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Réinsertion des détenus : les missions de l'administration pénitentiaire

Temps de lecture  11 minutes

Par : La Rédaction

L'administration pénitentiaire n’a pas pour unique mission la garde des détenus. Elle doit aussi prévenir la récidive et contribuer à l’insertion ou à la réinsertion des personnes qui lui sont confiées par l’autorité judiciaire. Cette mission relève tout particulièrement des services pénitentiaires d’insertion et de probation (SPIP).

En vue d’assurer la réinsertion des détenus, la loi pénitentiaire de 2009 les soumet à une obligation d'activité (article L411-1 du code pénitentiaire) : ils doivent exercer au moins une des activités proposées par le chef de l'établissement pénitentiaire et le directeur du service pénitentiaire d'insertion et de probation (SPIP). Il peut s'agir d'une activité ou d'une formation professionnelle, d'une activité éducative, culturelle, sportive...

Ce principe, inspiré des règles pénitentiaires européennes, est toutefois difficilement mis en œuvre dans les établissements pénitentiaires, particulièrement dans les maisons d’arrêt en raison de leur surpopulation. L’attente pour accéder à un travail, à un enseignement ou à une formation professionnelle est fréquente.

Une agence créée en décembre 2018, l'agence du travail d'intérêt général et de l'insertion professionnelle des personnes placées sous main de justice (ATIGIP), est chargée de développer le travail, la formation et l'insertion professionnelles en prison. Pour réaliser sa mission, l'ATIGIP est composée de référents territoriaux du travail d'intérêt général (TIG) et de référents interrégionaux de l'insertion professionnelle. 

Le travail en détention

Le travail a très longtemps été considéré comme un châtiment faisant partie intégrante de la peine privative de liberté. Il était obligatoire et devait punir le condamné. Depuis la loi du 22 juin 1987 relative au service public pénitentiaire, l’objectif assigné au travail a été profondément modifié. Le travail est promu gage de réinsertion sociale. 

Le contrat d'emploi pénitentiaire

Les détenus qui en font la demande ont le droit d'exercer une activité professionnelle et de bénéficier d'une formation professionnelle (article 717-3 du code de procédure pénale). Ceux qui souhaitent travailler doivent demander à être "classés" par décision du directeur de la prison, après examen par une commission, avant d'être affectés à un poste de travail. 

La loi du 22 décembre 2021 pour la confiance dans l'institution judiciaire a réformé le statut des détenus travailleurs (consacré aux articles L412-1 et suivants du code pénitentiaire). Auparavant, les personnes détenues ne bénéficiaient pas d'un contrat de travail mais travaillaient en application d'un acte d'engagement les liant au directeur de la prison. Depuis le 1er mai 2022, chaque détenu qui travaille signe un contrat d'emploi pénitentiaire (CEP) et une convention annexe qui lui permettent de bénéficier de règles de droits commun relatives à la durée du travail et aux plannings prévisionnels de travail. Les modalités relatives au recrutement, au contenu du contrat et à son exécution sont précisées par un décret du 25 avril 2022.

La rémunération minimale représente une part du SMIC (de 20 à 45%).

Pour améliorer la réinsertion, une ordonnance du 19 octobre 2022, prise en application de la loi du 22 décembre 2021, crée de nouveau droits sociaux : les détenus cotisent à l'assurance chômage et à l'assurance vieillesse et bénéficient d'indemnités journalières en cas de congé maladie, maternité, accident de travail, maladie professionnelle... 

Les différentes modalités d'emploi

Les personnes incarcérées peuvent en premier lieu être employées par l’administration pénitentiaire :

  • soit au service général de la prison, en participant à son fonctionnement et à son entretien (cuisine, blanchisserie, nettoyage, bibliothèque, plomberie, etc.) ;
  • soit en atelier pour la régie industrielle des établissements pénitentiaires (RIEP), gérée par l'ATIGIP. Les ateliers de production sont principalement implantés dans des établissements pour peine et produisent des équipements pour les collectivités publiques ou des biens et services pour le secteur privé en sous-traitance (meubles, imprimerie, informatique, confection, mécanique générale, etc.).

Les détenus peuvent en second lieu travailler dans un atelier installé dans la prison ou en cellule pour des entreprises privées ou des associations, qui sont soit concessionnaires de l’administration pénitentiaire, soit titulaires des marchés de fonctionnement des établissements à gestion déléguée. Dans ce cas, le contrat d'emploi pénitentiaire est directement conclu avec la structure privée. Le travail qui y est effectué est souvent peu qualifié (montage, pliage, assemblage, conditionnement, etc.)

Des réformes en faveur de l'emploi de détenus éloignés du travail ou handicapés

Depuis 2016, des structures d'insertion par l'activité économique (SIAE) sont ouvertes dans des établissements pénitentiaires pour favoriser le travail des détenus les plus éloignés de l'emploi. La loi du 5 septembre 2018 pour la liberté de choisir son avenir professionnel et deux décrets du 31 mars 2021 permettent à des entreprises adaptées (EA) de proposer du travail aux détenus en situation de handicap. Dans la même optique, l'ordonnance du 19 octobre 2022 prévoit la possibilité pour les établissements ou services d'aide par le travail (ESAT), destinés aux travailleurs handicapés, de s'implanter en prison.

Un taux de travailleurs en baisse

Si l’intention du législateur était en 1987 d’offrir à tous les détenus volontaires un travail en vue de leur réinsertion, la réalité est tout autre. L’activité en détention est limitée par la faiblesse des offres existantes, la baisse de l'employabilité des détenus, la configuration des locaux, les exigences de sécurité et la surpopulation carcérale. 

D'après le ministère de la justice, environ 30% des détenus travaillaient en 2022, un taux en baisse depuis une vingtaine d'années. Pour réduire le risque de récidive et enrayer la baisse du travail pénitentiaire, le gouvernement s'est fixé un objectif de 50% de détenus travailleurs (taux qui avait été atteint au début des années 2000). 

Dans son rapport d’activité 2015, la Contrôleure générale des lieux de privation de libertés (CGLPL) indiquait souhaiter que "la loi indique clairement le rôle du travail en détention en termes de préparation à l’insertion ou à la réinsertion, définisse des règles plus étendues en matière de relations du travail, notamment de rupture de ces relations et de rémunération".

La formation professionnelle

Comme en matière de travail, la formation professionnelle est un droit pour les détenus (article 717-3 du code de procédure pénale). Dans les faits, ce droit n'est pas toujours respecté, et l’offre de formation peut varier considérablement d’un établissement pénitentiaire à un autre. En 2022, seulement 7% des détenus ont eu accès à une formation professionnelle, selon le ministère de la justice. Pourtant, plus de la moitié des détenus se situaient au plus à niveau de fin d'études primaires, et ne disposaient pas de qualification professionnelle. 

Une organisation au niveau régional

La loi du 5 mars 2014 relative à la formation professionnelle, à l’emploi et la démocratie sociale a revu l’organisation et le financement de la formation professionnelle en prison et les a confiés aux régions. En avril 2018, la direction de l'administration pénitentiaire a signé une convention avec l'Association des régions de France afin de stabiliser l'intervention des régions en la matière. Des conventions ont, par ailleurs, été signées à l'échelle locale, entre les directions interrégionales de l'administration pénitentiaire et les régions.  

La prise en charge de la formation professionnelle par les régions suscite des attentes mais aussi des inquiétudes. Dans certaines régions, les actions de formation des détenus se développent rapidement, tandis que dans d'autres des retards sont constatés.

Les réformes en faveur de l'accès à la formation

Le sujet de la formation continue de progresser. Ainsi, la convention-cadre nationale Pôle emploi justice 2020-2022 permet notamment de proposer aux détenus une offre de service élargie en matière d'orientation et d'accompagnement à l'emploi. Elle généralise l'accès au certificat de connaissances et de compétences professionnelles "CléA" en détention et la mise en place d'au moins un forum emploi par an dans tous les établissements pénitentiaires. 

Le 22 mars 2022, une convention nationale sur la formation professionnelle des personnes placées sous main de justice a été signée. Elle fixe plusieurs priorités : accroître le nombre de places de formations proposées en détention, diversifier les domaines d'activité des formations proposées...

L'ordonnance du 19 octobre 2022 consacre les droits à la formation des détenus via l'ouverture d'un compte personnel d'activité (CPA).

L'expérimentation de l'apprentissage en prison 

À partir du 1er janvier 2020, en vertu de la loi du 5 septembre 2018 pour la liberté de choisir son avenir professionnel, une formation par l'apprentissage a été expérimentée dans les établissements pénitentiaires. La loi du 22 décembre 2021 pour la confiance dans l'institution judiciaire a prolongé de deux ans l'expérimentation de l'apprentissage en prison, qui a pris fin le 31 décembre 2024. Cette expérimentation a permis aux détenus âgés entre 16 et 29 ans de suivre une formation afin d'obtenir une qualification professionnelle. L'apprenti signait un acte d'engagement avec le directeur de l'établissement, et percevait une rémunération d'au moins 33% à 45% du SMIC. 

L’enseignement, les activités culturelles et sportives

L’enseignement, la culture et les activités sportives en détention sont également facteurs de réinsertion sociale.

L'enseignement

Les personnes détenues ont droit à l'enseignement de base ainsi qu'à l'enseignement secondaire et supérieur. Elles peuvent également passer les épreuves d'un diplôme (brevet des collèges, bac, brevet de technicien supérieur - BTS...) en prison, ou sur permission de sortie. 

Les ministères de la justice et de l’éducation nationale sont liés par une convention de partenariat, qui organise l’enseignement en milieu carcéral. L’enseignement est assuré par des personnels de l’éducation nationale. Il peut aussi se faire par correspondance, principalement avec l’association de professeurs bénévoles Auxilia mais aussi avec les universités ou le centre national d’enseignement à distance (Cned). 

L'enseignement s'adresse en priorité aux mineurs et jeunes adultes incarcérés ainsi qu'aux majeurs sans qualification, ni diplôme, notamment les illettrés et les non francophones. Environ un quart des personnes incarcérées a des besoins importants dans la maîtrise des savoirs de base notamment en français. Dans un référé du 22 mars 2016 sur la prise en charge et le suivi par l’administration pénitentiaire des majeurs condamnés, la Cour des comptes estime que "si les efforts fournis pour élever le niveau éducatif [en prison] doivent être salués, le repérage de l’illettrisme ne progresse pas". 

En 2022-2023, selon le bilan annuel de l'enseignement en milieu pénitentiaire, 43 716 personnes détenues ont été scolarisées (29% des détenus). Ce taux atteint quasiment 100% dans le cas des mineurs. 

Les activités culturelles, artistiques et sportives

La préparation à la réinsertion peut aussi passer par des activités culturelles et artistiques. Celles-ci sont organisées par le ministère de la culture signataire d’une convention avec le ministère de la justice, les collectivités locales et les établissements culturels. En outre, tous les établissements pénitentiaires doivent offrir une médiathèque et les détenus doivent pouvoir y accéder régulièrement. Dans certaines prisons, la configuration des lieux ou le surpeuplement limitent cependant l’accès aux activités. Des exigences de sécurité (nombre limité de places par activité, manque de surveillants, etc.) peuvent aussi être un obstacle.

Le sport enfin occupe une place importante en détention. Chaque établissement pénitentiaire doit organiser des activités physiques et sportives (football, musculation, tennis de table, basket, etc.) qui sont placées sous la responsabilité de près de 300 surveillants moniteurs de sport. Plusieurs fédérations sportives ont signé un partenariat avec l'administration pénitentiaire. Comme pour les autres activités proposées en détention, la pratique du sport, qui peut être l'unique activité des détenus, est parfois contrainte pour diverses raisons (architecture des bâtiments, surpopulation de l’établissement, etc.)

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