l'un des pays les moins endettés du monde, à hauteur d'à peine plus de 20 % de la production nationale.

"À la fin de son second mandat, en 1995, ce taux s'établit à 52 %, soit plus de trente points d'endettement supplémentaires en quatorze ans." (Exclamations sur les travées du groupe Les Républicains.)

M. Roger Karoutchi. Et voilà !

Mme Élisabeth Borne, ministre d'État. "À la fin des années 1990, la France, pour tous les critères de santé économique, est nettement au-dessus de l'Allemagne réunifiée. Notre commerce extérieur est largement excédentaire et notre endettement inférieur à celui de nos voisins.

"Puis, en 2000 – c'est le gouvernement de Lionel Jospin –, brutalement, les courbes se cassent et commence une descente que rien ne semble pouvoir arrêter."

M. Mickaël Vallet. Pas même Sarkozy !

Mme Élisabeth Borne, ministre d'État. "Entre 2007 et 2012 – sous Nicolas Sarkozy (Exclamations ironiques sur les travées du groupe SER.) –, on observe une accélération de l'endettement, qui progresse de vingt-cinq points de produit intérieur.

"Entre 2012 et 2017 – sous François Hollande –, dix points supplémentaires.

"Depuis 2017 – sous Emmanuel Macron – douze points." (Exclamations ironiques sur les travées du groupe Les Républicains.)

M. Jean-François Husson. Ce n'est pas l'Eurovision !

Mme Élisabeth Borne, ministre d'État. "Je n'en fais pas un motif d'accusation. J'en sais les raisons : pour François Mitterrand, c'était l'alternance ; il fallait que les Français y trouvent leur compte. Sous Nicolas Sarkozy, il y a eu la crise des subprimes. Quant à Emmanuel Macron, il a fait face, coup sur coup, à une cascade de crises jamais vue et jamais imaginée : les "gilets jaunes" à partir de 2018,"…

M. Jean-François Husson. Les "gilets jaunes", c'est sa faute !

Mme Élisabeth Borne, ministre d'État. … "puis le covid et un pays à l'arrêt, enfin la guerre en Ukraine, l'inflation et l'explosion du prix de l'énergie." (Exclamations sur les travées des groupes CRCE-K, SER, GEST et Les Républicains.)

M. Mickaël Vallet. C'est Bruno Le Maire !

Mme Cathy Apourceau-Poly. N'oubliez pas les cadeaux fiscaux !

Mme Élisabeth Borne, ministre d'État. "J'affirme que tous les partis dits de gouvernement ont une responsabilité dans la situation créée ces dernières décennies. Et j'affirme que tous les partis d'opposition, demandant sans cesse des dépenses supplémentaires, ont également dansé le tango fatal qui nous a conduits au bord de ce précipice.

"Cette dette est une épée de Damoclès au-dessus de notre pays et de notre modèle social. C'est d'autant plus grave que nous sommes entrés dans un monde nouveau. Nous sommes passés de la force de la loi à la loi de la force. (Exclamations sur les travées des groupes SER et Les Républicains.)

"Le 24 février 2022, au vu et au su de la planète, l'une des principales puissances du monde, puissance géographique et militaire, la Russie de Vladimir Poutine, a jeté son dévolu sur un État souverain, l'Ukraine – un pays de la taille de la France ! –, pour l'annexer, fait sans précédent sur le sol européen depuis soixante-quinze ans.

"Cette agression a été un signal : celui du règne de la force brutale. C'était rampant ; c'est aujourd'hui affiché.

"Évidemment et significativement, l'Iran et la Corée du Nord, autres maillons de cette chaîne de puissances décidées à ne plus se laisser arrêter par des règles dont ils contestent désormais la légitimité même, sont entrés dans le soutien à l'agression de Vladimir Poutine.

"Les dirigeants chinois ne sont pas en reste. En faisant l'éloge d'un monde multipolaire, la Chine tisse le réseau de sa domination économique, technologique, diplomatique et militaire. L'excédent commercial chinois vient de franchir le cap – écoutez bien ! – des 1 000 milliards de dollars. C'est une stratégie programmée depuis dix ans et qui vise purement et simplement à remplacer notre industrie.

"Nous avions, dans la défense de ces règles bafouées, un grand allié, parfois incommode : les États-Unis. Or ceux-ci ont choisi, par d'autres voies, la même politique de puissance et de domination : l'offensive monétaire, la captation de la recherche mondiale, la poursuite de l'application extraterritoriale de leur droit, la domination technologique par des entreprises de taille planétaire et le pouvoir que tout cela donne d'intervenir dans la vie démocratique d'autres États.

"De ce nouvel ordre mondial, ou plutôt de ce nouveau désordre mondial, qui menace tous les équilibres et toutes les règles de la décence, Elon Musk n'est que le visage débridé. Mais, fait inédit, le président réélu des États-Unis articule lui-même des menaces d'annexion de territoires souverains : le Groenland, le canal de Panama et même le Canada.

"Il est temps de regarder les choses en face. C'est à nous de signifier à ces grandes puissances, que nous respectons, qui nous sommes, car sans notre détermination, elles l'oublieront.

"Dans le nouveau monde de la force brutale, la France a ses propres atouts. Sa diplomatie, la force de son armée et l'engagement de ses militaires, auxquels je rends ici hommage. Ils nous protègent collectivement. C'est d'ailleurs pour moi l'occasion d'évoquer le sort de nos otages retenus par le Hamas, ainsi que celui de tous nos otages dont nous demandons la libération.

"Mais pour que la France fasse vivre son trésor de civilisation et continue de le partager avec le monde, l'Europe – notre Europe – doit devenir une communauté stratégique, une puissance politique et de défense à la dimension de la puissance économique qu'elle devrait être. Il y a à cela une seule condition : que nous acceptions de nous définir et de nous affirmer ensemble.

"La construction d'une communauté politique pour faire vivre cette communauté de civilisation, c'est la question qui domine depuis 1945. À cette construction ont contribué, chacun à sa manière, le général de Gaulle, Jean Monnet et Robert Schuman, Valéry Giscard d'Estaing et François Mitterrand, Jacques Delors et Emmanuel Macron. (Marques d'ironie sur des travées du groupe Les Républicains.)

"Tous ont partagé une conviction : l'indépendance de la France dépend de celle de l'Europe, et réciproquement. La prospérité de la France dépend de celle de l'Europe, capable, si elle le veut, de devenir le premier marché de la planète, de parler technologie, industrie et agriculture à égalité avec les États-Unis et la Chine, comme l'a récemment montré le rapport de Mario Draghi.

"Néanmoins, l'Europe est travaillée, elle aussi, par des ferments inutiles de division. Si nous ne reconstruisons pas patiemment, comme le Président de la République le fait jour après jour, à la fois la place de la France en Europe et la vision française de ce que doit être l'Europe, alors nous deviendrons insignifiants et, immanquablement, nous entrerons dans la soumission. Toutes les sensibilités rassemblées au sein de l'équipe gouvernementale sont unies par cette conviction commune, ce que je salue.

"C'est dans cet esprit que j'ai constitué mon équipe gouvernementale. Elle reflète au mieux l'union des grandes sensibilités du pays, avec de l'expérience, de l'enracinement et de fortes personnalités.

"Cette équipe porte un message : comme aux heures où le sort même de notre nation était en question, l'intérêt général oblige à dépasser les préférences partisanes, pour que le pays se ressaisisse.

"Je doterai chaque ministre d'une feuille de route, et chaque feuille de route sera communiquée et partagée avec les commissions compétentes du Parlement et du Conseil économique, social et environnemental. (Exclamations ironiques sur les travées du groupe Les Républicains.)

"Je tiens en effet à ce que la société civile organisée ait pleinement voix au chapitre. J'ai confiance dans les partenaires sociaux. Je crois qu'ils ont entre les mains une part décisive de l'avenir national.

"C'est aussi cela la nouvelle méthode démocratique : en finir avec les injonctions du haut vers le bas, et redonner place à la vie démocratique, avec les citoyens, les élus et tous les corps intermédiaires qui constituent la nation française.

"Cette équipe de ministres reflète des choix révélateurs.

"L'éducation nationale est à sa place : la première ! Et elle est confiée à une personnalité, ancienne Première ministre, exemple de méritocratie républicaine et de service de l'État (Exclamations amusées sur les travées des groupes CRCE-K, SER, GEST et Les Républicains. – L'oratrice sourit.), assistée de l'ancien président du Centre national d'études spatiales (Cnes) et spécialiste des universités.

"Les outre-mer viennent ensuite. Cet engagement n'a jamais été porté aussi haut dans notre histoire."

M. Rachid Temal. C'est faux ! Pierre Messmer a fait bien plus !

Mme Élisabeth Borne, ministre d'État. "J'ai considéré que ce sujet et nos compatriotes, à ce moment précis de notre histoire commune, avec tous les risques et tous les dangers qui les entourent, devaient être promus au rang de toute première préoccupation de la Nation.

"Manuel Valls, ancien Premier ministre,"… (Exclamations ironiques sur les travées du groupe CRCE-K.)

Mme Cathy Apourceau-Poly. Un excellent Premier ministre…

Mme Élisabeth Borne, ministre d'État. … "a accepté d'en prendre la lourde et passionnante responsabilité.

"Les questions de sécurité sont brûlantes pour nos concitoyens. J'ai souhaité une coopération étroite entre les ministères de la justice et de l'intérieur, pour leur confier la restauration de l'autorité de l'État, qui est indissociablement celle de l'État de droit.

"Deux ministres d'État, chacun avec son tempérament, mais dont on sait la résolution commune, mèneront à bien cette action. La réponse au narcotrafic ou à la délinquance des mineurs, sur laquelle Gabriel Attal et son groupe ont proposé un texte, la présence des forces de sécurité sur le terrain, au travers, par exemple, de nouvelles brigades de gendarmerie, devront confirmer à nos concitoyens que l'État de droit n'est pas l'État de faiblesse. Et nous devrons être sans faiblesse pour lutter contre le terrorisme et tous les séparatismes.

"De même, il faudra repenser notre projet pénitentiaire au travers d'un plan d'urgence se fondant sur une nouvelle approche mieux adaptée aux différents types de détention.

"En outre, pour tous les pans de l'action du Gouvernement, chacun de ses membres aura à agir, pour chacun des pôles économique, social, territorial, écologique, culturel, agricole, pour les armées, l'Europe et les affaires étrangères, la transformation publique et les sports, avec le sens de la responsabilité, afin de relever trois défis.

"Le premier défi est de faire face à l'urgence. Il faut se ressaisir et adopter sans tarder les budgets de l'État et de la sécurité sociale. Cette précarité budgétaire, nous la payons tous au prix fort – entreprises, investisseurs, familles, contribuables, emprunteurs."

M. Mickaël Vallet. Et rentiers ! (Sourires sur les travées du groupe SER.)

Mme Élisabeth Borne, ministre d'État. "Le deuxième défi est de mettre en place les conditions de la stabilité. Cela impose de se réconcilier ; le pays en a tant besoin, et ses citoyens ne cessent de le réclamer.

"Troisième grand défi, de plus long terme, notre pays doit refonder son action publique, ce qui exige que nous nous attaquions sans tarder à tous les problèmes qui sont devant nous, et non à certains à l'exclusion des autres. (MM. Yannick Jadot et Guillaume Gontard applaudissent.)

"Notre situation de blocage n'est pas seulement financière. Elle est aujourd'hui politique.

"Jugez-en : budget de la sécurité sociale censuré, budget de la Nation entièrement rejeté en première lecture à l'Assemblée et interrompu au Sénat, ensemble des secteurs d'intervention publique – éducation, sécurité, santé, solidarité, agriculture, commerce extérieur… – entravés, milliers de recrutements, par exemple dans la justice, suspendus, mesures de soutien à la Nouvelle-Calédonie empêchées, loi de programmation militaire (LPM) enrayée, fonds vert des collectivités bloqué !" (Exclamations sur les travées du groupe GEST.)

M. Yannick Jadot. Ah ça, non !

Mme Élisabeth Borne, ministre d'État. "Nos concitoyens se sentent glisser sur la pente du déclassement. Les investisseurs s'inquiètent. L'épée de Damoclès de la motion de censure paraît avoir installé la précarité au sommet de l'État."

M. Rachid Temal. Vous oubliez que nous avons eu quatre Premiers ministres en un an !

Mme Élisabeth Borne, ministre d'État. "Au cœur de ce blocage, il y a quelque chose de culturel : notre incapacité à vivre avec le pluralisme, à être en désaccord sans nous menacer du pire. Les réquisitoires et les invectives minent la confiance des citoyens. Il est temps de changer de logiciel démocratique et donc de méthode,"…

M. Hussein Bourgi. Proportionnelle !

Mme Élisabeth Borne, ministre d'État. … "de se confronter, mais aussi de se respecter et de trouver des voies de passage, sans abdiquer ce que l'on est. (M. Guillaume Gontard s'exclame.) Et le lieu où la diversité se résout en capacité d'action, c'est le Parlement !

"La première urgence, c'est de répondre à la question des retraites qui occupe le débat public. On voit combien cette question continue de tarauder notre pays.

"Le déséquilibre de notre système de retraites et la dette massive qu'il a creusée ne peuvent être ignorés ou éludés. Je résume les chiffres, établis par le Haut-Commissariat au plan en 2021 et probablement aggravés depuis lors. (Ah ! sur des travées du groupe SER.)

"Notre système de retraites verse chaque année quelque 380 milliards d'euros de pensions. Le système par répartition que nous affichons voudrait que, chaque année, les actifs assument le versement de ces pensions.

"Or les employeurs et les salariés privés et publics versent à peu près 325 milliards par an. Cette somme s'obtient en additionnant les cotisations salariales et patronales du privé et du public, estimées au même taux, et les impôts versés par les contribuables et affectés aux retraites.

"Si l'on soustrait 325 milliards d'euros à 380 milliards d'euros, il reste 55 milliards d'euros, versés par le budget des collectivités publiques, au premier chef l'État à hauteur de quelque 40 milliards ou 45 milliards d'euros.

"Or ces 40 milliards ou 45 milliards d'euros annuels, nous n'en avons pas le premier sou ! Chaque année, cette somme, le pays l'emprunte. Autrement dit, il la met à la charge des générations qui viennent ou qui viendront. Sur les plus de 1 000 milliards d'euros de dette supplémentaires accumulés par notre pays ces dix dernières années, les retraites représentent 50 % du total.

"Jamais nous n'avons fait l'effort de partager avec les Français cette évidence que la dette contractée par notre pays concerne leurs propres enfants – nos propres enfants – et que la charge que nous leur laissons sera trop lourde pour être supportée.

"Entendez-moi bien : je ne dis pas que la dette est toujours immorale. Si nous construisons des infrastructures ou finançons la recherche, il est légitime que nous partagions la charge avec ceux qui utiliseront ces équipements ou profiteront de ces connaissances. S'endetter pour construire une université ou un hôpital dont l'usage, par les générations qui viennent, durera cinquante ou quatre-vingts ans, c'est légitime."

M. Pascal Savoldelli. C'est le discours de 2023 ?

Mme Élisabeth Borne, ministre d'État. "Mais la dette est injuste si elle met à la charge de nos enfants nos dépenses courantes d'aujourd'hui. Loin d'être seulement un problème financier ou social, cette dette est d'abord un problème moral." (M. Pascal Savoldelli proteste.)

M. Mickaël Vallet. Surtout vis-à-vis des rentiers !

Mme Élisabeth Borne, ministre d'État. "Quand on est héritier dans une famille, on peut toujours refuser l'héritage qui comporte trop de dettes. Mais quand on est citoyen d'un État, on ne le peut pas !

"Ce problème social et moral, le Gouvernement n'entend pas le laisser sans réponse. La réforme des retraites est vitale pour notre pays et notre modèle social : bien des gouvernements successifs s'y sont engagés, depuis celui de Michel Rocard jusqu'aux efforts courageux du gouvernement d'Élisabeth Borne. (Rires. – Mme Marie-Pierre de La Gontrie applaudit.)

"Je note dans ce débat passionnel un progrès considérable : plus personne ne nie qu'il existe un lourd problème de financement de notre système de retraites. Et en même temps, nombre des participants aux discussions ont affirmé qu'il existait des voies de progrès et que l'on pouvait obtenir le même résultat par une réforme plus juste.

"Je choisis donc de remettre ce sujet en chantier, avec les partenaires sociaux, pour un temps bref et dans des conditions transparentes, selon une méthode inédite et quelque peu radicale.

"La démarche s'appuiera sur un constat et des chiffres indiscutables. Je vais demander une mission flash, de quelques semaines, à la Cour des comptes, et j'en communiquerai le résultat à tous les Français.

"La loi de 2023 a prévu que l'âge légal de départ passerait à 63 ans à la fin de 2026. Une fenêtre de tir s'ouvre donc. Je souhaite fixer une échéance à plus court terme, celle de la prochaine loi de financement de la sécurité sociale (LFSS). Nous pouvons rechercher une voie de réforme nouvelle, sans aucun totem et sans aucun tabou, pas même l'âge de la retraite – les fameux 64 ans –, à condition qu'elle réponde à l'exigence fixée. Nous ne pouvons pas dégrader l'équilibre financier que nous visons et sur lequel presque tout le monde s'accorde. Ce serait une faute impardonnable contre notre pays.

"Plusieurs des partenaires sociaux ont indiqué qu'ils avaient identifié des pistes pour que la réforme soit socialement plus juste et cependant équilibrée. Elles méritent toutes d'être explorées. Et toutes les questions doivent pouvoir être posées. Chacun des partenaires sociaux aura le droit de faire inscrire à l'ordre du jour de ces discussions et négociations les questions qui le préoccupent. Rien n'est fermé."

M. Roger Karoutchi. Formidable !

Mme Élisabeth Borne, ministre d'État. "Une délégation permanente sera donc créée. Je la réunirai dès vendredi prochain. Je proposerai aux représentants de chaque organisation de travailler autour de la même table, de s'installer dans les mêmes bureaux, ensemble, pendant trois mois à dater du rapport de la Cour des comptes.

"Si, au cours de ce conclave, cette délégation trouve un accord d'équilibre et de meilleure justice, nous l'adopterons. Le Parlement en sera saisi lors du prochain projet de loi de financement de la sécurité sociale ou, si nécessaire, par un projet de loi." (M. Roger Karoutchi manifeste son scepticisme.)

M. Mickaël Vallet. Si aucune motion de censure n'est adoptée avant cela !

Mme Élisabeth Borne, ministre d'État. "Je souhaite que cet accord soit trouvé, mais si les partenaires ne s'accordaient pas, c'est la réforme actuelle qui continuerait à s'appliquer."

Mme Cathy Apourceau-Poly. On peut être tranquilles, alors !

Mme Élisabeth Borne, ministre d'État. "L'adoption d'un budget est indispensable pour les Français, pour l'action de la France, pour son image et pour son crédit.

"Cette orientation vers un retour à l'équilibre, qui sera nécessairement pluriannuelle et respectueuse de nos engagements européens, passera par des efforts de l'État lui-même. L'objectif est bien d'atteindre 3 % de déficit public en 2029.

"Cette contrainte se manifeste dès à présent : les prévisions de croissance, à la suite, en particulier, de la crise née du vote de la motion de censure, ont toutes été revues à la baisse.

"Nous ne voulons pas ignorer ces avertissements. Le Gouvernement a donc décidé de revoir sa prévision de croissance pour 2025. Alors qu'elle était de 1,1 % avant la censure, nous la réévaluons à 0,9 %, conformément aux prévisions de la Banque de France. Il sera proposé de fixer l'objectif de déficit public pour 2025 à 5,4 % du PIB.

"Des économies importantes seront proposées. Et pour la suite, c'est bien un puissant mouvement de réforme de l'action publique qu'il faut conduire.

"Il faudra trouver des méthodes d'organisation de l'État qui ne requerront pas d'augmentation de nos dépenses publiques. Nous devrons repenser tous nos budgets, à partir non pas du prolongement de ce qui se faisait l'année précédente, augmenté d'un pourcentage d'inflation, mais de ce qu'exige le service ou l'action à conduire.

"Je demanderai à tous les ministres de préparer dès le printemps ces budgets redéfinis et repensés. C'est un effort dont personne ne pourra s'exclure, chacun à sa manière, dans l'exercice quotidien de ses missions.

"Cet exercice devra interroger notre organisation. Est-il nécessaire que plus de 1 000 agences, organes ou opérateurs exercent l'action publique ? Nous connaissons le rôle précieux de plusieurs d'entre eux, comme France Travail, mais ces 1 000 agences ou organes, sans contrôle démocratique réel, constituent un labyrinthe dont un pays rigoureux peut difficilement se satisfaire.

"Les parlementaires seront pleinement associés à cet effort d'organisation et de rationalisation. C'est la fonction du Parlement : contrôler et évaluer.

"Cet effort devra être prolongé et inventif. Il devra aussi être soutenu parce que, souvent, la réforme au début coûte. J'annonce la création d'un fonds spécial entièrement dédié à la réforme de l'État, financé en réalisant une partie des actifs, en particulier immobiliers, qui appartiennent à la puissance publique, de façon à investir, par exemple, en faveur du déploiement de l'intelligence artificielle (IA) dans nos services publics.

"Ces sommes ne pourront être utilisées pour des dépenses courantes, pour abonder tel ou tel budget. Elles resteront donc uniquement consacrées à ces efforts de réorganisation. Cette manière de rendre actif un patrimoine aujourd'hui inactif nous permettra peut-être, un jour, d'engager un scénario de réduction de notre endettement.

"Je l'ai dit le jour de ma prise de fonction, nous avons devant nous une grande œuvre de réconciliation : réconcilier les Français entre eux ; réconcilier les Français avec l'État et leurs élus ; réconcilier les Français avec les entreprises.

"L'unité du pays, nous ne la ferons pas à coups d'incantations. Elle passe par l'association effective de tous, de manière continue, aux affaires qui les concernent.

"Cette association porte un nom que l'on utilise souvent, sans lui donner sa vraie portée : c'est la démocratie. Et pas seulement la démocratie électorale avec ses surenchères, sa communication tarifée et ses éléments de langage."

M. Mickaël Vallet. Oh non, au vu des résultats des législatives…

Mme Élisabeth Borne, ministre d'État. "Un philosophe qui siégea sur ces bancs, Marc Sangnier, a défini la démocratie comme "l'organisation sociale qui porte à son plus haut la conscience et la responsabilité du citoyen". Or il n'y a pas de citoyens conscients et responsables si l'on ne partage pas avec eux les vérités les plus fondées, même les plus brutales.

"Comme l'écrivait Charles Péguy (Ah ! et sourires sur les travées du groupe SER.), il faut "dire la vérité, toute la vérité, rien que la vérité, dire bêtement la vérité bête, ennuyeusement la vérité ennuyeuse, tristement la vérité triste". J'ai seulement une nuance sur le "tristement"…

"La politique du Gouvernement, c'est la vérité partagée. Le Gouvernement considérera les Français comme des partenaires des décisions à prendre, non comme les sujets d'une monarchie qui n'auraient d'autre choix que d'obéir ou de se révolter."

M. Jean-François Husson. À quoi fait-il allusion ?…

Mme Élisabeth Borne, ministre d'État. "Nous ne laisserons aucun problème hors de notre champ ; pour chacun d'eux, je partagerai les diagnostics avec les Français, afin d'établir la délibération sur des bases indiscutables.

"La démocratie, c'est aussi la question de cette promesse de la Ve République : concilier la capacité d'action de l'État et le pluralisme.

"Cette capacité d'action de l'État passe par une coopération entre les pouvoirs. Le Parlement a, de ce point de vue, des prérogatives qui doivent être pleinement respectées. Je pense en particulier à son pouvoir d'initiative, qu'il ne manquera pas d'exercer sur des sujets importants dans notre société, comme la fin de vie.

"Notre société n'est plus enfermée dans l'impasse de la bipolarisation. C'est heureux. On sait à présent que, sur un sujet donné, il n'y a pas que deux options prédéfinies. Il y a plusieurs sensibilités, contrastées, mais qui ne s'excluent pas. Et le but de la démocratie, à mes yeux, n'est pas qu'une idée triomphe sur les autres ; c'est que les différentes sensibilités vivent ensemble.

"Pratiquement, la question est celle de la reconnaissance du pluralisme."

M. Roger Karoutchi. Eh bien…

Mme Élisabeth Borne, ministre d'État. "Il y a, dans la vie politique française aujourd'hui, une pluralité de courants, peut-être cinq ou six principaux. Je respecte la réflexion de ceux qui estiment qu'il faut "tout conflictualiser". Je connais bien Jean-Luc Mélenchon (Exclamations sur les travées des groupes Les Républicains et CRCE-K.), mais je me dis que, en voyant nos divisions, ceux qui veulent nous assujettir se frottent les mains.

"Il y a longtemps – c'est une valeur française depuis Henri IV, au XVIe siècle,"… (Exclamations sur les travées des groupes SER, CRCE-K et GEST.)

Mme Émilienne Poumirol. Cela a été long à venir !

M. Mickaël Vallet. Le problème, c'est qu'après il y a Ravaillac… (Sourires sur les travées du groupe SER.)

Mme Élisabeth Borne, ministre d'État. … "et les grands républicains au XIXe siècle – que nous avons abandonné l'idée, en matière religieuse et philosophique, que l'on doit faire triompher sa conception sur celle des autres. C'est ce qu'on appelle "laïcité".

"Je crois à la laïcité en matière religieuse comme en politique, cette laïcité dont la racine grecque veut dire "faire un seul peuple".

"Faire un seul peuple, c'est reconnaître que le pluralisme est légitime. Je souhaite proposer que les partis politiques, comme les syndicats, puissent être reconnus comme des mouvements d'utilité publique.

"Je souhaite aussi la création de la banque de la démocratie, pour que le financement des partis politiques et des campagnes dépende des choix non plus de banques privées, mais d'organismes publics placés sous le contrôle du Parlement, et pour qu'il échappe à des financements privés ou étrangers. En 1993, je me suis battu pour exclure les entreprises du financement des partis politiques. Quand je porte mes yeux vers les États-Unis et l'emprise qu'y exerce l'argent sur la formation des consciences, j'en suis fier.

"Mais le pluralisme suppose aussi que chacun trouve une place au sein de la représentation nationale, à proportion des votes qu'il a reçus. C'est la seule règle qui permette à chacun d'être lui-même authentiquement, sans s'engoncer dans des alliances insincères.

"Je propose donc que nous avancions sur la réforme du mode de scrutin législatif. Chacun exprimera alors sa position. Il y a une option à prendre sur ce principe et une discussion à avoir sur ses modalités.

"On voit bien quels sont les principaux choix. Mon opinion est que ce mode de scrutin doit être enraciné dans les territoires ; il faut qu'il ne crée pas plusieurs catégories de citoyens ; et peut-être oblige-t-il, comme le dit le président du Sénat, à reposer en même temps la question de l'exercice simultané d'une responsabilité locale et nationale." (Applaudissements sur les travées des groupes RDPI et Les Républicains. – Exclamations sur les travées des groupes SER, CRCE-K et GEST.)

M. Mickaël Vallet. Les collectivités sont surendettées et ils applaudissent !

Mme Élisabeth Borne, ministre d'État. "Enfin, la démocratie suppose un accès à une information fiable. Les conclusions des États généraux de l'information lancés par le Président de la République devront être traduites en actes. De même, la réforme de l'audiovisuel public, ce bien commun des Français, devra être conduite à son terme.

"Je suis le premier à mesurer la qualité de notre fonction publique. Nos agents sont engagés. Ils ont un grand sens du service public et méritent notre considération. Ce que j'ai vu, par exemple, à Mayotte force le respect. Mais notre bureaucratie est trop lourde, incroyablement lourde.

"Une étude récente montre que, chez nos voisins, le poids des normes est en moyenne de 0,5 % du PIB annuel : 0,8 % en Italie, 0,3 % en Espagne, 0,17 % en Allemagne. Chez nous, il est tout près de 4 %, et c'est insupportable. (Brouhaha sur les travées du groupe Les Républicains.)

"La lourdeur administrative, ce sont ces normes dont chacun sait combien elles peuvent le brider, parfois le rendre fou. Le Gouvernement s'engagera donc dans un puissant mouvement de débureaucratisation. Le projet de loi de simplification de la vie économique qui a commencé à être examiné doit être adopté rapidement.

"Mais il faut agir plus en profondeur et dans le temps. Selon quelle méthode ? Je n'en connais qu'une : rendre du pouvoir au terrain. Grâce à France Expérimentation, les acteurs de terrain devront redéfinir eux-mêmes, en partenariat avec l'État, les simplifications, suppressions ou allégements d'obligations utiles.

"Mais il faut aller plus loin et changer de paradigme. Partout où cela sera possible, nous inverserons la charge de la preuve : à l'administration de remplir les papiers, à l'usager de les vérifier.

"Les collectivités locales doivent être soutenues dans leur action. Ce sont elles qui portent une grande part de l'investissement de notre pays, beaucoup plus que l'État ! Quand l'activité fléchit, c'est cet effort d'investissement qui soutient le bâtiment, les travaux publics, l'équipement de nos villes.

"Ce sont elles, aussi, qui soutiennent l'implantation d'entreprises, sont aux côtés des associations et maintiennent le tissu social dans ses dernières mailles. Cet effort d'investissement est précieux pour le pays.

"Pour cela, je souhaite des rapports d'ouverture et de confiance dans la continuité.

"Mon gouvernement confortera les avancées sur des sujets très attendus comme l'eau, l'assainissement, le statut et la protection des élus. Les initiatives parlementaires devront aboutir. Sur le plan financier, l'effort financier demandé aux collectivités sera ramené, les débats parlementaires l'ont confirmé, de 5 milliards d'euros, comme il était prévu initialement, à 2,2 milliards d'euros en 2025. J'ai toute confiance dans la capacité des élus à mener cet effort.

"Je souhaite aussi que nous fassions avancer notre pays avec de grands projets.

"Certains projets, souvent engagés par des collectivités, sont bloqués aujourd'hui. Je souhaite que, sur le modèle du chantier de Notre-Dame de Paris, qui doit nous inspirer, des opérations “commandos” soient organisées,"…

M. Mickaël Vallet. On est à deux doigts du choc…

Mme Élisabeth Borne, ministre d'État. … "en lien avec les collectivités, pour débloquer 100 projets sur tout le territoire. Ils seront une vitrine de la France qui avance et qui construit.

"Avoir confiance dans la responsabilité des collectivités, c'est aussi tenir compte de la spécificité de certaines d'entre elles. Tel est le cas, qui me tient à cœur, de la Corse. Conformément aux orientations annoncées par le Président de la République, un calendrier a été fixé pour aboutir à une évolution constitutionnelle à la fin 2025. Il sera respecté.

"Il existe chez nous un vieux réflexe : cibler les entreprises, plus spécialement les entreprises françaises, en particulier celles qui réussissent le mieux à l'exportation.

"Les entreprises que l'on dit multinationales sont celles qui ont réussi, par leur savoir-faire, leur recherche, leur esprit de conquête, à être sélectionnées pour la compétition mondiale. Elles font honneur à la France et contribuent à sa richesse, à l'instar du formidable tissu des PME françaises."

M. Jean-François Husson. Très bien !

Mme Élisabeth Borne, ministre d'État. "J'ai la conviction que nous devons faciliter la tâche de nos entreprises, dans des conditions fixées par la démocratie sociale. Elles doivent ainsi être prémunies contre des augmentations exponentielles d'impôts et de charges, sans quoi nous nous retrouverions dans la situation de celui qui, selon la fable, en faisant un sort à la poule aux œufs d'or, s'était "lui-même ôté le plus beau de son bien"."

M. Mickaël Vallet. La poule au pot ! (Sourires sur les travées du groupe SER.)

Mme Élisabeth Borne, ministre d'État. "L'entreprise produit les richesses et l'emploi pour tout le pays grâce à ses dirigeants, ses chercheurs, ses cadres, ses salariés. Mais si elle se voit surchargée de prélèvements et de normes, alors elle cesse de produire. Le trésor est dans l'activité, la créativité et la souplesse.

"Cette œuvre de réconciliation à laquelle mon gouvernement doit s'atteler, comme nous tous, ne sera possible que si nous offrons une perspective à notre pays. Nos efforts doivent être tendus vers un but qui suppose lucidité, courage et espérance, celui d'une nouvelle promesse française. C'est une œuvre de refondation républicaine que nous vous proposons.

"Cette promesse française offre à chacun les conditions de sa dignité en tant que citoyen et en tant que personne. La France ne s'en remet pas à la seule loi du marché pour cela.

"La France a toujours porté en elle l'idée de fraternité et de solidarité : la solidarité envers chacun, quel que soit son milieu de naissance, son accent, sa couleur de peau, sa condition.

"C'est, pour tous, la possibilité de s'affirmer et d'avoir parfois une deuxième ou une troisième chance de le faire quand les difficultés de la vie donnent l'impression que l'échec est définitif. Telle est l'intuition fondatrice que le Président de la République a défendue en 2017, et je veux la réaffirmer ici.

"La promesse française, c'est aussi l'attention portée à l'égalité entre les femmes et les hommes. Ce combat de civilisation, nous devons le porter ici et ailleurs, partout où les femmes subissent l'intolérable – je pense en particulier au sort des femmes afghanes. Cette égalité suppose de lutter sans merci contre les violences sexuelles ou sexistes, mais aussi pour l'égalité salariale et professionnelle.

"La promesse française, c'est également répondre au cri qu'ont fait entendre les "gilets jaunes" sur nos ronds-points il y a six ans. Je m'adresse à eux aujourd'hui. Ils ne doivent pas penser que nous les avons oubliés ! Ils doivent savoir que ce rejet qui est le leur de la division du pays entre ceux qui comptent et ceux qui ne comptent pas, ceux qui passent à la télévision et ceux qui la regardent, ceux des arrondissements centraux de Paris et les autres, nous en faisons le cœur de notre politique.

"La promesse française suppose que notre société puisse trouver une forme d'harmonie.

"Puisqu'il faut dire les choses telles qu'elles sont, nous devons évoquer les craintes que suscite l'immigration. Cela ne date pas d'hier.

"La misère, les conflits, les bouleversements climatiques se conjuguant, l'immigration est devenue une question brûlante sur toute la planète. Elle l'est pour ceux qui supportent les vagues migratoires actuelles comme pour ceux qui se sentent menacés par les prochaines. Et les réseaux sociaux attisent cette crainte tous les jours.

"J'ai la conviction profonde que l'immigration est une question de proportion. L'installation d'une famille étrangère dans un village pyrénéen ou cévenol, c'est un mouvement de générosité qui se déploie, des enfants fêtés et entourés à l'école, des parents qui reçoivent tous les signes de l'entraide. Mais que trente familles s'installent et le village se sent menacé. Le désir, après tout respectable, de se sentir chez soi est mis à mal. Tout cela est humblement humain et affaire de bon sens, que je revendique.

"Les bidonvilles et la misère qui y est recluse provoquent le même rejet partout, à Calais comme à Mayotte. Si les Parisiens devaient connaître cette situation dans les mêmes proportions que les Mahorais, il y aurait 500 000 illégaux vivant en bidonville à Paris, et c'est toute la population parisienne qui se révolterait.

"Voilà pourquoi l'ordre, "le premier de tous les besoins de l'âme", comme disait la philosophe Simone Weil, est aussi un devoir.

"Cela n'empêche pas de comprendre, dans notre commune humanité, que c'est la misère qui pousse à fuir son pays. Nous le savons bien, nous les Basques, les Béarnais, les Bretons, qui avons au XIXe siècle fourni tant de contingents d'émigrés. (Marques d'agacement sur les travées du groupe Les Républicains.)

"La volonté de protéger et d'appliquer nos lois doit être sans faille, mais respectueuse de ceux que les vagues de la vie ont conduits jusqu'à nous. Or respecter ces personnes, c'est les intégrer dans un ordre où tous peuvent se reconnaître. Il est donc de notre devoir de conduire une politique de contrôle, de régulation et de renvoi dans leur pays de ceux dont la présence met en péril la cohésion nationale.

"Mais comment faire, alors que 93 % des obligations de quitter le territoire français (OQTF) ne sont pas exécutées ? Et que dire du comportement de certains pays qui devraient pourtant accueillir leurs propres ressortissants… Si nous ne résolvons pas cette question, toutes nos déclarations d'intention seront vaines.

"Cette politique, que mène fermement le ministre de l'intérieur, suppose aussi l'action de tous les ministères. C'est pourquoi je réactiverai le comité interministériel de contrôle de l'immigration. Et je sais que les parlementaires ne manqueront pas, également, de prendre des initiatives. Il nous appartiendra, ensemble, de les articuler avec la nécessaire transcription du pacte européen sur la migration et l'asile.

"Il nous appartiendra aussi de mieux user de notre aide au développement,"…

M. Rachid Temal. Moins de 2 milliards d'euros !

Mme Élisabeth Borne, ministre d'État. … "en retrouvant en 2026 une trajectoire dynamique.

"Notre cap, c'est l'intégration : nous ne demanderons à personne de renoncer à ce qu'il est. Notre cap, c'est l'incorporation à la Nation de ceux qui sont amenés à la rejoindre : par le travail, qui crée des liens et donne de la reconnaissance ; par la langue, qui est une patrie ; par l'apprentissage des façons de vivre et des valeurs qui les guident ; par le respect, aussi, de la liberté des femmes et de ceux qui croient différemment ou qui ne croient pas. En revanche, contre tous ceux qui prônent l'inverse, nous serons sans faiblesse. La République n'existe que si elle se fait respecter.

"Je ne me lancerai pas dans un catalogue de mesures. Chaque ministre aura la responsabilité de conduire son action sous mon autorité, dans un dialogue constant avec le Parlement et les forces sociales. Mais je souhaite fixer quelques lignes de force pour l'action de mon gouvernement.

"Ces grandes politiques doivent être inspirées par le long terme, par l'esprit du plan, que j'ai souhaité restaurer en 2020.

"Il ne peut y avoir de partage des grands choix avec les citoyens et de débat sérieux au Parlement sans une vision de long terme. Une maxime française dit tout en quatre mots : "gouverner, c'est prévoir". Elle se poursuit ainsi : "et ne rien prévoir, c'est courir à sa perte". Cela est particulièrement évident concernant les questions de démographie ou d'écologie, qui engagent des orientations sur plusieurs décennies.

"L'écologie n'est pas le problème. C'est la solution." (Exclamations sur les travées des groupes GEST, SER et CRCE-K.)

M. Yannick Jadot. Quarante-cinq minutes avant d'entendre enfin parler d'écologie !

Mme Élisabeth Borne, ministre d'État. "L'effort à consentir sur ce sujet crucial – cette adaptation –, la France a commencé à le faire, mieux que tous les autres pays du monde.

"Il s'agit pour moi d'une priorité, d'une ardente obligation, qui doit être poursuivie et amplifiée : planifier la transition en finalisant notre stratégie bas-carbone et préserver notre biodiversité pour produire de façon décarbonée, grâce à des technologies nouvelles – je pense en particulier à notre politique énergétique.

"Cette politique a un but : l'énergie décarbonée accessible à tous. Le nucléaire est un axe essentiel pour y parvenir, tout comme la géothermie, réservoir inépuisable de calories gratuites qui se trouve sous nos pieds.

"La question de l'eau, sur laquelle je reviendrai, est essentielle. Nous devons la saisir à bras-le-corps, au travers d'une grande conférence nationale qui sera déclinée dans les régions.

"La transition écologique consiste en outre à favoriser les mobilités les plus adaptées, de l'hydrogène au plan vélo, lequel doit être poursuivi et doté des moyens qui lui sont nécessaires.

"Proposer aux Français une voie d'espérance qui donne sens à ces efforts, c'est aussi refonder notre éducation nationale. L'une des fiertés de ma vie est d'avoir été un enseignant de l'éducation nationale et d'avoir des enfants enseignants. L'une des fiertés de ce gouvernement est d'avoir placé au premier rang le ministère de l'éducation nationale et de l'avoir confié à une femme au parcours exemplaire. (Exclamations amusées. – Mme Annick Jacquemet et M. Roger Karoutchi applaudissent. – L'oratrice sourit.)

"Comment accepter que l'école française, qui était la première du monde, soit classée au rang qui est le sien aujourd'hui, en mathématiques comme en lecture ?

"Les enseignants de notre université dépeignent des étudiants de première année qui ne parviennent pas, après treize, quatorze ou quinze années d'école, à écrire un texte simple et compréhensible avec une orthographe acceptable. C'est le plus grand de nos échecs.

"Nous ne pouvons accepter que soient oubliés tous ceux qui viennent de milieux où l'on n'a pas les codes, ceux qui ne connaissent personne, comme on dit, qui n'ont accès ni à l'influence ni au pouvoir et que l'obligation d'orientation précoce perturbe et met en danger.

"J'ai la conviction que les gisements de progrès se trouvent du côté des enseignants.

"Nous nous souvenons tous ici des visages et des voix d'enseignants qui nous ont révélés à nous-mêmes. Nous connaissons ces destins qui ont basculé parce que le regard d'un enseignant s'était posé sur un enfant qui ne savait pas qui il était et qui était promis à l'échec.

"Ces enseignants magnifiques existent, et ils sont nombreux. Mais l'éducation nationale telle qu'elle est organisée ne parvient pas à les repérer, ou les repère si peu ; les trésors de pédagogie qu'ils ont déployés sont, de ce fait, perdus.

"Je veux rappeler ici l'intuition fondatrice du Président de la République : combattre l'assignation de la naissance, du quartier, du nom, de la religion, de la campagne, de l'accent, des familles éclatées, de l'adolescence solitaire. Il s'agit d'offrir, tout au long de la vie, de nouvelles chances et de mener ce combat pour l'individu comme pour la Nation.

"Tous les enseignants de l'université savent combien pèsent les lacunes accumulées au fil des années, combien elles handicapent les étudiants dans leur apprentissage. Je l'affirme ici, l'urgence pour l'université est d'agir en amont sur les enseignements fondamentaux.

"Parmi les combats à mener, je veux citer la promotion de la lecture, en lieu et place des écrans : la pause numérique doit être généralisée.

"Je sais qu'un chemin est possible, en formant mieux nos professeurs, afin de mieux les préparer et de les faire progresser dans l'exercice de leur métier. Cette réforme de la formation, initiale et surtout continue, est l'une des plus importantes à mener. Il convient aussi de lancer une grande consultation sur le temps scolaire et, enfin, de poursuivre la grande réforme de l'enseignement professionnel engagée par le Président de la République.

"Pour moi, la culture joue un rôle de premier plan dans la promesse française. J'ai la conviction que la défense et l'affirmation d'une politique culturelle constituent une politique sociale. L'émerveillement partagé devant la beauté d'un monument, d'une ville que l'on restaure, d'une pièce de théâtre, d'un concert que l'on partage, élève, rend fier, rassemble.

"C'est pourquoi le beau est un devoir d'État. Cela passe par une politique ambitieuse du patrimoine – ce patrimoine qui est l'une de nos principales fiertés – et par un soutien à la création.

"Je pense, mesdames, messieurs les députés, à nos concitoyens mahorais, qui viennent de subir une épreuve dramatique s'ajoutant à d'autres, déjà bien lourdes.

"J'ai présenté le plan "Mayotte debout" lors de ma venue sur l'île. Ce plan ambitieux vise non seulement à traiter l'urgence, mais aussi à refonder Mayotte. La crise migratoire que connaît ce département ne peut d'ailleurs plus être ignorée, sauf à faire des Mahorais des Français de seconde zone. Aucun débat n'est tabou sur ce sujet, notamment celui sur les conditions d'exercice du droit du sol.

"Je pense à la Nouvelle-Calédonie, qui doit construire son avenir. Les événements de mai 2024 ont plongé ce territoire dans un profond marasme. Je souhaite que le processus politique reprenne et que les négociations aboutissent à la fin du trimestre. J'inviterai à la fin du mois de janvier les forces politiques concernées à venir à Paris pour ouvrir ces négociations, en demandant au ministre des outre-mer de suivre particulièrement ce dossier. Je crois, là encore, que les femmes et les hommes de bonne volonté sauront trouver des voies novatrices, pour le bien de tous les Calédoniens.

"Je pense aujourd'hui à tous nos outre-mer, qui sont une fenêtre ouverte sur le monde et qui nous enrichissent par leur identité propre. Chacun ayant sa propre situation, ses chances et ses difficultés, nous définirons pour chacun un plan de développement et de financement, dans le cadre d'un nouveau comité interministériel des outre-mer que le ministre d'État préparera avec les élus de ces territoires.

"Dans les outre-mer comme dans l'Hexagone, l'espoir renaîtra par le volontarisme économique. Nous devons retrouver les conditions de la production, avec au premier chef la technologie, nouvelle mère des batailles.

"On voudrait nous condamner au déclassement, alors que la Silicon Valley déroule le tapis rouge à nos ingénieurs du numérique et de l'intelligence artificielle. Nous sommes des géants de la recherche informatique ; ne nous laissons pas aller à devenir des nains de la nouvelle économie, laquelle est précisément fondée sur le numérique. Il en est de même pour l'espace ou les énergies décarbonées.

"Le Gouvernement reste attaché à la trajectoire ambitieuse d'investissement dans la science définie dans la loi de programmation de la recherche. La recherche se fait dans les universités et les laboratoires, mais aussi ailleurs. Il faut mieux mobiliser nos entreprises dans cet effort collectif.

"Pour ce qui concerne l'IA dont je sais, non pas si elle est intelligente ou artificielle, mais qu'elle représente un changement d'être pour notre humanité, la stratégie nationale doit entrer dans sa troisième phase. Notre action doit être ambitieuse, afin de diffuser l'IA dans l'industrie, l'action publique, la formation et la recherche, appuyée sur un programme d'investissement dans les infrastructures. Le Sommet pour l'action sur l'intelligence artificielle, qui se tiendra à Paris en février prochain, traduira cette ambition.

"Dans ce domaine, comme dans ceux de l'industrie et de l'agriculture, il nous faut définir des politiques de filière, produit par produit, en partant des faiblesses de notre balance commerciale.

"Chaque filière unira grandes entreprises, sous-traitants, État et régions autour d'un enjeu de production. Des géants mondiaux, comme Dassault Systèmes ou Safran, TotalEnergies ou Airbus, Saint-Gobain ou Danone, ont un potentiel de partage des capacités de mise au point et de soutien à des entreprises nouvelles, notamment sur des produits et secteurs où nous sommes absents.

"Je veux avoir un mot particulier pour la filière agricole ; je dirai même pour les filières agricoles.

"Quand nous évoquons les difficultés qu'elles traversent, deux choses nous sautent aux yeux : la crise des revenus et le sentiment qu'ont nos agriculteurs de n'être pas respectés.

"À l'origine de cette situation, il y a une crise morale : les paysans – le monde dont je viens – avaient jusqu'à il y a peu la certitude d'être les meilleurs défenseurs de la nature. Or, aujourd'hui, on les accuse de nuire à la nature. C'est une atteinte profonde. Et quand les inspecteurs de la biodiversité viennent dans une ferme, où l'on est déjà à cran du fait de la crise, inspecter les fossés ou les points d'eau avec une arme à la ceinture,"… (Vives protestations sur les travées du groupe GEST.)

M. Yannick Jadot. Ce n'est pas bien de dire cela ! Ce sont des agents de l'État !

Mme Élisabeth Borne, ministre d'État. … "c'est une humiliation, donc une faute.

"Le principal enjeu aujourd'hui est celui de l'égalité des armes. L'accord avec le Mercosur impose aux agriculteurs de chez nous des normes de production qui ne sont pas imposées à leurs concurrents. C'est inacceptable.

"De très grandes injustices risquent également d'être commises dans la gestion des ressources en eau. Assimiler la gestion de l'eau de surface au pompage des nappes profondes, comme si c'était la même chose, c'est absurde."

M. Yannick Jadot. Et les mégabassines ?

Mme Élisabeth Borne, ministre d'État. "Nos agriculteurs le vivent comme une injustice. Sur le sujet de l'eau, je l'ai dit, je souhaite que des conférences soient organisées aux plans national et régional, pour définir une stratégie à long terme.

"Ce métier, qui était un métier de communauté, de village, de collègues, d'amis, de connaissance des gestes et des techniques, est devenu solitaire, ce qui pose le problème des nouvelles vocations.

"Toutes ces questions seront traitées dans la loi d'orientation agricole. Je m'engage à ce que, comme pour les entreprises et les familles, nous remettions en question les pyramides de normes en donnant l'initiative aux usagers. Ceux que l'on contrôle doivent avoir leur mot à dire sur les contrôles, et s'il faut des remises en cause, nous les conduirons avec eux dans un temps bref.

"Cette politique ne trouvera sa pleine dimension que si le travail trouve également toute sa place dans notre société.

"Je souhaite que l'on ouvre une concertation sur la question du travail et des salaires, qui traitera de la qualité de la vie au travail, de la rémunération et du sens du travail. Devront être abordées les questions de la santé au travail, de la prévention et de la prise en charge des arrêts de travail, de la situation des travailleurs pauvres et de l'égalité salariale femmes-hommes.

"Il faudra aussi poursuivre les efforts en matière de revalorisation salariale et de mise en place de dispositifs d'épargne salariale, d'intéressement et de participation dans tous les secteurs.

"En 1947, paraissait le livre Paris et le désert français. Aujourd'hui, il y a Paris, les grandes métropoles et le désert français, avec un gouffre entre chaque niveau. Le reste du "tissu national", éloigné géographiquement de la capitale et des métropoles, disparaît médiatiquement et politiquement.

"L'aménagement du territoire est l'une des grandes questions qui se trouvent devant nous. Il touche aux conditions de vie de nos concitoyens, à l'accès aux services publics, aux transports, au logement… Nous avons mis en place un grand ministère dirigé par François Rebsamen. Ce ministère incarne l'objectif qui est le nôtre : que chaque personne ait sa chance, que chaque territoire ait sa reconnaissance et sa chance.

"Aujourd'hui, ce n'est pas le cas. Tant d'esprits, de volontés et de capacités venant de province et des quartiers périphériques ont le sentiment d'être écartés et oubliés.

"Je veux m'arrêter sur le sujet du logement. C'est une mission centrale. Si l'on ne peut pas se loger, on ne peut pas être reconnu. Nous avons besoin d'une politique de logement repensée et de grande ampleur. Chacun doit avoir accès à un logement abordable.

"Je salue les efforts menés par les précédents gouvernements pour lever les contraintes en matière de construction de logements. Nous pouvons aller plus loin, en réduisant encore les délais, en allégeant les demandes d'autorisation, en favorisant la densification, en facilitant les changements d'usage… Cela suppose aussi de relancer l'investissement locatif et l'accession à la propriété, ainsi que de soutenir les maires bâtisseurs par un système d'encouragement à l'investissement, y compris privé.

"Dans le domaine du transport, qui est la condition même de l'égalité des droits sur le territoire, nous avons devant nous des défis en matière de financement des infrastructures et des nouveaux équipements. Une conférence sur le financement durable des transports sera organisée avec les collectivités locales et les professionnels, afin de se préparer à ces défis.

"La santé est l'une des toutes premières préoccupations des Français. L'organisation de notre système de santé est au cœur du modèle social français.

"Nous avons tous été confrontés, pour nous ou un proche, à l'impossibilité de trouver un médecin généraliste, un spécialiste, un dentiste pour nous faire soigner. Quant à l'hôpital, il connaît aussi une crise, en particulier financière, qui est plus que préoccupante.

"L'absence de vision pluriannuelle des ressources consacrées à notre système de santé le prive de facto des moyens de porter des projets à moyen et long terme. Elle complique ainsi sa capacité à anticiper les futurs besoins de santé des Français. Il faut passer d'une logique budgétaire annuelle à une logique de financement pluriannuelle.

"Il faut aussi travailler sur l'enjeu clé que représente la démographie médicale, en impliquant notamment les élus territoriaux et en menant de front la question de la formation des soignants.

"Je souhaite confirmer que la santé mentale sera la grande cause nationale en 2025, comme l'avait décidé mon prédécesseur Michel Barnier.

"Dans ce cadre, pour faire face à l'enjeu de la soutenabilité de l'hôpital, le Gouvernement proposera une hausse notable de l'objectif national de dépenses d'assurance maladie (Ondam), ce qui permettra d'améliorer les conditions de travail des soignants et de protéger les plus fragiles. À cette fin, la mesure de déremboursement de certains médicaments et des consultations ne sera pas reprise.

"Le sport est, comme la culture, un puissant facteur de cohésion, d'épanouissement et de fierté. Après une année olympique historique et avec devant nous le projet Alpes 2030, nous devons encourager la pratique du sport dès l'école. Dans le cadre des parcours de soins des malades chroniques, nous devons également présenter une nouvelle offre dans les maisons sport-santé. Ainsi, 100 000 bilans d'activité physique seront proposés aux personnes atteintes de telles maladies.

"La promesse française est aussi fondée sur l'attention aux plus fragiles et aux plus vulnérables.

"Il faut poursuivre la mobilisation de l'ensemble du Gouvernement autour de la politique du handicap, alors que nous allons fêter le vingtième anniversaire de la loi de 2005. C'est l'objet de l'école pour tous, qu'il faut améliorer, alors que la politique de l'école inclusive a atteint une masse critique. Un comité interministériel du handicap sera aussi organisé dans les meilleurs délais. Et je tiens au remboursement intégral des fauteuils roulants dès 2025.

"Dans le cadre de la grande politique démographique que j'appelle de mes vœux, après les travaux du Haut-Commissariat au plan, il nous faut avancer sur la question du grand âge. L'objectif est de permettre aux personnes de bien vieillir et d'avoir le choix de leur domicile. Cela suppose l'ouverture d'un dialogue avec le Parlement et les départements.

"Je réaffirme aussi la priorité, qui est pour moi attachée à la politique de protection de l'enfance, que représente la création d'un Haut-Commissariat à l'enfance,"…

M. Guy Benarroche. Paroles, paroles !

Mme Élisabeth Borne, ministre d'État. … "qui permettra d'inscrire cette politique dans la continuité.

"Parmi les personnes qui souffrent dans notre pays aujourd'hui, on compte trop souvent des étudiants en situation de précarité, en particulier lorsqu'il faut se loger dans les grandes villes où les loyers dépassent les moyens de leurs familles. C'est pourquoi la carte universitaire et le réseau des universités constituent une grande question académique et sociale. Nous lancerons la construction de 15 000 logements par an pendant trois ans, en mobilisant le foncier disponible de l'État.

"En m'adressant à vous, mesdames, messieurs les députés, j'ai conscience de parler à la Nation tout entière, aux Françaises et aux Français qui nous regardent, à tous ceux qui ont les yeux tournés vers la France, que la vision de nos désunions décourage et que nos paroles ont fini par lasser."

Mme Pascale Gruny. Ça, c'est vrai !

Mme Élisabeth Borne, ministre d'État. "Pour eux, ce n'est pas un mandat qui est en jeu, c'est la journée qui vient, c'est le jour même, avec l'angoisse du chômage, celle du prix de la vie, l'inquiétude pour un conjoint, des parents âgés, des enfants dont l'avenir semble obstrué.

"Nous n'avons pas le droit, surtout au nom de nos passions politiques, d'hypothéquer la vie de nos concitoyens. Ils attendent des actes, et c'est sur nos actes qu'ils jugeront de nos paroles, de nos promesses et de nos indignations. C'est sur nos actes qu'ils nous jugeront, tout simplement.

"Le but de cette déclaration de politique générale est de permettre à ces concitoyens de passer de la plus extrême inquiétude à la conviction que, même si nous ne sommes pas certains de tous les résoudre, nous traiterons les problèmes qui se posent avec toutes nos forces et tous nos moyens.

"Nous n'allons pas d'un seul coup passer de l'ombre à la lumière. Nous n'allons pas vivre le Grand Soir. Mais si je parviens à me faire entendre de vous, élus de la Nation, et de nos concitoyens, alors nous pourrons passer du découragement à un espoir ténu, mais raisonnable. C'est ce projet que j'ai voulu présenter devant vous.

"Je connais tous les risques. Si nous nous trompons, nous corrigerons. Mais le risque, c'est la vie. Pierre Mendès France, et je ne cite pas cette référence ici par hasard, aurait dit : “Il n'y a pas de politique sans risque, il n'y a que des politiques sans chance.”

"J'ai foi dans le peuple français. J'ai foi dans ses représentants. Je sais les ressources d'intelligence, de bravoure, de droiture de notre nation lorsqu'elle choisit de surmonter l'épreuve. Notre peuple, notre pays, avec son histoire, a la capacité de se ressaisir. Je n'en veux que deux preuves : nous sommes aujourd'hui le plus jeune des pays européens,"…

M. Guy Benarroche. Grâce à l'immigration !

Mme Élisabeth Borne, ministre d'État. … "et, en termes de croissance, nous sommes devant l'Allemagne sur les quarante dernières années, en particulier les sept dernières années. Nous sommes un peuple doté de ressources, à la condition qu'il trouve l'unité qui si souvent lui manque. Il l'a fait bien des fois au cours de son histoire, et c'est à nous aujourd'hui que cette mission, cette charge et cette chance reviennent." (Applaudissements sur les travées des groupes RDPI, INDEP, UC et RDSE. – M. Jean-François Husson applaudit également.)


source https://www.senat.fr, le 20 janvier 2025