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Francophonie et rayonnement culturel : un atout de "soft power" ?

Temps de lecture  10 minutes

Par : La Rédaction

Avec 300 millions de locuteurs, le français est aujourd'hui la cinquième langue la plus parlée au monde. La francophonie apparaît pour la France comme un atout au service de sa diplomatie culturelle et de sa diplomatie d'influence, c'est-à-dire du pouvoir que lui confère son rayonnement culturel.

Le terme "francophonie" désigne en général l’ensemble des personnes qui utilisent le français et qui sont supposées être francophiles. Il a été employé pour la première fois en 1880 par le géographe français Onésime Reclus (1837-1916), dans un ouvrage consacré aux colonies françaises.

La francophonie fait l’objet d’une politique active menée par la France, premier contributeur de l’Organisation internationale de la francophonie (OIF). En mars 2018, Emmanuel Macron a présenté un plan d’ensemble pour la promotion du français et du plurilinguisme dans le monde.

Depuis 2018, le président de la République a renouvelé a plusieurs reprises l'ambition de la France pour le développement de la francophonie. Notamment lors de l’inauguration de la cité internationale de la langue française à Villers-Cotterêts le 30 octobre 2023, il a rappelé que la francophonie constitue un atout décisif pour rassembler autour du modèle de mondialisation que la France défend.

Vue très généralement sous le prisme des actions de l’OIF, la francophonie revêt aujourd'hui de multiples enjeux.

La francophonie dans le monde : un état des lieux

La langue française est de moins en moins utilisée, y compris dans des pays considérés comme des piliers de la francophonie. Le Liban et l’Égypte, par exemple, illustrent bien cette tendance. Dans ces deux pays historiquement attachés à la France, la culture francophone s’efface peu à peu au profit le plus souvent de l’anglais, en raison de la résurgence des cultures locales.

L’emploi du français décroît également sur le plan international : les diplomates et les experts lui préfèrent la langue anglaise. Celle-ci sert aujourd'hui de référence dans de nombreuses organisations internationales et pour des échanges commerciaux transnationaux.

Au-delà des chiffres publiés par l'OIF en 2022, qui pourraient conduire la francophonie à 750 millions de francophones en 2070, il s’avère que la francophonie n’est plus aussi puissante qu’auparavant. L’OIF, présente sur l’ensemble de la scène mondiale, s'efforce néanmoins de la rendre toujours plus attrayante, permettant ainsi à la France de bénéficier d’un outil diplomatique important.

 

 

Chargée de la défense de la francophonie, l'OIF a été fondée à l’issue de la deuxième conférence intergouvernementale des États francophones, qui s’est tenue en 1970 à Niamey, au Niger. L'Organisation, composée de 88 États membres, est le fruit des idées soutenues par plusieurs chefs d'État : le Sénégalais Léopold Sédar Senghor, le Tunisien Habib Bourguiba, le Nigérien Hamani Diori et le prince Norodom Sihanouk du Cambodge.

Elle compte aujourd'hui :

  • 54 États et gouvernements membres (le Canada, l'Égypte, le Gabon, la Suisse et le Vietnam, par exemple) ;
  • 7 membres associés (dont le Ghana, le Kosovo et le Qatar) ;
  • 27 États et gouvernements observateurs (l'Argentine, la Corée du Sud, l'Estonie, le Monténégro…).

L'OIF, qui dispose pour l'année 2023 d'un budget de 64,6 millions d'euros, peut s'appuyer  sur ses quatre représentations permanentes et ses six bureaux régionaux, qui relaient son action à travers le monde.

 

 

Quel est le rôle de l'Organisation internationale de la francophonie ?

La finalité de cette institution, depuis sa création, est la défense de la francophonie. Elle peut aussi servir de relais des Nations unies pour promouvoir certains objectifs de paix et de développement. Elle est en effet fondée sur le partage de la langue française et de valeurs communes.

Une organisation fondée sur le partage de la langue française et de valeurs communes

Son action sur la scène internationale s'organise autour de quatre grandes missions :

  • promouvoir la langue française ;
  • promouvoir la paix, la démocratie et les droits de l’Homme ;
  • soutenir l’éducation, la formation, l’enseignement supérieur et la recherche ;
  • développer la coopération économique au service du développement durable.

Toutefois, cette organisation internationale fait l’objet de critiques régulières, comme le montre la polémique suscitée en 2012 par l'adhésion du Qatar, État non francophone, en tant que membre associé. De même, l'élection de Louise Mushikiwabo, ancienne ministre des affaires étrangères du Rwanda, au poste de secrétaire générale de l’OIF a soulevé une controverse. Des réserves ont été émises sur le respect des droits fondamentaux au Rwanda. De plus, le français y est peu à peu délaissé au profit de l’anglais, en particulier dans l’enseignement. Louise Mushikiwabo est entrée en fonction le 1er  janvier 2019 pour un mandat de quatre ans.

Quels enjeux pour la francophonie ?

Diffuser la culture francophone par l’enseignement

L'enseignement français, très développé à l'étranger, représente un levier important pour tenter de rendre à la francophonie ses lettres de noblesse. Quelques données chiffrées issus du dernier rapport d'activité de l'Agence pour l'enseignement français à l'étranger permettent de bien saisir l'ampleur de celui-ci :

  • 580 établissements scolaires français, répartis dans 139 pays différents ;
  • plus de 305 000 élèves inscrits.

Plusieurs opérateurs interviennent dans l'enseignement français à l'étranger :

  • des opérateurs privés : Mission laïque française, association franco-libanaise pour l'éducation éducation et la culture, alliance israélite universelle ;
  • un opérateur public : l'Agence pour l'enseignement français à l'étranger (AEFE). L'AEFE, créée en 1990,  est chargée de piloter le réseau des établissements homologués par le ministère de l'éducation nationale. Elle gère les concours financiers et humains de l'État destinés au fonctionnement des établissements.

La croissance des effectifs scolarisés dans ces établissements (+11,4% entre 2012 et 2017) est un signe d'attractivité. Cependant, elle entraîne aussi une hausse des dépenses à la charge de l'AEFE. Pour faire face à ces nouvelles dépenses, il a été demandé une contribution accrue des familles. Entre 2012 et 2017, les frais de scolarité par élève ont augmenté de 23,5%, passant en moyenne de 4 290 à 5 300 euros. La hausse des frais de scolarité se poursuit même si elle est plus contenue : soit plus 8% entre 2022 et 2023. Les élèves de nationalité française bénéficient toutefois de tarifs plus favorables dans la plupart des établissements. Cette augmentation est contestée par certains députés car elle pourrait nuire à la mixité du fait de la difficulté croissante pour les classes sociales modestes d’accéder aux établissements.

Un rapport de la Cour des comptes et un autre rapport du Sénat ont regretté que cette croissance soit spontanée et ne résulte pas d'une stratégie coordonnée qui tiendrait compte des évolutions de la population de Français expatriés et des priorités de la diplomatie culturelle de la France.

En mars 2018, dans sa stratégie pour la langue française, le président de la République a souhaité développer l'enseignement français à l'étranger et a fixé comme objectif le doublement d'élèves inscrits d'ici à 2025. Dans le cadre de cette stratégie, un plan pour développer l'enseignement français à l'étranger a été présenté en octobre 2019.

Favoriser les relations entre États francophones

L'OIF regroupe un grand nombre d'États non francophones. Parmi les pays membres, certains sont plus fortement attachés à la francophonie, notamment ceux dont le français est la langue officielle. Ces pays sont donc des partenaires privilégiés de la France au niveau international, et ils ont souvent une plus forte influence au sein de l’OIF.

L'OIF s'efforce de promouvoir un dialogue apaisé et de favoriser des relations pacifiques entre les pays membres, en mettant l’accent sur leurs points communs. Cette tâche, parfois difficile, revêt pourtant une importance majeure pour l'Organisation qui a pour objectif le développement de la coopération entre États dans les domaines politique, économique et éducatif, comme le rappelle sa programmation 2024-2027. Cette programmation est centrée sur trois piliers stratégiques mettant la langue française au premier plan :

  • au service des cultures et de l'éducation ;
  • au service de la démocratie et la gouvernance ;
  • vecteur de développement durable.
     

Francophonie : quelques dates clés

1880
Première utilisation du terme "francophonie" par le géographe Onésime Reclus pour désigner l’ensemble des personnes et des instances employant le français dans le monde.

1970
Création de l’agence de coopération culturelle et technique lors de la conférence de Niamey, sous la houlette de plusieurs dirigeants du Sud, dont Léopold Sédar Senghor. Elle devient en 2006 l’Organisation internationale de la francophonie.

1984
Lancement de la chaîne de télévision francophone TV5, rebaptisée TV5 Monde en 2006.

1986
Premier sommet de la francophonie, présidé par François Mitterrand, à Versailles. Depuis, ces sommets se tiennent tous les deux ans.

1989
Premiers jeux de la francophonie, au Maroc. Les suivants sont organisés tous les quatre ans.

1997
Élection du premier secrétaire général de la francophonie, l’Égyptien Boutros Boutros-Ghali. Le Sénégalais Abdou Diouf lui succède en 2003 et sera réélu en 2006 puis 2010.

2012
Premier forum mondial de la langue française, à Québec.
Adhésion de l’Uruguay à l'OIF en tant que membre observateur. C'est le premier pays d’Amérique latine à intégrer l’Organisation.

2018
17e sommet de la francophonie à Erevan, en Arménie. En marge de ce sommet, des gouvernements membres de l'OIF lui demandent de recentrer son action sur sa mission première, la promotion de la langue française.
Élection de Louise Mushikiwabo, ex-ministre rwandaise des affaires étrangères, au poste de secrétaire générale de l’OIF. Elle entre en fonction le 1er  janvier 2019.

2022

18e sommet de la francophonie à Djerba en Tunisie. Ré-élection de Louise Mushikiwabo, au poste de secrétaire générale de l’OIF. Elle entre en fonction le 1er janvier 2019. Désignation de la France pour accueillir le prochain sommet, qui s’ouvrira le 4 octobre à la Cité internationale de la langue française, à Villers-Cotterets.

2024

19e sommet de la Francophonie des 4 et 5 octobre 2024 à Villers-Cotterêts dans le département de l'Aisne. C'est la première fois depuis 33 ans que la France accueille le sommet. Outre le lancement de l’Alliance francophone de la propriété intellectuelle et le lancement de l’Alliance féministe francophone, le président de la République Emmanuel Macron lance l'appel de Villers-Cotterêts pour un espace numérique intègre et de confiance dans l’espace francophone. Celui-ci est adressé aux grandes plateformes numériques afin qu'elles facilitent les échanges entre francophones dans le monde et participent à l'inclusion numérique.