Texte intégral
GILLES BORNSTEIN
Bonjour Amélie de MONTCHALIN,
AMELIE DE MONTCHALIN
Bonjour,
GILLES BORNSTEIN
Vous resterez comme la ministre du budget qui a vu son texte rejeté à l'unanimité, sauf une voix. Ce n'est pas grave, c'est un peu grave, c'est très grave, que peut-on dire ?
AMELIE DE MONTCHALIN
Ça, ce n'est pas mon texte, c'est le texte du Parlement. Vous savez qu'on a, avec Sébastien LECORNU, on s'est lancé dans une aventure démocratique inédite. C'est la première fois depuis 1958 que les députés n'ont pas de majorité absolue. Mais c'est aussi la première fois qu'un Gouvernement renonce à utiliser le 49-3 dans une telle situation, c'est le texte du Parlement. Et ce qui s'est passé, c'est que vous avez un certain nombre de mesures qui sont des mesures de progrès qui ont été votées dans ce long débat de 125 h et qui sont des progrès sur le logement, sur l'agriculture. Et ça, c'est positif. Et puis, vous avez aussi quelques mesures qui ont été mises là par les extrêmes, par les Insoumis et le RN, qui ont voté ensemble des impôts qui ont été considérés par le reste de l'hémicycle comme n'étant pas bonnes pour le pays. Donc, ce qui s'est passé…
GILLES BORNSTEIN
Alors, dans la partie droite de l'hémicycle, pas tout le reste de l'hémicycle.
AMELIE DE MONTCHALIN
Oui mais aussi par le centre, vous avez un certain nombre de députés qui ont considéré que à 30 milliards nos entreprises, ce n'est pas une bonne idée vu la situation que nous connaissons. Mais ce qui s'est passé pendant ce vote, il faut que cela reste la première étape, effectivement difficile, de la construction d'un compromis qui est nécessaire pour le pays. Moi, ce que je vois dans ce vote aussi et dans cette situation politique, c'est que ce qu'on demande avec le Premier ministre au parti, c'est qu'on ne fasse pas la présidentielle de 27 pendant le budget de 26. C'est qu'on respecte, au fond, les Français et qu'on dise qu'en 2026, la France a besoin d'un budget et que l'élection présidentielle viendra ensuite. Mais on n'inverse pas comme on dirait qu'on ne mette pas la charrue avant les boeufs. On a besoin que la présidentielle reste à la présidentielle, que les débats, que les propositions se fassent dans ce cadre-là, mais que le budget 2026 pour les Français, oui, dans plus d'un mois, on a besoin de donner à notre pays un cap et que ce cap, on doit pouvoir se mettre d'accord, nous partis de Gouvernement, que les extrêmes ne nous emmènent pas là où ils veulent nous emmener, c'est-à-dire dans un monde où il faut refaire des élections, il faut dissoudre. Si on fait tout ça, il n'y aura pas de budget. Et au fond, ce sont les intérêts du parti avant les intérêts des Français.
GILLES BORNSTEIN
Alors, le texte va aller au Sénat où Bruno RETAILLEAU est revenu siéger cette semaine et il a sorti la sulfateuse contre votre budget. Je ne sais pas s'il fait partie des extrêmes. Ce budget, c'est le hold up du siècle. Le Gouvernement hypothèque notre avenir. Est-ce que Les Républicains ou en tout cas leurs patrons, sont passés dans une opposition farouche ?
AMELIE DE MONTCHALIN
Non, je ne crois pas que les républicains soient passés dans une opposition farouche. Il y a un président de parti qui n'est plus au Gouvernement et qui, comme parfois les présidents de parti, a tendance à simplifier les choses et simplifier un peu au-delà de ce qui est la réalité. Je ne pense pas que Bruno RETAILLEAU pense au fond de lui vraiment que ne pas avoir de budget est une solution pour la France. Je ne pense pas qu'au fond de lui, vraiment, il ne voit pas que pour le ministère dont il était ministre il y a encore quelques semaines, avoir une loi spéciale qui ne permettrait pas d'augmenter les effectifs et le budget soit une bonne idée. Je ne pense pas que Bruno RETAILLEAU pense en vrai, que ce qui était le vote d'une étape soit la copie finale. Il le sait, puisque les sénateurs de son propre parti…
GILLES BORNSTEIN
Tout ça parce que lui, justement, il fait partie de ceux qui jouent la présidentielle avant de parler du budget.
AMELIE DE MONTCHALIN
Il n'est plus au Gouvernement. Quand on est au Gouvernement et quand on est sous l'autorité d'un Premier ministre qui dit l'urgence, je pense que les Français nous entendent. C'est 2026. Bruno RETAILLEAU est sorti du gouvernement, il n'a plus les mêmes contraintes. Manifestement. Je pense qu'il pense effectivement comme certain à 2027. Je dis juste avec beaucoup de calme : " Si on joue la présidentielle de 2027 dans l'hémicycle où on débat du budget 2026, on n'aura pas le budget de 2026. Et probablement que la présidentielle se passera très mal parce que d'ici là, ça veut dire que le pays aura été laissées en suspens, en service minimum, qu'on ne se sera pas occupé des choses urgentes qu'on doit régler maintenant ". Et donc moi, ma responsabilité, c'est de dire : " Voilà, minute papillon, on fait une pause, on met les choses dans le bon ordre et on est capable, nous, parti de Gouvernement, de montrer aux Français qu'on travaille pour eux, pas pour anticiper une élection qui viendra ". Elle est prévue en 2027, elle aura lieu, chacun pourra débattre. Mais là, maintenant, le 24 novembre 2025, notre objectif, notre priorité, notre devoir, ce qui est nécessaire pour le pays. C'est d'ailleurs ce que dit le rapporteur général du budget au Sénat, qui est lui aussi un membre du parti des Républicains. C'est que nous donnions un budget au pays et que nous nous occupions des Français maintenant.
GILLES BORNSTEIN
Toujours Bruno RETAILLEAU, il souhaite ne remplacer parmi les fonctionnaires aucun départs à la retraite. Est-ce que vous y êtes prête ?
AMELIE DE MONTCHALIN
Là aussi, vous voyez, c'est simplificateur. Moi, je suis ministre de la Fonction publique. Avec David AMIEL, on travaille à ce que les services publics marchent mieux pour les Français et marche mieux aussi pour les agents publics. Si vous ne remplacez aucun départ à la retraite, je vous le dis très simplement, le ministère dont Bruno RETAILLEAU était ministre ne verra aucun effectif, aucun effectif de police. En plus, il enverra même en moins donc tous les moyens qu'on a prévu de mettre pour nos armées, pour la justice et l'administration pénitentiaire, pour la gendarmerie, pour la sécurité civile, pour la police de proximité, pour la lutte contre le narcotrafic…
GILLES BORNSTEIN
Ça ne sera pas possible si vous ne.
AMELIE DE MONTCHALIN
Si vous ne remplacez pas les départs à la retraite, non, ce n'est pas possible parce que vous avez, aujourd'hui, une démographie qui fait qu'il y a beaucoup de départs. Il y a évidemment des ministères où on continue de faire des efforts de productivité, donc, on ne remplace pas toutes les personnes qui partent. Mais s'il y a un ministère, aujourd'hui, on doit le faire, c'est évidemment le ministre de l'Intérieur pour la sécurité des Français. Donc, vous voyez, c'est une proposition qu'on dit, qui ne tourne pas, qui ne marche pas.
GILLES BORNSTEIN
Vous ne souhaitez pas mais le plus probable désormais est qu'il n'y ait pas de budget le 31 décembre.
AMELIE DE MONTCHALIN
Ce n'est pas le plus probable, je vous arrête.
GILLES BORNSTEIN
C'est probable.
AMELIE DE MONTCHALIN
Je vous arrête. Regardez ce qui s'est passé il y a quinze jours de la Sécurité sociale. Il y a eu un vote positif. Il n'y a pas de majorité absolue. Nous n'avons pas, nous, Gouvernement de majorité, pourtant, il y a eu un vote qui a voté pour ce budget. La Sécurité sociale, monsieur BORNSTEIN, c'est la moitié…
GILLES BORNSTEIN
Le plus probable qu'il y ait un budget le 31 décembre.
AMELIE DE MONTCHALIN
Le plus probable…
GILLES BORNSTEIN
Je n'ai pas dit souhaitable mais probable.
AMELIE DE MONTCHALIN
Le plus probable, c'est que les Français, et je crois qu'on l'entend tous, veulent que nous nous mettions d'accord, veulent que… Ce n'est pas tellement que…
GILLES BORNSTEIN
Ils vont convaincre tous leurs députés, d'ici le 31 décembre, de se mettre d'accord.
AMELIE DE MONTCHALIN
Que les députés se mettent d'accord. Et moi, je ne me résous pas à considérer que nous serions déjà dans une situation d'échec. Qui veut l'échec ? Marine LE PEN qui veut la dissolution, Jean-Luc MELENCHON qui veut que le président parte de l'Élysée.
GILLES BORNSTEIN
Tout le monde a voté contre, même ceux, même les partis, même votre parti Renaissance s'est abstenu.
AMELIE DE MONTCHALIN
Il s'est abstenu en disant quoi ? En disant qu'à partir du moment…
GILLES BORNSTEIN
En disant que ce sont les extrêmes qui ont acté cet échec.
AMELIE DE MONTCHALIN
Oui mais c'est la première étape. Et si vous voyez, quand on est à la mi-temps d'un match, on considère qu'on a déjà perdu… Il y a beaucoup de matchs que l'équipe de France a pourtant gagné, qu'elle n'aurait jamais gagné. Il faut qu'on reste dans une logique de : " On travaille pour les Français et on leur donne un budget et sur la sécurité sociale, qui est la moitié de la dépense publique, la moitié des services publics ". On a trouvé…
GILLES BORNSTEIN
Le Parlement s'est mis d'accord.
AMELIE DE MONTCHALIN
Je ne considère pas que l'autre moitié est infaisable, au contraire.
GILLES BORNSTEIN
Jeudi, le président de la République pourrait détailler les modalités d'un nouveau service militaire basé sur le volontariat payé entre 900 et 1 000 euros. Vous les avez ? Vous avez cet argent pour payer les éventuelles volontaires ?
AMELIE DE MONTCHALIN
Je laisserai le président de la République, chef des armées, préciser les choses. Mais quand le président de la République annonce une nouvelle ambition pour la défense, une loi de programmation militaire qui renforce nos capacités de défense, c'est aussi pour faire face à de nouvelles menaces. Et le président, la République expliquera comment et pourquoi et surtout dans le moment que nous vivons, vous voyez ce qui se passe à Genève entre les Américains, les Européens, les Ukrainiens. Nous avons besoin de protéger notre pays et nous avons besoin de le faire en ayant des outils adaptés à notre époque. Donc, ce ne sera pas le service militaire qu'ont connu en l'occurrence mon père ou mon grand-père, ça c'est clair. Mais le président de la République fera ces annonces et budgétairement. Et pourquoi il nous faut un budget ? Parce que dans un budget, il y a aussi ce qui nous protège, il y a aussi le budget des armées et aussi le budget, on l'a dit, de notre administration pénitentiaire et aussi du budget du ministère de l'intérieur. Donc oui, moi, ministre des Comptes publics, ministre du budget, mon devoir, c'est de dire la vérité aux Français. On peut avoir un budget et leur dire la vérité. Ce budget, il est aussi bon pour assurer l'essentiel, notamment de notre défense.
Source : Service d'information du Gouvernement, le 25 novembre 2025