Texte intégral
JEFF WITTENBERG
Bonjour à tous, bonjour Annie GENEVARD,
ANNIE GENEVARD
Bonjour Jeff WITTENBERG,
JEFF WITTENBERG
Et on peut dire que rarement une visite ministérielle aura été aussi attendue que la vôtre, puisque vous allez dans le sud-ouest aujourd'hui, à Toulouse, alors que, on le voyait encore dans le journal de 8h, eh bien dans cette région, la colère des agriculteurs se manifeste violemment, parfois, en tout cas, il y avait, on comptait presque une trentaine de barrages hier, dont celui de l'autoroute A 64. Qu'allez-vous faire, qu'allez-vous dire, que pouvez-vous dire pour calmer cette colère ?
ANNIE GENEVARD
D'abord, je vais sur le terrain comme je le fais chaque semaine depuis que je suis à la tête de ce ministère, et particulièrement dans ce moment très difficile pour le monde agricole et le monde de l'élevage, je veux exprimer d'abord, que je suis aux côtés des éleveurs. Je ne veux pas que face à l'arrivée de cette terrible maladie, les éleveurs soient seuls. Donc, c'est exprimer vraiment la solidarité, la compassion et l'accompagnement des éleveurs dans ce moment si difficile. Et puis, je viens aussi à un moment tout à fait particulier qui est le lancement de la vaccination. Je l'ai fait en Savoie, en Haute-Savoie, dans le Jura, c'est un moment qui doit être un chemin d'espoir pour les éleveurs, parce que la vaccination, c'est la meilleure façon de lutter contre la maladie et d'éviter précisément de perdre des animaux.
JEFF WITTENBERG
Cette maladie, la dermatose nodulaire contagieuse, vous prenez la vaccination, mais en attendant, lorsqu'une bête est contaminée, la procédure c'est l'abattage de tout le cheptel, en tout cas du troupeau. Et ce que vous disent, aujourd'hui, les éleveurs, pour qu'on comprenne bien qu'ils sont en colère, c'est que tant que vous ne renoncerez pas à cette procédure actuelle, eh bien eux ne renonceront pas à leur barrage et au fait qu'ils ne sont pas d'accord avec ce que vous voulez faire.
ANNIE GENEVARD
Cette maladie, elle est apparue à la fin du mois de juin dans notre pays, elle n'existait pas, elle n'avait jamais existé et elle est redoutable parce qu'elle est terriblement contagieuse, comme son nom l'indique. Donc, les trois piliers de lutte, ce que la science nous dit, les vétérinaires nous disent, ce que les pays étrangers ont appliqué, ces trois piliers, le dépeuplement.
JEFF WITTENBERG
L'abattage, quand vous dites le dépeuplement.
ANNIE GENEVARD
C'est le terme scientifique utilisé, le dépeuplement, la vaccination et la restriction du mouvement. Et cette stratégie, elle a fonctionné en Savoie, en Haute-Savoie, dans le Jura, en Italie, en Espagne.
JEFF WITTENBERG
À Millau, à Albi, à Saint-Jean-de-Luz, tous les éleveurs vous disent la même chose, ils ne bougeront pas, ils sont en colère, ils ne veulent plus de ces abattages, de ce dépeuplement dont vous parlez, est-ce que vous allez leur donner satisfaction ? Est-ce que cette procédure va être maintenue ? En fait, c'est ça la question, madame GENEVARD.
ANNIE GENEVARD
La question, elle est : " Comment luttons le plus efficacement possible contre cette maladie ".
JEFF WITTENBERG
Vous venez de le dire, avec l'aval des vétérinaires.
ANNIE GENEVARD
Le sujet, c'est ça, moi, ma responsabilité, monsieur WITTENBERG, c'est de protéger l'élevage français, on a 16 millions de bovins. Cette maladie est terriblement mortelle pour 10% du cheptel.
JEFF WITTENBERG
Mais ils ne le savent pas, ça, vous pensez, les éleveurs qui refusent l'abattage ?
ANNIE GENEVARD
Non, mais j'entends ce qu'ils me disent et je veux dire aux éleveurs qu'ils font des propositions et je les en remercie. Moi, je suis une femme de dialogue, j'ai toujours prôné le dialogue dans ma vie d'élu et comme ministre aujourd'hui. Donc, ils ont fait des propositions sérieuses, réfléchies.
JEFF WITTENBERG
Notamment de vacciner l'ensemble des bovins.
ANNIE GENEVARD
Donc, nous allons écouter, regarder, concerter, je vais rencontrer absolument tout le monde cette semaine sur la vaccination. On a adopté pour l'Occitanie, un dispositif particulier avec un cordon sanitaire renforcé. C'est-à-dire que non seulement on a la zone réglementée autour des foyers, mais on va élargir la vaccination. On a un défi à relever et c'est pour ça que je vais, aujourd'hui, en Occitanie vacciner, bien sûr, vacciner entre 600 000 et 1 million de bovins. C'est un défi logistique, mais il est indispensable. Je serai à la rencontre des agriculteurs, je vais les rencontrer, je vais rencontrer les professionnels et leurs représentants aujourd'hui à Toulouse. Et puis, j'irai dans une exploitation. Donc, les agriculteurs, je les rencontre en permanence.
JEFF WITTENBERG
Ne craignez-vous pas néanmoins que cette colère, aujourd'hui, soit devenue incontrôlable ? On voit encore une fois, on entend des témoignages de personnes qui sont désespérées et qui sont prêtes à tout tant qu'elles n'obtiendront pas satisfaction. C'est-à-dire, je le répète, la fin de cette procédure qui prévoit l'abattage des troupeaux.
ANNIE GENEVARD
Je pense qu'il faut bien que chacun ait conscience que l'ennemi, c'est le virus. Et que d'abord, il doit y avoir le respect des consignes. Il faut limiter les mouvements dans les zones réglementées, sinon tout va s'étendre et on ne maîtrisera plus rien. Je pense qu'il faut aussi rassurer. La situation aujourd'hui est sous contrôle.
JEFF WITTENBERG
Mais vous n'avez pas rassuré pour l'instant, Madame la Ministre.
ANNIE GENEVARD
Mais c'est pour ça que vous m'invitez, monsieur WITTENBERG, vous m'invitez pour que j'explique. Donc, bien sûr, il y a de l'angoisse parce que chacun s'imagine que le virus est à la porte de leur bâtiment d'élevage. Mais non, la situation, elle est contrôlée aujourd'hui. Nous avons deux situations, France entière, d'exploitation touchée par le virus. Et vous savez, quand il y a une bête malade, il n'y en a pas qu'une. Et chaque fois, on voit qu'une partie…
JEFF WITTENBERG
Donc la procédure pour l'instant continuera ?
ANNIE GENEVARD
Alors, le dialogue est ouvert avec la profession. Le dialogue est ouvert. Notre responsabilité collective aux organisations syndicales, professionnelles, avec les vétérinaires, avec les scientifiques, c'est de dire : " Ensemble, déterminons comment on lutte au mieux contre... "
JEFF WITTENBERG
Mais faites-moi une réponse claire. Est-ce que vous pourriez suspendre cette procédure ? Est-ce que c'est possible ?
ANNIE GENEVARD
La discussion est ouverte sur ce point. Et je ne veux pas vous donner de réponse catégorique, aujourd'hui, parce que ce temps de dialogue, il est indispensable et il faut pouvoir y associer les professionnels.
JEFF WITTENBERG
Madame la ministre de l'Agriculture, autre grand sujet ultrasensible, si j'ose dire, dans votre portefeuille, c'est l'accord de libre-échange entre l'Union européenne et le Mercosur qui doit normalement obtenir le feu vert des pays européens avant une signature samedi avec Ursula VON DER LEYEN et les représentants des pays concernés. On a appris hier que le Premier ministre, Sébastien LECORNU, allait demander plutôt un décalage de cette signature. Pourquoi cela ? Et est-ce que vous avez une chance de l'obtenir ?
ANNIE GENEVARD
Chacun connaît mon opinion sur le projet d'accord avec les pays du Mercosur tel qu'il a été signé il y a un an.
JEFF WITTENBERG
Vous nous la rappelez, cette opinion ?
ANNIE GENEVARD
Ce projet d'accord, il est mauvais pour notre agriculture. Il expose des filières importantes pour nous, la volaille, le boeuf, justement, à un moment où la filière souffre tant.
JEFF WITTENBERG
Emmanuel MACRON avait dit quand même en Brésil qu'il y avait des bonnes choses aussi.
ANNIE GENEVARD
Le sucre, l'éthanol. Donc, ce projet d'accord, il est menaçant pour nos filières. C'est la raison pour laquelle, si l'accord restait en l'état, le Président de la République, le Premier ministre, le gouvernement l'ont dit, c'est non, ce n'est pas acceptable. Et la France a pris la tête du combat pour dire qu'on ne peut pas l'accepter tel qu'il est.
JEFF WITTENBERG
Mais le temps presse, la signature a lieu samedi. Pourquoi vous vous réveillez au dernier moment ?
ANNIE GENEVARD
Non, il y a un intense travail qui a été fait. Il y a un intense travail qui a été fait depuis des mois pour dire à la Commission européenne qu'on ne peut pas accepter ce projet d'accord. Alors, tous les pays européens, on est 27, ne partagent pas l'opinion de la France, mais beaucoup de pays s'inquiètent de la même façon et veulent avoir des garanties. Donc, rien aujourd'hui ne permet en l'état, si les choses ne bougent pas, s'il n'y a pas de meilleure protection, de signer cet accord. C'est la raison pour laquelle le Premier ministre a demandé à ce qu'une décision ne soit pas prise dans quelques jours à propos…
JEFF WITTENBERG
Mais vous êtes au coeur des discussions européennes. Il l'a demandé, mais est-ce qu'il peut l'obtenir ? Puisque, je le répète, cette signature, elle est prévue samedi, dans moins d'une semaine.
ANNIE GENEVARD
Ce que je peux vous dire, c'est que la France mène le combat.
JEFF WITTENBERG
La France mène le combat. Quels aménagements du traité le rendraient acceptable à vos yeux, au moins un ?
ANNIE GENEVARD
Alors, il y a un point qui crispe particulièrement les agriculteurs, c'est le fait qu'on tolère l'introduction en France et sur le sol européen des productions animales ou végétales qui ne respectent pas nos propres normes de production. On est très exigeants avec les agriculteurs. C'est d'ailleurs ce qui nourrit en partie leur colère, parce que leur colère, elle naît de la peur, de l'inquiétude liée à la maladie. Mais il y a d'autres choses qui s'agrègent à cette colère, et notamment le fait qu'on importe des choses qui ne répondent pas aux mêmes standards de production. On est très... Écoutez, nous verrons bien. En tout cas, chaque étape est importante. Je vous rappelle que le Conseil devait accepter l'accord à la fin du mois de juin. Vous voyez bien que la résistance a produit son effet.
Source : Service d'information du Gouvernement, le 16 décembre 2025