Déclaration de M. Emmanuel Macron, président de la République, sur le règlement du conflit à Gaza, à Charm el-Cheikh le 13 octobre 2025.

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Circonstance : Signature de l'accord de Charm el-Cheikh

Texte intégral

Emmanuel MACRON
Nous avons tenu comme prévu la conférence. Je veux ici redire à la fin de cette journée la joie, le bonheur partagé, d'abord, de voir le cessez-le-feu respecté, ensuite, de voir les otages libérés. Quand je me suis exprimé devant vous ce matin, il n'y en avait que sept qui étaient sortis. Maintenant, tous les otages, les 20 otages vivants ont été libérés. Et d'avoir aussi des opérations humanitaires qui ont pu commencer à reprendre avec des volumes même plus importants que ceux qui ont été prévus, c'est ce que nous ont dit les représentants d'OCHA avec lesquels nous avons pu échanger qui ont été aujourd'hui transférés. C'est vraiment un acquis.

J'ai pu aujourd'hui avoir plusieurs réunions bilatérales avec les dirigeants de la région, évidemment le président Mahmoud Abbas, le président d'Irak, le roi de Jordanie, l'émir du Qatar, évidemment le président Sissi. Nous avons tenu une réunion de coordination euro-arabe assez longue avant que se tienne la conférence en fin de journée, qui a permis la signature et les discours du président Sissi et du président Trump. C'est aujourd'hui donc une vraie avancée, une étape décisive.

Maintenant, nous nous sommes aussi mis en ordre de marche pour préparer la suite. Et donc dès demain poursuivre les opérations humanitaires telles qu'elles ont commencé, mais les accélérer, avec une coordination euro-arabe qui sera faite. Nous allons engager avec les États-Unis d'Amérique et Israël pour nous assurer qu'il y ait un suivi international de ces opérations parce que le grand danger, c'est qu'elles puissent être régulièrement bloquées et que l'aide humanitaire puisse accéder dans les meilleurs délais, en tout cas continue de se faire en temps réel avec les bons volumes. Nous avons réparti les rôles et les aides aussi pour les prochaines semaines. Il y aura dans les toutes prochaines semaines, vraisemblablement ici, une conférence humanitaire qui sera organisée et qui sera coordonnée de manière euro-arabe avec chacun qui prendra la tête d'un des segments.

La deuxième étape, c'est la stabilisation et la reconstruction où, là aussi, nous allons mobiliser des financements pour, très vite, repartir dans la stabilisation et la reconstruction de Gaza. Comme je vous le disais ce matin, le deuxième élément de la coordination que nous avons acté, c'est la sécurité. Il y a unanimité pour vouloir une résolution du Conseil de sécurité des Nations unies entre nous et là, j'en ai parlé aussi tout à l'heure avec le Président Trump et le secrétaire d'État Rubio pour aller en ce sens. Donc le travail va être mené entre nous tous pour avoir une résolution qui permette d'ancrer les choses et de donner un cadre qui permettra aussi à plusieurs forces internationales de se déployer en soutien.

Maintenant, il y a tout un travail technique qui va se faire pour définir les règles d'engagement, le statut de cette force, son rôle. En parallèle, évidemment, les forces de police et les forces de sécurité intérieures de l'Autorité palestinienne seront déployées. Il y a un très gros travail qui est coordonné largement par l'Égypte et la Jordanie, qui existe depuis des années en la matière, auquel nous contribuons, nous, Européens, par des programmes de financement et de formation et qu'on va monter en charge dès les prochains jours pour pouvoir, là aussi, financer et organiser ces forces de sécurité intérieures.

Dès demain commencera aussi le travail technique sur la démobilisation et le désarmement du Hamas dans ce cadre. Enfin, nous commençons le travail sur la gouvernance parce qu'il y a beaucoup d'ambiguïtés qui demeurent sur ce sujet, on le sait bien. Dans le plan américain, il y a un Conseil de la paix, puis deux comités : un comité international et un comité palestinien. Il y a, à côté de ça, tout un travail que nous avons suivi et accompagné, qui s'est fait depuis plusieurs trimestres, coordonné par l'Égypte, la Jordanie, mais avec tous les golfiques et notre suivi, qui a permis d'établir, en fait, ce qui est déjà un comité palestinien avec un processus de validation israélienne.

Nous poussons pour que ce soit ce comité qui puisse s'installer le plus vite possible, qui permet de donner sa place à l'Autorité palestinienne, d'assurer la coordination avec la Cisjordanie et qui est validé par Israël. À cet égard, nous avons beaucoup fait, et je veux remercier le Président Sissi et le Président Trump pour que le Président Mahmoud Abbas soit invité. Il a pu être présent à la cérémonie et avoir toute sa place. On a pu valider qu'il soit associé à ces prochaines étapes étroitement, ce qui est un point clé. Parce que nous savons qu'on peut avoir entre nous des désaccords, ce qui est le cas sur les deux États, entre, par exemple, les États-Unis et la France, mais la capacité que nous avons à emmener l'autorité palestinienne aujourd'hui, c'est la condition pour que les intérêts et la sécurité de la Cisjordanie soient préservés dans cette phase reviennent au cœur du plan et que la perspective politique des deux États soit préservée.

Voilà. Je ne veux pas être plus long, pardon, d'être un peu peut-être technique, mais ça a été l'acquis de cette journée et donc qui va nous conduire, comme on l'a fait il y a quelques jours auprès du ministre, à poursuivre le travail pour que maintenant ça devienne une réalité qui s'installe. On voit, il y a encore beaucoup d'étapes devant nous.

C'est une journée historique. C'est une journée historique pour les otages, leur famille, pour le peuple israélien. C'est une journée historique parce que c'est celle d'un nouveau cessez-le-feu, du retour de l'aide humanitaire et donc pour le peuple palestinien. Mais on doit encore écrire l'histoire avec beaucoup d'étapes à finir, donc il faut beaucoup d'humilité.

Journaliste
Monsieur le Président, on vous a vu prendre Mahmoud Abbas par le bras pour l'accompagner auprès du Président Trump. Est-ce qu'on doit en conclure que le Président Trump n'avait pas vraiment envie d'avoir une photo avec lui ?

Emmanuel MACRON
Écoutez, il l'a fait de très bon cœur et je pense qu'il y a comme toujours des situations de protocole, parfois de confusion, qui se créent dans ces moments-là. En tout cas, il a été extrêmement amical et attentif à son égard. Et moi, je ne veux voir qu'une chose, le Président Sisi l'a invité, le Président Trump l'a salué, il l'a associé, il l'a salué dans son propos final et il a pu le saluer, c'est le plus important. Et si la France a modestement pris son bras pour faire quelques mètres, c'est un rôle qui nous va.

Journaliste
Est-ce que vous pensez que les Américains ont évolué un petit peu sur le mandat aux Nations unies, Blair, etc. ou est-ce qu'ils restent encore très critiqués ?

Emmanuel MACRON
Écoutez, je pense que chaque jour, il faut améliorer les choses et avancer vers une internationalisation de cela. Le rôle des Américains est clé, je l'ai dit moi-même, il y a plusieurs semaines. Il n'y a qu'un pays au monde et qu'un dirigeant qui peut arrêter, qui pouvait arrêter à Gaza, le Premier ministre israélien et son armée, c'est les États-Unis d'Amérique. Il a décidé de le faire, c'est très important, et c'est cette étape. Maintenant, les prochaines étapes doivent continuer de s'écrire avec les États-Unis d'Amérique, Israël, mais avec tous les pays de la région et les Européens, et avec, évidemment, les Palestiniens.

Journaliste
Est-ce que le Premier ministre israélien ne soit pas venu ? Il a failli venir. Est-ce que là, il y a une petite occasion ?

Emmanuel MACRON
Je pense que le Président Trump aime faire des opérations. J'ai un peu le même tempérament, donc je comprends très bien. Il lui a sans doute proposé, a voulu un moment l'engager. Je pense qu'il y a aussi beaucoup de pays qui n'étaient pas prêts à ce qui est un format qui change. Je pense qu'il y avait beaucoup de dirigeants que ça mettait en porte-à-faux.

Je pense que c'était mieux de faire comme ça et que les choses ont été très bien organisées. C'était très bien que le Président Trump puisse aller à la Knesset, avoir ces mots très forts, voir le Premier ministre Netanyahou et le Président Herzog, et je veux ici leur dire mon amitié, dire au peuple israélien l'amitié de la France et notre soulagement à leurs côtés, puis qu'ils viennent ici à Charm el-Cheikh, accueillis par le Président Sissi, et qu'ils voient les leaders de la région, les Européens, d'autres leaders impliqués du Canada à l'Indonésie, et qu'ils puissent avoir ce moment avec le Président Abbas. C'était bien fait.

Journaliste
Qu'est-ce que vous voulez dire à vos ministres demain pour ce premier conseil des Ministres qui sera déjà menacé ?

Emmanuel MACRON
Comme disait ma grand-mère, à chaque jour suffit sa peine. Donc, je vais remonter dans mon avion et préparer demain. Est-ce qu'il y a d'autres questions ?

Journaliste
Sur la question humanitaire, quel est l'objectif réaliste sur Gaza aujourd'hui, environ 600 camions…

Emmanuel MACRON
Alors, on m'a dit, OCHA nous a dit qu'il y en avait sans doute un peu plus, 700 à 800. Dans le plan américain, on parle de 500 à 600. Ce qu'on sait, c'est qu'avant le début de la guerre, il en fallait à peu près 1 000 pour que tenir. Ça vous laisse clairement mesurer qu'il en faut beaucoup plus aujourd'hui.

Je pense que personne ne sait véritablement la nature et la magnitude de ce qu'on aura à gérer sur le plan humanitaire. Parce qu'il y a de l'alimentation, de l'eau, des médicaments à envoyer. Il y a aussi beaucoup de blessés à sortir, de familles à prendre en charge dans les hôpitaux avec une grande solidarité de la région et de nous tous pour accompagner. Donc il faut être très humble, mais il est vraisemblable qu'il faudra dans cette phase plus d'un millier, plusieurs milliers sans doute de camions par jour, si on veut être au rendez-vous, et des dispositifs hospitaliers mis à disposition.

Journaliste
Justement, pour finir, monsieur le Président, est-ce que vous avez pu avancer sur qui va financer tout ça ? Qui va financer l'aide humanitaire, les besoins de la force internationale ?

Emmanuel MACRON
La communauté internationale sera au rendez-vous. C'est l'objectif de la conférence qui se tiendra ici, et donc les pays de la région qui ont déjà fait beaucoup vont continuer de faire, de financer le Golfe exactement, l'Égypte aura un rôle clé avec d'autres pays de la région pour accueillir dans leurs hôpitaux et les Européens aussi y participeront. Nous avons eu des efforts, enfin, je parle sous le contrôle du ministre, d'environ 100 millions d'euros par an depuis le début du conflit. On fera un peu plus cette année. Je ne compte pas là-dedans ce qu'on a fait avec nos déploiements sanitaires et nos ONG en plus, et nos militaires, avec le Dixmude qui s'est déployé dès le début du conflit. Donc c'est une mobilisation internationale.

Journaliste
Est-ce que vous confirmez l'exfiltration du président malgache avec un avion militaire français ? Pouvez-vous nous en dire plus ce soir ?

Emmanuel MACRON
Non, je ne confirme rien aujourd'hui. Je veux ici dire la grande préoccupation qui est la nôtre, dire l'amitié de la France à l'égard du peuple malgache. Au fond, j'ai deux messages. Je pense qu'il est très important que l'ordre constitutionnel, la continuité institutionnelle soit préservée à Madagascar, parce qu'il en va de la stabilité du pays et des intérêts de la population aussi, pour que la communauté internationale puisse continuer d'aider. Parce que si l'ordre international et constitutionnel étaient rompus, on sait ce qui s'est passé. Madagascar l'a déjà vécu. Les premières victimes seraient la population.

À côté de ça, je veux dire ici, comme partout, qu'on regarde la jeunesse de ces pays avec beaucoup d'admiration, d'affection. On a une jeunesse qui s'est exprimée, qui est politisée, qui veut vivre mieux. Ça, c'est une très bonne chose. Il ne faut simplement pas qu'elle soit récupérée par des factions militaires ou des ingérences étrangères.

Je veux ici redire, au nom de la France, notre affection à l'égard de Madagascar, notre attention et notre affection à l'égard de cette jeunesse et notre grande vigilance aux côtés de l'Union africaine, de la SADC, pour que la continuité institutionnelle et l'ordre constitutionnel soient respectées.

Journaliste
La justice viendra-t-elle pour ce qui s'est passé à Gaza ?

Emmanuel MACRON
Je le souhaite. La France a toujours cru que l'impunité ne pouvait pas exister si on voulait que la justice se fasse. Donc il le faudra. C'est aussi pour ça que j'ai toujours dit qu'il fallait que la justice internationale, ses enquêteurs, que le travail des journalistes puissent reprendre comme celui des humanitaires.

Dans les enjeux des prochains jours et des prochaines semaines, il y a évidemment la priorité humanitaire que j'évoquais. Mais il y a aussi le fait que les journalistes du monde entier puissent revenir faire leur travail à Gaza dans le bon ordre, en étant protégés sans risquer leur vie et puissent simplement partager la vérité de la situation. Donc oui, étape par étape, mais c'est ce que la France souhaite. Nous avons d'ailleurs toujours lutté contre toute forme d'impunité partout.

Journaliste
Monsieur le Président, on a l'impression que le Hamas refait surface un petit peu à Gaza, occupe un peu le vide. Est-ce que vous êtes inquiet ?

Emmanuel MACRON
Je suis toujours inquiet parce qu'on sait comment ça se passe avec les groupes terroristes. Il faut avoir là-dessus beaucoup d'humilité et beaucoup d'exigence. C'est aussi pour ça que je pense qu'il est très important d'avoir un suivi international extrêmement rigoureux.

Il y aura, nous le savons, dans les semaines, les mois qui viennent, des attaques terroristes, des déstabilisations, des moments qui seront très durs, parce qu'on ne démantèle pas un groupe terroriste avec des milliers de combattants, des tunnels, des armements de cette nature du jour au lendemain.

Là-dessus, il faut qu'il y ait cette force de stabilisation internationale, qu'on se mobilise pour former et équiper l'autorité ad hoc avec les forces de sécurité palestiniennes. Mais il faut aussi qu'il y ait un grand accompagnement. Nous avons nous-mêmes déployé des planificateurs pour aider. Et on y mettra tous notre expertise. Les Britanniques, par exemple, dans notre réunion de cet après-midi, expliquaient qu'ils ont une grande expertise sur le début de la " decommanding ", pardon de le faire en mauvais anglais, parce qu'ils l'ont fait après le Good Friday Agreement sur l'AI. Tout ça est extrêmement complexe. Ça va prendre du temps. Mais il faut qu'on soit tous mobilisés. On le sera.

Journaliste
La force internationale, d'après vous, devrait être déployée quand à Gaza ?

Emmanuel MACRON
Je ne peux pas vous le dire ici sans parler en l'air. Je pense qu'il faut d'abord qu'on travaille ensemble sur quelles sont ces règles d'engagement, qui est prêt à s'y engager, comment on l'articule avec les forces de sécurité et la police, et qu'on ait un accord sur un texte. C'est ce qu'on travaille avec les Britanniques depuis plusieurs jours et semaines. On l'a partagé jeudi avec les autres Européens et les Golfiques et la Turquie. Nous allons maintenant réengager avec les Américains. J'ai eu la discussion tout à l'heure avec le Président Trump et le secrétaire d'État Rubio. Voilà.

Journaliste
La France aura-t-elle un budget au 31 décembre prochain ?

Emmanuel MACRON
Oui, parce que c'est ce que nos compatriotes attendent pour eux-mêmes, c'est ce dont la France a besoin, c'est ce dont nos armées ont besoin, c'est ce dont le quotidien de nos Français et donc j'ai confiance dans l'esprit de responsabilité de chacun pour y arriver. Merci à toutes et tous. Bon courage.