Interview de M. Philippe Tabarot, ministre chargé des transports, à CNews le 13 juin 2025, concernant les frappes israéliennes sur l'Iran et le transport aérien, les rassemblements pro-palestinien, un accident d'avion en Inde, la violence des mineurs, la politique de l'immigration et la contestation des taxis.

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Média : CNews

Texte intégral

ROMAIN DESARBRES
Il est 8 h 13, merci monsieur le ministre d'être avec nous, le ministre des Transports, Philippe TABAROT, bonjour,

PHILIPPE TABAROT
Bonjour,

ROMAIN DESARBRES
Invité de la grande interview CNews/Europe 1. Comme tous les jours, énormément d'actualités évidemment à balayer avec vous. Et on va commencer, bien sûr, par ce qui s'est passé cette nuit, les frappes israéliennes sur l'Iran. Quelles sont les conséquences en termes de transport ?

PHILIPPE TABAROT
L'espace aérien vers l'Israël va être fermé très rapidement. Annulation de vol, bien sûr, des deux compagnies à la fois françaises et israéliennes par rapport à cette situation. Et puis, une forte inquiétude pour nos concitoyens français très nombreux qui habitent en Israël. Une situation que le Quai d'Orsay est en train de traiter, à l'heure où on parle, pour que tout le monde soit sécurisé, pour que les informations passent le mieux possible.

ROMAIN DESARBRES
Est-ce que vous avez une idée de la durée de la fermeture de l'espace aérien israélien ?

PHILIPPE TABAROT
Non, puisque vous n'êtes pas sans savoir et vous l'avez rappelé sur votre antenne ce matin, que ces frappes ont été brutales cette nuit, qu'elles vont entraîner un certain nombre de conséquences, que les États-Unis et l'Iran devaient se parler ce week-end. Les choses vont probablement s'accélérer. En tout cas, cette situation qui met en difficulté Israël et chacun jugera si ces frappes étaient indispensables ou pas pour se protéger. En tout cas, elles auront des conséquences sur nos concitoyens en Israël et sur les Israéliens en général.

ROMAIN DESARBRES
Alors, je sais que vous n'êtes pas ministre des Affaires étrangères ni président de la République, mais Israël justifie ces frappes par son droit à exister et donc, son droit à détruire les capacités nucléaires iraniennes. Parce que si l'Iran a la bombe nucléaire, elle l'enverra sur Israël. Vous défendez ce droit à la sécurité d'Israël, ce droit à l'existence d'Israël ?

PHILIPPE TABAROT
Bien sûr, et la France l'a toujours défendu, et à titre personnel, je le défends très fortement. Israël se retrouve dans une situation difficile, encerclée, et c'est pour ça que des raccourcis sur les positions d'Israël, qui sont bien souvent en fait, et qui sont les accusateurs, je dirais, d'Israël, ne se rendent peut-être pas compte de la situation géographique, géopolitique, que vous avez très bien expliqué sur votre antenne, dans laquelle se retrouve Israël. Pour Israël, c'est une survie qui passe quelquefois par des actions comme celle de cette nuit. En tout cas, le principal aujourd'hui, c'est que les choses reviennent le plus rapidement possible à la normale, qu'on puisse avoir, je l'espère, rapidement un cessez-feu, parce que je pense à la protection des habitants d'Israël, de nos concitoyens.

ROMAIN DESARBRES
Hier était organisé à Paris, sur la place de la République, un rassemblement pro-palestinien, avec uniquement, des drapeaux palestiniens, lors duquel Rima HASSAN, qui portait un keffieh tel un voile islamique, a été accueilli comme une rockstar. Des slogans contre ces news ont d'ailleurs été proférés, ont été entendus. Comment est-ce que vous avez réagi en voyant cela ?

PHILIPPE TABAROT
Cette situation prêterait à sourire si la gravité de la situation n'était pas celle que l'on connaît, parce que de revenir en héros, de se comparer à des otages tels que cela a été exprimé, totalement déplacés par rapport à ce que les otages israéliens vivent maintenant depuis de nombreux mois. Donc, cette opération purement de communication avec madame Greta THUNBERG et quelques pseudo-humanitaires est un ridicule qui dépasse l'entendement. Pour autant, la situation et les mots qui ont été utilisés, le rassemblement d'hier soir, est grave, je trouve, pour notre démocratie. Et puis, de mettre en cause un média, en l'occurrence le vôtre, de cette manière, est quelque chose de grave, notamment concernant la liberté d'expression, que ces personnes prétendent défendre régulièrement, sauf quand cela ne les arrange pas et quand certains médias disent des choses qui sont réelles par rapport à leur fonctionnement et par rapport à leur désamour de la France. On a l'impression que ces gens-là n'aiment pas la France et que les problèmes que nous rencontrons dans notre pays ne les intéressent pas et qu'ils s'attachent à des causes qui sont bien lointaines des causes nationales dans notre pays.

ROMAIN DESARBRES
Philippe TABAROT, je décris l'image pour les auditeurs d'Europe 1, on voit Rima HASSAN, donc eurodéputée française, portant un keffieh, je disais comme un voile islamique, je pense que la référence est assez claire. Vous dites, " Elle ne défend pas la France ? "

PHILIPPE TABAROT
Non, ce qui me révolte, c'est que ces personnes sont élues par le peuple français, ce sont des élus français qui sont censés représenter la France. Cette dame était députée européenne pour représenter la France à l'Europe et voilà ce qu'elle fait. Est-ce que vous pensez que c'est un combat qui aide notre pays aujourd'hui ? Sincèrement, moi je ne le pense pas et je regrette que des élus de la République française se retournent par leurs agissements ou leurs propos contre leur propre pays.

ROMAIN DESARBRES
Ils jouent contre la France ?

PHILIPPE TABAROT
Ils jouent incontestablement contre la France, ils le montrent pratiquement toutes les semaines au Parlement et à travers ce genre de manifestations qui sont totalement inacceptables.

ROMAIN DESARBRES
Philippe TABAROT, ministre des Transports, invité de la grande interview CNews/ Europe 1. On va parler du drame qui s'est déroulé en Inde. Un Boeing 787 s'est écrasé, hier, en Inde avec 242 passagers à son bord, il n'y a qu'un survivant. C'est le premier drame pour ce modèle, le Boeing 787 Dream liner, mais il s'inscrit dans la lignée de nombreux incidents, voire accidents pour le constructeur américain en grande difficulté. Nombreux d'ailleurs sont les usagers, les passagers à désormais privilégier. Airbus, le constructeur européen, question toute simple déjà. Déjà, quelle est votre réaction quand vous avez appris ce drame, premièrement, et ensuite des questions sur BOEING ?

PHILIPPE TABAROT
Oui, c'est vrai qu'on a tendance à maintenant faire attention par rapport à cette situation de se dire, quel est l'avion accidenté, un AIRBUS, un BOEING, il y a une loi des séries, nous avons l'impression pour BOEING. Alors c'est vrai que cet accident est assez surprenant dans le sens où ce modèle n'avait jamais connu aucun problème, le pilote était expérimenté, l'avion n'était pas vieux, la compagnie AIR INDIA n'est pas répertoriée comme une compagnie dangereuse, bien au contraire. Après, c'est vrai que c'est le mode de transport le plus sûr, mais quand arrive une catastrophe comme celle-là, elle prend une ampleur toute particulière et quelques jours avant l'ouverture du salon du Bourget, qui est le plus grand salon aéronautique, spatial et de défense du monde. Cet accident en France a un impact particulier, mais j'ai une pensée bien sûr pour les victimes, bien sûr les ressortissants indiens, les ressortissants anglais, et puis dans un drame, cette histoire assez extraordinaire de ce survivant qui est totalement improbable, mais qui est vrai.

ROMAIN DESARBRES
Qui était installé sur la place 11A, pour l'anecdote, évidemment. Est-ce qu'on est en sécurité lorsqu'on vole dans un BOEING ? C'est bientôt le Bourget, c'est aussi bientôt les vacances. En tant que ministre des Transports, vous le savez, j'imagine, vous allez transporter les Français qui partent à droite, à gauche. Est-ce qu'on est en sécurité lorsqu'on vole dans un avion BOEING, monsieur le ministre ?

PHILIPPE TABAROT
Bien sûr, ce n'est pas parce qu'il y a eu la répétition d'un certain nombre d'événements qu'il y a des difficultés spécifiques. Certains modèles ont été rappelés, la maintenance est importante. Ce n'est pas parce que je défends bec et ongle, au niveau international, la compagnie AIRBUS qui gagne des parts de marché, qui va avoir un certain nombre de signatures pendant la semaine à venir au Bourget, et beaucoup de commandes qui donnent de l'emploi dans notre pays, qu'on doit pour autant décrier cette grande compagnie qui est BOEING, qui a eu quelques incidents quant à la maintenance, mais qui oeuvre à ce que les choses reviennent, je dirais, normalement, pour, je le répète, un mode de transport qui est sécurisé, même si chaque accident d'avion nous marque particulièrement. Quand on sait malheureusement le nombre d'accidents qu'il y a sur la route quotidiennement, en France, en Europe ou dans le monde, on est bien loin des chiffres des catastrophes aériennes.

ROMAIN DESARBRES
Philippe TABAROT, ministre des Transports, invité de la grande interview CNews/Europe 1, ce matin. Philippe TABAROT, la France a été secouée par ce qui est arrivé à Mélanie, tuée par un adolescent de 14 ans. Elle était surveillante dans un collège à Nogent, elle a été tuée par cet adolescent de 14 ans. Déjà, comment est-ce que vous analysez ce qui s'est passé ?

PHILIPPE TABAROT
Un drame, un drame supplémentaire qui vient après d'autres drames, avec la constatation qu'on a un certain nombre à faire, enfin dans notre pays, de manière collective, là où certains, notamment sur l'échiquier gauche ou extrême-gauche de la vie politique, étaient dans une sorte d'angélisme et ont mis beaucoup de temps pour reconnaître cet ensauvagement de la société française. Le président de la République avait même parlé de décivilisation, à une période. Il est évident que sans pointer les responsabilités des uns et des autres, on a probablement une responsabilité collective dans ce qui arrive. Et puis surtout, on doit maintenant agir, on doit maintenant agir sur différents sujets, à la fois, bien sûr, la responsabilisation des parents qui ne doivent pas s'exonérer de leurs responsabilités. Je pense également à l'école qui ne peut pas tout faire mais qui a son rôle. Bien sûr, on a beaucoup parlé des réseaux sociaux, ce qui, à nous, nous paraît moins essentiel parce que, quelque part, on a connu les réseaux sociaux dans le courant de notre vie. Certains enfants ont été élevés avec ou par les réseaux sociaux ou par le numérique. Donc ça aussi, ça a influencé un certain nombre de comportements, probablement. Je pense à la question de la santé mentale, où mon collègue, Yannick NEUDER, mène un combat conséquent et très probablement dans les établissements, il manque de référents à ce niveau-là. Et puis, la chaîne police-justice, qui est indispensable, avec des signalements et puis des peines qui doivent être courtes, qui doivent être immédiates. Et en l'occurrence, je fais confiance à mes collègues Bruno RETAILLEAU et Gérald DARMANIN pour être réactifs sur ce sujet, comme ils le sont toujours.

ROMAIN DESARBRES
Philippe TABAROT, vous le rappeliez, le président de la République a parlé de décivilisation. Mais le soir du meurtre de Mélanie, il disait à la télévision qu'on en faisait trop avec les faits divers. Je résume sa prise de position, sa pensée. Même si c'est parfaitement son droit, évidemment, de le dire et de le penser. Est-ce que c'était le bon moment ?

PHILIPPE TABAROT
Écoutez, il était dans un autre cadre et sincèrement, je ne pense pas qu'il pensait à ces faits divers. Peut-être à d'autres actualités, comme il a eu l'occasion de le dire. Le président a eu des mots très forts et a été très affecté, comme nous tous, par ces situations. On ne peut pas être président de la République et ne pas se préoccuper de ces drames à répétition. On est concernés par ce qui arrive pour la plupart d'entre nous, dans une inquiétude folle de se dire que... Moi, j'avais une pensée, pour tout vous dire, à ces jeunes du collège de Nogent qui ont dû retourner à l'école, hier, et qui sont encore ce matin, moins de 48 heures après ce qui s'est passé. Bien sûr qu'ils doivent avoir la boule au ventre et que tout parent a la boule au ventre quand il voit ses enfants partir. Que ce soit, bien sûr, sur le collège, sur le lycée et même des incidents dans les écoles primaires, ce qui est assez incroyable.

ROMAIN DESARBRES
Ils ont justement du mal à comprendre quand le président de la République parle de brainwashing et de lavage de cerveau sur les faits divers.

PHILIPPE TABAROT
Je pense sincèrement que ce n'est pas ce que le président de la République a souhaité dire. Je ne veux pas croire que, pour avoir échangé sur ces sujets, entre autres au Conseil des ministres, je peux vous dire qu'il est très mobilisé, que tout le Gouvernement est mobilisé sur ces drames à répétition.

ROMAIN DESARBRES
Je voulais vous entendre également, monsieur le ministre, sur nos sondages CSA pour CNews/Europe 1, le JDD. Des sondages chocs. On a découvert cette semaine, que les deux tiers des Français souhaitaient qu'il y ait moins d'arrivés d'immigrés en France. Une question toute simple. Et vous, si on vous avait appelé, si l'Institut CSA vous avait appelé, qu'est-ce que vous auriez répondu ? Est-ce que vous êtes dans les deux-tiers ou le tiers qui dit non, vous souhaitez qu'il y ait plus d'arrivée d'immigrés en France ?

PHILIPPE TABAROT
Moi, je suis plutôt dans les deux-tiers qui pensent qu'il ne faut plus d'immigration en France parce qu'on a un sujet, un souci d'assimilation aujourd'hui, d'intégration. On l'appelle comme on veut. Chacun a sa sémantique sur ces sujets. Et qu'on a suffisamment de difficultés depuis un certain nombre d'années. Chez nos compatriotes, il y a une crainte par rapport à tout ce que l'on peut vivre et que ça doit être dans un cadre légal qui semble totalement dépasser. Après, on a quand même un sujet dans notre pays qu'on ne peut pas éluder totalement, qui est le problème du travail et des métiers en tension. Moi, je pense que les Français ne sont pas contre l'arrivée, le cas échéant, de l'immigration de travail, de l'immigration pour des personnes qui souhaitent oeuvrer pour notre pays, qui souhaitent également accéder et vivre dans notre culture.

ROMAIN DESARBRES
Il y a plusieurs points de vue sur ce point-là puisqu'il y a 500 000 étrangers qui sont inscrits au chômage en France. Certains disent qu'ils peuvent peut-être prendre des emplois vacants.

PHILIPPE TABAROT
Je ne dis pas que la gestion et le traitement de l'immigration dans notre pays, aujourd'hui, est une réussite loin s'en faut. Il faut mettre les choses à plaque. Les personnes qui viennent dans notre pays, c'est soit parce qu'elles sont persécutées d'une manière concrète dans leur pays, soit parce qu'elles viennent travailler dans des métiers en tension que quelque part, nos concitoyens ne veulent plus assumer. Mais pour tout le reste, pour toute l'immigration clandestine et pour des immigrés qui viendraient pour profiter de nos prestations sociales et de ne pas travailler, je suis foncièrement et farouchement contre.

ROMAIN DESARBRES
Je voulais vous entendre également sur les taxis, ministre des Transports. Gros dossier, une réunion s'est tenue, mercredi matin, au ministère de la Santé. Le Gouvernement a proposé d'étudier, avec les représentants de la profession, de nouveaux calculs pour les conditions de rémunération du transport des patients. Une nouvelle réunion est prévue d'ici 15 jours. Les acteurs, les taxis, les représentants des taxis sont ressortis contents de ces discussions. C'est, donc, qu'on approche d'une sortie de crise ?

PHILIPPE TABAROT
Je le souhaite de tout coeur. Je suis, comme vous le savez, depuis le premier jour, en lien avec les taxis, notamment sur un autre aspect, le sanitaire, qui est plutôt géré par mon collègue de la santé. Mais sur l'aspect des relations à la fois avec les VTC, avec les plateformes, avec des pratiques illégales de la profession, nous avançons sur ces sujets. J'ai eu l'occasion de les voir quatre fois déjà. Nous avons également d'autres réunions. Je souhaite qu'on sorte de ce conflit qui n'a que trop duré pour eux, pour nous, pour les usagers, pour les riverains. Quelquefois aussi, quand ils manifestent de manière un peu forte leur mécontentement. Donc le dialogue est en cours à tous les niveaux. Et je souhaite qu'on puisse revenir à une situation d'apaisement et que tout le monde puisse sortir par le haut de cette situation.

ROMAIN DESARBRES
Alors ça paraît quand même compliqué de trouver une sortie de crise. On n'y est pas encore, alors que le gain ne sera que de quelques dizaines, centaines de millions d'euros. Vous y croyez vraiment aux 40 milliards d'euros d'économie promis par le Premier ministre ?

PHILIPPE TABAROT
On y travaille avec nos collègues de Bercy, que ce soit le ministre de l'Économie, la ministre des Comptes publics. Nous nous voyons régulièrement. Il nous a été demandé de faire des économies conséquentes dans nos secteurs respectifs, ce que nous sommes en train de faire. Pourtant, je pense que des efforts sont à faire encore au niveau du fonctionnement, mais on ne doit pas obéir à notre capacité d'investir encore dans notre pays, d'investir en France. Et ça, c'est la tendance qu'on peut avoir de se dire qu'on va reporter des investissements, en tout cas moins au niveau des transports, à travers la conférence des transports. Je souhaite qu'on puisse dégager des sommes pour de l'investissement sur nos lignes ferroviaires, sur nos routes, sur nos autoroutes, sur nos routes départementales, sur nos ponts. Le transport a besoin d'investissement pour se moderniser et éviter une dette grise qui est en train de se développer de plus en plus.

ROMAIN DESARBRES
Philippe TABAROT, ministre des Transports, a été l'invité de la grande interview CNews/Europe 1. Merci, monsieur le ministre, bonne journée, à bientôt.


Source : Service d'information du Gouvernement, le 16 juin 2025