Texte intégral
STÉPHANE CARPENTIER
7 h 46, soyez tous les bienvenus. L'invité de RTL Matin en direct et en studio est ministre, ministre en charge de la Santé et de l'Accès aux soins. Bonjour à vous Yannick NEUDER.
YANNICK NEUDER
Bonjour.
STÉPHANE CARPENTIER
Merci d'être là. On va parler ensemble d'économie, de canicule, de noyade, d'arrêt-maladie, de la loi Duplomb, des pharmaciens en colère. Je voudrais d'abord vous parler de votre collègue, s'il vous plaît Yannick NEUDER, Rachida DATI, qui est renvoyée devant le tribunal correctionnel. Elle est soupçonnée de corruption de trafic d'influence en lien avec l'ex-PDG de RENAULT-NISSAN, Carlos GHOSN. Elle n'a pas du tout l'intention de démissionner. Vous validez ça ?
YANNICK NEUDER
Moi, je crois qu'il y a une instruction de justice en cours. Je ne vais pas commenter les instructions de justice en cours. Après, je crois que Rachida DATI est une personnalité particulièrement aimée des Français et qui ferait probablement un bon maire de Paris.
STÉPHANE CARPENTIER
Vous, vous ne commentez pas les décisions de justice. Elle se permet de critiquer les magistrats, de dire qu'il y a un problème avec la justice. En fait, normalement, un politique, il ne doit pas critiquer les décisions de justice, non ?
YANNICK NEUDER
Chacun a son appréciation sur le sujet. Moi, en tout cas, je ne commente pas les décisions de justice.
STÉPHANE CARPENTIER
On en reste là-dessus. On va parler de la santé de votre secteur. Je voudrais d'abord vous expliquer aux auditeurs, Yannick NEUDER, s'il vous plaît, qu'ils font comme l'ensemble des Français quand ils sont interrogés de la santé de leur priorité. Santé, pouvoir d'achat, ça se partage les deux premières places lors des enquêtes, donc, la santé leur priorité et aujourd'hui, on leur dit qu'on va faire, dans le cadre du budget 2026, cinq milliards d'euros d'économies dans ce secteur. Comment leur expliquer ça ?
YANNICK NEUDER
Alors, peut-être que je ne veux pas polémiquer sur les chiffres, mais ce n'est pas cinq milliards d'économies, c'est cinq milliards de budget supplémentaire par rapport à l'an passé.
STÉPHANE CARPENTIER
Comment vous me l'inversez, Lisbonne ?
YANNICK NEUDER
Non, mais je ne vous l'inverse pas, c'est l'évolution naturelle. C'est-à-dire que spontanément, les dépenses de santé augmentent de dix milliards. Donc, si, "Il n'y a pas de mesure", l'année prochaine, la santé sera dix milliards supplémentaires. Et là, en fait, il y a une frénation de la dépense, puisque l'objectif, ce sera bien de l'argent en plus, ça sera cinq milliards, mais pas dix. Donc, ce n'est pas tout à fait pareil.
STÉPHANE CARPENTIER
Il y a un sujet prioritaire, ce sont les arrêts maladie. On en parle tout le temps, en hausse, ces dernières années. Pas toujours justifié pour 50 % d'entre eux, c'est ce que disait, si je ne me trompe pas, François BAYROU l'autre jour.
YANNICK NEUDER
Il ne disait pas exactement ça. Il disait qu'au bout de 18 mois, dans 50 % des cas, l'arrêt de travail n'était plus justifié.
STÉPHANE CARPENTIER
Est-ce que les Français abusent ?
YANNICK NEUDER
Je dirais que, moi, je suis surpris, et je crois qu'on l'a tous entendu, c'est que quand il y a un sujet, un conflit, un problème, j'ai entendu souvent cette petite phrase, je l'ai entendue comme élu, et je l'ai entendue surtout comme médecin : "Bon, puisque c'est comme ça, je vais me mettre en arrêt de travail". Et là, je pense qu'on a un petit problème de rapport au travail, c'est-à-dire que, si vous avez une situation, que ce soit une maladie, un conflit, tout un tas de choses, vous allez voir votre médecin, et en fonction de la situation que vous lui décrivez, il jugera si votre état de santé est compatible ou pas avec le maintien au travail. Donc, peut-être redire que ce n'est pas le patient, le Français, qui décide de se mettre en arrêt de travail, mais c'est bien une prescription médicale, après un examen clinique, qui va décider si vous êtes aptes au travail ou pas. Mais je crois que, d'une façon générale, la problématique des arrêts de travail, qui sont significatifs, puisque c'est plus de 17 milliards d'euros, qui ont augmenté de plus de 6 %, c'est l'affaire de tous. C'est l'affaire de responsabilisation de chacun, des salariés potentiels, des prescripteurs, donc du monde médical, et puis des entreprises, parce qu'il n'est pas normal non plus, il y a tout le côté santé au travail, qu'à entreprises identiques, il y a des taux d'absentéisme qui peuvent aller du simple au double, en fonction des secteurs. Donc, je pense que la qualité de vie au travail est extrêmement aussi importante.
STÉPHANE CARPENTIER
Ça veut dire, si je vous écoute, que les médecins généralistes, par exemple, ils sont trop généreux ? Il faut leur taper un peu sur les doigts ?
YANNICK NEUDER
Disons que je pense qu'il y a une prise de conscience collective, c'est-à-dire que c'est compliqué quand un patient vient vous voir pour un mal de dos, une lombalgie, tant que vous n'avez pas un certain nombre d'examens complémentaires, savoir s'il y a réellement un risque ou pas, c'est naturellement extrêmement difficile d'évaluer le risque de tout le burn-out, parce que c'est une sensation, c'est un état d'être, donc c'est très difficile. Je crois que c'est multifactoriel, il y a des choses qui sont plus facilement contrôlables que d'autres ou pas. Et puis je pense qu'on a aussi un souci au niveau du contrôle de l'assurance-maladie, je pense qu'on manque de médecins aussi dans les assurances-maladies pour peut-être faire davantage de contrôles. Mais vraiment, je pense que chacun doit être responsable. On tient tous à notre système de santé. Je crois que si on continue sur la pente sur laquelle nous sommes, on va se retrouver vers l'insolvabilité de notre système de santé vers 2027, la possibilité de rembourser les médicaments, les retraites. Donc je pense que le système de santé, il faut en prendre soin. Donc on ne demande pas des arrêts de travail quand c'est injustifié, que c'est pour un problème de conflit au travail. Quand on est médecin, on essaye effectivement de ne pas être trop avenant si le cas médical, encore une fois, ne le justifie pas. Et si on est une entreprise, on travaille avec ses salariés pour savoir qu'est-ce qui va faire la qualité de vie au travail. Donc la santé au travail est un vrai sujet. D'ailleurs j'en ai parlé hier sur la qualité du sommeil.
STÉPHANE CARPENTIER
On est trop généreux en fait.
YANNICK NEUDER
Je ne sais pas s'il faut parler de généreux. On a une culture française dont peut-être que nous n'avons plus les moyens, quand on se compare par rapport aux européens, d'avoir ce sujet-là. Donc il faut qu'on soit précautionneux. On a un beau système, on va en fêter les 80 ans, la sécurité sociale. Je pense que c'était un sujet qui avait rassemblé le pays à la sortie de la seconde guerre mondiale, mais on avait trois chiffres pour un qui bénéficiait des prestations. Maintenant on a globalement trois personnes qui bénéficient des prestations pour un qui travaille. Il n'y a pas besoin d'avoir fait beaucoup d'études en maths pour se rendre compte que les défis de ce système ne vont pas pouvoir continuer très longtemps.
STÉPHANE CARPENTIER
Yannick NEUDER, ministre de la Santé sur RTL. Hier, une conductrice de 23 ans a été condamnée à quatre ans de prison avec sursis pour avoir percuté un groupe d'enfants à vélo. Il y a une petite fille qui avait été tuée. C'est un débat récurrent. Est-ce qu'il ne faut pas imposer une visite médicale obligatoire pour le permis à partir d'un certain âge ? Une mesure de bon sens, disait hier sur RTL Frédéric VALTOUX qui a été, comme vous, ministre de la Santé.
YANNICK NEUDER
Alors, si on prend un tout petit peu de recul et qu'on regarde finalement le nombre d'accidents par tranche d'âge, ce n'est pas forcément les personnes âgées qui ont le plus d'accidents. C'est particulièrement les plus jeunes qui sont le plus à risque d'avoir d'accidents. Après, ce sujet est récurrent. Je pense qu'à l'échelon individuel, je pense aux familles qui sont victimes quand on pourrait peut-être se poser cette question-là d'un examen médical qui serait aussi…
STÉPHANE CARPENTIER
Juste se poser la question, on ne va pas avancer là-dessus ?
YANNICK NEUDER
Non mais exposer la question, ça veut dire…
STÉPHANE CARPENTIER
Qu'est-ce que vous dites à la maman de la petite fille ce matin ?
YANNICK NEUDER
Je pense que faire un examen, un âge donné pour savoir si effectivement l'ensemble des fonctions supérieures, des sens, l'ouïe, la vision et tout ça reste fonctionnelles pour éviter ce genre d'accidents fait partie d'une mesure de prévention qui peut éviter bien des drames et en l'occurrence c'est assez insupportable quand vous perdez votre enfant parce que le conducteur ou la conductrice est âgé. Mais ce que je veux dire, je ne veux pas non plus stigmatiser les personnes âgées parce qu'on a beaucoup plus d'accidents et on a les mêmes sujets sous notamment des patients qui ne sont pas forcément âgés, mais qui sont sous l'emprise de la drogue sous l'emprise de l'alcool et c'est encore peut-être plus insupportable donc je crois que c'est comme d'habitude rien n'est blanc, rien n'est noir il faut ajuster au mieux pour qu'on soit davantage de prévention et diminuer les accidents de la route.
STÉPHANE CARPENTIER
Yannick NEUDER, ça va peut-être échapper à ceux qui vivent nord de la France mais on est au cœur de l'été là et il y a moi un chiffre qui m'a interpellé concernant le nombre de noyades ces dernières semaines en France : 109 personnes sont mortes par noyade au mois de juin, c'est x2 par rapport à l'an dernier. Beaucoup de jeunes dans des cours d'eau, dans des plans d'eau. Les adultes c'est plus en mer d'ailleurs. Comment on l'explique ça ?
YANNICK NEUDER
Je crois que d'une façon générale, alors vous avez dit qu'il y avait des jeunes mais il y a aussi beaucoup plus aussi de personnes âgées qui sont souvent d'ailleurs victimes de noyades, mais la noyade a la conséquence en fait. C'est des personnes qui font des malaises, cardiaques notamment et dans des milieux hostiles et quand vous faites un malaise dans de l'eau, vous avez un gros risque de noyade. Donc je pense qu'il faut rappeler en permanence les risques de vigilance. On ne se baigne pas on se mouille avant de se baigner, on ne se baigne pas dans les zones non sécurisées. Il faut faire très attention…
STÉPHANE CARPENTIER
Il y a eu plus de morts parce qu'il y a eu la chaleur et la canicule vous pensez ?
YANNICK NEUDER
Il y a eu la chaleur, la canicule. Je pense bien sûr qu'il y a une volonté d'aller vers les endroits de fraîcheur, les îlots de fraîcheur et notamment de pouvoir se baigner, que ce soit la piscine, les lacs, la mer mais surtout de respecter les consignes de surveillance et de rappeler la grande vigilance des parents sur la surveillance des enfants, mais beaucoup de noyades surviennent aussi dans des lieux qui sont impropres à la baignade et qui ne sont pas surveillés. Donc les consignes sont simples, c'est baignez-vous mais dans les zones surveillées les parents, il faut naturellement surveiller ses enfants et puis attention les personnes âgées, ou d'une façon générale, on ne se baigne pas dans un milieu hostile.
STÉPHANE CARPENTIER
La loi Duplomb, Monsieur le Ministre de la Santé le bras de fer du moment sur ce texte qui permet aux agriculteurs l'usage d'un pesticide longtemps interdit. Un million et demi de signataires d'une pétition contre l'usage. Les professionnels de la terre disent en avoir besoin la loi a été validée par le Parlement vous êtes pour quoi, vous ? Pour ouvrir le débat à l'assemblée ?
YANNICK NEUDER
Je pense qu'on ne peut quand même pas dans un pays comme la France où on est quand même dans un pays de liberté d'expression ne pas tenir compte d'une pétition qui rassemble 1,5 million…
STÉPHANE CARPENTIER
Donc, oui, un débat ?
YANNICK NEUDER
En tout cas je pense que le sujet se posera ce n'est pas à moi d'en décider, c'est au parlement il y a des instances pour ça, puisqu'il y aura une réunion de la conférence des présidents auxquelles je participais quand j'étais rapporteur général du budget. C'est cette instance qui pourra permettre ce débat, mais le débat il faut je pense le dépassionner parce que il est complexe, c'est un débat qui touche à l'agriculture, qui touche à l'environnement, qui touche à la santé et la proposition de loi initiale n'était pas forcément sur un sujet de pesticides, mais améliorer effectivement les conditions de travail des agriculteurs qui, je rappelle, sont beaucoup victimes d'agribashing alors qu'ils nourrissent aussi la population, donc il y avait des sujets sur l'installation agricole, il y avait des sujets sur la rétention d'eau pour pouvoir arroser, il y avait un rôle important qui a été préservé dans cette loi, il y avait une discussion sur le rôle de l'indépendance de l'ANSES, l'agence sanitaire et je crois que ça c'est aussi une confirmation de redire que l'ANSES, l'agence est indépendante et puis sur le sujet je pense qu'il faut… La France se remet au niveau de précaution des 26 autres pays européens à travers cette loi parce qu'il faut rappeler que l'acétamipride avait été notamment interdite en 2016, mais pas sur des effets cancérigènes.
STÉPHANE CARPENTIER
Le ministre de la Santé sur RTL ce matin, merci Yannick NEUDER un entretien qu'on peut retrouver dès maintenant, très rapidement sur notre site
source : Service d'information du Gouvernement, le 24 juillet 2025