Interview de M. Laurent Marcangeli, ministre de l'action publique, de la fonction publique et de la simplification, à RTL le 29 janvier 2025, sur l'immigration, les suppressions de postes d'enseignants, les jours de carence des fonctionnaires, la garantie individuelle du pouvoir d'achat, l'emploi à vie et le budget 2025.

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Média : RTL

Texte intégral

THOMAS SOTTO
Bonjour et bienvenu sur RTL, Laurent MARCANGELI.

LAURENT MARCANGELI
Bonjour. Merci.

THOMAS SOTTO
Êtes-vous, comme le Premier ministre, envahi par un sentiment de submersion migratoire ? La France, est-elle en train d'être submergée par les immigrés ?

LAURENT MARCANGELI
Deux choses. D'abord, la forme. Je pense qu'on est en train de jouer l'avenir institutionnel et la stabilité du pays sur une querelle sémantique, c'est grave.

THOMAS SOTTO
Et la faute à qui ?

LAURENT MARCANGELI
La faute à celles et ceux qui ont des pudeurs de gazelle lorsqu'on parle d'un sujet qui est sérieux. Moi, j'ai, en tant que député, rédigé, corédigé avec Estelle YOUSSOUPHA en 2023 un rapport sur l'immigration à Mayotte et en Méditerranée. Il faut aller voir là-bas ce qui se passe, il faut discuter avec les gens qui vivent là-bas, il faut voir les résultats électoraux là-bas, il faut voir la situation là-bas. Et le Premier ministre a parlé d'un sentiment de submersion à Mayotte à un moment où, je vous le rappelle, ce qui s'est passé là-bas, il y a quelques semaines, à peine, c'est quand même assez grave.

THOMAS SOTTO
Je n'aurais jamais tenu ces propos, il me gêne, a dit Yaël BRAUN-PIVET, qui fait partie de votre famille politique.

LAURENT MARCANGELI
Vous savez, encore une fois, je vous dis, les querelles sémantiques, moi, je commence véritablement à être submergé par un sentiment de gêne. Je crois que nos compatriotes ne comprennent plus le débat politique en France. Hier, à l'Assemblée nationale, j'ai vu un théâtre de boulevard, une forme de jeu. On ne joue plus, on est dans une situation compliquée, le pays est aux portes d'une crise de régime. Moi, si je suis, aujourd'hui, au Gouvernement, c'est pour assurer une forme de stabilité, c'est essayer de trouver des concessions, des compromis parfois.

THOMAS SOTTO
Vous êtes à 100 % derrière François BAYROU.

LAURENT MARCANGELI
Je le soutiens, et si je ne le soutenais pas, je ne serais pas dans son Gouvernement.

THOMAS SOTTO
Cela dit, ces mots-là, ils ont provoqué la colère, ils ont même braqué les socialistes qui ont décidé de suspendre les négociations budgétaires avec le Gouvernement. Qu'est-ce que vous leur dites, ce matin, à ces socialistes ? Ils ont la censure du Gouvernement BAYROU entre les mains.

LAURENT MARCANGELI
Je leur dis de prendre garde à leur décision, et je le dis à l'ensemble des députés, pour une bonne et simple raison, c'est que, visiblement, les Françaises et les Français n'ont pas été particulièrement fans de ce qui s'est passé au mois de décembre avec la censure du Gouvernement BARNIER. Ça se saurait.

THOMAS SOTTO
Vous la sentez venir, la censure, là ?

LAURENT MARCANGELI
Tout est possible. Chacun devra assumer ses responsabilités. Ce que je remarque également, c'est que dans des enquêtes d'opinion, 90% des gens qui se sentent proches du Parti Socialiste ne veulent pas ça, et même 52% des gens qui se sentent proches de LFI ne veulent pas non plus. Moi, ça m'interpellerait.

THOMAS SOTTO
Mais ce n'est quand même pas très adroit, ça met de l'huile sur le feu, quand même. Pourquoi François BAYROU, là, alors qu'il a besoin de discuter avec les socialistes, emploie des mots qui sont des chiffons rouges pour eux ?

LAURENT MARCANGELI
Mais mal nommer les choses, c'est ajouter à la misère du monde, disait l'autre. Il n'y a pas ce sentiment, à Mayotte en particulier, et dans certains endroits du pays en général ? Est-ce que c'est mentir que de dire ça ? Est-ce que c'est une faute politique ? Moi, pour moi, la faute politique, aujourd'hui, c'est d'être dans le déni. Hier, le Premier ministre a rappelé à l'Assemblée nationale…

THOMAS SOTTO
… La présidente de l'Assemblée nationale est dans la faute politique, elle est dans le déni ?

LAURENT MARCANGELI
Hier, le Président de l'Assemblée nationale a rappelé que si on remettait ça à proportion de la ville de Paris, il y aurait 400 000 personnes dans des bidonvilles, ici dans la capitale. Est-ce que vous croyez vraiment que les gens ne seraient pas submergés à Paris ?

THOMAS SOTTO
Donc, pardon, je vous repose la question. La présidente de l'Assemblée nationale, qui était un pilier de la majorité macroniste, ou de l'ex-majorité macroniste, est dans le déni. Elle se trompe, Yaël BRAUN-PIVET ?

LAURENT MARCANGELI
La présidente de l'Assemblée nationale a son approche, son appréciation des choses. Moi, j'ai la mienne. Vous avez Laurent MARCANGELI en face de vous, ce matin, et il vous dit ce qu'il pense.

THOMAS SOTTO
Bon, ça tombe bien, parce que j'ai pas mal de questions précises à vous poser. Lors de votre prise de fonction, Laurent MARCANGELI, il y a quelques semaines, vous avez fait une belle déclaration d'amour aux fonctionnaires : " Je crois en vous, je vous aime et je souhaite travailler avec vous ". Mais vous connaissez la formule, il n'y a pas d'amour, il n'y a que des preuves d'amour. Alors, on va y aller très concrètement. Est-ce que vous nous confirmez, ce matin, fermement, définitivement, qu'il n'y aura pas 4 000 suppressions de postes d'enseignants à l'Éducation nationale dans le budget 2025 ?

LAURENT MARCANGELI
Je ne peux pas vous le confirmer totalement, puisque le budget n'est pas voté. Mais c'est l'orientation que le Gouvernement a prise.

THOMAS SOTTO
Parce ce que la droite au Sénat a choisi de supprimer ces postes.

LAURENT MARCANGELI
L'orientation du Gouvernement, notamment de la ministre, ancienne Première ministre, Élisabeth BORNE, en accord avec le Premier ministre François BAYROU, c'est de ne pas supprimer ces postes.

THOMAS SOTTO
Mais vous n'avez pas de garantie ?

LAURENT MARCANGELI
La garantie, Monsieur SOTTO, c'est le vote du budget du pays et je vous rappelle quand même que, pour revenir à ce que nous disions tout à l'heure, au moment où nous parlons, nous n'avons pas de budget, ce qui, entre nous soit dit, n'est pas forcément une bonne nouvelle pour le pays.

THOMAS SOTTO
Est-ce que vous souhaitez, si ces 4 000 postes d'enseignants sont maintenus, continuer à créer 2 000 postes d'AESH, d'Accompagnement d'élèves en situation de handicap ?

LAURENT MARCANGELI
C'est une nécessité et le statut de ces personnes, souvent des femmes d'ailleurs, pose un certain nombre de questions. Ces personnes exercent un métier difficile, dans des conditions parfois difficiles et elles n'ont pas la reconnaissance liée à ce statut. Donc, je pense que c'est une nécessité, aujourd'hui, de renforcer nos postes à AESH.

THOMAS SOTTO
Sur la question des jours de carence, quand on est malade, c'est trois jours dans le privé, souvent pris en charge par l'employeur.

LAURENT MARCANGELI
70%.

THOMAS SOTTO
Comment ?

LAURENT MARCANGELI
70%.

THOMAS SOTTO
75, même et un jour dans le public. L'abandon du passage à trois jours dans le public, est-il acté ?

LAURENT MARCANGELI
Oui. Oui, c'est une annonce que le Premier ministre a faite et je veillerai à ce que…

THOMAS SOTTO
Vous ne reviendrez pas là-dessus ?

LAURENT MARCANGELI
Non, nous ne reviendrons pas là-dessus.

THOMAS SOTTO
Et est-ce qu'en échange, l'indemnisation des agents publics en arrêt-maladie va baisser ?

LAURENT MARCANGELI
Oui.

THOMAS SOTTO
De combien ?

LAURENT MARCANGELI
90%.

THOMAS SOTTO
Vous avez baissé de 90% ?

LAURENT MARCANGELI
Non, nous passons de 100 à 90%.

THOMAS SOTTO
D'accord. Ça, c'est acté aussi.

LAURENT MARCANGELI
Ça a été voté au Sénat, c'est un amendement que j'ai défendu.

THOMAS SOTTO
Et si on parle de rémunération, est-ce que le point d'indice va rester gelé toute l'année pour les fonctionnaires ?

LAURENT MARCANGELI
Nous ne sommes pas en capacité, aujourd'hui, d'augmenter le point d'indice pour les fonctionnaires.

THOMAS SOTTO
Donc, la réponse est oui ?

LAURENT MARCANGELI
Oui.

THOMAS SOTTO
Et pardon, je vous fais un peu un dit-oui-dit-non, mais au moins, ça permet de clarifier les choses.

LAURENT MARCANGELI
Non, continuez.

THOMAS SOTTO
Quid de la prime destinée à compenser l'inflation qu'on appelle la GIPA, pour garantie individuelle du pouvoir d'achat ? Elle sera versée ou pas, cette prime ?

LAURENT MARCANGELI
La GIPA n'a pas été versée en 2024, et au moment où je vous parle, il n'est pas prévu qu'elle soit versée en 2025.

THOMAS SOTTO
Et ce n'est pas un problème, quand même ?

LAURENT MARCANGELI
Évidemment que c'est un problème. Il ne vous a pas échappé qu'on a quand même un petit déficit public qui est difficile à gérer, qu'on a pris des engagements pour les partenaires européens.

THOMAS SOTTO
Oui, mais vous cédez sur certaines choses, pas sur d'autres. François BAYROU a dit : " Le budget des ministères régaliens sera préservé, donc, justice, intérieur, armée ". Pour les sports, c'est Emmanuel MACRON qui a dit " pas touche ". Finalement, on finit par se demander où vous faites les économies, les vraies économies ?

LAURENT MARCANGELI
Vous venez de me les citer.

THOMAS SOTTO
Là-dessus ?

LAURENT MARCANGELI
J'ai du mal à vous comprendre. 800 millions d'euros pour le non-versement de la GIPA, 900 millions d'euros pour les 90% de versements pour les personnes en maladie ordinaire. Ça fait déjà quand même une somme confortable, je dirais. Et puis par ailleurs, vous n'avez pas de mesures catégorielles sur l'année, parce que vous avez tout un tas de mesures catégorielles qui coûtent aussi quelques centaines de millions d'euros, plus la non-revalorisation du point d'indice. Si on revalorisait le point d'indice, ça coûterait à peu près trois milliards d'euros.

THOMAS SOTTO
Vous les aimez beaucoup, mais vous les mettez un peu au régime, quand même, les fonctionnaires.

LAURENT MARCANGELI
Je les ai d'abord beaucoup consultés, voyez-vous. Et j'ai passé du temps. Je leur ai expliqué qu'on vivait un moment difficile et je pense que les hommes et les femmes politiques, aujourd'hui, qui font mine d'être fort déconcertés par les déclarations du Premier ministre devraient avoir les organisations syndicales qui, elles, pour le coup, y compris les plus radicales, sont inquiètes par la situation du pays, notamment l'instabilité politique.

THOMAS SOTTO
Laurent MARCANGELI, l'administration TRUMP, offre sept ou huit mois de salaire aux fonctionnaires fédéraux qui voudraient démissionner. Vous pourriez vous en inspirer ou pas ?

LAURENT MARCANGELI
Non, ce n'est pas ma tasse de thé.

THOMAS SOTTO
L'emploi à vie, vous n'y toucherez pas ?

LAURENT MARCANGELI
Ce n'est pas ma tasse de thé. Nous sommes la France. Nous n'allons pas à aller nous inspirer de modèles qui ne correspondent pas à notre histoire, notre identité et notre manière de faire les choses.

THOMAS SOTTO
Donc l'emploi à vie n'est pas sur la table ?

LAURENT MARCANGELI
Mais l'emploi à vie, vous savez, je pense d'abord que ce sont les femmes et les hommes qui font notre modèle. Aujourd'hui, vous voyez bien que les plus jeunes de nos compatriotes ne sont pas sur ces questions-là. Ils ont une autre manière de concevoir les choses.

THOMAS SOTTO
Il y en a un qui rentre des États-Unis et qui n'est pas content, vous l'avez peut-être entendu, c'est Bernard ARNAULT. Écoutez ce que disait le patron de LVMH, qui était un des invités d'honneur à l'investiture de Donald TRUMP, il y a quelques jours et il est rentré un peu chiffon.

BERNARD ARNAULT, PDG DE LVMH
Quand on revient en France, après avoir passé quelques jours aux USA, c'est un peu la douche froide. Quand on vient en France et qu'on voit qu'on s'apprête à augmenter les impôts de 40% sur les entreprises qui fabriquent en France, à peine croyable. Pour pousser la délocalisation, c'est idéal. Alors, je ne sais pas si c'est vraiment l'objectif du Gouvernement, mais en tout cas, il va l'atteindre.

THOMAS SOTTO
Vous lui dites quoi là ? Tu pousses le bouchon, tu nous mets la pression ou il a raison Bernard ARNAULT ?

LAURENT MARCANGELI
D'abord, il faut l'écouter, c'est un modèle de réussite, c'est un Français qui a réussi.

THOMAS SOTTO
Enfin, ce qu'il dit surtout, c'est qu'il ne veut pas payer 40% d'impôts en plus.

LAURENT MARCANGELI
Je vous dis, il faut l'écouter. Et ensuite, moi, j'écoute aussi les petits commerçants, les petits chefs d'entreprise. Aujourd'hui, il y a une situation qui est compliquée, il faut en tenir compte, mais il y a également des comptes à rendre au niveau de notre dette. Et notre dette, aujourd'hui, c'est un vrai problème.

THOMAS SOTTO
Donc les 40 % ça ne sera pas négociable pour les entreprises qui font plus de trois milliards de chiffre d'affaires ?

LAURENT MARCANGELI
Il y a un effort temporaire à réaliser dans le cadre de ce budget. Cela était valable sous le précédent Gouvernement, ça l'est aussi sur celui-ci.

THOMAS SOTTO
Ce sera valable pour Bernard ARNAULT ?

LAURENT MARCANGELI
Et je pense que malheureusement, malheureusement, c'est un mal nécessaire.

THOMAS SOTTO
Pendant un an ou deux ans ?

LAURENT MARCANGELI
Déjà, passons ce budget. À chaque jour suffit sa peine et nous verrons si l'année prochaine, c'est encore valable.

THOMAS SOTTO
Merci beaucoup à vous, Laurent MARCANGELI…

LAURENT MARCANGELI
Merci

THOMAS SOTTO
… D'être venu ce matin sur RTL. Dans un instant, c'est Philippe CAVERIVIERE qui arrive sur RTL. À tout de suite.


Source : Service d'information du Gouvernement, le 30 janvier 2025