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Drogues et addictions : quels sont les chiffres publiés en 2025 ?

Temps de lecture  11 minutes

Par : La Rédaction

L'Observatoire français des drogues et des tendances addictives (OFDT) mène des recherches sur la consommation de drogues et les pratiques addictives afin d'éclairer les politiques publiques dans ce domaine. Retour sur les chiffres clés qui viennent d'être publiés le 15 janvier 2025 et panorama des politiques publiques en matière de toxicomanie.

Selon l'Observatoire français des drogues et des tendances addictives (OFDT), le mot "drogue" recouvre l’ensemble des produits psychoactifs (substances licites comme le tabac ou l’alcool et substances illicites telles que le cannabis ou la cocaïne) dont la consommation perturbe le système nerveux central en modifiant les états de conscience. Les drogues agissent sur le circuit de récompense du cerveau (dopamine) et sur d’autres circuits dont dépend la gestion des émotions, de l’humeur, de la motivation et des apprentissages. Leur usage provoque souvent, dans un premier temps, des sensations de plaisir qui engendrent le désir de renouveler l’expérience, et conduisent progressivement à perdre le contrôle de sa consommation. D’autres comportements comme la pratique des jeux d’argent ont une action similaire sur le cerveau. Toutes ces pratiques sont identifiées sous le terme d’addictions.

Consommation de drogues et addictions : état des lieux

Une multiplicité de pratiques

Parmi les substances illicites, selon la publication de l'OFDT "Drogues et addictions, les chiffres clés 2025" datant du 15 janvier 2025, le cannabis reste de loin la substance la plus consommée parmi les 11-75 ans :

  • 21 millions de personnes l'ont déjà expérimenté (29,9% des jeunes de 17 ans sont concernés en 2022) ;
  • 1,4 million d’usagers en consomment régulièrement (au moins 10 fois au cours du mois) ;
  • 900 000 usagers en consomment quotidiennement.

 

14,6% des adultes ont expérimenté d'autres drogues que le cannabis en 2023 (cocaïne, ecstasy/MDMA, champignons hallucinogènes, LSD, amphétamines, héroïne, crack) ; ce taux s'élevait à 9,1% en 2014. La cocaïne est le deuxième produit illicite le plus consommé, avec 9,4% d'expérimentateurs parmi les adultes en 2023 et 1,1 million d'usagers de 11 à 75 ans dans l'année. Entre 2011 et 2023, le coût du gramme de cocaïne est passé de 60 à 66 euros et la teneur moyenne en principe actif de 46% à 73%. Elle est suivie par l’ecstasy (MDMA), avec 8,2% d’expérimentateurs parmi les adultes. 

D'après les chiffres clés de l'OFDT, l’alcool et le tabac, substances licites, demeurent les produits les plus consommés.
Le tabac est moins consommé que l’alcool (respectivement 15 millions et 40 millions d'usagers dans l'année) mais son usage est plus fréquent. En 2023, 23,1% des adultes (18-75 ans) fument tous les jours et 7% des adultes boivent quotidiennement de l’alcool. La France reste à un niveau très élevé de prévalence du tabagisme en Europe : elle se situe au troisième rang européen en 2019 pour le nombre de fumeurs quotidiens âgés de 15 à 75 ans. On constate toutefois une baisse de près de 20% de la consommation de tabac chez les adultes entre 2014 et 2023. Chez les jeunes de 17 ans la part de fumeurs quotidiens est passée de 31,5% en 2011 à 15,6% en 2022.
Les ventes annuelles d’alcool ont baissé régulièrement depuis cinquante ans, en raison essentiellement du recul de la consommation de vin. Très présents chez les jeunes, les comportements d’alcoolisation ponctuelle importante (API), également connus sous l'expression "binge drinking" (intoxication alcoolique aiguë ou alcoolisation massive), baissent sensiblement. Alors que 16% des jeunes de moins de 17 ans déclaraient avoir vécu au moins trois situations d'API dans le mois en 2017, l'enquête Escapad de l'OFDT révèle qu'en 2022, 13,6% des mineurs de 17 ans (16,4% des garçons et 10,6% des filles) ont connu au moins trois API dans le mois.

Les addictions peuvent avoir des objets divers, dont la liste s’étend sans cesse, au fil des éditions du DSM (manuel diagnostique en psychiatrie). Aux dépendances classiques et reconnues (drogues, alcool, tabac, jeux d’argent et de hasard, psychotropes) s’ajoutent les dépendances à internet, aux achats, au sport, au sexe, au travail... On estime que ces addictions, encore peu quantifiées, touchent près de 6% de la population. En 2019, l’Organisation mondiale de la santé (OMS) a reconnu comme maladie l’addiction le trouble du jeu vidéo (gaming disorder).

Qui sont les usagers ?

Les consommateurs de substances illicites n’appartiennent pas à un groupe clairement identifié : ils peuvent être des usagers socialement insérés tout comme des usagers précarisés, marginalisés. Leurs modes de consommation sont variés et l’éventail des drogues consommées est large. Substances licites ou illicites, les hommes sont plus consommateurs que les femmes. Tout comme pour les adultes, les trois produits les plus consommés par les adolescents sont l’alcool, le tabac et le cannabis. En 2021, sur dix élèves de troisième, six ont déjà bu de l’alcool, trois ont fumé du tabac, un jeune a expérimenté le cannabis et trois la cigarette électronique.

Des effets délétères

Les conduites addictives ont de multiples conséquences sanitaires et sociales (maladies, handicaps, suicides, violences, notamment conjugales, isolement, précarité...). Le tabac est responsable de plus de 75 000 décès par an, d'après Santé publique France. La mortalité attribuable à l’alcool est estimée à 49 000 décès par an. Le contentieux lié à l’alcool au volant représente 53% des condamnations pour délits routiers. 69 903 condamnations ont été prononcées en 2021 pour conduite en état alcoolique, et 57 206 pour conduite sous l'emprise de stupéfiants, selon la Contribution du ministère de la justice au Bilan annuel 2021 de la sécurité routière.

Les politiques publiques en matière de toxicomanie

Une approche globale

Le traitement individuel a peu à peu fait place à une approche plus systémique, cherchant à aborder le problème de la toxicomanie dans sa globalité.

L’action législative et préventive a longtemps ciblé les produits : l'alcool à partir des années 1950, les drogues dans les années 1970, le tabac à partir des années 1980, avec des approches différentes selon les produits, licites ou illicites.

L’épidémie de sida, dans les années 1990, a fait évoluer la prévention. Au lieu de se cantonner à une approche en termes d’interdiction, on commence alors à parler de réduction des risques (RDR) induits chez les toxicomanes en privilégiant une approche sanitaire : distribution de seringues, élargissement des traitements substitutifs (méthadone)... Si la RDR signifie implicitement l’acceptation de l’usage, elle est aussi la solution du moindre mal pour lutter contre l’extension du sida.

Un cadre légal et des plans successifs

Dès lors, la RDR est inscrite dans les différents plans gouvernementaux de santé publique. De sa prise en compte découlent les réflexions sur l’ouverture de salles de consommation à moindre risque (SCMR), appelées familièrement "salles de shoot". Elles offrent aux toxicomanes un cadre sécurisé qui leur permet de consommer dans des conditions d’hygiène évitant les risques infectieux. La première de ces salles ouvre à Paris en octobre 2016, pour une expérimentation de six ans. Une deuxième salle ouvre en novembre 2016 à Strasbourg. La création d'une SCMR à Marseille a fini par aboutir ; celles envisagées à Bordeaux, Lille, Lyon notamment font débat depuis des années (situation à l'été 2024).

La loi du 9 août 2004 relative à la politique de santé publique introduit une approche transversale, qui s’appuie sur les principes de protection des jeunes et de précocité de l’intervention. Elle inclut parmi ses orientations prioritaires "les comportements à risque et les pratiques addictives", et intègre officiellement la réduction des risques.

Le plan 2007-2011 de prise en charge et de prévention des addictions marque une nouvelle évolution de la politique sanitaire dans ce domaine en s’intéressant davantage aux comportements qu’aux substances psychoactives elles-mêmes. Toute dépendance à des produits (en vente libre ou illicites) et toute activité, même banale, dès lors qu’elle est pratiquée de façon compulsive au détriment d’autres activités sociales, et qu’elle risque d’entraîner des dommages graves pour l’individu et la société, doivent entrer dans le champ de la prévention.

La loi de modernisation de notre système de santé du 26 janvier 2016 tend à renforcer la prévention :

  •  contre l’alcool en obligeant toute personne qui délivre une boisson alcoolique à exiger du jeune client l’établissement de la preuve de sa majorité (jusqu'alors, cette vérification était une simple faculté laissée à la discrétion du débitant de boissons). Il est également interdit d’offrir à un mineur tout objet incitant directement à la consommation excessive d’alcool. Ces objets sont listés par un décret du 6 octobre 2016 : "jeux, vêtements, accessoires de mode, éléments décoratifs, ustensiles et accessoires pour appareils électroniques dont la présentation, le logo, la dénomination ou le slogan incite directement à la consommation excessive d’alcool par un mineur" ;
  • contre le tabac en interdisant de fumer dans un véhicule en présence d’un mineur et de "vapoter" (utiliser une cigarette électronique) dans les lieux où il est interdit de fumer.

Le plan national de mobilisation contre les addictions (PNMA) 2018-2022 souhaite poursuivre et intensifier la politique de lutte contre les addictions en ciblant particulièrement les jeunes. Il s’articule autour de six axes :

  • protéger dès le plus jeune âge ;
  • mieux répondre aux conséquences des addictions pour les citoyens et la société ;
  • améliorer l’efficacité de la lutte contre le trafic ;
  • renforcer les connaissances et favoriser leur diffusion ;
  • développer la coopération internationale ;
  • créer les conditions de l’efficacité de l’action publique sur l’ensemble du territoire.

Le "Bilan du PNMA 2018-2022" salue des avancées, notamment :

Le rapport déplore cependant des difficultés persistantes, dont le non-respect massif de l'interdiction de la vente d'alcool, de tabac et de jeux d'argent et de hasard aux mineurs. Il conclut que certaines priorités ne connaîtront d'avancée significative qu'à condition de bénéficier à l'avenir d'une forte impulsion politique.

Enfin, la nouvelle Stratégie interministérielle de mobilisation contre les conduites addictives (Simca) 2023-2027, lancée le 9 mars 2023 a pour objectifs :

  • de donner à chacun la liberté de choisir en renforçant l'information sur les risques induits par l'usage du cannabis et de la cocaïne et la consommation excessive d'alcool, en particulier ;
  • d'accélérer la protection, des mineurs notamment, dans les milieux de vie. Elle vise par exemple un meilleur respect de l'interdiction de vente d'alcool, de tabac et de jeux d'argent et de hasard aux mineurs ;
  • d'activer toutes les pistes d'action pour une stratégie coordonnée et une mise en œuvre sur l'ensemble du territoire.

Des organismes dédiés

La politique publique de lutte contre la drogue et la toxicomanie se caractérise par sa nature interministérielle affirmée. La responsabilité de coordination et d’animation de cette politique publique est confiée à la Mission interministérielle de lutte contre les drogues et les conduites addictives (Mildeca).

L’Observatoire français des drogues et des toxicomanies (OFDT) rassemble, via son dispositif permanent d’observation et d’enquête, les informations nécessaires pour éclairer les pouvoirs publics, les professionnels de santé et le grand public sur le phénomène des drogues et des addictions. Il évalue le coût social du tabac et de l’alcool à, respectivement, 156 et 102 milliards d’euros (chiffres 2019), et celui des drogues illicites à 7,7 milliards. Le coût social se compose :

  • d’un coût externe : valeur des vies humaines perdues, perte de qualité de vie, perte de production des entreprises et des administrations ;
  • du coût pour les finances publiques : différence entre les dépenses de prévention, de répression et de soins, et les recettes des taxes sur l’alcool et le tabac ainsi que les pensions de retraite non versées.

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