Autorité administrative indépendante, la Commission nationale de contrôle des techniques de renseignement (CNCTR) est chargée, depuis la loi du 24 juillet 2015 relative au renseignement, de s'assurer que les services de renseignement mettent en œuvre les techniques de renseignement conformément au cadre posé par la loi. La CNCTR vérifie, en particulier, que l'atteinte au droit au respect de la vie privée (provoquée de fait par les techniques de renseignement) est proportionnée, par exemple, à la gravité des menaces invoquées pour les utiliser. Son rapport 2023 vient d'être publié.
Hausse du nombre de personnes surveillées
De 2022 à 2023, le rapport de la CNCTR note une hausse globale du nombre de personnes surveillées par une technique de renseignement (+15%, soit 24 209 personnes surveillées en France, contre 20 958 en 2022). Une évolution, selon la commission, "en lien avec l‘évolution de la menace en nature comme en intensité". La CNCTR a observé l'évolution des motifs de surveillance, notamment :
- prévention de la criminalité et délinquance organisées (29,2% des demandes) ;
- prévention du terrorisme (28,8%) ;
- infractions au code de la sécurité intérieure (10,5%).
Cette évolution reflète un investissement inédit dans la prévention de la délinquance et de la criminalité organisées (+29% de personnes surveillées à ce titre), notamment en matière de lutte contre le trafic de stupéfiants.
S'agissant de la surveillance des personnes au titre d'une menace terroriste, si une hausse est constatée en 2023 (+5,2%), en lien avec des actes de terrorisme plus protéiformes (recrudescence d'actes isolés), une baisse est observée sur les quatre dernières années (-10%).
Dans le domaine de la prévention des infractions au code de la sécurité intérieure, la CNCTR note une baisse de 5,2% des demandes de surveillance
Dans les domaines des intérêts majeurs de la politique étrangère, et la lutte contre les ingérences, la CNCTR note une augmentation du nombre d'avis rendus concernant la surveillance des communications électroniques internationales (+7,2%). Cette hausse peut s'expliquer par un contexte international de tensions (guerre en Ukraine et conflit israélo-palestinien) et par les engagements européens et internationaux de la France en la matière.
Le contrôle des techniques de surveillance
En 2023, le volume total de demandes tendant à la mise en œuvre de techniques de renseignement sur le territoire national aura été supérieur de 6% à celui de 2022. L'écart avec la hausse constatée pour les personnes surveillées (+15%) tient, selon la CNCTR, au domaine spécifique de la prévention de la délinquance et de la criminalité organisées qui nécessite une surveillance plus courte et qui débouche plus rapidement sur une saisine de l'autorité judiciaire.
Dans l'avant-propos du rapport, le président de la commission, Serge Lasvignes, souligne le recours "toujours croissant aux techniques les plus instrusives". Il s'agit de la pose de micros dans des lieux privés, du recueil de l'ensemble des données informatiques d'une personne, du piégeage des téléphones et des ordinateurs. La mise en oeuvre de ces techniques relevant directement des services demandeurs (il n'y a pas de centralisation contrairement aux écoutes téléphoniques), la CNCTR a difficilement accès aux données collectées, ce qui affaiblit son contrôle.
Le président met également en évidence la difficulté pour la commission, quand elle est saisie d'un recours, de vérifier la régularité de la mise en oeuvre d'une technique de renseignement à l'encontre d'une personne. "La capacité de vérification de la commission se heurte à l'interdiction qui lui est faite, selon une interprétation d'ailleurs contestable de la loi, d'accéder aux fichiers dits de souveraineté".