Texte intégral
NICOLAS DEMORAND
Et avec Léa SALAME, nous recevons ce matin le ministre de l'économie et des finances dans le Grand entretien. Questions-réactions au 01 45 24 70 00 et application Radio France. Éric LOMBARD, bonjour.
ÉRIC LOMBARD
Bonjour Léa SALAME, bonjour Nicolas DEMORAND.
LEA SALAME
Bonjour, bienvenue à vous.
NICOLAS DEMORAND
Voilà, beaucoup de sujets à aborder ce matin : les chiffres de l'INSEE qui viennent de sortir sur l'état de l'économie française, la hausse des droits de douane décidée par Donald TRUMP dans la nuit, l'avenir du conclave sur les retraites et l'avenir du Gouvernement lui-même. Mais d'abord une réaction sur la visite de Volodymyr ZELENSKY à Paris, à l'issue de sa rencontre hier avec le Président ukrainien. Emmanuel MACRON a promis une nouvelle aide militaire à l'Ukraine de 2 milliards d'euros. Question simple, monsieur le ministre de l'Économie et des finances, où trouve-t-on l'argent ?
ÉRIC LOMBARD
Alors d'abord, le ministre est d'abord un responsable politique qui veut saluer le courage des Ukrainiens. Les Ukrainiens se battent contre une agression injustifiée, honteuse, qui a lieu sur le territoire européen, qui met en danger leur démocratie, leurs valeurs, leur culture. Et donc tout naturellement, la France et l'Europe sont à leur côté. D'ailleurs, je recevais hier le vice-premier ministre, Oleks?ï TCHERNICHOV, pour lui assurer notre soutien. Et ces 2 milliards d'euros dont vous parlez…
LEA SALAME
De plus ! 2 milliards de plus ! …
ÉRIC LOMBARD
…font partie des réserves qui sont dans la préparation d'un budget, mises de côté pour des opérations exceptionnelles. Je rappelle que les dépenses publiques françaises, c'est 1 700 milliards d'euros. Donc il y a des réserves qui permettent de faire face à ces nécessités impératives. Et donc évidemment, quand cette demande a été formulée, nous sommes organisés avec la ministre des Comptes publics, Amélie de MONTCHALIN, pour que ces fonds soient à disposition et en soutien à l'Ukraine.
LEA SALAME
Hier, Volodymyr ZELENSKY a une nouvelle fois appelé les Européens, vous a appelé à saisir les 200 milliards d'euros d'avoirs russes pour aider l'armée ukrainienne. Cette proposition est soutenue par beaucoup de monde, dont 2 anciens premiers ministres de votre camp, de la majorité, Édouard PHILIPPE et Gabriel ATTAL, qui vous le demandent avec insistance. Pourquoi refusez-vous de saisir les avoirs russes ?
ÉRIC LOMBARD
Ces fonds sont sous sanction européenne. Ils sont maintenus en Europe. Ces fonds produisent des intérêts. Ces intérêts sont récupérés par l'Union européenne pour financer la défense des Ukrainiens. Donc ces fonds sont utiles. Et nous ne souhaitons pas, avant qu'il y ait un accord de paix, lever ces sanctions. Ensuite, quand nous négocierons, quand l'Ukraine négociera, parce que ça relève de la souveraineté ukrainienne…
LEA SALAME
Mais c'est maintenant qu'ils ont besoin de l'argent, ce n'est pas après.
ÉRIC LOMBARD
Eh bien, ces fonds, encore une fois, produisent des intérêts que nous leur versons. Et par ailleurs, les Etats eux-mêmes, et on vient d'en parler avec les 2 milliards d'euros que la France va leur allouer, ça permet de financer l'effort de guerre ukrainien. Mais par ailleurs, nous sommes aussi dans un Etat de droit, en Europe. Ces fonds appartiennent à la banque centrale d'un Etat avec lequel nous ne sommes pas en guerre. Et donc, nous considérons qu'il n'y a pas de base juridique pour ponctionner ces fonds, qui, encore une fois, sont sous sanction. Donc ils ne partiront pas. Les Russes ne pourront pas les récupérer tant qu'il n'y aura pas d'accord de paix.
NICOLAS DEMORAND
Vous disiez, il y a 3 semaines, " on n'est pas encore en économie de guerre, mais il le faut. " Le secteur de la défense aura besoin de 5 milliards d'euros de fonds propres. Où les trouve-t-on ?
ÉRIC LOMBARD
J'ai réuni avec le ministre des Armées, Sébastien LECORNU, à Bercy, jeudi dernier, tout l'écosystème de la défense, les entreprises et l'ensemble des financeurs : les banques, les fonds d'investissement et les compagnies d'assurance. Et là, on parle d'entreprises du secteur de la défense, on a de très, très belles entreprises, avec 9 entreprises chefs de file. Ces entreprises vont se financer d'abord auprès des investisseurs, comme toute entreprise. Et j'ai surtout voulu signaler avec Sébastien LECORNU que l'entreprise faisait partie des investissements qui étaient conformes à la responsabilité à l'éthique, puisque, en fait, c'est la première responsabilité même d'un pays, c'est se défendre pour défendre notre démocratie.
LEA SALAME
Les Français qui veulent contribuer à l'effort de réarmement, ils vont pouvoir le faire ?
ÉRIC LOMBARD
Ils vont pouvoir le faire.
LEA SALAME
Ce sera comment ? Comme le Livret A ? Vous allez faire un ticket d'entrée via la BPI de 500 euros, c'est ça ? Ça commencera comme ça, mais est-ce que c'est un placement à risque ou pas ? Ceux qui nous écoutent ce matin, qui nous disent, eh bien après tout, pourquoi pas ?
ÉRIC LOMBARD
L'effort concerne des entreprises, donc on parle d'investissement dans des entreprises, donc c'est à la fois des investissements un peu plus risqués, c'est des investissements de long terme, mais c'est aussi des investissements, comme ces entreprises sont de belles entreprises, qui peuvent rapporter plus. Et je fais confiance à l'ensemble des réseaux pour proposer des produits. Et c'est vrai que le premier produit que j'ai annoncé avec Nicolas DUFOURCQ, le directeur général de BPI France, c'est un produit qui s'appelle BPI France Défense, auquel les Françaises et les Français qui le souhaitent pourront souscrire dans les réseaux.
LEA SALAME
Dès maintenant ?
ÉRIC LOMBARD
Le produit est en train d'être monté, il faudra attendre encore quelques semaines, à partir de 500 euros, donc c'est vraiment un produit pour le grand public.
LEA SALAME
On peut investir dans le réarmement de la France. On en vient à l'actualité de ce matin, il y a beaucoup de questions pour vous faire réagir. Les chiffres de l'INSEE d'abord, qui sont sortis il y a 30 minutes, ce sont des chiffres consolidés de la dette et du déficit pour l'année 2024 ; année où l'on a assisté à un spectaculaire dérapage pas prévu de notre budget. Le déficit définitif pour 2024 est donc de 5,8%, alors qu'on attendait 6%. Vous dites quoi ce matin, c'est un peu moins pire que prévu ?
ÉRIC LOMBARD
Ça n'est pas une bonne nouvelle, c'est un déficit qui est trop élevé, et c'est pourquoi nous devons réduire nos déficits. Permettez-moi de remettre les choses en perspective. Nous parlons de souveraineté nationale, nous parlons de souveraineté européenne à un moment où les risques sont importants. On a parlé de la Russie, on va parler des Etats-Unis. Et la souveraineté nationale va aussi avec une souveraineté financière. Or, tant que nous n'avons pas traité le problème du déficit de la dette, nous sommes en risque. Nous avons 3 300 milliards d'euros de dette. L'année prochaine, enfin plutôt cette année, nous allons verser à nos créanciers presque 70 milliards d'euros d'intérêt, c'est-à-dire plus que le budget de la défense. Donc nous devons réduire ce déficit. Cette étape, 5,8% au lieu de 6% que nous craignions en arrivant, c'est un peu mieux, parce que les dépenses ont été très bien tenues par le Gouvernement de Michel BARNIER.
LEA SALAME
C'est ça qui explique que c'est un peu moins pire ?
ÉRIC LOMBARD
On a eu un peu plus de recettes que prévu dans les dernières semaines. Tout ça est moins bien que ce qui avait été prévu initialement. La loi de finances initiale, je crois, était à 4,4%.
LEA SALAME
Et pourquoi on a eu un petit peu plus de recettes ?
ÉRIC LOMBARD
Parce que l'économie tient assez bien, en fait. Et parce qu'on avait craint qu'il y ait un changement dans l'évolution des recettes fiscales. Dans tous les pays européens, on a eu des recettes de TVA ou d'impôts sur les sociétés, je ne vais pas rentrer dans la technique qui était un peu différente de ce qui était attendu. On a maintenant restabilisé les modèles. Je pense qu'on y comprend beaucoup mieux. D'ailleurs, depuis le début de l'année, les choses se passent comme prévu. Le plus important, le message que je veux porter, c'est qu'il faut continuer à réduire les déficits. Il faut qu'on arrive à 3%. Tant qu'on n'est pas à 3% de déficit, la dette augmente. Et on voit bien que la dette, en fait, ça veut dire que ce sont nos enfants qui vont régler le train de vie de l'État, de la sécurité sociale aujourd'hui. Et ça, ça n'est pas possible. Et donc, nous visons, pour cette année, un déficit de 5,4%. Et nous ferons ce qu'il faut pour l'atteindre.
NICOLAS DEMORAND
Ce n'est pas trop optimiste ?
ÉRIC LOMBARD
C'est une question de volonté. Ça demande une tenue des dépenses. Et nous mettons en place, avec la ministre des Comptes publics, un suivi mensuel pour que les dépenses ne dérapent pas. Nous suivons chaque mois les recettes. Nous sommes, pour le moment, en phase. Nous ferons tout pour l'être.
NICOLAS DEMORAND
C'est un pari ou c'est une certitude ?
ÉRIC LOMBARD
C'est une décision qui a été prise par l'Assemblée nationale que nous allons mettre en oeuvre. Mais nous allons le faire collectivement. Et on a proposé, avec le Premier Ministre, un changement de méthode. Le Premier Ministre, le 15 avril, animera une conférence des finances publiques pour que la situation budgétaire du pays, à ce moment-là, à fin mars, soit partagée avec toutes les parties prenantes. Les élus, les partenaires sociaux, les collectivités locales.
LEA SALAME
Donc, le 15 avril, il y aura une conférence des finances publiques ?
ÉRIC LOMBARD
Grande conférence des finances publiques, présidée par le Premier Ministre, où les ministres en charge des éléments de dépenses seront là, les partenaires sociaux. Nous voulons que ce pilotage engage toute la nation, parce que c'est le budget de la nation dont nous parlons.
LEA SALAME
Donc, vous maintenez les 5,4 d'objectifs de déficit en 2025, malgré une croissance qui est plus atone que prévu. Vous maintenez toujours les 0,9% de croissance en 2025 ? Parce que la BANQUE DE FRANCE n'y croit plus du tout, on parle de 0,7
ÉRIC LOMBARD
Oui, on avait 0,9 dans le budget. Le budget initial était d'ailleurs sur 1,1. La BANQUE DE FRANCE parle de 0,7. Je pense qu'il y a une incertitude importante, on va en parler, liée à la politique américaine. En fonction des décisions prises par les Etats-Unis et de l'impact attendu, on présentera aux Français - probablement au moment du 15 avril - les conclusions qu'on en tire. Mais cet objectif de 5,4%est très important, ça représente en fait un déficit de 163 milliards d'euros donc c'est énorme. Donc nous continuons à augmenter la dette, il faut vraiment rapidement qu'on mette fin à ces déficits trop importants dans notre pays.
LEA SALAME
La porte-parole du Gouvernement a dit que le budget 2026 allait être un cauchemar à préparer. Vous avez commencé à le préparer ; vous confirmez, c'est un cauchemar ?
ÉRIC LOMBARD
On y travaille depuis le début, on change de méthode. La méthode que nous utilisons, qui est celle du Gouvernement de François BAYROU, c'est le dialogue. Ce dialogue qui commence, j'ai vu hier…
LEA SALAME
Le dialogue n'empêche pas le cauchemar.
ÉRIC LOMBARD
Le dialogue permet de trouver des solutions. Je suis convaincu de cela. On a vu avant-hier les principales associations d'élus, l'association des maires de France. On dialogue avec les partenaires sociaux, on dialogue avec les responsables politiques. On le fait très tôt dans l'année. D'habitude, le dialogue commence en septembre, un peu dans l'urgence au Parlement, il faut faire voter la loi de finances. Nous souhaitons, avec le Premier ministre, proposer aux Français, avant l'été, des éléments, mais surtout on souhaite que ces propositions soient construites dans le dialogue avec les partenaires sociaux, pour qu'on construise un consensus.
NICOLAS DEMORAND
Donald Trump a donc annoncé hier soir que tout véhicule non fabriqué aux Etats-Unis sera désormais surtaxé de 25%. Les droits de douane américains sont un signal fatal pour la fédération des constructeurs automobiles allemands. Réaction ce matin, panique, on peut bien le comprendre chez les constructeurs automobiles. Quelle est votre réaction à ce nouveau train d'augmentation de taxes ?
ÉRIC LOMBARD
D'abord, rappeler aux auditrices et aux auditeurs, la gravité du moment. Nous avons une session de guerre sur notre continent, et nous avons notre grand allié américain, qui change complètement de politique économique, de façon très agressive, et d'une façon qui nuit à l'économie américaine et à l'économie européenne. Et j'ai eu le privilège d'accompagner le Président MACRON dans la première visite avec le Président TRUMP et son Gouvernement. J'ai vu mon homologue américain… On se parle régulièrement dans le cadre de ce qu'on appelle le G7, les sept plus grandes puissances de la planète. Il faut mettre fin à cette guerre des tarifs douaniers, qui va mettre nos économies en difficulté.
LEA SALAME
Enfin là, il ne met pas fin, il augmente la guerre, l'agressivité, non ?
ÉRIC LOMBARD
Effectivement. L'agressivité augmente.
LEA SALAME
Cette nuit, c'est quoi ? Vous qualifiez comment cette augmentation des droits de douane sur les constructeurs automobiles ?
ÉRIC LOMBARD
C'est une très mauvaise nouvelle, et c'est un acte qui, évidemment, est non coopératif, dans une situation où c'est la coopération qui va nous permettre de régler le problème. Donc, on est dans une situation où, étant dans une position où des mesures agressives sont prises, c'est l'Union Européenne qui négocie, le commissaire SEFCOVIC avec lequel, évidemment, on est en contact très régulier, et la seule solution pour l'Union Européenne va être, à son tour, d'augmenter les tarifs douaniers envers les produits américains - et la liste est en train d'être établie par la commission dans le dialogue avec nous - pour, une fois que chacun aura compris que cette guerre ne mène à rien, j'espère qu'on pourra arriver à une baisse…
NICOLAS DEMORAND
Vous ne craignez pas une riposte à la riposte ?
ÉRIC LOMBARD
Nous sommes dans une situation où nous sommes agressés. Soit on se laisse faire, et dans ces cas-là, cette situation ne s'arrêtera jamais, soit on riposte. Malheureusement, c'est ça la règle du jeu qui était imposée par les Américains. Je vais retrouver mes homologues américains lors des réunions du FMI à Washington, mi-avril, et j'espère le plus rapidement possible que nous pourrons dialoguer, afin de baisser les tarifs. Quand j'avais rencontré Scott BESSENT, mon homologue à Washington, il m'avait dit mais nous pouvons aussi baisser les tarifs. Et je lui ai dit, chiche, et il faut…
LEA SALAME
Chiche mais il fait le contraire.
ÉRIC LOMBARD
Oui, il fait le contraire…
LEA SALAME
Il vous dit ça et il fait contraire.
ÉRIC LOMBARD
Ça ne m'échappe pas. Nous voulons rééquilibrer le jeu, de sorte que les Américains, eux aussi, soient contraints de négocier avec nous, de façon à ce qu'on baisse les tarifs. Mais malheureusement, quand il y a une action non coopérative qui est prise, la seule solution - et nous y réfléchissons, nous en parlons entre nous - c'est bien de riposter, afin de contraindre nos interlocuteurs à un dialogue.
LEA SALAME
Quand est-ce qu'on va monter les droits de douane contre les produits américains ?
ÉRIC LOMBARD
La Commission européenne, dans un souci d'apaisement, a reporté le moment où cette hausse s'appliquerait à mi-avril, et les fils ne sont pas coupés. Maroš ŠEFCOVIC était à Washington, mardi. Donc, j'espère, et je l'ai proposé d'ailleurs au G7, que nous puissions avoir un dialogue avant mi-avril, de façon à ce qu'on emprunte le chemin de la paix le plus vite possible. Mais c'est aux Américains de se prononcer.
LEA SALAME
Éric LOMBARD, vous n'avez cessé, depuis que vous êtes au Gouvernement, de dire que c'est aux partenaires sociaux de décider ce qui sortira du conclave sur la réforme des retraites. Or, François BAYROU, il y a dix jours, au micro d'Inter, a fermé la porte d'un retour aux 62 ans. Donc, en fait, ce ne sont pas les partenaires sociaux qui décident, c'est le Gouvernement qui décide à la fin.
ÉRIC LOMBARD
Ce sont bien les partenaires sociaux qui ont entendu le Premier ministre, mais qui continuent à dialoguer. J'ai noté deux événements que je trouve très importants dans le débat social. C'est le président du MEDEF, Patrick MARTIN, la secrétaire générale de la CFDT, Marylise LEON, qui ont dit, en fait, le débat sur les traites est trop étroit. Nous souhaitons l'élargir à l'ensemble de la sphère de la sécurité sociale, qui va d'ailleurs fêter ses 80 ans cet été. Donc, c'est peut-être aussi l'occasion de remettre beaucoup de choses à plat. Et je rappelle que les dépenses sociales, dans nos sujets de budget, c'est près de la moitié de la dépense publique, 46% pour être précis. Donc, c'est un des éléments extrêmement importants du débat que nous avons devant nous.
LEA SALAME
Les autres syndicats, à part la CFDT, ont quitté le conclave. Il reste la CFDT avec Marylise LEON qui dit, certes, on peut élargir, mais qui dit, l'objectif est toujours de sortir des 64 ans et de viser peut-être 63 ans. 63 ans, c'est encore sur la table ou non ?
ÉRIC LOMBARD
D'autres partenaires sociaux sont autour de la table, du côté patronal et du côté des salariés. Certains sont partis, mais continuent à suivre la discussion, et peut-être s'il y a une signature, pourraient s'y joindre, mais nous verrons bien. Tout est sur la table. Nous leur faisons confiance, nous souhaitons qu'ils continuent à avancer, et cette notion de mandat élargi, ça relève de ma collègue Catherine VAUTRIN qui pilote, avec Astrid PANOSYAN-BOUVET, ces négociations. Pour ma part, je suis tout à fait favorable à accéder à leurs propositions, afin que précisément que dans ce grand dialogue qui doit nous permettre d'aboutir à un consensus sur la réduction des déficits, on s'appuie sur leurs travaux et tout est ouvert dès lors que…
LEA SALAME
Tout est ouvert sauf le retour aux 62 ans, contrairement à ce que disait François BAYROU.
ÉRIC LOMBARD
…dès lors que sur les retraites, nous revenons vers l'équilibre, et ça c'est la feuille de route qu'a fixée le Premier ministre à juste titre, évidemment, et que sur la santé, nous réduisons le déficit qui a été trop important l'année dernière.
LEA SALAME
La déclaration de François BAYROU sur le non-retour aux 62 ans est un motif de censure, dit le numéro 2 du Parti Socialiste. Comment vous réagissez, vous ?
ÉRIC LOMBARD
Nous savons, depuis l'installation de ce Gouvernement, que nous n'avons pas de majorité et qu'une censure est possible. Et c'est la liberté des responsables politiques, évidemment, nous écoutons cela, il y a d'autres motifs de censure qui sont, en ce moment, présentés par le Rassemblement National.
LEA SALAME
Absolument, sur la PPE.
ÉRIC LOMBARD
Nous faisons ce qui nous semble conforme à l'intérêt du pays dans une période, encore une fois, extrêmement difficile dans l'environnement international, difficile au plan intérieur avec cette réduction des déficits qui est importante, ce qui ne nous empêche pas d'ailleurs de poursuivre des réformes importantes. On protège, par exemple, de grandes filières industrielles, on va travailler sur les déserts médicaux. Le Premier ministre a proposé au Président des deux assemblées un programme de travail.
LEA SALAME
Oui, un programme de travail, pardon d'être un peu brutale, mais c'est les mots d'Edouard PHILIPPE dans Le Figaro qui dit que le programme de travail des mois à venir est vide et déplore un pays frappé par une espèce d'immobilité. Donc, en fait, vous répondez quoi ?
ÉRIC LOMBARD
Avec tout le respect que j'ai pour Edouard PHILIPPE, respect et amitié, je ne partage pas cet avis puisque d'abord, le fait d'avoir fait voter un budget et de préparer un budget, c'est un élément essentiel de politique publique. Vous avez rappelé tout à l'heure ce que nous faisons pour développer notre industrie de l'armement et nous travaillons de façon très concentrée pour améliorer la souveraineté européenne en matière de défense qui est un sujet absolument essentiel. Nous travaillons sur l'emploi pour ramener à l'emploi les jeunes et les personnes âgées, la protection de l'industrie.
LEA SALAME
Donc vous rassurez Edouard PHILIPPE ce matin, c'est ça ?
ÉRIC LOMBARD
Nous sommes, je pense, extrêmement actifs sur tous les fronts et effectivement, avec une menace de censure, c'est la situation de ce Gouvernement.
NICOLAS DEMORAND
Alain, sur l'application Radio France, allez-vous supprimer l'abattement sur les revenus des retraités pour l'impôt sur le revenu ?
ÉRIC LOMBARD
L'avantage de la méthode que nous proposons, c'est qu'en nous appuyant sur les partenaires sociaux, sur les partenaires politiques pour proposer des mesures, ça fait que nous allons éviter, en ce qui me concerne en tout cas, de nous prononcer sur telle ou telle mesure qui peut être présentée. Encore une fois, nous allons écouter et nous ferons des propositions, mais dans un seul mouvement quand cette phase sera achevée.
LEA SALAME
Vous en avez parlé vous-même, le RN n'est pas content à cause de la PPE, la programmation pluriannuelle de l'énergie, qui fixe les objectifs énergétiques pendant sur dix ans jusqu'à 2035. C'est un gros sujet et vous voulez le faire passer par décret. C'est insupportable, dit le RN qui demande un débat avec vote à l'Assemblée et non imposé en catimini par décret. Marine LE PEN parle d'une décision impardonnable. Vous êtes en train de faire les choses en catimini sur l'énergie qui est quand même un sujet ultra concernant et ultra important.
ÉRIC LOMBARD
C'est une position qui me surprend puisque d'abord, ce que nous faisons en matière de programmation pluriannuelle de l'énergie, c'est assurer l'indépendance nationale. De deux façons, en développant le nucléaire, ce qui nous donne une autonomie que nous n'avons pas aujourd'hui avec les énergies carbonées et aussi avec les renouvelables. Donc tout ça pour nous mettre dans une situation d'économie zéro carbone en 2050. Donc je pense que l'objectif est très clair.
LEA SALAME
Pourquoi vous le passez par décret et pas par vote à l'Assemblée nationale ?
ÉRIC LOMBARD
Eh bien parce que la loi de la République propose, même dispose, que pour la PPE, nous devons d'abord avoir une concertation qui a été ouverte depuis deux ans avec un grand nombre de parties prenantes et cette concertation est en train de se terminer. Ensuite, la loi dispose que le Gouvernement doit prendre un décret que nous prendrons et qu'ensuite ce décret sera soumis au débat avec le Parlement de la République. Donc ce débat aura bien lieu, mais en fonction des dispositions de la loi.
NICOLAS DEMORAND
Alors le temps file et on n'en a quasiment plus. Sur EDF dont le PDG, Luc REMONT, a été évincé brutalement par l'État vendredi dernier au profit de Bernard FONTANA, actuel directeur général de FRAMATOME. Qu'est-ce qui a précipité ce départ ?
ÉRIC LOMBARD
Le mandat de Luc REMONT s'achevait, donc il n'y a pas de précipitation. Il y a une nouvelle phase qui s'ouvre puisque la construction des six réacteurs où on a à peu près calé avec Luc REMONT le dispositif financier, va commencer. On a une phase aussi où nous souhaitons que EDF soit plus agile dans la négociation de tarifs avec les grands industriels. J'ai parlé tout à l'heure de la protection de l'industrie, c'est un axe essentiel de ce Gouvernement, c'est nécessaire pour le pays. Ça va aussi s'appuyer sur l'énergie stable.
NICOLAS DEMORAND
Il a eu des mots rudes quand même sur le Gouvernement.
LEA SALAME
Il a eu des mots rudes et il s'est senti viré.
ÉRIC LOMBARD
Oui, j'entends ce qu'a Luc REMONT.
LEA SALAME
Il dit qu'il a constaté une dégradation réelle dans la capacité de l'État à concevoir le changement en intégrant l'économie d'entreprise, à prendre des décisions et à tenir sa parole. La barque est chargée là.
ÉRIC LOMBARD
La barque est chargée, je ne souhaite pas polémiquer. Bernard FONTANA est au coeur du système, c'est le patron de FRAMATOME, c'est lui qui fait justement le coeur des réacteurs. Nous pensons qu'il va conduire ce chantier de façon efficace et le poursuivre dans la même stratégie qui n'est pas modifiée. Et c'est vrai que si nous nous étions mis d'accord avec Luc REMONT sur des sujets aussi importants, et je sais que EDF est une entreprise et nous étions d'accord sur les objectifs de rentabilité ; il y a des éléments substantiels sur lesquels nous ne nous sommes pas mis d'accord. Il se trouve que c'est une entreprise détenue par l'État, chargée d'une mission essentielle pour l'avenir du pays, et ce sont les accords qui ont conduit à ce que nous prenions une décision qui est difficile, mais que j'assume.
LEA SALAME
Dernière question, Le Canard Enchaîné révèle que le groupe de Vincent BOLLORE a échappé à une amende fiscale de 320 millions d'euros liée à une opération datant de 2004, décision de Bercy. Votre décision donc, qui fait réagir sur l'appli Radio France. David : " les 320 millions d'euros de pénalités au groupe BOLLORE effacés, ça fait combien en dotation aux hôpitaux ? Et partant, combien de particuliers se voient effacer les pénalités fiscales suite à un redressement ? "
ÉRIC LOMBARD
Ce n'est pas une décision de Bercy, c'est une décision qui fait suite à un contentieux, et le Conseil d'État, la plus haute juridiction administrative de ce pays, qui est totalement indépendante, a pris cette décision que nous avons appliquée. Donc il n'y a pas de décision ni de Bercy, ni d'aucun ministre, d'ailleurs les ministres ne se prononcent pas sur les sujets fiscaux, c'est une décision du Conseil d'État.
LEA SALAME
Vous la comprenez ?
ÉRIC LOMBARD
Je ne commande pas une décision de justice.
NICOLAS DEMORAND
Merci Éric LOMBARD, ministre de l'Economie et des Finances, d'avoir été à notre micro ce matin. Merci encore.
Source : Service d'information du Gouvernement, le 31 mars 2025