Le tourisme, un levier de développement économique
Apparu en Europe au XIXᵉ siècle, le tourisme est passé d’une pratique culturelle réservée à une élite à un phénomène de masse. Depuis les années 1950, ce secteur n'a cessé de se développer partout dans le monde, jouant un rôle majeur dans l’économie mondiale.
Un moteur de l'économie mondiale
La crise du Covid-19 a mis en évidence "le rôle déterminant du tourisme pour l’économie, à l’échelon mondial, national et local", selon l'Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE).
Avant la pandémie, le tourisme international enregistrait une hausse de 3% à 4% par an. En 2019, 1,5 milliard de touristes internationaux ont voyagé, d'après les données de l'Organisation mondiale du tourisme (OMT). C'est 60 fois plus que dans les années 1950 (25 millions de touristes). Troisième secteur économique mondial après la chimie et les carburants, le tourisme contribuait à hauteur de 10% du produit intérieur brut (PIB) mondial.
La crise sanitaire du Covid-19 en 2020 a provisoirement changé la donne. Après six décennies de croissance régulière, le secteur a été quasiment à l’arrêt pendant deux ans à cause des restrictions de circulation et des fermetures de frontières. En 2020, le tourisme mondial est revenu à son niveau de 1990 avec une diminution de plus de 70% des arrivées de touristes.
Cela a eu des conséquences économiques majeures : la pandémie a causé une perte de plus de 2 000 milliards de dollars pour le PIB mondial rien que sur l'année 2020. En 2021, la contribution économique du tourisme est estimée à 1 900 milliards de dollars, bien loin des chiffres d'avant la pandémie (3 500 milliards). S'ajoutent à cela des pertes d’emplois substantielles dans le secteur, qui emploie actuellement plus de 270 millions de personnes à travers le monde (chiffres de l'Organisation internationale du travail ‒ OIT), contre 330 millions en 2019.
Néanmoins, le tourisme a connu un regain en 2022 avec plus de 960 millions de touristes internationaux, soit les deux tiers du volume d'avant la pandémie. La reprise a été plus importante que prévu sous l'effet du rattrapage de la demande et de l'assouplissement des restrictions dans de nombreux pays. L'OMT (aussi appelée "ONU Tourisme" depuis 2024) confirme cette progression avec un bilan de 1,3 milliard de touristes internationaux en 2023 et 1,4 milliard en 2024, année où le tourisme international retrouve ses niveaux d'avant-crise.
Depuis la reprise post-Covid, la plupart des destinations ont enregistré une hausse considérable des recettes du tourisme international. Ces recettes ont franchi le cap des 1 600 milliards de dollars en 2024, soit environ 4% de plus qu'en 2019. Elles augmentent très fortement pour plusieurs pays (Koweït, Salvador, Arabie saoudite, Albanie, Serbie...). Parmi les cinq premières destinations mondiales en termes de recettes touristiques, le Royaume-Uni (+40%), l'Espagne (+36%), la France (+27%) et l'Italie (+23%) connaissent une forte hausse par rapport à 2019.
Le secteur représente donc un potentiel important de croissance économique pour les pays, notamment en termes d’emplois. Au fil des années, de nouvelles destinations se sont ouvertes au tourisme, créant une source de revenus pour bon nombre de pays en développement.
Un atout économique pour la France
Le tourisme est un secteur économique stratégique pour la France. Le pays reste le plus visité dans le monde, devant l’Espagne et les États-Unis, avec plus de 100 millions de visiteurs internationaux en 2024. Une année record selon Atout France puisque le nombre de visiteurs dépasse les 90 millions enregistrés en 2019.
En Île-de-France, 48,7 millions de touristes ont été accueillis, soit 2,5% de plus qu'en 2023, indique le Comité régional du tourisme. Le nombre de visiteurs augmente, notamment grâce à l'organisation des Jeux olympiques et paralympiques en 2024 et à la réouverture de la cathédrale Notre-Dame de Paris également en 2024.
La fréquentation des hébergements touristiques en France (hôtels, campings, auberges) passe de 454 millions de nuitées en 2023 (une année record) à 451 millions de nuitées en 2024, d'après les données de l'Institut national de la statistique et des études économiques (Insee). Les capacités d'accueil et les taux d'occupation ne cessent de croître dans les établissements les mieux classés.
Concernant les recettes liées au tourisme, les visiteurs étrangers ont rapporté 71 milliards d'euros à la France en 2024, soit un niveau supérieur à ceux de 2019 et 2023 (+12% en un an). La Belgique, le Royaume-Uni, l'Allemagne, la Suisse et les États-Unis sont les principaux pourvoyeurs de recettes pour la France (+5% à +15% par rapport à 2023).
Le 24 juillet 2025, lors d'un comité interministériel du tourisme, le Premier ministre, François Bayrou, a appelé à valoriser ce secteur en tant que levier de croissance. Le comité a fixé comme objectif d'atteindre 100 milliards d'euros de recettes touristiques internationales d'ici 2030.
Les effets du surtourisme sur les villes
Si la croissance des flux touristiques en France et dans le monde a un impact positif sur l’économie, elle a aussi des effets néfastes sur les territoires.
Pour certaines destinations très prisées des voyageurs, il n’est plus question de développer le tourisme, mais plutôt de le limiter. Le terme “surtourisme” (ou "hypertourisme”) est apparu ces dernières années pour désigner le phénomène de saturation des sites touristiques par un nombre grandissant de visiteurs.
D’après l’OMT, 95% des touristes mondiaux visiteraient moins de 5% des terres émergées. À l’échelle de la France, 80% de l’activité touristique se concentre sur 20% du territoire.
En 2023, le gouvernement lance un plan national pour réguler les flux touristiques. Il prévoit notamment de promouvoir un tourisme des "quatre saisons" mieux réparti sur le territoire, et des sites moins connus. Il envisage également la création d'un observatoire national des sites touristiques majeurs afin de mesurer les flux touristiques et leurs impacts.
Dans le cadre du plan, Atout France lance en juin 2023 un appel à manifestation d'intérêt visant à sélectionner des sites touristiques très attractifs qui souhaitent mieux gérer leurs pics d'affluence ; les 25 projets retenus en 2024 bénéficient d'un appui technique et financier pendant 18 mois. La Direction générale des entreprises (DGE) publie en août 2024 un "Vade-mecum sur la gestion des flux touristiques" destiné aux professionnels du secteur. France Tourisme observation œuvre à la création d'un observatoire des sites d'ampleur.
Face à la pression touristique, les autorités locales adoptent des mesures plus restrictives pour protéger les villes et leurs populations : instauration de quotas de visiteurs, création de taxes, fermeture complète de l'accès aux sites ou pratique du "démarketing" (diffusion d'images de plages bondées afin de dissuader les visiteurs, par exemple).
- Une menace pour le patrimoine culturel
Certains lieux ne sont pas adaptés pour recevoir un trop grand nombre de voyageurs et manquent d’infrastructures.
À Venise, près de 30 millions de personnes visitent chaque année la ville, qui compte moins de 50 000 résidents. Cela représente une proportion de 600 touristes par habitant. Malgré l'inquiétude de l'Organisation des Nations unies pour l'éducation, la science et la culture (Unesco), le Comité du patrimoine mondial décide en 2023 de ne pas inscrire Venise sur la Liste du patrimoine mondial en péril car la ville s'engage à mettre en place en 2024 un système de gestion des flux de voyageurs. Depuis 2019, les bateaux de croisière sont interdits dans le centre-ville, les remous qu'ils provoquent fragilisant les fondations de la cité. Du 25 avril au 14 juillet 2024 est expérimentée une taxe d’entrée de 5 euros pour les touristes de plus de 14 ans souhaitant visiter le centre historique. Elle réduit légèrement la fréquentation et permet de collecter 2,4 millions d'euros. Entre le 18 avril et le 27 juillet 2025, la ville impose à nouveau aux visiteurs d'un jour ce droit d'entrée, majoré à 10 euros s'ils réservent moins de quatre jours à l'avance.
Depuis 2024, les voyageurs en partance pour l'île de Bali, en Indonésie, doivent régler une taxe touristique de 150 000 roupies (environ 9 euros) par personne. De même, depuis le 1er juillet 2025 et durant trois mois, les passagers de navires de croisière débarquant à Santorin ou Mykonos, en Grèce, doivent s'acquitter d'une taxe de 20 euros, et Santorin maintient un plafond de 8 000 visiteurs par jour.
La municipalité de la cité fortifiée de Dubrovnik (Croatie) a installé un compteur à l’entrée de la ville et limité l’accès à 4 000 visiteurs par jour pour préserver l’authenticité de la citadelle. De plus en plus de sites touristiques menacés par le surtourisme instaurent des quotas de visiteurs pour protéger leur patrimoine culturel, par exemple le parc Güell à Barcelone et la cité Inca du Machu Picchu au Pérou.
- Un tourisme qui nuit à la qualité de vie locale
Barcelone, Rome, Amsterdam… Victimes de leur succès, ces villes voient leur population se multiplier avec la venue des touristes, créant d’importants déséquilibres au niveau local : rues et transports surchargés, nuisances sonores, plages bondées… Les commerces de proximité cèdent la place à des bars et des boutiques de souvenirs. La prolifération d’hôtels et d’hébergements touristiques engendre une pénurie de logements pour les habitants et une hausse des prix de l’immobilier.
L’OMT s’inquiète d'une “tourismophobie” croissante. Ce rejet du tourisme s'observe depuis quelques années dans plusieurs grandes villes européennes.
- Un déséquilibre du marché locatif
Pour lutter contre la pression immobilière liée au tourisme, des villes comme Amsterdam et Barcelone interdisent désormais la construction d’hôtels, d’auberges de jeunesse et d’appartements locatifs dans le centre.
Mais l’essor des plateformes de location de logements entre particuliers reste plus difficile à contrôler pour les municipalités. De plus en plus de logements en location classique deviennent des meublés touristiques. À Paris, le site Airbnb a publié 68 000 annonces de ce type en 2017, 98 046 en juillet 2024 (lors des Jeux olympiques) et 90 299 fin 2024. En 2020, 22 villes européennes, dont Paris, portent auprès de la Commission européenne une demande de régulation des meublés touristiques via des plateformes. Le Parlement européen adopte en 2024 un règlement destiné à harmoniser les règles de la location à court terme, qui représente 25% de l’hébergement touristique de l’Union européenne (UE).
Les villes touristiques multiplient les initiatives pour réguler ces locations. La mise sur le marché de meublés touristiques est de plus en plus encadrée en zone tendue :
- la loi pour une Républiqe numérique (2016) prévoit que les annonces en ligne doivent comporter un numéro d’enregistrement pour vérifier que les résidences principales ne sont pas louées plus de 120 nuitées par an. Cet enregistrement devient obligatoire dans les communes de plus de 200 000 habitants (Paris, Lyon, Marseille, Bordeaux...) ;
- la loi portant évolution du logement, de l'aménagement et du numérique ("loi ELAN") de 2018 prévoit des sanctions de 5 000 à 10 000 euros à l'encontre des propriétaires qui ne déclarent pas leur location touristique ou qui la louent plus de 120 jours par an ;
- la loi du 19 novembre 2024 visant à renforcer les outils de régulation des meublés de tourisme à l'échelle locale abaisse l'abattement fiscal appliqué à leurs revenus locatifs, les soumet à un diagnostic de performance énergétique (DPE), élargit les pouvoirs du maire et introduit de nouvelles règles dans les copropriétés. Par suite, la Ville de Paris durcit dès janvier 2025 les règles de cette location : louer sa résidence principale en meublé touristique est limité à 90 jours (au lieu de 120) et les boîtes à clés sont interdites dans l'espace public.
À Saint-Malo et à Annecy, les municipalités ont instauré des quotas par zones. Au Pays basque, 24 communes ont instauré en 2022 un principe de "compensation" (création d'un logement à l'année d'une surface au moins égale à celui qui fait l'objet d'une location saisonnière). Il était déjà en vigueur dans des villes comme Paris ou Bordeaux.
Des conséquences néfastes pour l’environnement
Au-delà des répercussions négatives sur la population locale, le surtourisme exerce inévitablement des pressions sur l’environnement.
- Surconsommation des ressources naturelles
L’activité touristique augmente les besoins en énergie, en nourriture et en eau (par exemple pour le remplissage des piscines dans les hôtels, dans des pays où la ressource est déjà limitée comme en Afrique ou en Inde). - Production croissante de déchets qui polluent la nature
La Méditerranée est l'une des mers les plus polluées au monde. Le plastique constitue 95% des déchets présents sur ses plages et en surface. L'activité touristique dans la région (plus de 200 millions de touristes par an) aggrave le niveau de pollution marine de 40% chaque été. - Pollution de l’eau et des sols qui nuit à la biodiversité (substances chimiques comme celles contenues dans les crèmes solaires, rejet des eaux usées).
En 2018, les Philippines ferment six mois l’île de Boracay aux touristes car elle est polluée par les eaux usées que les hôtels déversent directement dans la mer. Le gouvernement a dû améliorer ses équipements d’assainissement, inadaptés au nombre de touristes. - Destruction des écosystèmes (bétonisation des côtes, déforestation).
En Thaïlande, la plus célèbre plage du pays, Maya Bay, est fermée par les autorités de 2018 à 2022 pour permettre aux récifs coralliens de se reformer et ainsi empêcher l’érosion de la baie. L’écosystème fragile des lieux a été endommagé pendant des années par les bateaux à moteur qui stationnaient dans la baie et faisaient visiter la plage aux touristes. Depuis 2022, l'accès à la plage est interdit pendant la mousson (du 1er août et 30 septembre) pour que la nature puisse se régénérer. - Disparition de la biodiversité (perturbation des espèces, destruction de la végétation).
Des lieux préservés, encore inconnus il y a quelques années, ont été popularisés par les réseaux sociaux, des films ou des séries télévisées. C’est le cas de l’Islande, qui est passée de 500 000 touristes en 2010 à 2,2 millions en 2019 et 1,7 million en 2022. Le pays devrait mettre en place une taxe touristique réinvestie dans les infrastructures publiques et la protection des ressources naturelles.
En France, les calanques de Marseille sont menacées depuis plusieurs années par l'érosion, fragilisées par le piétinement de milliers de visiteurs quotidiens. Depuis 2022, un système de réservation gratuite limite l'accès aux criques de Sugiton à 400 visiteurs par jour, au lieu de 2 500 auparavant en haute saison.
À Étretat, des associations plaident pour une limitation des visiteurs. Chaque année, plus d'un million de touristes se pressent au sommet des falaises, accentuant l'érosion des côtes. De plus en plus de sites naturels en France, victimes de surtourisme, sont soumis à des quotas, telles les îles de Porquerolles, de Port-Cros et du Levant ou encore l'île de Bréhat. - Pollution de l’air contribuant au réchauffement climatique.
En 2019, le tourisme est à l’origine de 8,8% des émissions mondiales de gaz à effet de serre (GES), avec une croissance annuelle de 3,5% entre 2009 et 2019, d'après le site de l'Agenda 2030. L'empreinte carbone du tourisme se compose des émissions directes (dont 52% proviennent de l'aviation et 18% du transport routier), des émissions indirectes (surtout liées aux services et à la production pétrolière) et de celles que génèrent les véhicules privés. Les émissions touristiques des États-Unis, de la Chine et de l'Inde représentent 40% du total mondial.
Des mesures en faveur du climat
L'une des solutions envisagées pour réduire l’impact des voyages sur le climat est la compensation carbone. De plus en plus de compagnies aériennes proposent à leurs passagers de payer une taxe sur le prix du billet afin de compenser leurs émissions de dioxyde de carbone (CO2) en finançant des projets dans le domaine des énergies renouvelables, de l’efficacité énergétique ou de la reforestation.
Après la conférence de Paris sur le climat (COP 21), les États membres de l’Organisation de l'aviation civile internationale (OACI), dont la France, ont signé en 2016 un accord visant à stabiliser les émissions de CO2 dans le transport aérien international à partir de 2020 et à réduire de moitié les émissions du secteur d’ici 2050. Dans le cadre du programme Corsia, les compagnies aériennes doivent compenser leurs émissions de carbone depuis 2021 (achat de crédits carbone, utilisation partielle de carburants verts pour remplacer la consommation de kérosène...). En phase pilote jusqu'en 2023, le programme est entré dans sa première phase (2024-2026), dite de "participation volontaire à la compensation".
Pour financer les transports alternatifs, en particulier le ferroviaire, le gouvernement augmente en 2020 la taxe de solidarité sur les billets d'avion (TSBA), dite "taxe Chirac", créée en 2005. Elle connaît une nouvelle hausse au 1er mars 2025, passant par exemple de 2,63 euros à 7,40 euros pour un billet en classe économique vers la France ou l'Europe.
L’UE envisage, quant à elle, de taxer le kérosène pour diminuer les émissions de CO2. Cependant, les États membres ne parviennent pas à trouver un accord sur le sujet. Depuis 1944, le carburant des avions est exonéré de taxes en vertu de la convention de Chicago, afin d’encourager le développement des liaisons internationales. Plusieurs associations de défense de l’environnement réclament la taxation du carburant pour limiter l’impact du trafic aérien sur le climat.