La motion de censure : véritable moyen de contrôle ?

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L’essentiel

La motion de censure est le moyen principal de contrôle du gouvernement par l'Assemblée nationale. Quand l'Assemblée nationale vote une motion de censure, le gouvernement doit démissionner.

Il existe deux types de motions de censure :

  • à l'initiative des députés ;
  • après l'engagement de la responsabilité du gouvernement sur le vote d'un texte.

Depuis 1958, l'Assemblée nationale a voté une motion de censure à l'initiative des députés et une motion de censure provoquée par l'engagement de la responsabilité du gouvernement.

En détail

La Constitution de 1958 a prévu deux types de motions de censure : la motion de censure spontanée ou offensive (art. 49 al. 2) et la motion de censure provoquée (art. 49 al. 3). Une motion de censure ne peut être déposée que lors d'une session. Quand l'Assemblée nationale n'est pas réunie, il n'est pas possible de déposer une motion de censure.

  • La motion de censure spontanée (art. 49 al. 2)

La motion de censure spontanée résulte de la seule initiative des députés.

Son dépôt nécessite la signature du dixième des membres de l’Assemblée nationale. Aucun député ne peut signer plus de trois motions de censure au cours de la session ordinaire et plus d’une au cours d’une session extraordinaire (auparavant, ils étaient limités à une au cours d’une même session).

Quarante-huit heures séparent le dépôt de la motion de censure de sa discussion. Ce délai a pour raison d’être de permettre au Gouvernement de convaincre d’éventuels indécis, et aux députés de se prononcer dans la sérénité. Le Règlement de l’Assemblée nationale précise que le débat et le vote ne peuvent avoir lieu plus de trois jours de séance après l’échéance de ces 48 heures (article 153). Cette disposition permet d’éviter que la motion ne soit jamais inscrite à l’ordre du jour.

Pour être adoptée, la motion de censure doit réunir les voix de la majorité absolue des membres composant l’Assemblée nationale. Cette condition se justifie pour éviter qu’une majorité simple liée à des abstentions massives ne permette de renverser un Gouvernement. Seules les voix "pour" comptent. Les députés qui s’abstiennent ou ne prennent pas part au vote sont réputés soutenir le Gouvernement.

  • La motion de censure provoquée (art 49 al. 3)

La motion de censure provoquée résulte de la décision du Premier ministre d’engager la responsabilité du Gouvernement devant l’Assemblée nationale sur tout ou partie d’un texte (art. 49 alinéa 3, communément appelé "49.3"). 

Le texte est réputé adopté sans débat, sauf si une motion de censure, déposée dans les 24 heures, est votée.

Celle-ci requiert, comme dans l'hypothèse précédente, la signature d’un dixième des membres de l’Assemblée, un député pouvant également en signer autant qu’il veut au cours d’une session. Elle est alors discutée et votée comme la motion de censure spontanée (majorité absolue des membres composant l'Assemblée nationale).

En plus de la démission du Gouvernement, son adoption entraîne le rejet du texte sur lequel il avait engagé sa responsabilité. 

Depuis la loi constitutionnelle de juillet 2008, l’usage de l’article 49 alinéa 3 est limité à un projet ou une proposition de loi par session, sans compter cette possibilité pour les lois de finances et de financement de la sécurité sociale.

En cas d’adoption d’une motion de censure, qu'elle soit spontanée ou provoquée, le Premier ministre doit remettre au président de la République la démission de son Gouvernement (art. 50 de la Constitution). Le président de la République nomme alors un nouveau Premier ministre et, sur proposition de ce dernier, les autres membres du nouveau Gouvernement, comme le prévoit l'article 8 de la Constitution. Aucun texte ne prévoit de délai pour la constitution d'un nouveau Gouvernement. Dans l'attente de sa nomination, le Gouvernement démissionnaire expédie les affaires courantes. 

La pratique révèle à la fois la grande utilisation de la motion de censure et sa faible utilité, dans la mesure où deux motions de censure ont été adoptées depuis 1958.

  • Une seule motion de censure spontanée adoptée sous la Ve République

Le 5 octobre 1962, pour protester contre la décision du général de Gaulle de soumettre à référendum la révision constitutionnelle prévoyant l’élection au suffrage universel direct du président de la République, selon la procédure de l’article 11 de la Constitution et non selon celle de l’article 89, 280 députés sur 480 adoptent une motion de censure spontanée.

Le Premier ministre, Georges Pompidou, présente alors la démission de son Gouvernement. Le général de Gaulle décide de dissoudre l’Assemblée nationale le 9 octobre. Les élections législatives se traduisent par une large victoire gaulliste, et Georges Pompidou demeure Premier ministre. 

Aucune autre motion de censure spontanée n’a plus atteint, depuis, la majorité constitutionnelle. Cela ne signifie pas que l’instrument n'est pas utilisé. L’opposition a toujours déposé des motions de censure, sans se faire d’illusion sur le résultat final, mais afin d’acter au cours d’un débat parlementaire son désaccord avec la politique suivie par le Gouvernement et sa majorité. 

  • Une seule motion de censure adoptée après l'utilisation de l'article 49 alinéa 3

Les députés n’ont pas non plus manqué de déposer des motions de censure après l’utilisation de l’art. 49 al. 3 par un Gouvernement, afin de dénoncer l’occultation du débat parlementaire, puisque le "49.3" arrête toute discussion, et de mettre ainsi en avant leurs arguments contre le texte proposé. Cependant, une seule motion de censure provoquée a été adoptée. Le 4 décembre 2024, à l'occasion de l'examen du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2025, une motion de censure a été adoptée à l'encontre du gouvernement de Michel Barnier.

Le saviez-vous ?

Sous la IIIe et la IVe Républiques, la fonction de sanction de la Chambre basse s’exerçait pleinement dans la mesure où les députés n’hésitaient pas à renverser le Gouvernement, soit en lui refusant la confiance, soit en votant une interpellation, voire encore en rejetant un projet de loi d’importance.

Sous la Ve République, hormis durant les périodes de cohabitation, le Gouvernement apparaît aujourd'hui davantage responsable devant le chef de l’État que devant l’Assemblée. Aussi, la motion de censure, dont l’initiative procède désormais systématiquement de l’opposition, est-elle davantage devenue un mode d’interpellation du Gouvernement et de sa majorité qu’un moyen pour les députés de réellement mettre en cause la responsabilité du Gouvernement.

En vidéo

  • Un gouvernement peut-il être poussé à la démission ?
  • Oui ! Si l’Assemblée nationale vote une motion de censure contre ce gouvernement.
  • La Constitution de la Ve République prévoit deux types de motion de censure.
  • 1. La motion de censure spontanée.
  • C’est le cas lorsque des députés veulent exprimer leur désaccord avec la politique du gouvernement.
  • Pour être déposée, la motion doit au moins recueillir la signature d’1/10e des membres de l’Assemblée nationale.
  • Un député ne peut pas signer plus de trois motions lors d’une session ordinaire de l’Assemblée nationale, et pas plus d’une pendant une session extraordinaire.
  • Un délai de 48 heures doit être respecté entre le dépôt et le vote de la motion de censure.
  • Pour être adoptée, la motion de censure doit recueillir la majorité absolue des membres de l’Assemblée nationale.
    On ne compte que les voix "pour".
  • 2. La motion de censure provoquée.
  • C’est l’hypothèse où le gouvernement engage sa responsabilité sur un texte de loi.
  • Si les députés ne déposent pas de motion de censure dans les 24 heures, le texte est alors adopté sans vote de l’Assemblée nationale.
  • Le gouvernement ne peut engager sa responsabilité que sur un seul texte par session parlementaire, hors textes budgétaires.
  • Comme pour la motion spontanée, la motion provoquée requiert au moins 1/10e de signatures de députés.
  • Seule différence : les députés peuvent en signer autant qu’ils veulent lors d’une session.
  • Comme pour la motion spontanée, l’adoption nécessite la majorité absolue des membres de l’Assemblée nationale.
  • Si elle est votée, qu’elle soit spontanée ou provoquée, la motion de censure entraîne la fin du gouvernement.
  • Dans le cas d’une motion provoquée, le vote entraîne également le rejet du texte sur lequel le gouvernement avait engagé sa responsabilité.

En image

  • À l'Assemblée nationale, le vote d'une motion de censure entraîne la démission du Gouvernement.
  1. Motion de censure spontanée : elle exprime un désaccord des députés avec la politique du Gouvernement.
  2. Motion de censure provoquée : elle résulte de la décision du Premier ministre d'engager la responsabilité du Gouvernement devant l'Assemblée nationale sur le vote d'un texte.
  • Pour être déposée, la motion de censure doit être signée par un dixième des députés.
  • Pour être adoptée, la motion de censure doit recueillir la majorité absolue des députés.
  • Motion adoptée dans le cadre d'une motion de censure spontanée : démission du Gouvernement.
  • Motion adoptée dans le cadre d'une motion de censure provoquée : démission du Gouvernement et rejet du texte.
  • Sans majorité absolue, le texte est rejeté.
  • Motion rejetée dans le cadre d'une motion de censure spontanée : maintien du Gouvernement.
  • Motion rejetée dans le cadre d'une motion de censure provoquée : maintien du Gouvernement et adoption du texte.
La motion de censure : véritable moyen de contrôle ? - plus de détails dans le texte suivant l’infographie
  • À l'Assemblée nationale, le vote d'une motion de censure entraîne la démission du Gouvernement.
  1. Motion de censure spontanée : elle exprime un désaccord des députés avec la politique du Gouvernement.
  2. Motion de censure provoquée : elle résulte de la décision du Premier ministre d'engager la responsabilité du Gouvernement devant l'Assemblée nationale sur le vote d'un texte.
  • Pour être déposée, la motion de censure doit être signée par un dixième des députés.
  • Pour être adoptée, la motion de censure doit recueillir la majorité absolue des députés.
  • Motion adoptée dans le cadre d'une motion de censure spontanée : démission du Gouvernement.
  • Motion adoptée dans le cadre d'une motion de censure provoquée : démission du Gouvernement et rejet du texte.
  • Sans majorité absolue, le texte est rejeté.
  • Motion rejetée dans le cadre d'une motion de censure spontanée : maintien du Gouvernement.
  • Motion rejetée dans le cadre d'une motion de censure provoquée : maintien du Gouvernement et adoption du texte.

Podcast

Qu'est-ce qu'une motion de censure ?

Bonjour, je suis Bertrand rédacteur pour le site vie-publique.fr et je vais vous expliquer en quoi consiste une motion de censure.

La motion de censure est le principal moyen de contrôle du Gouvernement par l'Assemblée nationale. Quand cette dernière vote une motion de censure, le Gouvernement doit démissionner. La Constitution prévoit deux types de motion de censure.

La première est à l’initiative des députés

C'est la motion de censure dite spontanée ou offensive (définie à l’article 49 al.2). Elle résulte de la seule initiative des députés et exprime un désaccord avec la politique du Gouvernement.

Pour être recevable, la motion doit être signée par un dixième des membres de l’Assemblée nationale, soit 58 députés.

Et pour être validée, la motion de censure doit réunir les voix de la majorité absolue des membres composant l’Assemblée nationale, soit 289 voix sur 577. Cette condition se justifie pour éviter qu’une majorité simple, liée à des abstentions massives ne permette de renverser un Gouvernement. Ainsi, seules les voix "pour" comptent.

En cas d’adoption d’une motion de censure, le Premier ministre doit remettre au président de la République la démission de son Gouvernement.

Le second type de motion de censure est la motion de censure provoquée, alors en quoi consiste-t-elle ?

La motion de censure provoquée est définie à l’article 49.3 de la Constitution. Elle résulte de la décision du Premier ministre d’engager la responsabilité du Gouvernement devant l’Assemblée nationale sur tout ou partie d’un texte. Cela implique que celui-ci est réputé adopté sans débat, sauf si une motion de censure, déposée dans les 24 heures, est votée.

Depuis la loi constitutionnelle de juillet 2008, le Gouvernement ne peut engager sa responsabilité plus d’une fois par session. Il peut en outre utiliser cette disposition dans le cadre des lois de finances et de financement de la sécurité sociale.

La motion de censure provoquée requiert, elle aussi, la signature d’un dixième des membres de l’Assemblée. Son adoption, entraîne la démission du Gouvernement et le rejet du texte sur lequel il avait engagé sa responsabilité.

Enfin quelle est la pratique sous la Ve République ?

Eh bien depuis le début de la Ve République jamais une motion censure provoquée n’a été votée par une majorité de députés.

Quant à la motion de censure spontanée, une seule a été adoptée depuis 1958 : le 5 octobre 1962 pour protester contre la décision du général de Gaulle de soumettre à référendum la révision constitutionnelle prévoyant l’élection au suffrage universel direct du président de la République.

Bien que l’opposition y ait eu recours à de très nombreuses reprises afin d’acter son désaccord avec la politique du Gouvernement et de sa majorité, aucune autre motion de censure n’a plus atteint, depuis, la majorité constitutionnelle.

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