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Budget 2024 : entre mauvais résultat et écart substantiel aux prévisions selon la Cour des comptes

Temps de lecture  6 minutes

Par : La Rédaction

La Cour des comptes a rendu son rapport annuel sur l'exécution et les résultats du budget de l'État en 2024. La Cour pointe un déficit budgétaire supérieur à l'objectif de la loi de finances, reposant entre autres sur des "prévisions trop optimistes". Le Haut Conseil des finances publiques souligne cet optimisme dans deux avis.

Le 16 avril 2025 ont été publiés le rapport annuel sur l'exécution et les résultats du budget de l'État en 2024 et la certification des comptes de l'État pour l'exercice 2024 de la Cour des comptes. Le même jour, l'avis sur le projet de loi relatif aux résultats de la gestion 2024 et l'avis sur le rapport d'avancement annuel 2025 du plan budgétaire et structurel à moyen terme 2025-2029 du Haut Conseil des finances publiques (HCFP) ont été rendus publics. Le rapport de la Cour des comptes porte sur les seules finances de l'État, quand les avis du HCFP portent aussi sur celles concernant la sécurité sociale ou des collectivités territoriales.

Lors de la présentation du rapport et des avis à l'Assemblée nationale, le premier président de la Cour des comptes et président du HCFP, Pierre Moscovici, a souligné une "gestion erratique" et un "pilotage à vue en matière de crédits budgétaires".

La Cour des comptes constate que le déficit budgétaire de l'État, toujours plus élevé, atteint 155,9 milliards d'euros (Md€) en 2024, supérieur de 9 Md€ à l'objectif de 146,9 Md€ de la loi de finances initiale (LFI). L'exercice 2024 est "heurté et difficilement lisible".

L'objectif était de réduire le déficit public à 4,4% du produit intérieur brut (PIB) en 2024, il s'est finalement établi à 5,8 points de PIB. Le HCFP souligne "un écart particulièrement élevé en l'absence de crise", quand "cette dégradation n'était pas inéluctable".

La loi de finances en cause dans les mauvais résultats ?

La Cour des comptes trouve les raisons du mauvais résultat des finances de l'État dans le projet de loi de finances pour 2024 (PLF 2024). Le PLF 2024 "présentait de sérieuses faiblesses et était établi sur des bases peu réalistes", entre autres une prévision de croissance de 1,4%, jugée élevée par le HCFP. Une partie "recettes" trop optimiste et une partie "dépenses" manquant d'ambition ont conduit in fine à un écart de 22,5 Md€ entre prévisions et réalisations.

Lors de son audition à l'Assemblée nationale, Pierre Moscovici, a jugé que les objectifs de la LFI 2024 étaient inatteignables avant même que l'exercice ne commence. Des décisions contradictoires ont été prises par la suite, comme annuler 10 Md€ de crédits en février 2024 et mettre en réserve quasi simultanément, en mars 2024, 16 Md€ de crédits.

En ne déposant pas de projet de loi de finances rectificative, le gouvernement s'est privé du seul vecteur qui aurait permis un ajustement des recettes. Cependant, la succession de reports, gels, surgels, coups de rabot a donné des résultats en matière de maîtrise des dépenses, qui toutefois ne sont pas pérennes. Ce "pilotage peu lisible", avec 17,8 Md€ d'annulation de crédits, a permis de limiter la dégradation du déficit budgétaire.

Le HCFP relève que le déficit public continue de se creuser (+0,4 point) et la dette publique augmente de 3 points (113 points de PIB). Le rendement des prélèvements obligatoires a été bien moindre qu'escompté et les dépenses des collectivités locales et des administrations de sécurité sociale plus élevées qu'attendu. Le HCFP avait pourtant averti sur un risque de dérapage de l'assurance maladie et pointé l'absence de mécanisme contraignant sur la dépense des collectivités.

Le HCFP souligne que la dégradation n'était pas inéluctable : "Elle traduit avant tout les fragilités de la construction de la loi de finances et l'insuffisance des mécanismes de rappel."

Augmentation des recettes fiscales, diminution des dépenses et "bonnes surprises"

En conséquence, le besoin de financement (305,6 Md€) et la dette de l'État (2 602 Md€) augmentent. Les recettes fiscales (325,7 Md€) ont aussi augmenté, légèrement, du fait de hausses d'impôts. Mais cette augmentation reste très nettement inférieure, de 22,8 Md€, aux prévisions de la LFI, ce qui est "inhabituel et considérable" (-5,3 Md€ en 2023) selon la Cour des comptes.

Les dépenses sont en diminution (-11,3 Md€) du fait de l'extinction de dispositifs exceptionnels (boucliers tarifaires pour l'énergie, par exemple). Les "bonnes surprises" se manifestent dans une baisse de 4,2 Md€ de dépenses non pilotables (dépenses sur lesquelles l'État n'a pas de levier d'action en cours d'année. Par exemple : charge de la dette). Mais dans le même temps les dépenses pilotables ont augmenté de 10,6 Md€.

Ces éléments appellent à engager rapidement des études pour consolider les modèles de prévision, selon la Cour des comptes. Les analyses sur les 443,4 Md€ de dépenses du budget général, au-delà des reports de dépenses et des coups de rabot, montrent que l'exercice des revues des dépenses engagé en 2023 doit conduire à une réelle inflexion des dépenses de l'État.

Certification des comptes de l'État et mécanisme de correction

Pierre Moscovici souligne que pour la 19e année consécutive, les comptes de l'État, avec une situation nette de -1 987,2 Md€, ne peuvent être certifiés sans des réserves très significatives.

Dans la certification des comptes de l'État pour 2024, la Cour des comptes relève :

  • cinq anomalies significatives (surévaluation des matériels militaires et de la participation de l'État dans EDF et la Caisse des dépôts, omission de la mention de certains engagements hors bilan sur plusieurs milliards d'euros) ;
  • l'absence d'éléments probants suffisants et appropriés pour fonder son opinion sur onze postes des états financiers.

Le HCFP relève dans un des avis que "la composante structurelle du déficit, supérieure à 5 points de PIB, en représente l'essentiel" et qu'il se révèle supérieur de 1,5 point à celui inscrit dans la loi de programmation des finances publiques (LPFP) de 2023.

En conséquence de cet "écart important" entre les résultats de l'exécution et les orientations pluriannuelles du solde structurel, le HCFP déclenche le mécanisme de correction, invitant le gouvernement à présenter :

L'État ne tient pas compte des réserves émises par la Cour, année après année, souligne Pierre Moscovici dans son audition. Ainsi, en l'absence de mesures significatives en 2025, la Cour des comptes pourrait être amenée à refuser de certifier les comptes de l'État et de la sécurité sociale.