Texte intégral
THOMAS SOTTO
Elle est la ministre des Comptes publics, qu'on pourrait donc aussi appeler la Ministre des Comptes dans le rouge. Elle joue un rôle clé dans la préparation du budget 2026. Amélie DE MONTCHALIN est l'invitée de RTL Matin. Bonjour et bienvenue sur RTL, Amélie de MONTCHALIN.
AMELIE DE MONTCHALIN
Bonjour.
THOMAS SOTTO
Alors que les Députés vont boucler aujourd'hui huit jours de débats sur la partie recette du budget, on va bien sûr parler de la bataille d'amendements qui se joue, des concessions faites par les uns et par les autres. Mais pour commencer, je voudrais vous poser une question simple : est-ce que vous ne faites pas fausse route ?
AMELIE DE MONTCHALIN
Alors, c'est intéressant votre question, parce que précisément, je pense qu'il y a beaucoup de Français qui se réveillent ce matin et qui se demandent où on en est, comment ça marche. Et effectivement, il y a un sentiment, peut-être un peu, d'être submergé par beaucoup d'informations très contradictoires. Et donc, je suis très contente ce matin d'être avec vous pour vous dire déjà où on en est.
THOMAS SOTTO
Alors, on en est où ? Quel bilan vous faites des mesures adoptées jusqu'à présent ?
AMELIE DE MONTCHALIN
Où on en est, d'abord, il y a des Députés qui cherchent un compromis et qui votent avec beaucoup de travail. Ça prend du temps. Des mesures, je vais y revenir, qui sont pour les PME, pour les ménages, je vais y revenir. Et puis de l'autre, où on en est aussi politiquement : on voit ceux qui essayent de trouver le compromis, puis on voit ceux qui essayent de faire dérailler le train avant même, d'ailleurs, qu'il soit arrivé en gare. C'est un long processus.
THOMAS SOTTO
Et qui est majoritaire aujourd'hui ? Ceux qui veulent faire dérailler le train ou ceux qui veulent le compromis ?
AMELIE DE MONTCHALIN
En fait, ce qu'on voit, c'est qu'on a des artisans du compromis qui travaillent d'arrache-pied, pied à pied, étape par étape.
THOMAS SOTTO
Vous mettez les socialistes dedans ?
AMELIE DE MONTCHALIN
Exactement, il y aura le Sénat après. Et puis, vous avez deux groupes : vous avez la France insoumise d'un côté et le RN de l'autre. La France insoumise, qui est dans l'incohérence la plus totale, qui vote maintenant de plus en plus de mesures état droite, parce qu'au fond, ils cherchent à bordéliser le débat. Et puis, vous avez le RN qui, tout en votant des choses, dit, vous voyez monsieur BARDELLA ce week-end, que de toute façon, à la fin, ils n'en feront rien et que tout ça n'arrivera pas, et qu'ils veulent la censure.
THOMAS SOTTO
Mais est-ce qu'à la fin, ça va faire un budget, Amélie DE MONTCHALIN ?
AMELIE DE MONTCHALIN
Et donc, aujourd'hui, ce que je vois, c'est que si on ne se laisse pas attraper par ces arnaqueurs, ces illusionnistes qui, au fond, animent le temps, mais ne veulent pas que ça marche. Et d'ailleurs, on voit que les sondages pourraient leur donner raison. Notre défi, c'est de faire mentir ceux qui pensent qu'on a raison de vouloir être dans la radicalité et au fond dans le nihilisme, parce qu'il ne se passera rien dans la vie des Français. C'est ce que disait…
THOMAS SOTTO
C'est compliqué de les traiter d'arnaqueurs et d'illusionnistes alors que Sébastien LECORNU a dit : " Laissons le Parlement faire son boulot ". Ils ont le droit de ne pas être d'accord avec vous.
AMELIE DE MONTCHALIN
Ils ont tout à fait le droit. Mais ce que je vois aussi, c'est qu'il y a un compromis qui est en train de se bâtir et je voudrais le décrire aux Français.
THOMAS SOTTO
Ouais.
AMELIE DE MONTCHALIN
Si je fais les comptes ce matin, ce qui a été voté, c'est 2,5 milliards de plus d'impôts, sur les multinationales. C'est aussi 3 milliards d'impôts de moins sur les PME par rapport à 2025. C'est aussi 2 milliards d'impôts de moins sur les ménages, parce que le barème de l'impôt sur le revenu a été proposé comme étant dégelé. Et c'est, pour les plus fortunés de notre pays, un paquet de mesures qui ferait que s'il était adopté en l'État, eh bien, ces ménages les plus fortunés paieraient plus d'impôts que ce qu'était l'ISF sous François HOLLANDE.
THOMAS SOTTO
Dans quelle proportion ?
AMELIE DE MONTCHALIN
Ils paieraient plus d'impôts que ce qui était sous François HOLLANDE. On est revenu à peu près à entre 5 et 6 milliards d'impôts payés par les plus fortunés dans ce budget.
THOMAS SOTTO
Donc, vous, la copie vous satisfait ce matin ?
AMELIE DE MONTCHALIN
Si je vous résume tout ça : le déficit, à l'instant où on se parle, il est toujours à peu près 4,7%. Ça veut dire que ce n'est pas invotable, ça veut dire que ce n'est pas Frankenstein, ça veut dire qu'on est encore au début d'un très long processus. Parce qu'il faut que les Français comprennent que notre démocratie, elle permet justement de bâtir ces compromis. Il y a d'abord l'Assemblée, puis après, il y a le Sénat, puis ça revient à l'Assemblée. Et donc, on est dans quelque chose qui se bâtit. Mais vous voyez…
THOMAS SOTTO
Sachant que, pardon, c'est important, c'est un point de... Mais si jamais le budget n'est pas voté à l'Assemblée, la copie qui part au Sénat, c'est la copie de départ ?
AMELIE DE MONTCHALIN
Exactement.
THOMAS SOTTO
Départ à zéro ?
AMELIE DE MONTCHALIN
Mais ça, c'est la démocratie depuis toujours, parce que, justement, il y a un processus qui fait que, pas à pas, étape par étape, c'est une forme de course d'endurance, eh bien, la démocratie fonctionne ainsi. Le problème qu'on a…
THOMAS SOTTO
Mais est-ce que la copie vous convient aujourd'hui ? Est-ce que la copie que vous venez de décrire vous convient ?
AMELIE DE MONTCHALIN
Tout ce que je vous ai décrit, après, on peut être d'accord ou pas d'accord avec le détail des mesures. Mais vous voyez bien que c'est quelque chose qui serait un choix démocratique de compromis pour le pays. Après, il y a beaucoup d'étapes, donc, je ne peux pas vous dire si ces mesures seront exactement les mêmes à la fin. Ce que je veux rappeler aussi, c'est que dans ce débat, on a deux forces politiques que je décrivais au début, dont le but est de faire dérailler le système. Elles ne veulent pas, ces forces politiques extrêmes, LFI d'un côté, RN de l'autre, elles ne veulent pas que ce compromis se passe. Vous savez, je suis depuis vendredi, il y a maintenant dix jours, tous les jours, de 9 h à minuit, avec les Députés. À chaque fois qu'il y a des votes de compromis, vous avez des gens qui se moquent. Vous avez des extrêmes qui se moquent.
THOMAS SOTTO
Mais personne n'est d'accord sur des mesures. Quand on prend le camp Renaissance, porté par Gabriel ATTAL à l'Assemblée, ils ne sont pas d'accord. Ils ne votent pas pareil sur les mesures. On voit bien que personne n'est d'accord au sein même des groupes.
AMELIE DE MONTCHALIN
Moi, ce n'est pas ce que je vois.
THOMAS SOTTO
Donc, eux, ils ne veulent pas envoyer la France dans le mur, j'imagine, dans votre esprit ?
AMELIE DE MONTCHALIN
Non, il y a des débats qui se font. C'est normal d'ailleurs. Et le Premier ministre l'a dit, avec la fin du 49-3, chaque Député a retrouvé son pouvoir sur chaque vote. Il peut voter pour, contre ou s'abstenir. Mais vous voyez, le sondage de ce week-end. Moi, je veux qu'on le regarde précisément.
THOMAS SOTTO
Le sondage de la présidentielle ?
AMELIE DE MONTCHALIN
C'est un sondage qui dit, au fond, il y a une prime, aujourd'hui, donnée par les Français à ceux qui ne veulent pas du compromis, à ceux qui sont dans la radicalité, avec ceux qui, justement, essayent de bâtir…
THOMAS SOTTO
En gros, pour nos auditeurs qui ne l'ont pas vu, Marine LE PEN ou Jordan BARDELLA sont à 35 à 37% au premier tour. Et les suivants sont à 14, 15%.
AMELIE DE MONTCHALIN
Moi, je veux qu'on fasse mentir ce sondage. Parce que ce sondage, au fond, c'est les illusionnistes à nouveau, les arnaqueurs. C'est des gens qui promettent beaucoup de choses. Et dans les théâtres, quand Jordan BARDELLA lit son livre, mais qui, dans l'hémicycle, quand ils votent, n'ont aucune cohérence et ne veulent pas, surtout, que ça rende dans la vie des Français. Je m'explique. Si vous votez des amendements, mais qu'à la fin, vous êtes contre le budget, tout ce que vous avez voté avant n'existe pas dans la vraie vie. Donc, moi, je préfère travailler avec des gens qui voyaient pas à pas. Eh bien, je ne sais pas qui est son préférence, mais aussi que je suis à leur service. Mon rôle, c'est d'éclairer les débats.
THOMAS SOTTO
Vous le pensez ce matin, je vous repose la question, que le volet recette du budget sera voté ?
AMELIE DE MONTCHALIN
On en est très loin, aujourd'hui. Pas du vote.
THOMAS SOTTO
On est très loin ?
AMELIE DE MONTCHALIN
Non seulement du vote, mais aussi du moment où ça sera voté. Vous savez, on a examiné 5 articles sur 30 pour la partie recette. On va commencer ensuite le budget de la sécurité sociale.
THOMAS SOTTO
On va y venir dans un instant, mais…
AMELIE DE MONTCHALIN
C'est un long processus. Moi, ce que je dois vous dire, c'est qu'aujourd'hui, il y a des Députés qui sont des artisans du compromis, qui font un travail, qui prend une forme, qui, comme je l'ai dit, pour les PME, pour les ménages, pour les multinationales, pour les plus fortunés, ça commence à ressembler à des choses qui, ensuite, eh bien, iront au Sénat, reviendront. Et puis, de l'autre, vous avez ceux qui font le pari, au fond, de l'illusion, avec des amendements…
THOMAS SOTTO
Ça, on a compris. Ça fait trois fois que vous le dites, mais…
AMELIE DE MONTCHALIN
Et vous voyez... Oui, mais regardez.
THOMAS SOTTO
J'ai quand même une question.
AMELIE DE MONTCHALIN
Thomas SOTTO. Quand vous avez un amendement qui est promis aux Français comme devront rapporter 26 milliards d'euros sur les multinationales, ma sincérité, ma responsabilité de ministre, c'est d'expliquer que, on va d'ailleurs le prouver dans les prochains jours avec le Premier ministre du Gouvernement…
THOMAS SOTTO
La sorcellerie fiscale qui a été dénoncé par Roland LESCURE.
AMELIE DE MONTCHALIN
C'est que ça ne fonctionne pas, ça n'existe pas, ça ne tient pas bout. Donc, arrêtons d'y croire, parce que sinon, en fait, on va arriver à des conclusions qui n'ont aucun sens.
THOMAS SOTTO
Vous avez évoqué le 49-3. Il y a des voix qui commencent à s'élever pour dire que se priver du 49-3 pour faire passer le budget rend la mission impossible. C'est le cas du chef du groupe MoDem à l'Assemblée nationale, Marc FESNEAU. Est-ce que vous aussi, vous commencez à vous dire qu'on aura peut-être besoin du 49-3 ?
AMELIE DE MONTCHALIN
Non, moi, ce que je me dis, c'est que ça fait des mois, voire des années, qu'on nous a dit que le 49-3. C'était un coup de force démocratique, ça abîmait le Parlement.
THOMAS SOTTO
Donc il n'y en aura pas ?
AMELIE DE MONTCHALIN
Le Premier ministre y a renoncé.
THOMAS SOTTO
C'est irréversible ?
AMELIE DE MONTCHALIN
Nous avons donné le pouvoir à la démocratie, dans ce qu'elle a de plus fondamental. Un Député a un bouton de vote, il est pour, il est contre, il s'abstient.
THOMAS SOTTO
Donc il ne reviendra pas en arrière ?
AMELIE DE MONTCHALIN
On forme des majorités comme ça.
THOMAS SOTTO
Il ne reviendra pas en arrière ?
AMELIE DE MONTCHALIN
Nous, on ne reviendra pas en arrière.
THOMAS SOTTO
C'est fermé définitif ?
AMELIE DE MONTCHALIN
Pourquoi on ne reviendra pas en arrière ? Parce que si on croit que dans une démocratie, quand on fait ce choix de dire, au fond, on en revient à la base de la démocratie, vous avez des gens qui, en permanence, j'y reviens, agitent l'idée que nous ne pourrions pas réussir, parce qu'ils ne veulent pas qu'on réussisse, parce qu'ils ne veulent pas que la France soit autrement que bloquée, parce qu'ils ne veulent pas que les problèmes soient résolus. Qui parle des ordonnances toute la journée ? Madame LE PEN et ensuite Madame PANOT de l'autre côté.
THOMAS SOTTO
Ça ne risque pas de se finir en ordonnance ?
AMELIE DE MONTCHALIN
Les ordonnances, c'est quoi ? C'est d'acter dès maintenant que ce que nous faisons ne sert à rien, que ce qui a été présenté ne changera pas, et que la démocratie, dans ce qu'elle a, au fond, de plus, à nouveau, fondamentale, n'est pas capable de résoudre les problèmes des Français.
THOMAS SOTTO
Amélie DE MONTCHALIN, je veux qu'on se dise…
AMELIE DE MONTCHALIN
Moi, je pense que, la présidentielle, c'est dans 18 mois.
THOMAS SOTTO
Je veux qu'on se dise quelques mots.
AMELIE DE MONTCHALIN
Il y aura des grandes questions dans 18 mois, mais d'ici là, on peut trouver des compromis d'action collectifs.
THOMAS SOTTO
Amélie DE MONTCHALIN, quelques mots du budget de la Sécu, qui sera l'autre énorme morceau de la semaine, qui arrivera demain, mardi, dans l'hémicycle. C'est là que se trouve une bonne partie du musée des horreurs, s'inquiète déjà le socialiste Boris VALLAUD. Quel est votre objectif d'économie raisonnable pour ce budget de la Sécu ? La copie de départ prévoyait 7 milliards d'économies. C'est toujours ça ?
AMELIE DE MONTCHALIN
Je vais, là aussi, dire aux Français.
THOMAS SOTTO
Simplement et rapidement.
AMELIE DE MONTCHALIN
Les Français, vous savez, ils ont un compte en banque, une feuille de paye, un portefeuille. Il faut voir les choses du budget de l'État et du budget de la Sécurité Sociale ensemble. Il y a dans le budget des propositions initiales, d'ailleurs, sur lesquelles le Premier ministre est lui-même revenu, en disant, vous voyez : " Le gel des retraites, on voit bien que c'est très difficile d'avoir une majorité pour que toutes les retraites soient gelées, notamment les plus petites. Donc, débattons-en ". Le Premier ministre…
THOMAS SOTTO
Le doublement des franchises médicales. Ça, c'est négociable ou pas ?
AMELIE DE MONTCHALIN
Là aussi, de quoi on parle ? Nous sommes le pays au monde qui fait qu'à la fin de nos actes médicaux, nous payons le moins du monde de notre poche. Il y a aujourd'hui 18 millions de Français qui ne payent rien, parce qu'ils sont modestes, parce que ce sont des enfants, parce que ce sont des personnes que nous avons exemptées de cette participation. Qu'il y ait un débat sûr dans notre système, tout en restant le pays qui restera celui le plus, le moins cher au reste à payer du monde. Est-ce qu'il n'y a pas des choses à ajuster à un moment où on voit que les dépenses de santé…
THOMAS SOTTO
Vous êtes plutôt favorable au doublement des franchises ?
AMELIE DE MONTCHALIN
Vous voyez, moi, je suis favorable aux discussions qu'on a faites. Après, je suis surtout favorable au débat, et je suis favorable à ce qu'on trouve des accords. C'est ça mon rôle, c'est ça mon métier.
THOMAS SOTTO
Moi, je voudrais juste vous citer pour finir. Les professionnels hospitaliers qui voient venir « La pire cure d'économie sur l'hôpital, les années 2010, et un budget qui ne pourrait répondre en aucun cas aux besoins croissants de santé des Français ». L'objectif national des dépenses d'assurance-maladie est prévu en hausse de 1%. Or, pour continuer à faire tourner la machine comme elle fonctionne aujourd'hui, il faudrait une hausse de cette ondam de 4%. Ça va saigner à la Sécu.
AMELIE DE MONTCHALIN
Donc, le Premier ministre l'a dit dès vendredi. Sur les dépenses liées à l'hôpital, nous avons déjà annoncé que nous allons réévaluer le budget de presque 1 milliard d'euros, pour que, pour l'hôpital, eh bien, effectivement, les moyens soient donnés à chacun de fonctionner. Mais vous voyez, la dépense de santé, c'est quoi ? C'est des consultations en ville, c'est des dépenses de médicaments. On va faire 1,6 milliard de baisse de prix pour les laboratoires pharmaceutiques pour qu'ils contribuent aussi à notre effort. C'est aussi, ensuite, des arrêts de travail, c'est des dépenses à l'hôpital, c'est beaucoup de choses. C'est de la lutte contre la fraude aussi. Donc, on prend les choses une par une. Et à la fin, on veut quoi ? C'est que les Français aient un pays où il y a un budget, où les services publics soient garantis, et où les enjeux stratégiques, notamment notre défense et notre sécurité, soient aussi financés. C'est ça qu'on fait ensemble. Et il y a des gens, je peux vous rassurer, qui essaient de le faire avec méthode.
Source : Service d'information du Gouvernement, le 4 novembre 2025