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Drogues : quelles évolutions depuis les 20 dernières années ?

Temps de lecture  3 minutes

Par : La Rédaction

En 20 ans, le marché des drogues en France, analysé par l'Observatoire français des drogues et des toxicomanies (OFDT), a connu des mutations considérables, autant dans les consommations que dans la diversification des produits utilisés.

Les grandes transformations du champ des drogues illicites depuis 1999 sont repérées et analysées par l'OFDT.

Cette étude sur les mutations des usages et de l'offre de drogues en France, publiée en septembre 2020, s'appuie en particulier sur le dispositif TREND (Tendances récentes et nouvelles drogues) de l'OFDT.

Consommations et usagers

Le premier angle choisi par l'OFDT, usages et précarités, aborde la situation des usagers de drogues en grande vulnérabilité sociale et sanitaire présents dans certains espaces publics urbains. Ces usagers, à la recherche des produits les moins onéreux, utilisaient l'héroïne par injection jusqu'à la fin des années 1990, avant de détourner l'usage de traitements de substitution aux opioïdes au début des années 2000. La cocaïne est devenue ensuite le produit "phare" alors que, dans le même temps, les politiques urbaines reléguaient nombre d'usagers en zones périurbaines voire rurales.
 
Un autre contexte étudié par l'OFDT est celui des usages de drogues sur les scènes festives techno. Ce sont des milieux propices aux polyconsommations (alcool, cannabis, ecstasy et amphétamine, protoxyde d'azote). À  partir du milieu des années 2000, la diffusion de produits psychoactifs déborde ces cercles pour se propager vers d'autres espaces festifs.
 
L'essor d'internet a favorisé aussi un renouvellement des formes d’organisation des réseaux et de nouvelles relations avec les usagers, notamment pour les nouveaux produits de synthèse (NPS), ou drogues synthétiques.

L'étude détaille également la visibilité nouvelle des usages de drogues en contexte sexuel, avec en particulier le cas des consommations de produits psychoactifs dans certains milieux homosexuels.

Une diversification de l'offre

Au cours de la période étudiée, l'OFDT souligne que le basculement progressif du marché du cannabis en direction de l'herbe de cannabis n'a pas pour autant entraîné de déclin de la résine de cannabis importée du Maroc, ainsi qu'en témoigne le niveau des saisies. La montée de l'herbe de cannabis à partir du milieu des années 2000, tient autant à l'attrait croissant pour son aspect "bio", qu'aux circuits courts réputés écologiques et aux débats internationaux autour de son statut légal.
  
Par ailleurs, la diffusion de la consommation de cocaïne est particulièrement régulière depuis 20 ans. Contrairement à son image "dorée", l'usage de la cocaïne-poudre montre que les populations les plus fréquemment consommatrices sont celles qui apparaissent nettement moins favorisées. Le crack, considéré comme un déchet de la cocaïne, s'installe ainsi parmi les usagers ultra-précarisés et remplace progressivement l’héroïnomane comme archétype du toxicomane. Comme pour le cannabis, l'augmentation de sa pureté et sa plus grande disponibilité conduisent à l'intensification récente de ses usages.
  
Quant à la dynamique de "l'épidémie d'héroïne", elle a été brisée par la diffusion  des  médicaments de substitution aux opiacés amorcée en 1995. Cependant, l'OFDT observe de nouveaux cadres de consommation et une diversification des profils d’usagers. L’augmentation des prescriptions d'opioïdes s’accompagne d’un accroissement des signaux d’usages à risques en population générale, avec un nombre de surdoses en hausse. 

Les addictions, c’est un concept de maladie chronique avéré qui est reconnu par l’Organisation mondiale de la santé, d’ailleurs, qui a récemment qualifié le trouble pour les jeux vidéo justement mais, d’une manière générale, c’est la notion que l’on perd le contrôle d’une consommation ou d’un comportement malgré les risques que l’on peut connaître, malgré la souffrance que l’on peut ressentir et avec cette envie de rechercher et de consommer de manière compulsive quel que soit encore une fois le produit ou le comportement.

Alors le premier risque en France d’addiction, je crois qu’il faut toujours le rappeler, c’est quand même le tabac. On a une situation française qui est marquée par 75 000 morts chaque année dues à cette consommation de tabac. C’est l’équivalent de la chute d’un Airbus de moyenne importance tous les jours dans notre pays. Je crois qu’on a tous oublié à quel point cette épidémie reste dévastatrice.

Le deuxième produit qui est particulièrement important pour les jeunes et pour la population générale, c’est évidemment l’alcool. On n’est pas tout à fait sur la même taille d’Airbus mais on est quand même sur 41 000 morts chaque année ce qui est tout à fait considérable et c’est une consommation et des effets qui nous posent problème parce qu’on a une culture qui, traditionnellement, est quand même assez orientée vers une consommation quotidienne, cela c’est celle des générations précédentes et désormais avec ces accents qui caractérisent la consommation des jeunes, on parle d’alcoolisation ponctuelle importante, de binge-drinking en fin de semaine et on a un véritable sujet pour faire prendre conscience aux jeunes eux-mêmes mais surtout à leur entourage, à commencer par les parents, que cette consommation est un véritable fléau sanitaire et social avec les violences qu’elles engendrent. Ce n’est pas normal qu’on ait aujourd’hui une génération de jeunes en 6e qui, pour près de la moitié d’entre eux, a déjà goûté de l’alcool.

Troisième produit enfin, le cannabis, avec un véritable sujet aujourd’hui, dans un concert international qui est extrêmement mouvant. On est malheureusement les premiers consommateurs en Europe chez les jeunes avec des effets délétères sur la santé qui sont de plus en plus documentés, qui sont extrêmement sérieux. Depuis la grossesse jusqu’à l’âge adulte avec notamment des effets importants sur des cerveaux en maturation. C’est vrai de l’ensemble des substances psychoactives mais c’est particulièrement vrai du cannabis et je crois qu’on est en train de payer un peu aujourd’hui une forme de banalisation de ce produit, que certains, pour de bonnes ou mauvaises raisons, ont jugé en leur temps relativement cool.

C’est la particularité de la Mission interministérielle de lutte contre les drogues et les conduites addictives que d’assurer cette complémentarité de l’action publique, de mettre de l’huile dans les rouages entre les différents départements ministériels pour avoir une politique effectivement qui soit équilibrée, coordonnée avec à un bout du spectre des fonctions éminemment régaliennes de lutte contre les trafics, en particulier. Cela c’est vraiment quelque chose sur lequel on n’est pas crédible en matière de lutte contre les drogues et les conduites addictives, si on n’est pas bon sur la lutte contre le trafic, si on laisse rentrer sur notre territoire de telles quantités de produits illicites. Et puis à l’autre bout du spectre, on admet que les mêmes pouvoirs publics aient une approche extrêmement à l’écoute aussi des risques et des besoins des consommateurs de drogues et ne les considèrent pas que comme des délinquants. C’est ce qui explique qu’en France, on ait ouvert deux salles de consommation à moindre risque. Donc on a une politique à très large spectre avec au centre un vaste ensemble d’actions et de politiques publiques qui, de près ou de loin, ont trait à la prévention. Il y a des choses qui sont évidentes pour plein de gens, ce sont des actions de santé publique en matière de prévention ou les actions conduites en milieu scolaire. Mais le respect des interdits protecteurs en direction des jeunes, le respect de l’interdiction de ventes d’alcool aux mineurs. Cela est aussi une action de prévention.

Dans le concept, elle n’est pas singulière, on n’est pas seuls heureusement à défendre cette position mais on est quand même dans un environnement international où les excès dans un sens ou dans l’autre existent aussi. Et tout notre combat avec nos partenaires de l’Union européenne, c’est d’essayer de maintenir peut-être cette singularité européenne, d’avoir un discours équilibré, mais ne pas tout miser sur le répressif, c’est vrai qu’il y a encore des pays où il y a des exécutions extrajudiciaires pour des consommateurs de drogue ou des trafiquants et puis, à l’inverse, il y a des pays qui sont en train d’ouvrir les vannes de manière unilatérale sans respecter les traités internationaux et je pense, en particulier, à ceux qui ont pris de manière unilatérale les décisions de légalisation du cannabis. C’est aujourd’hui assez préjudiciable à l’équilibre international sur le sujet et il faut que nous, on essaie de conserver une position qui soit, encore une fois, unie, ce qui n’interdit pas, à l’avenir, telle ou telle évolution, mais en tous cas, qui permette de maintenir l’équilibre international sur lequel on a vécu jusqu’à présent et qui ne fonctionnait pas si mal malgré tout.

Les nouvelles sont plutôt bonnes sur les dernières années, c’est-à-dire qu’on observe en ce moment un tendanciel en termes de consommation chez les jeunes qui est quand même vraiment intéressant à regarder, notamment sur le tabac. Il y a une dénormalisation chez les jeunes de la consommation de tabac qui est vraiment, à mon sens, à mettre au crédit des pouvoirs publics et de leurs partenaires : professionnels, associations qui ont travaillé tous dans le même sens depuis quelques années et on observe vraiment sur ce produit des progrès très très importants chez les jeunes. Juste un exemple, entre 2014 et 2017, pour les jeunes qui ont 17 ans, on passe de 33 % d’usage quotidien du tabac à 25 %. C’est évidemment toujours trop et c’est énorme mais c’est un résultat vraiment extrêmement intéressant et même pour le cannabis, alors qu’on est les champions d’Europe, on voit un tendanciel qui se dessine et qui est plutôt à la baisse tant pour l’expérimentation que pour les usages réguliers ou les usages excessifs. Pour l’alcool, les choses sont un petit peu plus difficiles à analyser ou, en tous cas, les résultats sont mitigés, on a une baisse des consommations régulières mais une augmentation des consommations ponctuelles type binge-drinking, ce qui nous pose un véritable problème. Mais évidemment, c’est en rapport avec les stratégies marketing extrêmement influentes auprès des jeunes et c’est en rapport encore une fois avec une banalisation de ce produit dans le monde adulte qui se répercute sur l’éducation des enfants.

Alors, on suit évidemment tout cela de près. C’est essentiellement l’Observatoire français des drogues et des toxicomanies qui dispose d’enquêtes régulières qui nous permettent tant pour les collégiens que pour les lycéens lors des journées de préparation à la défense à l’âge de 17 ans d’avoir les mêmes indicateurs qui se répercutent, non pas d’année en année, parce qu’en général, ce sont des enquêtes plutôt triennales, qui permettent de suivre les évolutions avec les mêmes indicateurs : l’âge d’entrée dans la consommation, le niveau d’expérimentation parmi une classe d’âge, le niveau d’usage régulier, les usages excessifs, type binge-drinking, etc.

Donc, c’est là-dessus qu’on mesure finalement la performance de l’action publique. Alors, il y a une mesure très importante en termes de moyens cette année, c’est la création du fonds Addiction. Auparavant, nous avions, géré par l’assurance maladie avec les partenaires du ministère de la Santé et nous-mêmes, un fonds qui était exclusivement dédié à la lutte contre le tabac. Désormais, ce fonds s’ouvre sur les autres addictions avec produits, avec substances -on n’est pas encore sur les écrans ni sur les jeux vidéo- avec quand même un budget annuel de 110 millions d’euros, ce qui est tout à fait considérable pour à la fois financer la recherche, la prévention, via la société civile, donc les associations, via les agences régionales de santé et qui permet donc de conduire un certain nombre d’actions, de marketing social, de prévention, y compris en lien avec l’ Éducation nationale bien entendu. Donc, je pense qu’en termes de moyens on a eu cette année un effort vraiment significatif sur ce sujet-là.

 

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