Une égalité professionnelle reconnue par la loi
Au XIXᵉ siècle, les premières mesures adoptées pour encadrer le travail féminin ont d’abord été des mesures protectrices. Les femmes étant d’abord considérées comme des mères, la loi vise à protéger la mère au travail. Ainsi, la loi du 2 novembre 1892 sur le travail des enfants, des filles et de femmes dans les établissements industriels limite la durée du travail des femmes à onze heures par jour et leur interdit le travail de nuit dans l’industrie. D’autres mesures sont ensuite prises pour protéger la grossesse. Cette législation spécifique aux femmes entretient aussi l'image de la femme fragile et toujours potentiellement enceinte.
Après la Seconde Guerre mondiale, l’objet de la législation n’est plus de protéger mais de garantir l’égalité des droits entre les femmes et les hommes. Après le Préambule de la Constitution de 1946, la loi n° 72-1143 du 22 décembre 1972 pose le principe de l’égalité de rémunération “pour un même travail ou un travail de valeur égale”.
La loi n° 75-625 du 11 juillet 1975 interdit de rédiger une offre d’emploi réservée à un sexe, de refuser une embauche ou de licencier en raison du sexe ou de la situation de famille “sauf motif légitime”.
En 1976, la directive européenne du 9 février introduit la notion d’égalité de traitement qui vise à passer d’une égalité formelle à une égalité réelle. La directive enjoint les États à prendre des mesures afin de supprimer toutes les dispositions discriminatoires envers les femmes et contraires au principe de l’égalité de traitement.
La loi Roudy sur l'égalité professionnelle
En France, la loi n° 83-635 du 13 juillet 1983 (dite "loi Roudy") transpose la directive européenne. La loi réaffirme le principe de l’égalité dans tout le champ professionnel (recrutement, rémunération, promotion ou formation). La loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires (dite "loi Le Pors") dispose, dans le champ du secteur public, qu'aucune distinction ne peut être faite entre deux fonctionnaires en raison de leur sexe.
La loi Roudy précise et modifie les dispositions législatives de 1972 et de 1975 en supprimant la notion de "motif légitime" d’une quelconque discrimination et en définissant la notion de "valeur égale". Sont désormais considérés comme ayant une valeur égale et donc méritant un salaire égal “les travaux qui exigent des salariés un ensemble comparable de connaissances professionnelles consacrées par un titre, un diplôme ou une pratique professionnelle, de capacités découlant de l’expérience acquise, de responsabilités et de charge physique ou nerveuse”.
La loi institue l’obligation pour les entreprises de produire un rapport annuel sur la situation comparée des femmes et des hommes dans l’entreprise. L’objectif du rapport de situation comparée (RSC) est de formaliser et de quantifier les inégalités professionnelles. Élaboré par le chef d’entreprise et transmis pour avis au comité d’entreprise, le RSC constitue un outil de diagnostic qui doit permettre d’analyser la situation des femmes et des hommes dans l’entreprise puis de définir les actions susceptibles de supprimer les écarts de situation.
Enfin, la loi complète l’égalité de traitement par la notion d’égalité des chances. Cette dernière notion implique que des actions spécifiques soient engagées envers les femmes pour garantir une égalité réelle. Ces actions “positives” reposent sur des pratiques discriminatoires en faveur des femmes. Ainsi la loi Roudy prévoit la possibilité que des mesures ponctuelles soient prises “au seul bénéfice des femmes visant à établir l’égalité des chances entre hommes et femmes, en particulier en remédiant aux inégalités de fait qui affectent les chances des femmes”.
Développement du dialogue social
La loi n° 2001-937 du 9 mai 2001 relative à l’égalité professionnelle entre les femmes et les hommes (dite "loi Génisson") encourage la mise en œuvre de “mesures de rattrapage tendant à remédier aux inégalités constatées notamment en ce qui concerne les conditions d’accès à l’emploi, à la formation et à la promotion professionnelle et pour ce qui est des conditions de travail et d’emploi”.
La loi Génisson crée aussi une obligation de négocier sur l’égalité professionnelle au niveau de l’entreprise et au niveau des branches. Elle réaffirme l’obligation pour les entreprises de rédiger un rapport de situation comparée qui doit reposer sur des indicateurs chiffrés. La loi Génisson a été renforcée par la loi n° 2006-340 du 23 mars 2006 relative à l’égalité salariale entre les femmes et les hommes. Celle-ci impose des négociations sur des mesures de suppression des écarts de rémunérations qui doivent avoir disparu au 31 décembre 2010.
Des quotas en entreprise
Dans le cadre des actions positives, la loi n° 2011-103 du 27 janvier 2011 fixant des quotas de femmes dans les conseils d’administration et de surveillance (dite "loi Copé-Zimmermann") prévoit l’instauration progressive de quotas pour aller vers la féminisation des instances dirigeantes des grandes entreprises (entreprises publiques et entreprises cotées en bourse). Trois ans après la promulgation de la loi, les instances concernées doivent compter au moins 20% de femmes. Six ans après, le taux de féminisation doit atteindre 40%. Le non-respect de ces quotas entraîne alors la nullité des nominations (sauf celles des femmes). L'ordonnance du 15 octobre 2024 transpose la directive (UE) 2022/2381 et renforce ce dispositif.
La loi n° 2015-994 du 17 août 2015 relative au dialogue social et à l'emploi instaure également une obligation de représentation équilibrée au sein des instances représentatives du personnel dans l’entreprise (délégués syndicaux, délégués du personnel, membres du comité d’entreprise). Les listes de candidats aux élections professionnelles doivent respecter la parité et la règle de l’alternance hommes-femmes sous peine d’annulation des élections.
Des quotas dans les postes de direction des grandes entreprises sont instaurés par la loi du 24 décembre 2021 : 40% de femmes cadres dirigeantes d'ici à 2030, sous peine de pénalité financière pour les entreprises (1% de la masse salariale au maximum). Quand la loi de 2011 concernait les conseils d'administration et de surveillance, celle de 2021 concerne un statut et non plus seulement l'appartenance à une instance. Selon les résultats de l'index de l’égalité professionnelle 2023, un tiers des entreprises comptent moins de deux femmes parmi les dix plus grosses rémunérations. Plus de 60% des entreprises de plus de 1 000 salariés comptent moins de 30% de femmes parmi leurs cadres dirigeants.
Loi pour une égalité réelle entre les femmes et les hommes
La loi n° 2014-873 du 4 août 2014 pour l'égalité réelle entre les femmes et les hommes a permis de mettre en place plusieurs mesures dans le monde du travail :
- interdiction d’accès aux contrats de commande publique (État, collectivités territoriales…) pour les entreprises ne respectant pas les exigences d’égalité professionnelle ;
- les entreprises de plus de 50 salariés doivent désormais déposer leur accord ou plan d’action relatif à l’égalité professionnelle auprès de la direction régionale des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l'emploi (Direccte), sous peine de pénalités financières ;
- le congé parental est réformé afin d’accroître le niveau d'emploi des femmes et favoriser le partage des responsabilités parentales ;
- les licenciements discriminatoires ou liés au harcèlement sexuel sont davantage sanctionnés par le conseil de prud’hommes.
Un index pour combattre les inégalités salariales
En mai 2018, le gouvernement a présenté un plan d’action pour en finir avec les inégalités femmes-hommes dans les entreprises. La loi n° 2018-771 du 5 septembre 2018 pour la liberté de choisir son avenir professionnel a mis en place un outil d’évaluation pour mesurer et corriger les différences de rémunération dans les entreprises. Celles-ci ont désormais une obligation de résultats, et non plus seulement une obligation de moyens.
Tous les ans, chaque entreprise d’au moins 50 salariés doit calculer et publier sur Internet son “index d’égalité femmes-hommes” (Egapro). Cet index prend la forme d’une note sur 100, calculée à partir de quatre critères (pour les entreprises de 50 à 250 salariés) et cinq critères (pour celles de plus de 250 salariés) :
- la suppression des écarts de rémunération entre les femmes et les hommes, par catégorie de postes équivalents et par tranche d’âge (40 points) ;
- la même chance d’avoir une augmentation pour les femmes que pour les hommes (20 points) ;
- la même chance d’obtenir une promotion pour les femmes que pour les hommes (15 points) ;
- l’augmentation de salaire garantie au retour de congé maternité (15 points) ;
- la parité parmi les 10 plus hautes rémunérations (10 points).
Les entreprises doivent atteindre a minima la note de 75 sur 100 d’ici à trois ans. Si leur score est inférieur à 75, les entreprises doivent mettre en place des mesures correctives sous peine d'une amende sanctionnant les inégalités de salaires, pouvant aller jusqu’à 1% du chiffre d’affaires. Selon l'index 2024, 6% des entreprises ont obtenu un score de zéro sur le critère "augmentations au retour de congé maternité" (en stagnation par rapport à 2023) . Elles sont donc en infraction avec la loi de 2006 qui impose d'appliquer aux femmes concernées les mêmes augmentations que celles des salariés durant leur absence. La note moyenne des entreprises en 2024 est de 88/100.
Par ailleurs, la transparence de cet index a été améliorée par la loi du 24 décembre 2021.
Accélérer l'égalité économique et professionnelle
La loi du 24 décembre 2021 visant à accélérer l'égalité économique et professionnelle instaure l'obligation de verser le salaire ou les prestations sociales sur un compte bancaire dont la bénéficiaire ou la salarié est la détentrice ou la codétentrice. Un tiers ne peut être désigné par la salariée pour recevoir le salaire.
Les femmes seules avec enfants bénéficiaires de l'allocation de soutien familial disposent de places réservées en priorité dans les les crèches à vocation d'insertion professionnelle (AVIP). En effet, seuls 3% des enfants issus des familles bénéficiaires d’un minimum social sont gardés en crèche. Cela constitue un frein pour le retour à l'emploi.
Afin de garantir l'accès des femmes entrepreneures à l'investissement, la banque publique Bpifrance devra respecter des objectifs de mixité. Les comités de sélection des projets devront respecter un seuil de 40% de femmes d'ici à 2027.
Mais des inégalités persistantes
Depuis la Seconde Guerre mondiale, le marché du travail s’est fortement féminisé. Les femmes représentent environ 48% de la population active française. En 2023, le taux d'activité des femmes âgées de 15 à 64 ans, en emploi ou au chômage, est de 71,2%, quand celui des hommes est de 76,8% (+5,6 points - Tableau de bord de l'économie française).
Pourtant, la situation des femmes sur le marché de l’emploi reste plus fragile que celle des hommes. Les femmes travaillent plus souvent à temps partiel, occupent plus souvent des emplois à bas salaire et, quand elles parviennent à accéder aux professions supérieures, les femmes continuent à se heurter à un plafond de verre qui leur interdit les fonctions dirigeantes.
Selon les "Chiffres clés : Vers l'égalité réelle entre les femmes et les hommes - Édition 2023", les femmes représentent :
- 91% des aides-soignants ;
- 95% des aides à domicile et aides ménagères ;
- 67% des enseignants ;
- 96% des secrétaires ;
- 18% des dirigeants d'entreprise ;
- 18% des ingénieurs de l'informatique ;
- 75,1% des salariés à temps partiel.
D'après un rapport de la Cour des comptes de 2025 sur les inégalités entre les femmes et les hommes, de l'école au marché du travail, "sur la période 2013-2016, parmi les 87 familles professionnelles (FAP) qui couvrent l’ensemble des métiers, dix concentrent près de la moitié des femmes […] les métiers de services et du soin, en particulier agents d’entretien ou aides-soignants". Deux métiers comptent moins de 0,05% d'hommes dans leurs effectifs : assistant maternel et employé de maison.
Des femmes peu présentes dans les postes à responsabilités
Dix ans après l'adoption de la loi Copé-Zimmermann, le Haut Conseil à l'égalité entre les femmes et les hommes (HCEfh) fait les constats suivants :
- la loi est un succès dans les grandes entreprises : 44,6% de femmes dans les conseils d’administration des entreprises du CAC40 et 45,6% pour le SBF 120 en 2020 ;
- les femmes occupent 34% des sièges dans les conseils des entreprises cotées en-deçà du SBF 120 et 24% dans les entreprises non cotées de 500 salariés et plus et 50 millions d’euros de chiffre d’affaires en 2018 ;
- dans les entreprises non concernées par la loi, la parité n'est pas appliquée ;
- "la parité s’arrête aux portes du pouvoir" : trois femmes PDG d’une entreprise du SBF 120 et une femme DG d’une entreprise du CAC40 ; 21% de femmes dans les comités exécutifs (comex) et les comités de direction (codir) des entreprises du SBF 120 en 2021.
Des mentalités qui peinent à évoluer
En 2011, une étude de l’Insee intitulée "couple, famille, parentalité, travail des femmes" montre qu’une personne sur quatre continue à penser que les hommes devraient être prioritaires sur les femmes pour trouver un emploi en période de crise économique. Les femmes conservent une image de personnes moins disponibles que les hommes puisqu’elles doivent concilier leur vie professionnelle et leur vie familiale. Le rapport 2024 sur l'état des lieux du sexisme en France, du HCEfh, souligne que les stéréotypes de genre se renforcent, notamment chez les hommes : 70% d'entre eux pensent encore qu'un homme doit prendre soin financièrement de sa famille pour être respecté (contre 63% de femmes). Le rapport 2025 révèle que 94% des femmes de 15 à 24 ans considèrent qu'il est difficile d'être une femme dans la société actuelle, chiffre en progression de 14 points par rapport à l'année précédente.
Les responsabilités familiales restent globalement celles des femmes. Les hommes continuent à peu s’investir dans les tâches ménagères et rares sont ceux qui modifient leur activité professionnelle à la naissance d’un enfant. Selon le rapport 2025 du HCEfh, 80% des femmes font le ménage ou la cuisine au moins une heure par jour, contre 36% des hommes. Cette inégalité se renforce avec le nombre d'enfants. Les rendez-vous médicaux en ligne sont pris par les mères à 83%.
L'édition 2022 de l'étude "Femmes et hommes, l'égalité en question" révèle que seuls 7% des hommes inactifs le sont pour des raisons familiales (ou se déclarent "hommes au foyer"), contre 54% des femmes inactives.
Mieux concilier vie professionnelle et vie familiale
Depuis les années 1970, des politiques publiques ont été définies pour assurer une meilleure articulation des temps de vie. En France, ces actions visent à permettre aux femmes de cumuler leurs rôles professionnels et familiaux. L’accueil des jeunes enfants a notamment été développé en considérant que la responsabilité du soin des enfants devait être partagée entre l’État (par l’intermédiaire des crèches, écoles maternelles, etc.) et la famille.
La loi du 23 mars 2006 comporte un volet consacré à l’articulation de la vie professionnelle et de la vie familiale qui vise à accompagner les entreprises dans leur gestion des ressources humaines et à favoriser la carrière des femmes. L’articulation des temps constitue d’ailleurs un des thèmes de la négociation de branche.
À l'inverse, la création de l’allocation parentale d’éducation (APE) en 1985 relève d’une approche plus traditionnelle de la politique familiale puisqu’elle encourage les femmes à quitter momentanément le marché du travail. De fait, l’APE a provoqué le retrait du marché du travail de mères qui occupaient jusqu’alors un emploi peu qualifié et a renforcé la division traditionnelle du travail entre les femmes et les hommes.
Les inégalités salariales femmes-hommes
Une autre inégalité persistante est celle des écarts de salaire entre les femmes et les hommes. Selon l'édition 2023 des chiffres clés, l'écart de revenu salarial moyen annuel (2021) entre femmes et hommes est de 24,4%. D'après l'étude de l'Insee de 2022 "Femmes et hommes, l'égalité en question", cet écart s'amplifie tant dans les bas revenus (25%) que dans les hauts revenus (21%). Parmi les 1% des salariés les mieux rémunérés du secteur privé en 2021, 21,9% sont des femmes (chiffres clés 2023).
L'étude de 2022 de l'Insee montre que les écarts relatifs de revenu salarial annuel moyen entre hommes et femmes sont en 2019 et selon le diplôme de :
- 28,5% (pas de diplôme) ;
- 26% (inférieur au bac) ;
- 22,9% (bac à bac +2) ;
- 30,7% (bac +3 ou plus).
Ces écarts se retrouvent entre hommes et femmes à catégorie socioprofessionnelle comparable :
- 20,6% (cadres) ;
- 16,4% (professions intermédiaires) ;
- 9,9% (employés) ;
- 30,5% (ouvriers).
À noter que les écarts s'accroissent avec l'âge :
- 19,2% (moins de 25 ans) ;
- 19,4% (25-39 ans) ;
- 23,1% (40-49 ans) ;
- 26,4% (50-54 ans) ;
- 27,2% (55 ans ou plus).
À ces écarts de salaire, s'ajoutent les inégalités de volume de travail (les femmes sont plus souvent à temps partiel, notamment). Selon le tableau de bord de l'Insee sur l'égalité femmes-hommes, en 2022, 26,5% des femmes sont en temps partiel contre 8,4% des hommes.
Ces écarts salariaux reflètent la répartition différenciée des hommes et des femmes dans l’emploi (les femmes sont moins souvent cadres que les hommes et occupent plus souvent des postes peu qualifiés). Selon une étude de l'Insee sur les écarts de rémunération, accéder aux 3% d'emplois les mieux rémunérés est deux fois plus probable pour les hommes que pour les femmes. Cette proportion passe à deux fois et demie pour l'accès au 0,1% des emplois les mieux rémunérés.
Malgré la progression du niveau moyen d’éducation des femmes et l’interdiction de toute forme de discrimination envers les femmes, la répartition des femmes et des hommes sur le marché du travail évolue peu. C’est cet inégal accès à l’emploi qui est le principal facteur de la persistance des écarts de salaires entre les femmes et les hommes. Au-delà de la législation, ce sont donc les comportements et les mentalités qui doivent encore évoluer.