Texte intégral
AMANDINE BEGOT
Et tout de suite l'invité de RTL Matin, Thomas, vous recevez Catherine VAUTRIN, la ministre du Travail, de la Santé, des Solidarités et des Familles.
THOMAS SOTTO
Bonjour et bienvenue sur RTL, Catherine VAUTRIN.
CATHERINE VAUTRIN
Bonjour Thomas SOTTO.
THOMAS SOTTO
Un puissant syndicat de la SNCF, SUD RAIL, appelle à faire grève du 17 avril au 2 juin, autrement dit pendant les vacances de Pâques et pendant tous les ponts du mois de mai et de la fin de l'année. Cette grève est-elle pour vous acceptable ? Qu'est-ce que vous dites ce matin tant au contrôleur qu'à la direction de la SNCF ?
CATHERINE VAUTRIN
Je dis à la direction de la SNCF qu'à l'époque où j'ai été en charge de ce sujet, c'est-à-dire avant la fin de l'année, il y a eu des négociations qui ont eu lieu avec les syndicats. Elles ont été conclusives et donc, quand on a des négociations annuelles conclusives, on travaille toute l'année. Donc je pense qu'il faut que j'appelle chacun à ses responsabilités. Et les syndicats, je pense que les Français ne veulent pas entendre qu'au moment des vacances scolaires, des week-ends, on utilise l'arme de la guerre. Donc dialogue social, dialogue social dans les meilleures conditions.
THOMAS SOTTO
Et une obligation de résultat pour les uns comme pour les autres, il ne faut pas de grève ?
CATHERINE VAUTRIN
Exactement. Il faut laisser les Français pouvoir vivre leur vie. Je pense que les Français ont aussi besoin de ces moments et je pense aussi que les personnels doivent toujours privilégier avec la direction les négociations.
THOMAS SOTTO
On va attaquer le dossier qui est en train de devenir votre boulet sur votre bureau.
CATHERINE VAUTRIN
Il n'y a pas de boulet pour un ministre, il n'y a que des engagements.
THOMAS SOTTO
Oui, les retraites ça se discute. On ne peut pas être plus cacophonique que le Gouvernement sur le sujet ces jours-ci. Avec ce conclave dans lequel plus personne ne semble croire, une fois pour toutes, qu'est-ce que vous voulez faire de ce conclave ?
CATHERINE VAUTRIN
Alors d'abord le Gouvernement n'est pas cacophonique, je rappelle la situation.
THOMAS SOTTO
Polyphonique, on peut dire.
CATHERINE VAUTRIN
Si vous voulez. Quand nous avons été nommés il y a maintenant trois mois, cent jours pour François BAYROU, je rappelle que la France n'avait pas de budget, pas de projet de loi de finances, de la sécurité sociale. L'engagement de François BAYROU, ça a été d'élargir. Il nous a demandé de réunir l'ensemble des parties de l'Assemblée du Sénat. Nous avons ensemble construit un projet de budget et parmi les engagements, il y avait effectivement une discussion sur ce sujet des retraites.
THOMAS SOTTO
Sans totem ni tabou avait dit François BAYROU.
CATHERINE VAUTRIN
Et j'ai même personnellement dit, c'est une feuille blanche et laissons les partenaires sociaux s'exprimer. François ASSELIN, l'ancien président de la CPME, a dit lui-même : "C'est une chance incroyable dans notre pays que de laisser les partenaires sociaux".
THOMAS SOTTO
Sauf que depuis il y a eu un totem et un tabou.
CATHERINE VAUTRIN
Certains sont sortis, d'autres sont encore là et parmi ceux qui sont encore là, je pense évidemment à la CFDT, je pense au MEDEF, je pense à CPME, et CFE-CGC, je ne vais pas tous les citer. L'intérêt c'est qu'eux qui ont envie de continuer, continuent.
THOMAS SOTTO
Il faut que ça continue ?
CATHERINE VAUTRIN
Je pense que c'est important. Ils sont en train de travailler. Moi je respecte le travail qui est le leur, de façon à voir ce qu'ils sortent. C'est un premier élément tout à fait important. Dire que derrière, cela réglera totalement le sujet de la protection sociale dans notre pays, probablement pas. Et c'est un deuxième sujet…
THOMAS SOTTO
Vous savez que la CFDT que vous avez citée, veut-elle aussi revenir sur l'âge de 64 ans, ça ne vous a pas échappé ?
CATHERINE VAUTRIN
Mais vous savez, le sujet aujourd'hui Thomas SOTTO en France, il est extrêmement simple. Et je vais prendre le terme d'une émission qu'on connaît bien sur RTL, c'est la notion de stop ou encore. Vous savez, au mois d'octobre, c'est simple, notre modèle de protection sociale aura 80 ans. La question c'est que ce modèle, il est totalement déficitaire. La question, donc, qui se pose aujourd'hui, c'est comment les Français disent qu'ils sont attachés. Donc j'en déduis que c'est encore. Qu'est-ce qu'on fait pour le encore ? Comment chaque Français s'occupe de sa santé, fait de la prévention ? Comment nous discutons le financement, qui aujourd'hui repose beaucoup sur le travail ? C'est tout le sujet du salaire brut et du salaire net et c'est cette question qu'il faut d'une certaine manière ouvrir.
THOMAS SOTTO
En tout cas, vous, ce matin, Ministre du Travail, pour le conclave, vous dites encore.
CATHERINE VAUTRIN
Je dis au conclave, je les laisse travailler, je respecte ceux qui sont là et qui travaillent.
THOMAS SOTTO
De l'argent, on en cherche partout Madame la Ministre. Et vous avez mis l'accent sur la lutte contre les fraudes sociales. Aujourd'hui, on voit des dealers qui sont condamnés pour narcotrafic et qui touchent le RSA. Comment est-ce possible ?
CATHERINE VAUTRIN
Exactement. C'est ce que j'ai totalement mis en avant avec deux sujets. Le premier, c'est de se faire rembourser de ce qu'ils ont touché. Premier élément, parce que je vous rappelle que le narcotrafiquant, vous êtes d'accord avec moi, ce n'est pas une activité légale. Donc officiellement, ces gens-là n'ont pas de boulot. Donc officiellement, ils cherchent du boulot, ils sont au RSA. Dès lors qu'ils sont évidemment arrêtés, condamnés, on récupère le RSA. Et je veux même trouver un morceau de texte législatif pour mettre de la CSG là-dessus. Il y a longtemps qu'en matière fiscale, on a déjà récupéré sur le narcotrafic. Moi, je vais mettre de la CSG. C'est de l'argent indûment gagné.
THOMAS SOTTO
Comment vous mettez de la CSG sur le narcotrafic ?
CATHERINE VAUTRIN
À partir du moment où vous avez récupéré, vous avez des gens qui touchent le RSA et qui ont chez eux, en liquide, des sommes qui sont quelquefois des sommes à six chiffres. Sur ces sommes-là…
THOMAS SOTTO
Il y aura de la CSG ?
CATHERINE VAUTRIN
Il faudra un texte pour le faire, mais en tout cas, je vais le proposer.
THOMAS SOTTO
À partir de quand, vous souhaitez ?
CATHERINE VAUTRIN
Dès que j'ai la fenêtre législative pour le faire.
THOMAS SOTTO
Et le RSA, ils devront rembourser ?
CATHERINE VAUTRIN
Rembourser ce qu'ils ont indûment touché, puisqu'ils n'étaient pas demandeurs d'emploi.
THOMAS SOTTO
Et le marqueur, ça sera la condamnation, j'imagine, ou c'est l'interpellation, la mise en examen ?
CATHERINE VAUTRIN
Non, il faut une condamnation.
THOMAS SOTTO
C'est la condamnation. On est d'accord que c'est symbolique en termes d'économie ?
CATHERINE VAUTRIN
Oui, mais si vous voulez, chaque euro détourné, c'est de l'argent qui ne va pas à la protection sociale. Donc, il faut travailler avec l'URSSAF sur le travail illicite, c'est-à-dire les cotisations qui ne sont pas payées. C'est également la fraude à l'assurance-maladie, c'est la fraude aux prestations familiales. Tout ça, c'est de l'argent qui ne va pas aux Français. Et à un moment où la situation financière du pays est ce qu'elle est, c'est indispensable, évidemment, de récupérer cet argent.
THOMAS SOTTO
Vous êtes aussi, Madame VAUTRIN, la ministre de la Santé. La France est un pays riche, mais sa médecine ne lui ressemble pas. Aujourd'hui, dans beaucoup de villes, on n'arrive plus à trouver un médecin généraliste. Quand on n'est pas pistonné, il faut des mois et des mois pour dénicher un rendez-vous chez un spécialiste. Le Parisien nous alerte ce matin encore sur les déserts médicaux qui frappent aussi la psychiatrie. Nos hôpitaux sont exsangues et ne tiennent à peu près que par la formidable bonne volonté de ceux qui travaillent et qui s'y épuisent. Et je ne vous parle même pas de la situation dans les urgences, qui est un peu le thermomètre de l'ensemble, et où la situation se dégrade à mesure que le temps augmente. Madame VAUTRIN, quand la santé va-t-elle redevenir une priorité dans le pays ?
CATHERINE VAUTRIN
Je pense qu'un pays qui met 260 milliards par an pour sa santé n'est quand même pas un pays dans lequel on ne met rien. Je pense qu'il faut, là encore, relativement…
THOMAS SOTTO
Non, mais on a un système de santé qui ne fonctionne pas très bien. On a un hôpital qui ne fonctionne pas très bien.
CATHERINE VAUTRIN
Ce qui est certain, c'est que la difficulté que nous avons, et on le sait, il y a eu des choix qui ont été faits dans les trente dernières années de limiter le nombre de médecins formés, qui a des conséquences. Ces conséquences, elles sont en train d'évoluer. Cette année, nous sortons 9 000 médecins, 10 000 l'année prochaine.
THOMAS SOTTO
Vous allez faire sauter le numerus clausus définitivement ou pas ?
CATHERINE VAUTRIN
Il est déjà parti, on est en numerus apertus, c'est-à-dire qu'aujourd'hui, on a un nombre de médecins qui sort qui est tout à fait important. La vraie question aujourd'hui, c'est l'exercice médical. Les médecins d'aujourd'hui ne veulent plus être le généraliste du village. Ce qu'ils souhaitent, c'est être dans des maisons de santé, où ils exercent à plusieurs, ce qui permet également aux patients d'avoir au même lieu à la fois l'infirmière, le médecin, le kiné, etc. Ça, c'est un premier élément. Sur l'hôpital, qu'il soit public ou privé, nous avons sorti hier le financement. Les dotations pour les hôpitaux sont en augmentation tant en clinique que dans le privé. Là encore, c'est un effort qui a pour objectif d'accompagner les établissements hospitaliers. Troisièmement, sur la psychiatrie, pour être précise, on met cent millions supplémentaires cette année, parce que c'est bien de dire que c'est une année santé mentale, c'est encore mieux d'accompagner le financement. Quatrième point et dernier point sur le sujet, c'est également de rendre cette filière plus attractive, car il faut être conscient que la psychiatrie fait partie des filières qui sont les moins choisies par les étudiants. C'est lié à la capacité d'exercice.
THOMAS SOTTO
Comment vous faites alors ?
THOMAS SOTTO
C'est lié aux différents établissements, ça fait partie des sujets sur lesquels nous travaillons actuellement avec Yannick NEUDER.
THOMAS SOTTO
Le budget a été augmenté d'un milliard par rapport à ce qu'avait prévu le budget de Michel BARNIER sur la santé. À quoi va servir ce milliard ?
CATHERINE VAUTRIN
Ce milliard qui s'ajoute à huit milliards supplémentaires, c'est-à-dire que d'une année sur l'autre, il y a neuf milliards de plus sur l'hôpital. L'idée, c'est ce que je viens de vous dire, c'est l'augmentation des tarifs. Sans ce milliard supplémentaire, nous n'aurions pas eu de tarification positive, ni pour les cliniques, ni pour les hôpitaux.
THOMAS SOTTO
Il y aura des hausses de rémunération ou pas ?
CATHERINE VAUTRIN
J'explique quand même juste ce que c'est qu'une tarification positive, parce qu'on est complètement paumé…
THOMAS SOTTO
Ce qu'on voit, c'est que quand on va à l'hôpital, on a du mal à trouver un lit.
CATHERINE VAUTRIN
Qu'est-ce que c'est qu'une tarification positive ? C'est tout simplement l'augmentation du paiement par l'État du service rendu par l'hôpital. En d'autres termes, ça veut dire que l'hôpital est mieux payé pour le service qu'il apporte.
THOMAS SOTTO
Et des hausses de rémunération du coup ou pas ?
CATHERINE VAUTRIN
Ça fait partie des stratégies dans chacun des hôpitaux.
THOMAS SOTTO
Donc, c'est chaque hôpital qui gérera son enveloppe ?
CATHERINE VAUTRIN
Je rappelle que parallèlement à ça, nous avons également distribué par les agences régionales de santé plus de six milliards qui permettent localement une différenciation.
AMANDINE BÉGOT
Et au fait, la fameuse taxe Lapin qui avait été votée dans le budget de la sécu et en partie censurée par le Conseil constitutionnel, c'est mort, c'est oublié ?
CATHERINE VAUTRIN
Pas du tout. On cherche le moyen de la mettre en place. C'est-à-dire que pour être tout à fait concret, quelqu'un qui a un rendez-vous qui n'assure pas le rendez-vous, l'idée c'est que la première fois, il puisse avoir raté un rendez-vous. La deuxième fois, on lui fait payer le rendez-vous qui n'est pas remboursé par la Sécurité sociale. Là encore, c'est une question de véhicule à mettre en place.
THOMAS SOTTO
Il paiera l'intégralité du rendez-vous ?
CATHERINE VAUTRIN
Probablement au départ, une partie.
THOMAS SOTTO
Combien à peu près ?
CATHERINE VAUTRIN
À déterminer…
THOMAS SOTTO
Cinq, dix euros ?
CATHERINE VAUTRIN
Je ne sais pas encore quelle est.
THOMAS SOTTO
Et ça sera opérationnel à partir de quand ? Parce que le véhicule, il est long à trouver.
CATHERINE VAUTRIN
Vous savez, ça s'appelle des véhicules législatifs, ça ne se trouve pas en un quart d'heure. Il faut un texte. On est dans un pays où les textes de loi ne se font pas du jour au lendemain. Et c'est la raison pour laquelle, je rappelle que le budget a été voté au mois de février. Nous sommes le 25 mars.
THOMAS SOTTO
L'argent ira dans quelle poche ? C'est la poche du médecin ou la poche de la sécu ?
CATHERINE VAUTRIN
La poche de la sécu.
THOMAS SOTTO
Donc le médecin, il devra collecter cet argent et le reverser à la sécu ?
CATHERINE VAUTRIN
Les associations de médecins elles-mêmes ont dit que les médecins ne souhaitaient pas bénéficier de cet argent.
THOMAS SOTTO
Bon. Dernière question. Une trentaine de députés demandent la suspension des ZFE, des zones à faible émission, pour cinq ans. Ils y voient une sorte de délit de pauvreté. Entre le risque de santé publique, que fait naître la pollution, et le risque social, où est-ce que vous vous situez, Madame ?
CATHERINE VAUTRIN
Vous savez, moi, je suis une élue locale. J'ai présidé longtemps la communauté urbaine du Grand Reims. Et à Reims, avec le maire Arnaud ROBINET, nous avons fait le choix de faire une toute petite ZFE, le long d'une autoroute urbaine qui traverse la ville. Depuis, nous avons amélioré la qualité de l'air. Et nous nous sommes arrêtés au Crit'Air 3, ce qui permet d'avoir amélioré la qualité de l'air, tout en permettant aux habitants d'être à pied à cinq minutes du centre-ville. Donc, il y a des solutions. Et je pense que là encore, c'est indispensable de faire place au dialogue pour permettre de trouver les meilleures solutions pour la qualité de l'air. Et pour permettre aux uns et aux autres de venir. Mais n'oubliez jamais que l'autre solution, nous l'avons également mise en place, ce sont les transports publics, y compris vers la ruralité. La communauté urbaine du Grand Reims, 143 communes, beaucoup de rurales, et avec des transports qui vont dans les communes rurales, ce qui évite la deuxième voiture.
THOMAS SOTTO
Donc, vous êtes favorable à la mesure et pas au moratoire. C'est ça, si j'ai bien compris ?
CATHERINE VAUTRIN
Je suis favorable à la mesure et au dialogue.
THOMAS SOTTO
Merci beaucoup, Catherine VAUTRIN, d'être venue sur RTL ce matin. On vous laisse patienter en salle d'attente. Le docteur CAVERIVIÈRE va vous recevoir dans un instant.
CATHERINE VAUTRIN
Ah, super ! J'ai beaucoup de chance !
AMANDINE BEGOT
C'est presque remboursé par la sécu.
CATHERINE VAUTRIN
Est-ce que c'est gratos ?
THOMAS SOTTO
Rien n'est gratuit, Madame. La santé n'est pas gratuite.
CATHERINE VAUTRIN
La santé n'est pas du tout gratuite. Vous avez raison.
Source : Service d'information du Gouvernement, le 26 mars 2025