En 2014, avec l'annexion de la Crimée par la Russie, a débuté une réorganisation des échanges entre pays, qui s'est accélérée avec l'attaque russe contre l'Ukraine en 2022. La fragmentation entre blocs de pays alliés militairement est plus marquée qu'entre pays entretenant une coopération économique étroite ou alignés diplomatiquement.
Si cette fragmentation peut résulter de préoccupations légitimes, elle peut entraîner une réduction de la diversification des échanges, néfaste pour les économies, mais aussi pénaliser la transition écologique ou le développement.
C'est ce qu'aborde une étude de la Direction générale du Trésor (DGT) publiée le 6 novembre 2025.
L'influence de la géopolitique sur le commerce international
Depuis 2010, les importations des pays militairement alliés aux États-Unis ont augmenté de 40% depuis d'autres pays alliés des États-Unis tandis qu'ils ont diminué de 80% depuis les pays alliés de la Russie, relativement aux échanges entre et avec les pays n'appartenant pas à ces blocs.
Dans le même temps, les importations du G7+ ont augmenté de 60% depuis le G7+ et diminué de 40% depuis les BRICS+, relativement aux échanges entre et avec les pays n'appartenant pas à ces blocs.
L'invasion russe de l'Ukraine lancée en 2022 ou les tensions sino-américaines concernant Taïwan rendent l'environnement international des échanges de plus en plus incertain.
L'organe d'appel du mécanisme de règlement des différends de l'Organisation mondiale du commerce (OMC) ne parvient plus à résoudre les désaccords commerciaux depuis 2019. Dans le même temps, les États accroissent leurs échanges avec des pays plus sûrs ou les réduisent avec des pays moins sûrs.
Quand certains pays accroissent leurs tarifs douaniers (les États-Unis, lors des deux mandats de Donald Trump), les consommateurs choisissent de boycotter certains pays.
La fragmentation entre blocs de pays alliés militairement est plus forte qu'entre pays alignés diplomatiquement ou disposant d'une coopération géo-économique.
Une fragmentation géopolitique du commerce aux conséquences économiques significatives ?
Plusieurs raisons peuvent justifier la poursuite d'un agenda commercial positif avec des pays alliés en termes de normes environnementales ou sociales, mais la fragmentation commerciale pourrait être coûteuse économiquement :
- une organisation nouvelle de la production issue des reconfigurations des échanges serait moins efficace (perte de productivité, hausse des prix, relocalisation domestique de secteurs non compétitifs…) ;
- la transition vers cette nouvelle organisation pourrait générer des coûts d'adaptation, notamment pour les pays en développement, plus dépendants des marchés internationaux ;
- les ménages les plus modestes seraient exposés à une réallocation de la main-d'œuvre (mobilité moindre) et à l'inflation (car ils consomment une part plus importante de leur revenu) ;
- la fragmentation commerciale ayant un coût, les pays seraient plus réticents à consentir aux efforts de transition écologique.
Toutefois, la fragmentation peut constituer une réponse à des préoccupations légitimes, comme, dans le cadre de la guerre en Ukraine, avec les sanctions prononcés à l'encontre de la Russie.