Interview de M. Serge Papin, ministre des petites et moyennes entreprises, du commerce, de l'artisanat et du tourisme et du pouvoir d'achat, à RTL le 1er décembre 2025, sur l'action en faveur du commerce dans les petites communes, l'inflation et la plate-forme d'e-commerce chinoise SHEIN.

Prononcé le 1er décembre 2025

Intervenant(s) : 
  • Serge Papin - Ministre des petites et moyennes entreprises, du commerce, de l'artisanat, du tourisme et du pouvoir d'achat ;
  • Thomas Sotto - Journaliste

Média : RTL

Texte intégral

THOMAS SOTTO
Il est ministre de PME, du Commerce, du Tourisme et du Pouvoir d'achat, autrement dit, c'est un peu le ministre de notre vie de tous les jours et des problèmes qui vont avec. On pourrait aussi l'appeler le ministre de la Quadrature du cercle. Serge PAPIN est l'invité de RTL Matin. Bonjour et bienvenue sur RTL, Serge PAPIN.

SERGE PAPIN
Bonjour Thomas SOTTO.

THOMAS SOTTO
Comment redonner vie à nos centres-villes ? C'est la question qu'on va se poser toute la journée sur RTL et on va peut-être commencer par les plus petits, ceux qu'on ne regarde plus assez, les villages en France. Dans 60% des communes rurales aujourd'hui, il n'y a plus aucun commerce. Faut-il s'y résigner ? Est-ce que c'est comme ça ?

SERGE PAPIN
Non, il ne faut surtout pas se résigner. Le dernier commerce est très important. Je vais faire une proposition de ce point de vue-là avec mon collègue Michel FOURNIER et Françoise GATEL, ministre de l'Aménagement du territoire. Il y a déjà des choses qui sont faites. J'ai entendu les témoignages ce matin. On a parlé de Saint-Gervais, notamment en Vendée, que je connais bien, où Nicolas s'exprimait. Donc il a pu agrandir avec de l'accompagnement des municipalités, notamment son commerce de café.

THOMAS SOTTO
Et donc c'est quoi votre proposition ?

SERGE PAPIN
La proposition c'est d'aider le dernier commerce. Souvent ce sont des boulangeries. Et les boulangeries essaient d'y mettre une activité d'épicerie. Et donc on va avoir une mission et avec une ambition pour essayer sur les trois ans qui viennent de faire au moins 500 commerces qui seront le dernier commerce, d'aider le dernier commerce dans les zones rurales.

THOMAS SOTTO
Et comment ? Parce que pour aider une mission, il faut de l'argent. Est-ce que vous allez mettre des sous ?

SERGE PAPIN
Oui.

THOMAS SOTTO
Combien ?

SERGE PAPIN
Vous savez, Thomas SOTTO, j'ai écouté aussi monsieur LENGLET, il n'y a pas que l'argent public, il peut aussi y avoir de l'argent privé qui soit destiné à ça. Alors je reviendrai vous voir, mais on a un projet de ce point de vue-là.

THOMAS SOTTO
Donc l'idée, si j'ai bien compris, c'est la dernière boulangerie. Vous voulez la transformer en espèce de supérette locale ? C'est de l'aider à se transformer, c'est ça l'idée ?

SERGE PAPIN
Oui, alors après ça va être à géométrie variable, ça dépend de la taille de la commune. Il y a parfois, vous savez, des épiceries solidaires qui sont dans des communes, mettons, de moins de 1 000 habitants où ce sont des bénévoles qui viennent assurer l'ouverture de ce commerce-là. Puis après, il y a des commerces dans des villes ou dans des petites communes un peu plus grandes où on peut avoir de l'aide de la municipalité.

THOMAS SOTTO
C'est quoi ? c'est un guichet unique, l'idée ?

SERGE PAPIN
Et puis accompagner un commerce existant comme une boulangerie ou un café.

THOMAS SOTTO
Mais est-ce que l'État mettra - parce que d'accord, il peut y avoir des fonds privés, est-ce que l'État mettra la main à la poche pour les aider ?

SERGE PAPIN
Il y a déjà des aides.

THOMAS SOTTO
Ça ne suffit pas visiblement.

SERGE PAPIN
Non, ça ne suffit pas bien sûr. Il y a une aide d'un million et demi d'Euros qui va être destinée pour amorcer un peu les choses à 5 ans de commerce, là, tout de suite et maintenant. Et moi je travaille avec – je peux les citer - une association qui s'appelle Les entreprises qui s'engagent… Et je suis en train d'être vraiment actif avec eux pour contribuer à faire en sorte que le dernier commerce ne ferme pas.

THOMAS SOTTO
Un million et demi d'Euros c'est là, c'est pour maintenant, c'est dans le budget là ?

SERGE PAPIN
Ça, c'est tout de suite, oui.

THOMAS SOTTO
C'est tout de suite. Il y a en France de très nombreux commerces qui ferment parce que les commerçants ont un problème de loyer. Ils coûtent trop cher ces loyers. À Châteauroux, le maire explique que les loyers ont bondi de 33% en 10 ans. Plusieurs élus, le maire de Bordeaux, le maire de Lyon, demandent un encadrement des loyers pour les commerces. Est-ce que vous y êtes favorable ? Est-ce que c'est une piste ?

SERGE PAPIN
Oui. Alors il faut aider les maires. Parce que pour le commerce de centre-ville, les maires ont besoin de reprendre la main. Alors il y a un rapport qui a été rendu pour les centres-villes. Ce rapport préconise notamment la création des foncières. Et les foncières vont être un instrument financier pour réguler les loyers et contribuer à ce que quand il y a un rideau fermé, ça soit un rideau ouvert.

THOMAS SOTTO
Mais est-ce que vous êtes pour mettre dans la loi l'encadrement ?

SERGE PAPIN
Ce n'est pas rien. Oui alors attendez, cette foncière c'est 150 millions d'Euros qui vont là du coup, par la Banque des Territoires. Alors après, on ne peut pas encadrer les loyers qui sont du domaine du privé.

THOMAS SOTTO
Ça c'est pour les logements à Paris par exemple et dans certaines villes ?

SERGE PAPIN
Oui, alors les foncières vont amener de la régulation des loyers. Moi, j'encourage les municipalités à utiliser cet instrument, à prendre la main avec cet instrument financier et ainsi avoir une régulation des loyers. Donc ça c'est un outil qui est disponible. Aujourd'hui, il y a 90 foncières qui existent dans notre pays. On peut parfaitement s'inspirer de ces modèles-là et les développer. Et à partir du moment où ces foncières sont actives, elles régulent les loyers bien sûr.

THOMAS SOTTO
Vous êtes aussi le ministre du Pouvoir d'Achat. Ce 1er décembre c'est une date importante pour notre Pouvoir d'Achat à venir puisque c'est l'ouverture des négociations entre industriels et grandes distributions. D'abord quelques chiffres. Selon l'institut Circana, sur un an, les prix de la viande hachée ont augmenté de 12%, ceux du chocolat de 20%, ceux du café de 27%. On pourrait ajouter l'essence qui a pris des dizaines de Centimes ces derniers mois. C'est reparti pour la folie des prix, monsieur le ministre ?

SERGE PAPIN
On parle de choses qui datent un peu. De mon point de vue, l'inflation cette année…

THOMAS SOTTO
0,9%, là, en novembre.

SERGE PAPIN
Elle est de moins de 1%. La France est le pays d'Europe où il y a le moins d'inflation. La France est le pays d'Europe aussi où il y a le plus de croissance. On va finir à 0,8%. 0,8% c'est précisément l'augmentation du Pouvoir d'Achat des Français à la fin de l'année. Il y a un article qui est passé…

THOMAS SOTTO
Donc il y a un sentiment d'inflation, mais il n'y a pas d'inflation ?

SERGE PAPIN
Il n'y a pas d'inflation aujourd'hui. Il y a moins de 1% d'inflation.

THOMAS SOTTO
Plus de 12% sur la viande.

SERGE PAPIN
Oui, je parle en moyenne. Évidemment il y a des secteurs où il y a eu de l'inflation, mais en moyenne on est à moins de 1%.

THOMAS SOTTO
Les négociations vont commencer. On connaît la chanson. Industriels et grandes distributions vont s'écharper pendant des semaines et à la fin c'est le client qui paye. Vous avez sorti une charte de bonne conduite. Qu'est-ce que ça va changer ? Je crois que c'est pour aider les PME déjà ?

SERGE PAPIN
Il y a un peu de bonne pratique dans ces rapports qui sont toujours tendus. Regardez l'an dernier, il y avait une tension extrême. Donc ce n'est quand même pas mal parce que tout le monde travaille pour l'intérêt du consommateur quand même donc c'est bien qu'il y ait ces bonnes pratiques. Moi j'avais souhaité aussi…

THOMAS SOTTO
Dans la charte, pardon monsieur le ministre, il est prévu qu'un acheteur n'annule pas un rendez-vous 30 minutes avant l'heure, que les réunions aient lieu aux heures de bureau. On en est là, on leur apprend à dire bonjour et à tenir la porte, là.

SERGE PAPIN
Il y avait toujours de la confrontation. Ce n'est pas un cercle de poètes, les négociations entre les industriels et les distributeurs. Mais mettre en valeur de l'apaisement, un peu de sérénité, c'est quand même pas mal. Et puis, moi, j'étais très attaché à ce qu'il y ait un accord pour les PME. C'est donc fait. Les PME qui, en particulier, vont ouvrir les négociations en premier… Parce que si après elles passent derrière les grands groupes, elles n'ont plus de place pour les linéaires. C'est aussi simple que ça.

THOMAS SOTTO
Pour elles, ça sera avant le 15 janvier, les négociations ?

SERGE PAPIN
Voilà, exactement.

THOMAS SOTTO
C'est ça… Qu'elles passent avant pour ne pas se faire écraser.

SERGE PAPIN
Voilà. Et puis on va aussi favoriser l'origine des produits. Il y a ça aussi dans l'engagement pour les PME. Et puis mettre en valeur la promotion des produits frais, notamment en fruits et légumes. Donc vous voyez, il n'y a pas que des bonnes pratiques, c'est aussi concret.

THOMAS SOTTO
Bon, autre gros dossier sur votre bureau, SHEIN. Alors là, on a l'impression que les ministres et les députés aboient et que SHEIN s'en lave les mains. Les députés ont de nouveau convoqué les responsables de SHEIN demain à l'Assemblée. Réponse : " Désolé, mais on ne viendra pas. " Vous leur dites quoi aux responsables de SHEIN ? Ils se moquent du monde ?

SERGE PAPIN
Oui, je pense qu'ils se moquent du monde. Et moi, en tant que ministre, je vais vous dire, je protège les consommateurs. Parce que SHEIN vend des produits qui sont complètement en dehors de toutes nos normes, qui sont parfois dangereux, illicites.

THOMAS SOTTO
Ça, on l'a vu.

SERGE PAPIN
On l'a vu. Je protège aussi les commerçants et les PME, parce qu'on est en concurrence déloyale. C'est du dumping que fait SHEIN. Et je vous ferai remarquer que, par exemple, les États-Unis, c'est très difficile pour les plateformes d'y rentrer. Pour nous, c'est très difficile de rentrer en Chine.

THOMAS SOTTO
Donc vous êtes pour la fermeté absolue ?

SERGE PAPIN
Moi, je suis pour une dose de protectionnisme et de la fermeté, bien sûr.

THOMAS SOTTO
Vous avez dit que vous êtes prêt à faire du TRUMP sur SHEIN. Alors, ça va être la formule claque. Mais ça veut dire quoi concrètement, dans votre bouche, faire du TRUMP ?

SERGE PAPIN
Faire du TRUMP, c'est se protéger, mettre la taxe sur les petits colis.

THOMAS SOTTO
A quel niveau ?

SERGE PAPIN
Pour l'instant, on a démarré à 2 Euros. Mais laisser un pied dans la porte, déjà, on ne va pas s'arrêter là. C'est un combat qui va être long avec SHEIN. Et j'étais, jeudi dernier, avec tous mes collègues européens. On avait une réunion de la majorité des ministres du commerce européens, jeudi à Bercy. Et tout le monde est d'accord pour suivre l'initiative qui a été prise par la France. Donc, vous voyez, le combat sera long.

THOMAS SOTTO
Et il faut tenir le bras de fer ?

SERGE PAPIN
Il faut mettre un peu de protectionnisme dans le libéralisme. Et puis, il faut se protéger de ces plateformes qui font du dumping.

THOMAS SOTTO
Tout ce que vous nous annoncez, ça tiendra s'il y a un budget. Ce matin, Sébastien LECORNU publie une lettre sur les réseaux sociaux où il tente de rassurer les entrepreneurs, jugeant que le vrai danger pour le pays serait l'absence de budget.

SERGE PAPIN
Oui, Sébastien LECORNU, dans son courrier, dit ce que les entrepreneurs me disent. C'est-à-dire, on veut un budget. Moi, en tant que chef d'entreprise, je ne sais pas démarrer l'année sans budget. C'est quand même anormal qu'un grand pays comme la France, qui est un des plus grands pays d'Europe, n'ait pas de budget. Donc, il appelle aussi à la responsabilité, je crois, des parlementaires, des sénateurs, pour qu'on ait un budget. Et si on a un budget, on aura de la stabilité. Si on a de la stabilité, on peut faire redémarrer l'activité, l'emploi, etc. C'est indispensable. Il nous faut un budget et de la stabilité.


Source : Service d'information du Gouvernement, le 2 décembre 2025