Déclaration de M. Philippe Tabarot, ministre des transports, sur la politique des transports et le projet de loi de finances pour 2026, au Sénat le 5 novembre 2025.

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Circonstance : Audition au Sénat devant la Commission de l'aménagement du territoite et du développement durable

Texte intégral

M. Jean-François Longeot, président. - Nous sommes très heureux d'accueillir le ministre Philippe Tabarot. Vos questions seront nombreuses; je vous serais reconnaissant de bien vouloir être concis.

Je m'applique dès à présent cette règle à moi-même. Monsieur le ministre, savez-vous à quelle échéance le projet de loi-cadre pour les transports sera déposé et soumis au Parlement ?

M. Philippe Tabarot, ministre des transports. - C'est avec une grande émotion que je me présente aujourd'hui devant vous, onze mois après avoir quitté cette commission pour rejoindre le Gouvernement. Même si vous me manquez, j'espère quand même ne pas vous rejoindre tout de suite au Sénat ; j'ai encore beaucoup à faire.

Hier soir, je lisais un article de Public Sénat sur internet qui évoquait les relations entre le Gouvernement et le Sénat. Certains mots employés me paraissaient assez incroyables : mauvais départ, relations limitées, mépris, vexation. Je vous le dis très clairement : je n'ai pas ce sentiment et j'espère que cela est réciproque.

Cette audition me permet de dresser un bilan de l'action conduite ces derniers mois, d'évoquer le projet de loi de finances pour 2026 et de vous présenter ma vision pour l'avenir de nos transports. Mon intervention comportera trois volets : d'abord, les grandes lignes du budget 2026 ; ensuite, les enseignements de la conférence Ambition France Transports, à laquelle plusieurs d'entre vous ont contribué ; enfin, ma feuille de route pour les mois à venir.

Avant d'entrer dans le détail, je me permets un mot sur le contexte. Vous l'avez sans doute remarqué, le ministère des transports est redevenu un ministère de plein exercice pour la première fois depuis 1988 et Louis Mermaz. Ce choix politique traduit la place centrale des mobilités dans notre projet de société. Les transports structurent le quotidien de nos concitoyens, sont la condition de notre compétitivité et constituent un levier majeur pour la cohésion de nos territoires.

Permettez-moi, tout d'abord, de dresser un bilan rapide de l'action conduite au cours de ces derniers mois à la tête du ministère des transports. Je me suis attaché à poursuivre les combats que j'ai déjà menés ici, à vos côtés. Dès ma prise de fonction, j'ai souhaité faire aboutir la proposition de loi relative au renforcement de la sûreté dans les transports que j'avais déposée en tant que sénateur. Nous menons actuellement les consultations nécessaires avec les organismes compétents afin de finaliser les textes d'application et de permettre leur publication dans les plus brefs délais, à commencer par le décret relatif aux « caméras-piétons », tant attendu. Celui-ci est en cours d'examen par le Conseil d'État.

L'actualité nous rappelle malheureusement trop souvent toute l'utilité de ces mesures qui permettront de mieux protéger nos concitoyens, qu'ils soient usagers ou agents des transports. Cette proposition de loi est née au sein de notre commission ; comme souvent ici, nous avions raison avant l'heure. Mais entre la rédaction d'un texte, son inscription à l'ordre du jour, son vote dans les deux chambres, l'examen par le Conseil constitutionnel d'un éventuel recours et la publication des décrets d'application, que le chemin est long !

Je tiens à défendre plusieurs grands projets d'infrastructures, à l'instar de l'A69 ou du Lyon-Turin, même si cela fera sursauter certains d'entre vous. Quel que soit l'avis que l'on porte sur ces infrastructures, il est incompréhensible qu'un projet puisse démarrer et ensuite être interrompu alors qu'il était terminé aux trois quarts ; cela remet en cause la crédibilité de la parole et de l'action publiques.

La question de la sécurité et de la lutte contre les stupéfiants, notamment dans les transports scolaires, est un dossier sur lequel je souhaitais particulièrement m'investir. Le décès de Johanna est un drame qui nous a profondément bouleversés. C'est pourquoi j'ai annoncé, en lien avec le ministère de l'intérieur, un renforcement des mesures de prévention et de contrôle, ainsi que les sanctions. Nous devons à nos enfants et à leurs familles un transport scolaire sûr et exemplaire.

Ces derniers mois ont aussi été marqués par une actualité sociale intense. Ma position est claire et constante, quel que soit le secteur concerné - agents des routes, contrôle aérien, taxis ou autres services publics de transport -, ma porte restera toujours ouverte au dialogue social. En revanche, je ne céderai à aucune forme de chantage.

Dès mon arrivée, j'ai préparé la conférence Ambition France Transports ; plusieurs d'entre vous y ont contribué. J'y reviendrai plus en détail, car celle-ci constitue le socle de ma feuille de route pour le financement de nos infrastructures.

En 2026, les crédits de mon ministère seront globalement préservés. Ce budget reflète la priorité que le Gouvernement accorde aux transports. C'est aussi la traduction concrète des besoins identifiés lors de la conférence. Les autorisations d'engagement (AE) du programme 203 " Infrastructures et services de transports " progressent de 1,1 milliard d'euros par rapport à 2025. Cette hausse s'explique principalement par le lancement de l'appel d'offres pour le renouvellement du matériel roulant des trains de nuit. Dès le début des années 2030 - on les attend même pour 2029, je l'espère -, de nouvelles locomotives et de nouvelles rames remplaceront le matériel vieillissant sur les cinq lignes qui traversent notre pays. C'est la preuve que l'État ne se désengage pas du train de nuit, bien au contraire, conformément à ce qu'avait souhaité à l'époque le Premier ministre Jean Castex, devenu depuis président de la SNCF. Nous avons choisi, dans un contexte budgétaire contraint, de concentrer nos moyens sur le financement des lignes intérieures, essentielles à la desserte de nos territoires. Nous échangerons peut-être sur les trains de nuit à destination d'autres villes européennes.

Cette hausse des autorisations d'engagement comprend aussi une augmentation de 63 millions d'euros pour l'action " Transport aérien ", dont 20 millions d'euros sont destinés au nouvel aéroport de Mayotte. L'aéroport actuel présente des fragilités structurelles et une exposition au risque naturel qui ne permettent pas d'envisager sereinement son exploitation sur le long terme. C'est pourquoi le Président de la République s'est engagé à ce que la construction d'un nouvel aéroport sur Grande-Terre soit réalisée - ou puisse débuter -avant la fin de son mandat.

Les crédits de paiement (CP) progressent de 210 millions d'euros dans le projet de loi de finances pour 2026, soit une augmentation de 5%. Cette évolution résulte principalement des hausses de redevances d'accès versées à SNCF Réseau, qui contribuent à la régénération et à la modernisation de notre réseau ferroviaire. Elle traduit également la montée en puissance des investissements dans les aéroports de Pointe-Blanche à Saint-Pierre-et-Miquelon et de Hihifo à Wallis-et-Futuna, ainsi que dans les études préalables à la construction du nouvel aéroport de Mayotte dont je vous parlais à l'instant.

L'Agence de financement des infrastructures de transport de France (Afit France) - un sujet qui a fait couler beaucoup d'encre -, a fait l'objet de nombreuses critiques sur son manque de transparence, que je qualifie d'injustes. L'Afit France compte entre quatre et cinq équivalents temps plein (ETP). Si demain les parlementaires décidaient de la supprimer, ce qui est votre droit, ces quatre ou cinq agents reviendraient dans les services de la direction générale des infrastructures, des transports et des mobilités (DGITM) : cela ne représenterait pas un gain extraordinaire et Bercy reprendrait le contrôle de tous les financements qui transitent aujourd'hui par l'Afit France.

Pour répondre à vos attentes, j'ai intégré les crédits de paiement prévisionnels de l'Afit France dans le projet annuel de performance. Ces crédits demeurent, bien entendu, prévisionnels, puisque le budget de l'agence sera voté par son conseil d'administration à la fin de l'année 2025. Cette démarche constitue cependant un acte de transparence par rapport à la représentation nationale. Nous devons protéger l'Afit France, un acteur essentiel du monde des transports.

Pour 2026, les crédits de paiement prévisionnels de l'agence s'élèvent à 3,8 milliards d'euros, soit une légère progression de 39 millions d'euros. Cette évolution traduit plusieurs dynamiques, d'abord la poursuite des investissements dans le ferroviaire, avec une hausse de près de 40% des crédits par rapport à 2025. Ces moyens supplémentaires iront en priorité à la rénovation des lignes Paris-Orléans-Limoges-Toulouse (Polt) et Paris-Clermont-Ferrand, conformément aux engagements pris. Il s'agit déjà des deux plus gros chantiers de SNCF Réseau pour l'année 2025 - je précise que la décision avait été prise avant les opérations médiatiques dites des " trains de la colère ".

Ensuite, j'ai souhaité que les crédits consacrés à la régénération routière et fluviale progressent de 10 % cette année, dans la continuité des conclusions de la conférence de financement des infrastructures de transport - c'est une avancée majeure. En cette période de maîtrise des dépenses, le Gouvernement choisit de continuer à s'attaquer à ce que nous appelons la " dette grise ". En effet, plus l'on tarde à investir, plus la remise en état de l'infrastructure coûtera cher. J'insiste sur un chiffre : 91% des crédits de paiement de l'Afit France seront consacrés à la régénération ferroviaire, à la modernisation des réseaux existants et au développement des alternatives à la route. Nous privilégions la qualité et la performance de nos infrastructures existantes, qui servent au quotidien l'ensemble des territoires.

S'agissant du secteur aérien, les crédits du budget annexe " Contrôle et exploitation aériens " (Bacea) sont en hausse de 61 millions d'euros par rapport à l'exercice précédent, pour atteindre 2,8 milliards d'euros en 2026. Les dépenses de personnel demeurent le premier poste budgétaire, à hauteur de 1,4 milliard d'euros, soit une progression de 48,1 millions d'euros par rapport à 2025. Cette hausse vise à renforcer la performance du contrôle aérien français, qui constitue l'une de mes priorités.

Deux leviers principaux y contribuent. D'abord, le financement des mesures du protocole social 2023-2027, qui permet d'améliorer la productivité et d'accompagner l'évolution des métiers du contrôle aérien dans un souci de performance et de sécurité, par exemple avec la mise en place d'une badgeuse biométrique. Ensuite et surtout, la mise en oeuvre d'un plan de recrutement de 78 ETP en 2026. Ces recrutements concerneront principalement les ingénieurs du contrôle de la navigation aérienne, afin d'anticiper la vague de départs à la retraite prévue à la fin de la décennie et de garantir la continuité du service public.

Hors dépenses de personnel et remboursement d'emprunts, le projet de loi de finances pour 2026 prévoit 984 millions d'euros en crédits de paiement, soit une hausse de 47 millions d'euros par rapport à 2025. Ce renforcement des moyens permettra à la direction générale de l'aviation civile (DGAC) de poursuivre la modernisation de ses équipements, et de répondre pleinement aux enjeux de sécurité et de performance environnementale et opérationnelle du transport aérien.

Enfin, l'École nationale de l'aviation civile (Énac) bénéficiera d'un soutien renforcé. Sa subvention pour charges de service public et d'investissement sera revalorisée de 8,1 millions d'euros. Cette progression permettra d'accompagner l'augmentation du volume de formation, d'accueillir davantage d'élèves et de poursuivre le renouvellement de la flotte d'avions de l'école, notamment avec des avions électriques.

Le transport maritime fait partie de mes attributions, même si le programme 205 " Affaires maritimes, pêche et aquaculture " relève de la ministre déléguée chargée de la mer et de la pêche. Le transport maritime est un secteur fondamental pour notre commerce extérieur, puisque 90% du commerce mondial passe par la mer. C'est un élément central de souveraineté et un secteur très exposé à la concurrence internationale. Nous avons obtenu des résultats très encourageants sur le développement du pavillon français, avec une croissance de 23% du nombre de marins français entre 2018 et 2024 et l'inscription, encore hier, de dix nouveaux porte-conteneurs par CMA-CGM.

Ces succès ne doivent pas nous faire oublier que les coûts salariaux jouent un rôle discriminant pour notre compétitivité. Il importe donc que le régime de la taxe au tonnage applicable aux armateurs soit maintenu, comme dans la quasi-totalité des grands États maritimes. De même, dans le cadre du projet de loi de financement de la sécurité sociale, nous devons défendre le mécanisme d'exonérations de charges patronales qui permet à nos armateurs d'employer des marins français.

Pour revenir à la conférence de financement, je salue le travail transpartisan accompli sous la présidence de Dominique Bussereau. Pendant neuf semaines, soixante experts ont été mobilisés, ainsi que des parlementaires - dont vos collègues Didier Mandelli, Olivier Jacquin, Franck Dhersin et Jacques Fernique, notamment -, des élus locaux et des fédérations professionnelles. Près de 300 contributions ont été recueillies.

Cette conférence a confirmé la nécessité de repenser notre modèle de financement. Les recettes issues de la fiscalité carbone vont nécessairement diminuer, il nous faut donc trouver d'autres leviers pour nos infrastructures, qui exigent des financements à long terme. Le projet de loi de finances pour 2026 traduit déjà plusieurs conclusions de la conférence, avec une hausse de 10% des crédits pour la régénération routière et fluviale dans le budget de l'Afit France. Cela bénéficiera directement à nos routes nationales et à nos voies navigables, des infrastructures vitales pour nos territoires.

La conclusion par la SNCF de marchés de travaux-cadres lors de son conseil d'administration du 29 septembre dernier permettront d'atteindre l'objectif de 4,5 milliards d'euros d'investissement par an dans la régénération du réseau dès 2028 - c'est ce dont nous rêvions depuis plusieurs années. J'espère que le contrat de « sous-performance », comme nous avions coutume de l'appeler, deviendra un véritable contrat de performance.

La prise en charge par l'État de la préfiguration des services express régionaux métropolitains (Serm) par le biais de la Société des grands projets (SGP) est un troisième point concret de ce budget, conformément à l'engagement que j'avais pris lors de la conférence. Cette mesure aidera les collectivités territoriales à développer leurs projets de mobilité du quotidien.

Pour ancrer ces orientations dans le temps long, nous avons besoin d'un cadre législatif stable. Le Premier ministre l'a confirmé lors de sa déclaration de politique générale devant vous le 15 octobre. Notre projet de loi-cadre sera présenté au Parlement en miroir du texte sur la décentralisation, à l'issue de l'examen du projet de loi de finances pour 2026. Il s'appuiera sur les travaux de la conférence, fixera notre stratégie de transport pour les décennies à venir, favorisera de nouveaux mécanismes de financement, précisera la gouvernance de nos infrastructures et hiérarchisera nos priorités.

L'élaboration de cette loi-cadre sera un exercice de co-construction. Je souhaite que les parlementaires ayant participé à la conférence y soient pleinement associés, mais je veux aussi recueillir les contributions de tous dans un esprit transpartisan, car les enjeux de mobilité et d'aménagement du territoire transcendent les clivages politiques.

Ce texte s'articulera autour de quatre axes majeurs, reflétant les quatre ateliers de la conférence. Il traduira dans la loi les grands principes du nouveau système, à savoir la nécessité de mieux planifier les investissements et de donner une priorité claire à la régénération et à la modernisation de nos réseaux existants.

Il s'agit de garantir que les ressources prélevées sur le secteur des transports soient pleinement réinvesties dans le financement des infrastructures. Le fléchage du produit des taxes portant sur le transport vers le secteur transport, que nous appelions de nos voeux, est la moindre des choses, mais cela n'a pratiquement jamais été le cas.

Ce texte permettra aussi de définir le cadre de référence des futures concessions autoroutières. Près de 90 % des concessions arriveront à échéance entre 2032 et 2036. Nous maintiendrons le principe du modèle concessif, mais sous une forme renouvelée : des concessions de taille plus réduite, de durée plus courte, dans lesquelles l'État retrouvera toute sa place.

Concernant le ferroviaire, cette loi devra acter le renforcement des capacités de SNCF Réseau pour assurer la régénération et la modernisation du réseau, notamment par l'inscription d'un effort de 4,5 milliards d'euros à compter de 2028, contre 3 milliards d'euros aujourd'hui : cette somme ne nous permet pas de régénérer notre réseau, qui continue de vieillir. C'est non pas un choix politique, mais une obligation. Je souhaite revoir ce contrat de performance pour qu'il soit beaucoup plus ambitieux.

Sur les transports collectifs, je souhaite que cette loi marque une nouvelle étape pour le déploiement des Serm grâce à une refonte de la gouvernance - celle de la SGP, notamment -, mais aussi par de nouveaux leviers offerts aux collectivités pour sécuriser des ressources additionnelles.

Enfin, le texte comportera un volet consacré au fret. Je proposerai des mesures pour développer le fret fluvial et des dispositions pour accélérer la décarbonation des flottes de poids lourds. Je rappelle que, dans ce budget, nous avons réussi à maintenir toutes les aides au fret ferroviaire - cela n'a pas été une mince affaire ; je m'y suis investi personnellement.

Je souhaite que ce texte soit présenté en premier lieu devant le Sénat et que votre commission soit saisie au fond.

Le budget de mon ministère porte une vision claire : placer les transports au coeur de notre compétitivité économique, de notre ambition écologique et de l'équilibre de nos territoires.

Face aux contraintes budgétaires, nous avons défini des priorités, que nous assumons : favoriser l'investissement plutôt que les dépenses de fonctionnement ; privilégier la régénération de l'existant plutôt que la construction de nouvelles infrastructures parfois non indispensables ; enfin, rechercher l'excellence et la fiabilité de nos réseaux. Ces orientations ne sont pas conjoncturelles. Elles s'inscrivent dans une vision de long terme mise en avant dans la loi-cadre. Les défis qui se présentent à nous sont immenses et les enjeux pour l'avenir de nos territoires sont cruciaux.

M. Stéphane Demilly, rapporteur pour avis sur les crédits alloués au transport aérien. - Pour une fois, le projet de loi de finances ne prévoit pas de nouvelles taxes pesant sur le transport aérien, comme lors des deux derniers exercices. On ne peut que s'en réjouir.

Malheureusement, la créativité fiscale de Bercy est inégalable. Je pense aux articles 36 et 43 du projet de loi de finances, qui portent sur la taxe sur les nuisances sonores aériennes (TNSA). L'article 43 porte sur le stock de produit de la TNSA : il prévoit de ponctionner la trésorerie accumulée pour financer l'insonorisation des logements des riverains d'Orly et de Roissy, en prélevant près de 80 millions d'euros. L'article 36 porte sur le produit de TNSA en 2026 : il en affecte une partie au budget général de l'État. Or je rappelle que cette taxe a déjà été augmentée en 2025 !

Certes, la situation de nos finances publiques est difficile, et Bercy cherche à mobiliser toutes les recettes possibles et imaginables. Comme le dit le fabuliste picard Jean de La Fontaine dans Le Milan et le Rossignol : " Ventre affamé n'a point d'oreilles ". Je vous invite cependant à vous rendre dans un logement non insonorisé à proximité d'un aéroport et à écouter les riverains sous le flux des avions. Détourner le produit de la TNSA des travaux d'insonorisation n'est moralement pas acceptable. Une telle décision se fait au détriment de la santé de nos concitoyens les plus vulnérables.

Il serait bien plus opportun d'assouplir les conditions d'utilisation du produit de TNSA pour que celui-ci soit effectivement utilisé, comme l'ont proposé nos collègues Guillaume Chevrollier et Gilbert-Luc Devinaz, que je salue, dans leur rapport d'information sur la pollution sonore causée par les transports. Monsieur le ministre, vous avez dit tout à l'heure que les taxes sur le transport devaient être fléchées vers le transport. Il doit en aller de même pour les taxes sur l'insonorisation. Confirmez-vous votre opposition à cette disposition regrettable ?

Je tiens également à aborder la question du soutien apporté par l'État à l'aéronautique civile : ce soutien, essentiel pour développer un avion ultra-frugal d'ici à 2035, permettra la décarbonation de l'ensemble du secteur aérien mondial. Le Président de la République s'était engagé en juin 2023 à ce que l'État apporte un soutien de 300 millions d'euros par an jusqu'en 2027 à la filière, via le Conseil pour la recherche aéronautique civile (Corac).

Enfin, j'ai bien compris qu'il y avait une volonté de " flinguer " les biocarburants de première génération, que ce soit l'éthanol ou le biodiesel. Allez-vous vous opposer à cette augmentation de leur taxation ?

M. Philippe Tabarot, ministre. - Monsieur Demilly, je vous remercie d'avoir rappelé que le projet de loi de finances ne comprenait pas de nouvelles taxes sur le secteur aérien. Des amendements ont toutefois été déposés sur le tarif de solidarité sur les billets d'avion (TSBA) et sur la taxe sur l'exploitation des infrastructures de transport de longue distance (TEILD). Celles-ci ont eu des conséquences sur le secteur aérien, qu'il s'agisse de l'aviation d'affaires ou l'aviation commerciale. La France n'a pas la même progression que d'autres pays européens, probablement du fait de ces différentes taxes. J'espère que vous serez très vigilants lors du débat parlementaire sur ces sujets.

Je partage votre point de vue sur la ponction de la TNSA. J'ai déjà eu l'occasion de le dire : il est normal que ces sommes, même excédentaires, reviennent à leur objet initial, c'est-à-dire la réalisation des investissements. Si ces derniers n'ont pas pu se faire, c'est parce que le reste à financer était trop important pour certaines familles. Depuis, le taux a été revu. Ces travaux sont indispensables et les sommes ont été ponctionnées aux compagnies pour les financer. Je ne suis donc pas favorable à ce que Bercy récupère la trésorerie de la TNSA. Le nouveau dispositif permettra d'augmenter le niveau d'investissement et de consommer ces sommes pour la protection des riverains. Une solution juste consisterait à ce qu'une partie des sommes soit récupérée au titre de l'avance accordée durant la crise covid 19, dont le montant doit s'élever entre 28 ou 29 millions d'euros, mais que le reste demeure affecté aux travaux à venir.

Je suis tout à fait d'accord avec votre position sur le Corac. L'an dernier, à l'occasion de l'examen de l'un de vos amendements, je me suis battu pour que l'engagement du Président de la République soit tenu. Le secteur aérien est le premier contributeur à la balance commerciale de la France. Dans cette période si compliquée, il nous paraît indispensable de continuer à l'aider, non pas dans son fonctionnement, mais dans l'anticipation des années à venir, que ce soit en matière de compétitivité ou de décarbonation - un sujet ô combien important.

Les sommes versées par le Corac permettent chaque année à la France de rester un « leader ». Ce n'est pas qu'un slogan, c'est un impératif industriel, climatique et un élément de souveraineté pour notre pays. Je souhaite donc que cette trajectoire se poursuive. Comme vous l'avez rappelé, les sommes sont prévues au programme 190 qui fait partie non pas des crédits de mon ministère, mais de la mission " Recherche et enseignement supérieur ". Je souhaite que cette trajectoire puisse être augmentée par voie d'amendement. Nous obtiendrons des compléments de financement par le biais du programme 424, comme l'an dernier. Ainsi, nous nous rapprocherons d'un total compris entre 250 et 300 millions d'euros, non loin de l'objectif fixé par le Président de la République. Nombre d'entreprises ayant déjà lancé des programmes attendent ce soutien indispensable.

J'en viens aux biocarburants. L'évolution de la fiscalité sur le bioéthanol a sans doute été trop forte. Je souhaite que nous nous en remettions à la sagesse du Parlement. L'Assemblée nationale a été plutôt sage sur ce sujet ; je ne doute pas qu'il en sera de même au Sénat. Ne détruisons pas la dynamique qui s'est créée depuis plusieurs années par des décisions hâtives.

M. Jean-Marc Delia, rapporteur pour avis sur les crédits relatifs aux transports ferroviaires, fluviaux et maritimes. - Ce n'est pas sans émotion que je prends la parole, puisque je remplace ici, dans cette instance, un sénateur que vous connaissez bien, monsieur le ministre !

En premier lieu, j'aborderai les sujets liés au transport ferroviaire. Monsieur le ministre, vous avez organisé de mai à juillet derniers la conférence Ambition France Transports. Les travaux de la conférence consacrés au réseau ferroviaire ont montré que la régénération et la modernisation du réseau structurant nécessitaient environ 1,5 milliard d'euros supplémentaires par an. À moyen terme, plusieurs recettes, notamment les péages autoroutiers, pourront être mobilisées. Cependant, d'ici là, d'autres leviers doivent être identifiés. Force est de constater que le compte n'y est pas avec ce PLF. Quels moyens de financement pourraient être activés à court terme afin d'éviter une dégradation du réseau ?

L'article 4 du PLF prolonge l'application de la contribution exceptionnelle sur les bénéfices des grandes entreprises. La SNCF sera-t-elle redevable de cette taxe ? Un tel prélèvement aura-t-il pour conséquence de diminuer les sommes versées au fonds de concours ?

J'en viens au financement des autorités organisatrices de la mobilité (AOM) et des Serm. Quel premier bilan tirez-vous de la mise en place d'un versement mobilité régional et rural (VMRR) ? Quels autres moyens de financement les AOM pourraient-elles utiliser pour financer les Serm ?

Monsieur le ministre, vous n'ignorez pas que nous sommes le pays dans lequel les péages ferroviaires sont les plus élevés d'Europe. SNCF Réseau a publié le projet de document de référence du réseau (DRR) 2027-2029, qui prévoit des réductions de péages pour les liaisons non radiales et la desserte par TGV des gares les moins attractives. Je me réjouis de cette disposition qui permet de concilier efficacement le libre accès au réseau ferroviaire pour les opérateurs et l'aménagement du territoire. Je m'interroge seulement sur un point : comment SNCF Réseau pourra-t-il supporter le manque à gagner consécutif à ces réductions ?

Concernant les transports conventionnés, c'est-à-dire les trains express régionaux (TER), les péages versés par les régions se rapprocheront des coûts complets de l'entretien du réseau. Il me paraît donc essentiel de renforcer la performance du gestionnaire de l'infrastructure : quelles mesures comptez-vous prendre pour renforcer son efficacité ?

S'agissant à présent du transport fluvial, le projet de loi de finances pour 2026 propose un abaissement du plafond d'emplois de Voies navigables de France (VNF) de 40 ETP, alors que celui-ci avait déjà diminué en 2025. Pourtant, le contrat d'objectifs et de performance (COP) entre l'État et VNF, révisé en 2023, avait prévu une stabilisation de ce plafond d'emplois jusqu'en 2026 inclus, afin de préserver le climat social de l'établissement. Certes, VNF est engagé dans un ambitieux chantier de modernisation de la gestion de son réseau, mais celui-ci ne permettra véritablement des gains de productivité qu'à compter de 2027. Monsieur le ministre, pour quelles raisons cet engagement n'a-t-il finalement pas pu être tenu ? Concrètement, VNF va-t-il devoir recourir à davantage de contrats à durée déterminée l'année prochaine ?

Ensuite, au fil de décennies de sous-investissement, le réseau fluvial a accumulé une " dette grise " évaluée à plus d'un milliard d'euros fin 2023 par la Cour des comptes. La conférence Ambition France Transports a évalué un besoin annuel supplémentaire en matière de régénération et de modernisation du réseau fluvial à hauteur de 200 millions d'euros. Elle a également mis en avant le potentiel de la redevance hydraulique pour renforcer les ressources de VNF : envisagez-vous des évolutions sur ce sujet ou sur d'autres ressources propres de l'établissement ?

Pour ce qui concerne le transport maritime, François Bayrou, alors Premier ministre, avait annoncé lors du comité interministériel de la mer (CIMer) en mai dernier que le produit du marché carbone européen issu du transport maritime serait mobilisé pour financer la décarbonation du secteur, soit une enveloppe estimée à 90 millions d'euros pour 2026. Or le projet de loi de finances ne comporte aucune mesure prévoyant une telle affectation. Pour quelles raisons cela n'a-t-il pas été inscrit dans le PLF initial ? Seriez-vous ouverts à des amendements en ce sens ?

Enfin, je souhaiterais m'éloigner un peu du projet de loi de finances pour évoquer la compétitivité des grands ports maritimes (GPM). Alors que la recomposition des alliances des armateurs maritimes conduit à une modification de la desserte des ports européens - je pense en particulier à la fusion entre Hapag-Lloyd et Maersk survenue cette année -, comment nos GPM se positionnent-ils sur le trafic de conteneurs ? Avez-vous identifié des pistes pour que les ports français tirent mieux leur épingle du jeu ?

M. Philippe Tabarot, ministre. - Je veux d'abord répondre à la question du président Longeot relative au calendrier de la loi-cadre : la consultation et les arbitrages auront lieu dans le courant du mois de novembre, la finalisation du texte et le passage en Conseil des ministres en décembre, la présentation au Parlement, prioritairement au Sénat, en janvier ou février 2026. Tel est en tout cas mon objectif.

Ensuite, je tiens à rassurer le rapporteur pour avis sur la contribution exceptionnelle : le groupe SNCF n'est pas concerné par cette mesure, car il ne paie pas d'impôt sur les sociétés. Il bénéficie également d'une déduction fiscale pour le versement au fonds de concours.

S'agissant du VMRR, une initiative soutenue par le Sénat et une possibilité ouverte par la loi de finances pour 2025, je me réjouis que deux régions, Provence-Alpes-Côte d'Azur et Occitanie, aient décidé de le mettre en place dès 2025. Quatre autres régions ont délibéré pour l'instaurer en 2026 : Bretagne, Centre-Val de Loire, Nouvelle-Aquitaine et, plus récemment, Bourgogne-Franche-Comté. Nous attendions un produit de 750 millions d'euros pour ce versement, il est encore trop tôt pour savoir où nous en sommes.

Je me félicite, en tout cas, que les régions se soient emparées de cet outil, car le ferroviaire est probablement le moyen de transport qui coûte le plus cher. Cette nouvelle ressource leur offre la capacité de conduire la politique de transport qu'elles souhaitent. C'est aussi un atout supplémentaire pour le financement des Serm.

En contrepartie, les régions doivent mettre en place des plans de transport adaptés et volontaristes, avec une augmentation de l'offre et une bonne desserte des zones d'activités, puisque ce sont les entreprises qui financent. Vous savez que, pour moi, ce n'est pas aux entreprises de payer la gratuité que souhaitent instaurer certains responsables politiques. La gratuité ne doit donc pas être financée par le versement mobilité.

Concernant les péages, je vous répondrai par écrit, car le sujet est complexe. Je veux cependant déjà vous dire que l'une des augmentations de notre budget s'explique par la prise en charge par l'État d'une partie des péages ferroviaires pour le compte des régions. Certes, les péages sont très élevés, mais si cela peut nous permettre de moderniser et de régénérer notre réseau, nous nous y retrouvons. Je sais néanmoins que, pour obtenir un véritable choc d'offre, il faudrait à terme diminuer le niveau de ces péages.

S'agissant de VNF, 10% de l'augmentation du budget de l'Afit est destiné au fluvial et au routier. Nous avons toutefois demandé des efforts supplémentaires qui n'étaient pas prévus dans le contrat d'objectifs et de performance, à savoir 40 ETP. Cela représente seulement un écart de 2% par rapport à ce qui était prévu dans le COP. Nous allons essayer de trouver, avec VNF, des solutions pour lui permettre de continuer à assurer ses missions. Vous avez insisté sur un point très juste : pour le financement des investissements de VNF, la redevance hydraulique, qui représente déjà 20% de ses ressources, pourrait être augmentée.

Par ailleurs, je souhaite que l'engagement pris le 26 mai dernier par le Premier ministre à l'occasion du CIMer soit tenu. La décarbonation du secteur maritime doit notamment s'appuyer sur l'affectation de recettes du marché carbone européen. Le Président de la République l'a d'ailleurs rappelé hier à La Rochelle. Mes collègues Monique Barbut, Catherine Chabaud et Mathieu Lefèvre et moi-même avons saisi le Premier ministre à ce sujet. Comme je le disais tout à l'heure, ce qui est pris au transport doit revenir au secteur.

Concernant la compétitivité des ports, il est encore difficile d'identifier les impacts spécifiques des évolutions récentes et d'en tirer des conclusions, et je lirai avec beaucoup d'attention votre rapport, notamment en ce qui concerne la recomposition européenne des différentes alliances. Je ne doute pas un instant que, dans la modernisation en cours, les ports français sauront tirer leur épingle du jeu.

M. Hervé Gillé, rapporteur pour avis sur les crédits relatifs aux transports routiers. - Je souhaite vous interroger sur quatre points relatifs au volet du projet de loi de finances pour 2026 consacré aux transports routiers et, plus généralement, à votre feuille de route sur cette thématique au lendemain de la Conférence de financement des transports.

Je commencerai en évoquant le programme national ponts (PNP), qui avait été lancé en 2021 sur l'initiative du Sénat et dont les crédits sont désormais presque épuisés. De fait, si rien n'est fait dans le PLF pour 2026, le dispositif devra être mis à l'arrêt au mois de février prochain, alors qu'il reste beaucoup à faire : selon le Centre d'études et d'expertise sur les risques, l'environnement, la mobilité et l'aménagement (Cerema), il faut entre 40 millions et 50 millions d'euros chaque année pour réparer les ouvrages d'art communaux les plus dégradés qui ont déjà été identifiés. Ici comme ailleurs, la politique du stop and go n'est pas judicieuse. Seriez-vous prêt à soutenir une initiative sénatoriale pour pérenniser ce programme dans le PLF pour 2026, grâce à une ligne budgétaire dédiée ?

J'aimerais également évoquer les mobilités en zone rurale, qui demeurent une faiblesse structurelle de nos politiques de transport. La LFI pour 2025 a apporté un début de solution, en instaurant le VMRR, dont 10 % du produit a vocation à être redistribué aux AOM des zones peu denses.

Néanmoins, les AOM locales sont tributaires de la décision des régions et, à ce jour, seules quelques-unes ont manifesté leur volonté d'instaurer le VMRR : dans quelle mesure cet outil va-t-il permettre de répondre aux besoins des zones rurales ? D'autres pistes d'assouplissement des conditions pour lever le VM en zone rurale seraient-elles envisageables ? Je pense notamment à l'amendement que vous aviez porté l'année dernière, avec Olivier Jacquin, visant à assouplir la restriction concernant l'organisation de services de transports réguliers.

S'agissant des aides à l'acquisition de véhicules propres, le PLF pour 2026 prévoit la débudgétisation du bonus écologique, désormais dénommé " coup de pouce véhicules particuliers électriques ", et du leasing social. Ces dispositifs ont désormais vocation à être intégralement financés via les certificats d'économies d'énergie (CEE).

L'année dernière, la Cour des comptes avait appelé à refondre en profondeur les CEE, soulignant l'opacité du dispositif, mais aussi un certain dévoiement par l'État qui en a fait un outil de financement de ses politiques publiques, alors qu'il s'agissait, au départ, d'un simple instrument pour inciter aux économies d'énergie. Quel regard portez-vous sur ce sujet ? La future loi-cadre ne pourrait-elle pas être l'occasion de soumettre au Parlement les paramètres structurants de ce dispositif en matière de décarbonation des transports ?

Dernier point : votre prédécesseur avait gelé les crédits du plan vélo et marche 2023-2027 et annulé le septième appel à projets « aménagements cyclables », laissant ainsi plus de 400 collectivités au bord de la route. En janvier 2025, le nouveau Premier ministre d'alors, François Bayrou, avait quant à lui annoncé une enveloppe de 50 millions d'euros à travers le fonds vert, outil qui est à la main des préfets et sur lequel nous n'avons, en tant que parlementaires, que très peu de reporting. Quel montant a été réellement alloué au vélo via ce dispositif en 2025 ?

En tout état de cause, le recours au fonds vert, dont les moyens seront de nouveau rabotés l'année prochaine, de même que l'arrêt des appels à projets " aménagements cyclables " semblent indiquer un désengagement de l'État. Ce retour en arrière risque de mettre en péril non seulement les projets des petites collectivités locales, qui avaient pourtant manifesté un réel engouement pour le dispositif, mais aussi toute la filière cyclable qui commençait tout juste à se structurer.

Les mobilités douces ont pourtant un rôle majeur à jouer dans les mobilités quotidiennes, en particulier dans la perspective du déploiement des Serm. Ne faudrait-il pas, a minima, conserver des appels à projets dédiés aux aménagements cyclables dans les zones rurales et périurbaines permettant un rabattement vers les centres-villes et vers les gares ferroviaires et routières, dès lors qu'ils s'inscriraient dans des schémas de mobilité ? Plus globalement, comment voyez-vous la suite pour le plan vélo ?

M. Jean-François Longeot, président. - J'ai récemment rencontré les représentants de Mobilians, organisation patronale défendant les intérêts des entreprises de l'automobile en France, et il pourrait être intéressant que la commission les auditionne.

M. Philippe Tabarot, ministre. - Concernant les ponts, aucun dossier n'est bloqué par insuffisance de budget. Pour autant, sachant qu'il y a 63 000 ouvrages dans notre pays et que certains posent des difficultés - je compte d'ailleurs parler du diagnostic avec le Cerema -, je m'inquiète évidemment de la situation. J'ai évoqué ce sujet avec le rapporteur général de la commission des finances du Sénat, Jean-François Husson, et je serai particulièrement attentif aux initiatives de votre assemblée sur cette question, qui me paraît prioritaire pour la sécurité de nos concitoyens et pour nos collectivités locales.

S'agissant du VMRR, qui résulte de l'adoption d'un amendement Tabarot-Jacquin, nous attendions une recette potentielle de 750 millions d'euros. Nous avions dit que 10% devaient revenir à la ruralité, soit environ 75 millions d'euros. Je n'oublie pas cet engagement et le fait que ces 75 millions doivent revenir aux territoires les moins bien desservis. J'étais hier aux Rencontres du transport public à Nantes et j'ai pu voir le nombre de dispositifs novateurs qui sont mis en place, notamment en termes de transport à la demande.

La politique globale des CEE n'est pas gérée par mon ministère. Certes, le leasing social est une réussite, mais nous n'avons pas encore d'évaluation complète et nous devons encore répondre à certaines questions qui se posent à la filière, notamment la sortie de la période de leasing. Il ne faut pas que nous changions d'objectif, même si les CEE financent désormais les aides aux véhicules propres. La question demeure de savoir si la politique du logement doit absorber l'ensemble des crédits ou si les transports peuvent en récupérer une partie.

Concernant le plan vélo, nous avons dégagé 50 millions d'euros grâce au fonds vert. Beaucoup d'argent a été investi pour le vélo ces dernières années et c'est une réussite. Nous voyons maintenant des infrastructures dans nombre de communes et il n'y a pas un nouveau pôle d'échange multimodal sans un abri à vélos. Nous avons enfin la possibilité de mener une véritable politique d'intermodalité. Dans ce contexte, faut-il encore investir autant ? Je ne le crois pas, même si nous ne devons pas casser la dynamique. C'est pourquoi nous avons pris cette décision concernant le fonds vert. Je ne peux pas vous donner aujourd'hui le niveau de consommation de l'enveloppe de 50 millions, mais je vous transmettrai l'information en toute transparence.

Ce qui me tient à coeur, au-delà des questions financières, c'est de pouvoir mettre en place les préconisations de la mission conduite par Emmanuel Barbe, demandée par mon prédécesseur à la suite du décès de Paul Varry le 15 octobre 2024 - la justice qualifiera ce décès causé par un automobiliste. La moitié des préconisations de cette mission est en cours de déploiement. Ce sera plus difficile pour les autres. En tout cas, c'est ma feuille de route.

M. Bruno Rojouan. - Lorsqu'un élu d'Auvergne prend la parole sur le train, on s'attend à ce qu'il évoque la liaison entre Clermont-Ferrand et Paris, qui dessert deux villes de mon département, l'Allier : Moulins et Vichy. Je n'en parlerai pas, car vous venez de confirmer certains éléments dans votre exposé liminaire, et l'horizon semble moins lointain...

J'aborderai un autre sujet. Montluçon, deuxième ville d'Auvergne après Clermont-Ferrand, n'a plus de desserte directe avec Paris depuis longtemps. Il est très préoccupant que ce bassin soit pénalisé et n'ait pas retrouvé cette liaison, malgré les investissements considérables achevés en 2024 pour la rénovation de la voie jusqu'à Vierzon.

Est-ce une utopie de penser à cette liaison directe entre Montluçon et Paris ? Pouvons-nous avoir une perspective ? Nous ne sommes pas gourmands. Il doit y avoir cinq liaisons indirectes aujourd'hui ; nous demandons de rétablir une liaison directe le matin et une le soir, et non que toutes les liaisons le soient.

M. Joshua Hochart. - L'Union européenne a voté la fin de la vente des véhicules thermiques neufs à partir de 2035. Cette mesure est présentée comme une nécessité, mais elle risque de fragiliser notre économie. Pourquoi la France continue-t-elle de soutenir cette directive, alors qu'elle ne tient pas compte des réalités du terrain ?

Dans notre pays, particulièrement dans des territoires comme le Nord, de nombreuses familles dépendent au quotidien de leur véhicule. Imposer un passage en force à l'électrique sans infrastructures adaptées ni accompagnement risque d'accentuer les inégalités et de pénaliser les Français les plus modestes.

Il faut également rappeler que l'industrie automobile française repose encore largement sur les moteurs thermiques. La fin de leur commercialisation d'ici à 2035 pourrait mettre en difficulté des milliers d'emplois et fragiliser des PME locales.

Une transition précipitée, non anticipée et mal accompagnée serait donc injuste et économiquement dangereuse, surtout lorsque l'on constate que certains pays européens, comme l'Allemagne et l'Italie, commencent à hésiter à s'engager pleinement dans cette interdiction stricte.

Pourtant, la France, avec l'Espagne, s'apprête à suivre cette directive tête baissée, sans discussion sérieuse sur les impacts pour nos concitoyens et notre industrie. Nous ne contestons pas la nécessité de réduire les émissions, mais cette politique doit être progressive, réaliste et équitable.

J'ai deux questions à vous poser, monsieur le ministre. Une question politique : pourquoi la France continue-t-elle de soutenir cette mesure, alors que d'autres pays européens émettent des doutes ? Et une question financière : quelle compensation concrète le Gouvernement prévoit-il pour l'industrie automobile et pour les utilisateurs de véhicules thermiques ?

Mme Denise Saint-Pé. - J'avais préparé deux questions, mais comme elles concernent spécifiquement mon département des Pyrénées-Atlantiques, je vous les adresserai par voie électronique, monsieur le ministre. J'espère avoir une réponse relativement rapidement.

Mme Jocelyne Antoine. - Je ferai de même !

Mme Denise Saint-Pé. - Je reste optimiste sur ce que vous nous avez dit concernant les grandes lignes du budget de votre ministère en 2026 : régénération et modernisation des lignes.

M. Franck Dhersin. - Ma première question porte sur le ferroviaire. En renonçant à demander une dérogation au règlement européen sur l'enregistrement, l'évaluation, l'autorisation et la restriction des substances chimiques (Reach) avant 2011, comme l'ont pourtant fait tous les grands pays ferroviaires européens, l'État a placé les régions dans une situation difficile. Aujourd'hui, des trains contenant de l'amiante dans des parties inaccessibles au public et ne présentant aucun danger pour la santé continuent de circuler sous le giron de la SNCF. L'opérateur historique refuse d'en transférer la propriété aux régions, les empêchant ainsi de lancer des appels d'offres. Les conséquences financières sont considérables - plusieurs centaines de millions d'euros pour les régions Hauts-de-France, Grand Est, Auvergne-Rhône-Alpes et Provence-Alpes-Côte d'Azur.

Pour se conformer à la réglementation, il faudrait radier prématurément des rames qui viennent de faire l'objet de rénovations à mi-vie, au risque d'un véritable gaspillage d'argent public. Que comptez-vous faire ? Pouvez-vous vous engager à aller à Bruxelles pour solliciter de la Commission européenne l'ouverture du délai de dérogation au règlement Reach ? C'est la seule solution crédible pour régler ce dossier et économiser des centaines de millions d'euros d'argent du contribuable.

Ma deuxième question porte sur le financement des Serm, une priorité fixée par le Président de la République. Aucun budget, en dehors des études, n'a été prévu pour leur développement et 2,5 milliards d'euros sont attendus des concessions autoroutières, dont 1,5 milliard irait à SNCF Réseau et 1 milliard au réseau routier.

Sachant que le groupe SNCF s'est engagé à financer 500 millions d'euros supplémentaires à destination du fonds de concours, la somme affectée à SNCF Réseau ne devrait plus être que de 1 milliard, ce qui permettrait de dégager une capacité de financement des Serm à hauteur de 500 millions d'euros par an et autoriserait les collectivités à activer un mécanisme de levier via l'emprunt.

Pouvez-vous nous exposer les sources de financement que vous envisagez du côté de l'État pour abonder le développement des Serm ? Comme pour mes collègues à l'instant, vous pouvez me répondre par écrit, monsieur le ministre. En tant qu'élu local, vous savez que ces projets d'envergure ne pourront pas se financer uniquement par la fiscalité locale.

Ma troisième question porte sur l'aérien. Vous vous êtes prononcé contre toute nouvelle hausse de la fiscalité sur l'aérien dans le cadre du projet de loi de finances, ce dont nous pouvons nous féliciter. Pour mémoire, le secteur a déjà connu la création de la taxe sur l'exploitation des infrastructures de transport de longue distance en 2024, ainsi que le triplement du tarif de solidarité sur les billets d'avion en 2025. Les effets de cette fiscalité accrue se sont déjà fait sentir, avec un ralentissement du trafic en France par rapport à nos voisins européens.

Je souhaite pour ma part que nous envisagions de baisser la fiscalité spécifique pesant sur le transport aérien français, aujourd'hui la plus élevée d'Europe. Qu'en pensez-vous ? À défaut, ne risque-t-on pas d'aggraver le déclassement du pavillon français en termes de souveraineté, d'emploi et d'attractivité, et de compromettre notre capacité financière à assurer la décarbonation du secteur ?

Ma dernière question porte sur le secteur maritime. Vous avez fait de la lutte contre le dumping social sur les liaisons transmanche l'une de vos priorités. Le dispositif législatif des deux côtés de la Manche est maintenant harmonisé : en France grâce à la loi Le Gac du 26 juillet 2023 ; au Royaume-Uni grâce au Seafarers Wages Act. Quel que soit le pavillon du navire, le salaire minimum doit être respecté et le temps de repos à terre équivalent au temps passé en mer.

Le 15 septembre dernier, la France et le Royaume-Uni ont décidé de renforcer leur coopération en la matière. Les contrôles opérationnels sont la clé pour enrayer le dumping social. Depuis l'entrée en vigueur de la loi Le Gac, les compagnies de ferries potentiellement concernées ont fait l'objet d'un contrôle en 2024 et de deux au premier trimestre 2025. Pouvez-vous nous en dire plus sur l'intensification très attendue de ces contrôles et sur le résultat de ceux déjà effectués ?

M. Alexandre Basquin. - L'idée d'une loi-cadre sur les transports est une avancée, même si nous verrons ce qu'il en sera vraiment à terme... Elle fait suite à la conférence Ambition France Transports, dont les conclusions font largement consensus. Pour autant, je regrette que nous n'arrivions pas à aboutir à une véritable programmation pluriannuelle qui permettrait de définir une trajectoire, d'avoir de la visibilité et, surtout, de sécuriser les financements. Le Gouvernement a-t-il déjà envisagé une telle programmation pluriannuelle ? Des discussions sont-elles engagées avec Bercy ?

M. Gilbert-Luc Devinaz. - Je voudrais appuyer les propos de Stéphane Demilly concernant, non pas la " nuisance " sonore, mais la " pollution " sonore. Réaliser des protections permet de générer beaucoup d'économies en termes de santé ; il faut faire le lien.

Monsieur le ministre, où en sommes-nous dans la décarbonation du secteur aérien, notamment quant à l'objectif d'atteindre 50% de carburant d'aviation durable (CAD) d'ici à 2050 ?

Concernant le Lyon-Turin, où en est-on des financements côté français pour l'accès au tunnel ? Sont-ils assurés ? Le projet avance-t-il ? Par ailleurs, quelle est la logique entre ce projet et la rénovation de la ligne Modane-Dijon ? Ces deux projets sont-ils complémentaires ou contradictoires ?

Enfin, un autre projet concerne l'agglomération lyonnaise et touche l'Ain, l'Isère, le Rhône et la métropole de Lyon : le contournement ferroviaire de l'agglomération lyonnaise (CFAL). Où en est-on de ce projet ? La question du passage au sud de l'agglomération est-elle tranchée ? Avec mon collègue Paul Vidal, nous voyons deux possibilités : soit le tracé passe dans la vallée de l'Ozon, entre Vienne et l'agglomération lyonnaise ; soit il passe au sud de Vienne, le long de la ligne à grande vitesse. Nous sommes quelques sénateurs à être plutôt favorables à cette dernière perspective...

M. Jacques Fernique. - Je note d'abord que nos collègues députés, pour le même exercice, ont eu beaucoup plus de temps pour approfondir les sujets avec vous, alors même qu'ils étaient beaucoup moins nombreux...

Monsieur le ministre, obtenez-nous les quelque 5 millions d'euros qui sont nécessaires pour maintenir notre seule desserte internationale en train de nuit : Paris-Berlin et Vienne via Strasbourg ! Je sais que les travaux de nuit entraînent des perturbations et que cette ligne est plus coûteuse que les lignes intérieures - j'anticipe déjà votre réponse... Cependant, ce n'est pas tout à fait la faute des Allemands qui, eux, font payer des péages ferroviaires réduits la nuit, contrairement à la France. Comme pour le fret ferroviaire où l'effort a été fait, il faut faire preuve de détermination politique. Ce serait le signal fort, et peu coûteux, que la France veut se connecter au réseau européen des trains de nuit. Nous ne pouvons pas assumer le contraire.

Concernant le projet de loi de finances, la conférence Ambition France Transports a permis que notre scénario de transition de planification écologique des transports ne soit pas lourdement compromis. Il y a même des jalons intéressants : le matériel roulant des trains de nuit pour 2030, l'engagement pour le fret ferroviaire, les bases pour la régénération du réseau - nous en sommes à 3,2 milliards d'euros et la trajectoire devrait nous conduire à 4,5 milliards à partir de 2028. Tout cela est à notre portée, mais il faudra encore beaucoup de ténacité, d'exigence, une programmation robuste, et que le fléchage des sommes vers les modes vertueux s'opère. Il faudra également que les autres opérateurs concourent de façon à rééquilibrer les conditions de concurrence avec la SNCF.

Pour autant, ces signaux ne constituent pas une dynamique suffisamment cohérente.

Hervé Gillé a parlé de l'électromobilité et de l'acquisition de véhicules propres ; j'y ajoute les mobilités solidaires, en pensant à la loi, qui m'est chère, visant à favoriser le réemploi des véhicules au service des mobilités durables et solidaires sur les territoires. Nous restons finalement dans un recul funeste que ne compensent ni le succès contenu du leasing social ni les promesses vagues de CEE.

Hervé Gillé a également évoqué le plan vélo. Si les bonnes propositions du rapport Barbe se concrétisent, c'est très bien, mais la dynamique brisée en 2024 ne retrouvera pas pour autant son élan et ce sont le rural et le périurbain qui en souffrent d'abord.

Sur les mobilités du quotidien en général, j'espère que la loi-cadre sur les transports et la loi de programmation, qui sont annoncées, permettront, si le temps politique le permet, de définir des trajectoires fiables de financement et de mise en oeuvre des Serm. D'ailleurs, sur la question des Serm, qui aurait dû être, comme le souhaitait le Sénat, un plat de résistance pour la conférence Ambition France Transports, nous n'avons encore qu'un hors-d'oeuvre bien léger...

M. Éric Gold. - Comme mon collègue de l'Allier, je vais enfoncer le clou en parlant de la fiabilité des lignes Intercités, notamment le Paris-Clermont qui fait régulièrement la une des médias pour des retards importants et à répétition. Nous en connaissons les causes : manque d'entretien, matériel obsolète ou phénomènes extérieurs.

Nous connaissons aussi les annonces faites depuis plusieurs années pour que cette ligne soit remise à niveau et dotée d'un nouveau matériel. Pouvez-vous nous confirmer les montants consacrés à cette ligne et le calendrier qui lui permettra de jouer - enfin ! - pleinement son rôle d'aménagement du territoire ?

M. Jean-Yves Roux. - En raison du manque de temps, je poserai mes questions au ministre par courriel.

Mme Nadège Havet. - Monsieur le ministre, sauriez-vous m'indiquer à quel moment sera inscrite à l'ordre du jour de l'Assemblée nationale la proposition de loi élargissant la possibilité pour les collectivités territoriales et leurs groupements d'avoir recours au modèle de la société portuaire pour l'exploitation de leurs ports que le Sénat a adoptée en juin dernier ?

Franck Dhersin a évoqué le dumping social sur les liaisons transmanche. Des contrôles ont été effectués. Leurs résultats seront-ils bientôt publiés ?

La question des trains de nuit européens a également été abordée ; j'aimerais avoir votre éclairage sur ce sujet.

Ma dernière question, plus locale, concerne la liaison Brest-Ouessant ; je vous adresserai un courriel à ce propos.

M. Cédric Chevalier. - Je ne veux pas être long, alors, monsieur le ministre, je vous poserai mes questions lorsque vous viendrez dans la Marne pour visiter la plateforme aéroportuaire de Vatry et voir le rôle de ce type d'infrastructure dans l'aménagement du territoire de notre pays et le développement durable.

Je profiterai de votre déplacement pour vous faire visiter la station de recharge électrique pour poids lourds, puisque cela entre pleinement dans la stratégie de transition énergétique du transport routier.

Vous êtes invité ; nous vous attendons !

M. Didier Mandelli. - Monsieur le ministre, vous avez évoqué la question de la décarbonation du transport maritime ; je n'y reviens pas.

Je voudrais insister sur la méthode utilisée pour mener à bien la conférence Ambition France Transports. Le 22 octobre dernier, nous avons reçu Dominique Bussereau, nous avons évidemment parlé du fond, mais je crois que la méthode pourrait inspirer d'autres ministres. C'est sans doute votre fibre sénatoriale qui a permis qu'en trois mois, soixante experts, élus et acteurs des transports et des mobilités travaillent sur un projet qui débouche aujourd'hui, dans des temps relativement courts, sur une loi-cadre.

À une époque où notre pays manque de visibilité, je tiens à mettre en avant cette méthode. Si elle était appliquée à l'ensemble des sujets qui concernent nos concitoyens, nous n'en serions sans doute pas là où nous en sommes... Nous avons besoin de clarté et de vision à moyen et long terme. J'ai, avec plusieurs collègues de cette commission, participé à cette conférence et j'insiste vraiment sur la qualité de cette méthode.

M. Philippe Tabarot, ministre. - Cher Bruno Rojouan, nous avons souvent parlé ensemble de la question de la desserte de Montluçon. Vous connaissez le sujet mieux que personne. Rétablir une liaison directe est une question complexe, notamment parce que cela concerne des TER de plusieurs régions - Auvergne-Rhône-Alpes et Centre-Val de Loire. Hier, en prenant le TER pour aller à Orléans avec le président de la SNCF, Jean Castex, nous nous sommes dit qu'il fallait remettre à plat les dessertes. Je sais qu'il a pris un certain nombre d'engagements auprès de vous. Je veillerai à ce que ces engagements puissent être tenus. J'imagine qu'il vous a dit qu'il voulait faire " plus de trains " et de " meilleurs trains ". Je ferai tout pour l'accompagner sur ce terrain et je sais que nous travaillerons intelligemment ensemble.

Monsieur le sénateur Hochart, le dossier que vous évoquez a occupé le Parlement européen et la Commission européenne la nuit dernière et je vois que vous êtes bien informé de la position italienne... Les choses bougent un petit peu au niveau européen. Je me suis moi-même entretenu avec le commissaire européen chargé du dossier.

Mais je ne voudrais pas que nous donnions l'impression d'être dans une impasse : nous avons écoulé 41 500 véhicules électriques dans les trente premiers jours de la relance du dispositif de leasing social. Les Français ne sont donc pas contre l'électrique ; il y a avant tout une question de coût. Au contraire, l'électrique a de l'avenir dans ce pays.

Bien sûr, il faut accompagner la filière, qui s'est organisée avec 2035 pour objectif. Hervé Gillé a utilisé l'expression stop and go et nous ne pouvons pas là non plus, sans poser des difficultés à cette filière déjà en situation compliquée, laisser planer le doute que nous pourrions revenir sur nos objectifs. En tout cas, si nous le faisons, il faut que ce soit en bonne entente avec nos partenaires européens.

Il ne faut pas tomber dans le piège de prétendre que l'électrique n'a aucun avenir.

M. Joshua Hochart. - Ce n'est pas ce que j'ai dit !

M. Philippe Tabarot, ministre. - Si le véhicule électrique est proposé à un coût raisonnable et que les bornes de recharge sont disponibles - notre pays est d'ailleurs en train de rattraper son retard sur ce sujet -, nous pourrons y arriver.

Cher Franck Dhersin, je partage totalement votre position sur la question des rames amiantées. Trois régions sont concernées : les Hauts-de-France, Auvergne-Rhône-Alpes et Provence-Alpes-Côte d'Azur. C'est un sujet que je connais, tout comme l'incapacité de mettre en concurrence les services ferroviaires concernés. J'ai engagé des échanges avec la direction générale compétente de la Commission européenne, qui a réaffirmé l'impossibilité d'accorder de nouvelles dérogations. Toutefois, elle s'est déclarée ouverte à des solutions alternatives, à condition que des analyses techniques et des évaluations exhaustives de risques lui soient transmises. Nous allons continuer de travailler sur cette question avec elle et les régions concernées.

Concernant les Serm, l'État veut avancer, en prenant en charge 100% de leur préfiguration. Certes, ces 34 millions d'euros ne représentent pas grand-chose à côté des 20 milliards que coûteront probablement les Serm, mais c'est un point important. Les contrats de plan État-régions (CPER) permettront également de mobiliser environ 1 milliard d'euros de la part de l'État.

À partir de 2032, nous aurons des financements provenant des concessions autoroutières. D'ici là, une période de transition est à assurer entre 2028 et 2032, et nous y travaillons très intensément. Nous nous sommes engagés, auprès de SNCF Réseau, à porter le niveau des travaux à 4,5 milliards d'euros. Les volets territoriaux des contrats de plan, peut-être insuffisamment mobilisés, pourraient aussi accueillir des actions liées aux Serm. Les grands projets structurants ne font pas partie de ces financements et viendront en supplément. Il est donc possible, avec des financements privés et publics et l'aide de la Caisse des dépôts, de traverser cette période compliquée. La situation sera réglée après 2032 si nous votons la loi-cadre sur les transports, car nous pourrons pérenniser les financements et flécher les recettes des autoroutes vers nos infrastructures, particulièrement vers les projets de SERM.

Concernant le secteur aérien, je fais le même constat que vous et, comme le disait un ancien président américain, " no more taxes, read my lips ". Ce serait trop dommageable pour ce secteur, qui a subi deux augmentations fiscales en deux ans.

J'en viens à la question du dumping social. La loi Le Gac a beaucoup apporté, mais à mon arrivée, il n'y en avait aucune application : zéro contrôle ! Depuis que je suis en fonction, cinq contrôles ont eu lieu. Je m'y étais engagé et nous avons tenu cet engagement : des contrôles ont été menés, tant pour les compagnies étrangères que pour les compagnies françaises. Ces dernières étaient les premières à demander que l'on contrôle leurs collègues étrangers, mais quand on les contrôle, cela les déstabilise un peu... Pour autant, les contrôles se sont passés dans les meilleures conditions possible et cela va beaucoup nous aider.

Avec mon homologue anglaise, nous avons signé en septembre dernier une déclaration conjointe et nous allons travailler ensemble sur la durée du travail, les congés payés, le salaire minimal, ainsi que sur la sécurité et la santé au travail.

Monsieur le sénateur Basquin, je vous remercie pour votre question. Ma demande initiale était bien une loi de programmation. Finalement, j'ai obtenu que le Conseil d'orientation des infrastructures (COI) fasse une revue, avant la fin de l'année, des grands projets et nous rende des préconisations sur les infrastructures qui sont indispensables à notre pays et sur celles qui le sont un peu moins. Ensuite, nous ferons une loi-cadre dédiée aux transports qui permettra, je l'espère - et je compte sur votre soutien -, d'inscrire la perspective de voter une loi de programmation pluriannuelle sur les transports tous les cinq ans.

Monsieur le sénateur Devinaz, je vous attends au ministère, avec Guillaume Chevrollier, pour que vous puissiez me présenter votre rapport sur la pollution sonore causée par les transports.

Je ne vais pas revenir dans le détail sur le Lyon-Turin. Je rappelle que nous modernisons d'abord la ligne existante ; d'ailleurs, les travaux avancent très bien, ce qui est une bonne nouvelle. Ensuite, nous réaliserons les accès avec la plus grande capacité possible. Les études sont engagées et nous avons pu réunir tous les partenaires pour cela. Le financement des voies d'accès est un autre sujet.

Concernant le contournement ferroviaire de l'agglomération lyonnaise, je sais que c'est un sujet que Paul Vidal et vous suivez avec beaucoup d'attention. Je connais les différents scénarios et j'ai bien compris celui que vous souhaitiez. Le comité de pilotage se réunira dans les jours qui viennent et je demanderai à la préfète de région d'inviter les financeurs ainsi que les parlementaires, ce qui vous permettra de donner votre avis. Je sais que vous connaissez parfaitement le territoire et les attentes des élus.

Concernant les carburants d'aviation durables, c'est une question centrale qui recouvre des enjeux industriels considérables. L'an dernier, nous avons soutenu avec vous différents amendements sur ce sujet. Cela a du sens et je souhaite que nous puissions continuer à travailler avec tous les services concernés pour nous donner les moyens de développer une filière française.

Pour ce qui est des trains de nuit, nous les développons dans notre pays comme peu d'autres le font aujourd'hui, à l'exception, bien sûr, de l'Autriche. Nous relançons des liaisons qui étaient abandonnées. Je me souviens qu'un de mes prédécesseurs, Alain Vidalies, m'avait dit : " Les trains de nuit, c'est fini, c'est trop coûteux. " Puis un Premier ministre, Jean Castex, a décidé de les relancer. Il existe aujourd'hui cinq liaisons ; le taux de fréquentation, environ 70%, est bon et nous les moderniserons. J'ai pris récemment le Paris-Briançon et il est clair que nous avons besoin de nouveaux matériels. Le PLF pour 2026 prévoit 1 milliard d'euros pour ces nouveaux matériels, il est important d'adopter cette mesure afin qu'ils arrivent avant 2030 sur les lignes et que nous puissions maintenir la fréquence.

En ce qui concerne le Paris-Vienne-Berlin, je comprends certains d'entre vous, en particulier les élus alsaciens, qui sont particulièrement concernés. J'ai voulu privilégier les destinations françaises. Le train de nuit est un moyen de transport pratique pour certaines personnes, et pas uniquement pour des raisons touristiques, car il permet d'arriver le matin à destination. Cependant, le fait que le contribuable français finance à hauteur de 85 euros les jeunes gens qui vont passer le week-end à Berlin ne me semble pas constituer le meilleur usage possible de l'argent public. C'est cela la clientèle principale de ce train de nuit ; ceux qui vont travailler à Berlin prennent le train de jour, qui fonctionne très bien. J'ai voulu partager la facture, mais mon collègue allemand m'a indiqué que l'Allemagne ne financerait pas comme nous le faisions. En outre, du fait de gros travaux d'infrastructure en Allemagne, la situation est assez dégradée et nous n'avons pas pu augmenter la fréquence, qui n'est donc que de trois voyages par semaine. Si, demain, un autre opérateur que la SNCF est prêt à exercer son activité sur cette ligne sans demander au contribuable français de la financer, il est le bienvenu ! Je serais ravi que ce train de nuit fonctionne de nouveau, mais ce n'est pas à la France de le financer sans que l'Allemagne prenne sa part.

S'agissant du plan vélo, je souhaite mettre en place, comme je l'ai dit, les préconisations du rapport Barbe. Plus largement, nous ne savons pas à ce stade si les 50 millions d'euros dégagés à partir du fonds vert ont été utilisés ou non. Je ne veux évidemment pas réduire à néant les investissements qui ont été réalisés ces dernières années, mais cet effort ne pourra pas être maintenu à son niveau précédent.

Quant aux Serm, nous prenons totalement en charge la préfiguration. Ensuite, à travers les différents outils dont nous disposons déjà, mais aussi les financements pérennes à partir de 2032, et à partir de la revue des projets qui sera réalisée par le Conseil d'orientation des infrastructures, nous avancerons avec, le cas échéant, une fiscalité dédiée. Une montée en puissance du versement mobilité régionale et rurale pourrait bien sûr aider.

Éric Gold a évoqué le Paris-Clermont. J'ai dit, dans mon propos liminaire, que cette ligne, comme la ligne Paris-Orléans-Limoges-Toulouse, faisait partie de nos plus gros chantiers. Avec Jean Castex, dans le TER qui nous emmenait à Orléans hier, nous nous sommes dit que nous tiendrions ensemble les comités de ligne, que ce soit à Clermont-Ferrand ou à Limoges, pour avancer sur cette rénovation. Le dernier calendrier que j'ai donné est tenu et je n'ai pas de souci à ce niveau-là. J'ai également rendu visite à l'équipe du constructeur CAF, qui m'a confirmé l'arrivée des rames pour 2027, ce qui, outre les travaux que nous réalisons, constituera un grand avantage. Ce qui me réjouit d'une certaine façon, ce sont les plaintes concernant les travaux ! Cela signifie qu'ils sont en cours... Les travaux avancent, et c'est tant mieux.

S'agissant de la proposition de loi relative aux sociétés portuaires, nous n'avons pas de visibilité sur sa date d'inscription à l'ordre du jour de l'Assemblée nationale en raison des contraintes d'agenda, mais je ne manquerai pas, madame la sénatrice Havet, de vous tenir informée. J'en reparlerai au ministre chargé des relations avec le Parlement. En tout cas, je souhaite que cette proposition de loi avance. Elle a du sens et elle va beaucoup nous aider.

Plus largement, s'agissant de la réorganisation portuaire, nous ne pourrons pas omettre ce sujet dans le cadre de nos débats sur la prochaine loi de décentralisation. Nous ne pouvons pas continuer à avoir des ports à deux vitesses, entre les grands ports nationaux qui bénéficient d'investissements et d'autres qui sont gérés par des régions ou des métropoles et dont les investissements ne sont pas toujours à la hauteur des besoins. Il faut revoir à la fois la gouvernance de ces sociétés portuaires et la répartition des compétences. Nous devons absolument redonner tout leur éclat à nos ports. Notre pays a une grande histoire maritime et nous devons redevenir une grande puissance en la matière. Pour cela, nous devons moderniser nos ports.

M. Jean-François Longeot, président. - Merci pour toutes ces explications et pour votre présence, monsieur le ministre. Je sais que vous devez nous quitter en raison d'une réunion au sommet qui n'a été fixée qu'hier soir et que, de ce fait, plusieurs collègues n'ont pas pu prendre la parole. Je m'engage donc à tout mettre en oeuvre pour organiser une nouvelle audition. Merci à tous !


Source https://www.senat.fr, le 20 novembre 2025