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Érosion de la biodiversité : quelles réponses pour mieux protéger la nature ?

Temps de lecture  17 minutes

Par : La Rédaction

La perte de la biodiversité continue sa progression à travers le monde comme le confirment de récentes données scientifiques. Alors que la COP16.2 sur la biodiversité à Rome en février 2025 a abouti à un accord sur les questions de financement, quelles sont les stratégies mises en place au niveau local ou international en faveur du vivant ?

La biodiversité, contraction de "biologique" et de "diversité", représente la diversité des êtres vivants et des écosystèmes : la faune, la flore, les bactéries, les milieux (océan, forêt...) mais aussi les gènes et les variétés domestiques. La notion intègre également les interactions entre ces organismes. Environ 1,8 million d’espèces animales et végétales distinctes ont été décrites sur une diversité estimée à 100 millions. 

Une espèce menacée est un animal ou un végétal qui risque de disparaître à court ou moyen terme. Le déclin rapide de la biodiversité remet en cause la survie des espèces vivantes et, in fine, de l’espèce humaine. 

"Tissu vivant" de la Terre, la biodiversité apporte des biens et services indispensables : oxygène, nourriture, pollinisation, médicaments, notamment. 50 000 espèces sauvages, dont près de 10 000 pour l’alimentation, répondent aux besoins de milliards de personnes selon un rapport de l'Organisation des Nations unies de juillet 2022. Et, plus précisément : 

  • une personne sur cinq dépend des plantes sauvages, des algues et des champignons pour sa nourriture et ses revenus ;
  • 2,4 milliards de personnes dépendent du bois pour cuisiner ;
  • près de 100 millions de personnes travaillant dans la pêche de capture vivent de la pêche à petite échelle.      

Un constat : l'extinction accélérée de nombreuses espèces

Les dégradations à l'échelle internationale

Un million d’espèces animales et végétales (sur un total estimé à 8 millions) pourraient disparaître de la Terre dans les prochaines décennies si aucune mesure n'est prise pour freiner cette tendance, alerte la Plateforme intergouvernementale sur la biodiversité et les services écosystémiques (IPBES) dans son rapport 2019. Désignée comme le "GIEC de la biodiversité", la plateforme souligne qu'il s’agit de la première crise d’extinction massive des animaux et des plantes depuis la disparition des dinosaures, il y a environ 65 millions d’années. "La nature décline globalement à un rythme sans précédent dans l'histoire humaine" et "le taux d'extinction des espèces s'accélère, provoquant dès à présent des effets graves sur les populations humaines du monde entier". 

Sa seconde évaluation mondiale de l'état de la biodiversité, en juillet 2022, révèle le lien étroit entre l'économie, la survie des populations et la protection des écosystèmes. Or,  bon nombre de ces ressources sont surexploitées donc menacées (12% des espèces d'arbres et 1 341 espèces de mammifères sauvages). 

Pour la première fois, une évaluation mondiale sur les espèces exotiques envahissantes, est ensuite publiée en septembre 2023 : 

  • près de 37 000 espèces exotiques, introduites dans des sites naturels autres que leur milieu d'origine, sont en majeure partie liées à l'augmentation du commerce mondial et des déplacements humains ;
  • 218 espèces sont responsables de l'extinction de 1 215 espèces locales.

L'Organisation des Nations unies pour l'alimentation et l'agriculture (FAO) reconnaît la biodiversité comme partie intégrante de l'agriculture, en particulier de l'agriculture durable. Dans son rapport publié le 22 février 2019, la FAO souligne que 24% de quelque 4 000 espèces d'aliments sauvages (principalement des plantes, des poissons et des mammifères) diminuent fortement. 

En 2021, des experts du Groupe intergouvernemental d’experts sur l’évolution du climat (GIEC) et de l'IPBES ont produit pour la première fois un rapport commun soulignant la nécessité d'agir à la fois sur la biodiversité et le changement climatique ("aucun de ces enjeux ne sera résolu avec succès s'ils ne sont pas abordés ensemble"). Les auteurs insistent sur les conséquences dangereuses pour les écosystèmes d'actions "trop ciblées sur le climat" et vice-versa.

Le sixième rapport d'évaluation du GIEC (synthèse publiée en mars 2023) dresse par ailleurs un tableau encore plus sombre que les précédents sur l'évolution du climat :

  • un réchauffement global sans précédent : le niveau atteindra 1,5 °C dès le début des années 2030, "quels que soient les efforts de réduction immédiate des émissions mondiales de CO2";
  • une hausse des émissions de gaz à effet de serre (GES) ;
  • une augmentation de la vulnérabilité des écosystèmes et des populations (3,3 milliards de personnes vivent dans des zones déjà vulnérables) ;
  • les effets du changement climatique vont s'accentuer : certains seront irréversibles (montée du niveau de la mer, par exemple).

Plus récemment, les experts ont constaté que l'année 2024 aura été l'année le plus chaude jamais enregistrée et "la première année civile au-dessus de 1,5°C"par rapport à l'ère pré-industrielle (Organisation météorologique mondiale - OMM). 

La dernière édition de la liste rouge mondiale, publiée en 2025, étudie 169 420 espèces et effectue pour la première fois une évaluation mondiale des arbres. 47 187 des espèces sont classées menacées contre 40 084 en 2024 (27 150 en 2019). Parmi elles, 41% des amphibiens, 12% des oiseaux et 27% des mammifères sont menacés d’extinction à l'échelle mondiale. La liste précise que l’état de conservation du hérisson d’Europe s’est détérioré et l’espèce est désormais considérée comme quasi menacée (diminution de 16 à 33% ces dix dernières années, et jusqu'à 50% en Bavière (Allemagne) et en Flandre (Belgique). C’est aussi le cas pour 37% des requins et des raies ainsi que 44 % des coraux constructeurs de récifs. Sont également menacés d'extinction 38% des arbres (essentiellement sur les îles).

L'évaluation des dégâts dans l'Union européenne (UE)

Le bilan de conservation de la nature dans l'UE en 2020 (rapport) signale que "le déclin des habitats et espèces protégés se poursuit". S'il n'y est pas remédié, cette baisse se traduira par une érosion continue de la biodiversité "mettant en péril la santé et la prospérité de l'espèce humaine". La plupart des espèces et habitats protégés sont dans un état médiocre, et certains ne cessent de se dégrader :

  • 81% des habitats sont dans un état de conservation "insuffisant" ou "médiocre" ;
  • 30% des espèces de mollusques et de poissons présentent un état de conservation médiocre (surtout les poissons d'eau douce, à cause des installations hydroélectriques) ;
  • 47% des espèces d'oiseaux sont dans un état favorable (contre 52% en 2015).

En France, un grand nombre d'espèces menacées

2 472 espèces menacées à l'échelle mondiale sont présentes sur le territoire (liste rouge de l'UICN pour les espèces menacées en France), notamment dans l'hexagone où :

  • 15% des orchidées, 14% des mammifères, 24% des reptiles, 23% des amphibiens, 32% des oiseaux nicheurs, 19% des poissons et 28% des crustacés d’eau douce sont menacés de disparition ;
  • plus de 33% des espèces oiseaux communs spécialistes (d'un habitat) ont disparu entre 1989 et 2017 ;
  • 38% des chauves-souris ont disparu entre 2006 et 2016. 

Pourquoi une érosion de la biodiversité ?

Les activités humaines sont la principale raison des disparitions d’espèces, constate la communauté scientifique internationale. Le rapport du GIEC met en cause le changement climatique et les autres pressions exercées par l’homme : déforestation, artificialisation des sols, désertification, surexploitation des espèces, pollution…

Les trois premières causes de l'effondrement de la biodiversité sont :

  • la destruction et l'artificialisation des milieux naturels, due à l'intensification et à l'extension des surfaces agricoles. 420 millions d’hectares de forêts naturelles ont disparu en 30 ans à travers le monde, selon les chiffres récents de l'Organisation des Nations unies pour l’alimentation et l’agriculture (FAO). Les forêts primaires tropicales ont perdu 6,7 millions d’hectares en 2024 selon l’Observatoire mondial des forêts. Un record essentiellement du aux incendies dans la moitié des cas et à l'agriculture. La forêt est pourtant "incontournable pour limiter le réchauffement à 1,5°C". La déforestation massive liée à la production d’huile de palme en Indonésie, par exemple, a modifié profondément la biodiversité. En France, la perte de surfaces a conduit notamment à l'abrasion des fonds marins, à la mise en culture de prairies, à la dégradation des sols ;
  • la surexploitation des ressources et le commerce illégal : la surpêche, la surchasse et la surexploitation des espèces prélèvent trop de ressources naturelles. Le trafic illégal d’espèces animales et végétales apparaît aujourd’hui comme une des principales causes de leur disparition. Il porte sur des centaines de millions de spécimens de plantes et d’animaux (ivoire, cornes de rhinocéros, ailerons de requin, par exemple) et sur une large gamme de produits dérivés. Sa valeur financière est estimée entre 7 et 23 milliards de dollars par an dans le monde selon Interpol et du Programme des Nations unies pour l'environnement (PNUE) ;
  • le changement climatique : le réchauffement du climat modifie les conditions de vie des espèces animales et végétales qui doivent s'adapter pour survivre. Cette évolution conduit aussi à une hausse des phénomènes météorologiques extrêmes, comme la sécheresse. 

Dans leur rapport commun sur la biodiversité et le changement climatique en 2021, des experts du GIEC et de l'IPBES rappellent que "limiter le réchauffement climatique pour assurer un climat habitable et protéger la biodiversité sont des objectifs synergiques". Pour eux, la réduction de la consommation individuelle, les changements de régimes alimentaires et une exploitation réellement durable des ressources peuvent contribuer à répondre aux crises de la biodiversité et du climat.

"Près d’une planète et demie serait désormais nécessaire pour subvenir à l’ensemble des besoins de la population mondiale (plus de 8 milliards d'habitants en 2023)" souligne le WWF, une organisation non gouvernementale (ONG). L'empreinte carbone (ou climat) concerne la matière et l'énergie générées par tout ce que les êtres humains consomment et jettent. Les activités émettent plus ou moins des gaz à effet de serre (GES). En France, une personne émet en moyenne 10 tonnes de CO2 par an, alors "qu'il faudrait limiter ce chiffre à 2 tonnes de CO2 par an pour réussir à atteindre la neutralité carbone et à limiter le réchauffement de la planète", estime l'Agence de la transition écologique (Ademe). L'augmentation de la population mondiale, qui devrait s’élever à 11 milliards d’habitants en 2100, d'après un rapport de l’Organisation des Nations unies (ONU) publié en 2022, devrait aggraver les conséquences sur la biodiversité. 

En 2022, l'IPBES a formulé des pistes pour enrayer la surexploitation des ressources (rapport) se fonde sur un rapport plus durable avec les espèces sauvages (plantes, animaux, champignons, algues). Il invite à redéfinir les concepts de "développement", de "qualité de vie", afin de mieux prendre en compte la nature dans sa globalité et propose notamment de : 

  • développer des moyens de lutte contre le commerce illégal d’espèces ;
  • protéger les peuples autochtones qui réussissent à concilier usage et préservation des milieux sauvages ;
  • mener des politiques aux niveaux international, national, régional et local qui soutiennent des droits fonciers sûrs et un accès équitable aux terres, aux pêches et aux forêts ;
  • réduire la pêche illégale, supprimer les subventions financières nuisibles.

En septembre 2024, le rapport Nexus montre les interconnexions entre la biodiversité, l'eau, l'alimentation, la santé et le changement climatique. L'IPBES propose des pistes pour décloisonner les approches fragmentées et peu efficaces. Par exemple, souligne le rapport, l'approche "l'alimentation d'abord" donne la priorité à la production alimentaire avec des bénéfices positifs sur la santé nutritionnelle, découlant d'une intensification non durable de la production et d'une augmentation de la consommation par habitant. Ainsi, "les scénarios futurs qui présentent les avantages les plus importants sont ceux dont les actions sont axées sur la production et la consommation durables, combinées à la conservation et à la restauration des écosystèmes, à la réduction de la pollution, à l'atténuation du changement climatique et à l'adaptation à ce dernier" estime l'IPBES.

Communauté internationale, Union européenne, France : des stratégies de protection à différentes échelles

Les engagements de la communauté internationale

La perte de la biodiversité est un défi mondial. Depuis plus de 20 ans, un très grand nombre d'instruments et d'engagements de portée internationale ou régionale tente de répondre à cet enjeu.

Les principales conventions adoptées sont : 

Le Convention sur le commerce international des espèces de faune et de flore sauvages menacées d’extinction (Convention de Washington), connue sous son acronyme anglais CITES, entrée en vigueur en 1975, veille à ce que le commerce international des spécimens d'animaux et de plantes sauvages ne menace pas la survie des espèces auxquelles ils appartiennent.

Les réserves de biosphère, programme de coopération scientifique, non prévu dans le cadre d'une Convention, visent l'amélioration les relations entre les individus et leur environnement dans le cadre du programme Man and Biosphere (MAB) de l'Unesco.

Autre instrument onusien, la plateforme intergouvernementale sur la biodiversité et les services écosystémiques (IPBES) créée en 2010, produit des rapports scientifiques utilisés dans les négociations pour améliorer la biodiversité.

La FAO a adopté en 2021 un cadre d'action en faveur de la biodiversité pour l'alimentation et l'agriculture : plus de 50 mesures visant la conservation et l'utilisation durable de la biodiversité pour l'alimentation et l'agriculture.

Pour arrêter la dégradation de la biodiversité, des conférence des parties sur le climat (les COP) de l'ONU sont régulièrement organisées depuis 1995, notamment :

  • la COP21 a débouché sur l'Accord de Paris et l'objectif de maintenir la hausse du réchauffement climatique sous la limite des deux degrés (voire à 1,5 degré au-dessus du niveau préindustriel) ;
  • la récente COP28 a trouvé un accord qui marque le "début de la fin" de l'ère des combustibles fossiles ;
  • la COP29 s'est conclue sur un accord sur le financement de la lutte contre le changement climatique ;
  • la COP30, prévue du 10 au 21 novembre 2025 au Brésil, a pour principal objectif de limiter la hausse de la température mondiale à 1,5 °C.

Par ailleurs, il existe aussi des COP en lien avec la biodiversité. Ainsi, la COP15 réunie à Montréal en 2022 a trouvé un accord qui prévoit notamment de protéger 30% de la planète d'ici 2030 et de restaurer 30% des écosystèmes. 

Plus récemment, le Traité international de protection de la haute mer a été ratifié par plus de 60 pays en septembre 2025. Le texte, qui vise à la conservation la biodiversité marine des zones internationales, entrera en vigueur le 17 janvier 2026.

La politique européenne en faveur de la biodiversité

Deux directives européennes sur la biodiversité, ont donné naissance au réseau Natura 2000 : 

La PAC prend en compte également l'environnement dans le "pacte vert pour l’Europe" et dans la stratégie "De la ferme à la table" : lutter contre le changement climatique, protéger les ressources naturelles, renforcer la biodiversité.

Autre outil, régional cette fois, la stratégie paneuropéenne pour la diversité biologique et paysagère a pour but de mettre en oeuvre la CDB et le Convention de Berne pour la conservation de la flore, de la faune et des habitats naturels. 

Selon le rapport de la Commission européenne 2020, des mesures s'imposent pour mettre la biodiversité européenne sur la voie du rétablissement à l'horizon 2030, comme le prévoit la nouvelle Stratégie de l'UE en faveur de la biodiversité, lancée en mai 2020. Elle vise principalement à transformer au moins 30% des mers et des terres d'Europe en zones protégées, en complétant les zones Natura 2000 existantes.

Le rapport montre aussi que les mesures de conservation ciblées portent leurs fruits : le lynx ibérique, le renne des forêts et la loutre, qui font l'objet de grands projets de conservation, sont en cours de rétablissement.

Plus récemment, le 27 février 2024, les eurodéputés ont adopté la première loi européenne visant à restaurer les écosystèmes dégradés au sein de l'Union européenne (UE). Ce texte prévoit la restauration de 20% au moins des terres et des mers de l'Union européenne (UE) d'ici à 2030 et de tous les écosystèmes dégradés d'ici à 2050.  Entré en vigueur en août 2024, le règlement oblige les États membres à établir des plans nationaux d'ici mi-2026.

Toutefois, certains observateurs notent un recul dans l'action en faveur de la biodiversité de l'UE. Ainsi, le niveau européen de protection du loup a baissé en 2025. L'animal est passé du statut d'espèce "strictement protégée" à espèce "protégée". Par ailleurs, la Commission européenne a proposé mardi 23 septembre un report d’un an, de fin 2025 à fin 2026, de la loi antidéforestation, pour des raisons "techniques". Ce texte prévoit d'obliger les importateurs d’huile de palme, de café, de cacao, de bétail, de bois et de caoutchouc à démontrer que leurs produits n’ont pas été fabriqués sur des terres déboisées. Un premier report a déjà eu lieu en 2024.

Un récent rapport, qui établit un comparatif sur la planification écologique engagées dans des pays du G20 et de l'Union européenne, souligne par ailleurs les résistances économiques et sociales face aux mesures de transition écologique (réduire l’utilisation des pesticides, par exemple).
 

Les plans nationaux et stratégies de la France

L'État a mis en œuvre une politique publiques dans le cadre des engagements internationaux, notamment : 

Le Haut Conseil pour le climat (HCC) appelle cependant dans son rapport annuel publié le 3 juillet 2025, à un "sursaut collectif pour relancer l'action climatique" alors que la décarbonation ralentit et que des reculs s'opèrent sur certaines mesures.

Quant à la loi du 11 août 2025 dite loi Duplomb, elle revenait sur la réglementation sur les produits phytopharmaceutiques , communément appelés pesticides. Son article 2 prévoyait en particulier la possibilité de déroger à l'interdiction d'utiliser un insecticide de la famille des néonicotinoïdes, l’acétamipride pour des filières qui ne disposaient pas d'autre solution et qui se retrouvaient pénalisées par rapport à leurs voisines européennes (comme les filières betterave ou noisette). Toutefois, les dispositions concernant l'usage de l’acétamipride ont été censurées par le Conseil constitutionnel. Le Conseil a jugé que les possibilités de dérogation étaient trop larges.