Pourquoi existe-t-il une justice administrative ?

Administration

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L’essentiel

  • Les juridictions administratives ont été mises en place pour régler les conflits entre l'administration, qui n'est pas considérée comme un justiciable ordinaire, et les particuliers. Le système judiciaire français distingue l'ordre judiciaire et l'ordre administratif. 
  • La création d'un ordre administratif distinct de l'ordre judiciaire s'est déroulée en plusieurs étapes : du système du "ministre-juge" en 1790 jusqu'à la reconnaissance de son indépendance dans la Constitution à la fin des années 1980.

 

En détail

En France, le règlement des litiges entre administration et administrés s'effectue devant un juge spécialisé : le juge administratif. Les juridictions administratives sont des tribunaux à part entière, distincts des tribunaux judiciaires.

Les tribunaux administratifs constituent un ordre de juridiction particulier : l’ordre administratif. L'ordre administratif comprend essentiellement le tribunal administratif, la cour administrative d'appel et le Conseil d'État.

La spécificité du dualisme juridictionnel français

L'administration bénéficie en France d'un privilège de juridiction (droit de comparaître devant une juridiction autre que celle du ressort ordinaire), justifié par la spécificité du contentieux qui oppose l'administration, garante de l'intérêt général, aux administrés et leurs intérêts privés.

Dans certains pays, notamment anglo-saxons, l’administration ne bénéficie pas de ce privilège, mais est jugée comme un particulier devant les juridictions ordinaires.

En cas de conflit sur la répartition des compétences entre l'ordre administratif et l'ordre judiciaire, c'est le Tribunal des conflits qui tranche. 

Si l'ordre administratif a été créé en distinction avec l'ordre judiciaire, la spécificité du premier n'est plus aussi marquée qu'à ses débuts, les deux ordres ayant tendance à s'influer respectivement dans leur jurisprudence (notamment en matière de respect du droit européen). 

La création de la justice administrative s’est faite en quatre étapes :

  • Sous la Révolution (loi des 16 et 24 août 1790 et décret du 16 fructidor an III), les révolutionnaires décident que les juges ne peuvent pas intervenir dans les affaires de l’administration. C’est l’apparition du principe de la séparation des autorités administratives et judiciaires. Mais il n’existe pas encore de tribunal administratif. Un administré en conflit avec une administration doit s’adresser en dernier lieu au ministre, qui est à la fois juge et partie (c'est le système dit du "ministre-juge").
  • En 1799 et 1800, la Constitution de l’an VIII crée le Conseil d’État et la loi du 28 pluviôse an VIII les conseils de préfecture départementaux, compétents dans des domaines précis. L'avis du Conseil d’État est consultatif : la décision en ce domaine demeure théoriquement celle du chef de l’État, le Conseil ne faisant que proposer une solution. Mais, dans la majorité des cas, ses projets d’arrêts sont suivis (système dit de la "justice retenue"). Ce système ne met toutefois pas fin au précédent : à l’exception des compétences des conseils de préfecture, les ministres restent les juges administratifs de droit commun devant lesquels les administrés portent leur requête, les recours ensuite devant le Conseil d’État ne sont que des appels.
  • La loi du 24 mai 1872 permet au Conseil d’État de devenir un juge administratif à part entière prenant lui-même des décisions contraignantes, sans l'intervention du pouvoir exécutif (système dit de la "justice déléguée"). De plus, par son arrêt Cadot du 13 décembre 1889, il abandonne la doctrine du ministre-juge et devient juge administratif de droit commun.
  • Les décisions du Conseil constitutionnel du 22 juillet 1980 et du 23 janvier 1987 accordent une valeur constitutionnelle à l’indépendance et à la compétence de la juridiction administrative. La révision constitutionnelle du 23 juillet 2008 a confirmé cet ancrage constitutionnel, en introduisant à l’article 65 du texte fondamental la notion d’ordre administratif. Dans sa décision du 3 décembre 2009, le Conseil constitutionnel a qualifié la Cour de Cassation et le Conseil d’État de "juridictions placées au sommet de chacun des deux ordres de juridiction reconnus par la Constitution".

En image

1er degré : tribunal administratif

Appel 2e degré : cour administrative d'appel

Contrôle, pourvoi : Conseil d'État, section du contentieux

Pourquoi existe-t-il une justice administrative ? - plus de détails dans le texte suivant l’infographie

1er degré : tribunal administratif

Appel 2e degré : cour administrative d'appel

Contrôle, pourvoi : Conseil d'État, section du contentieux

Podcast

Quel est le rôle du Conseil d'État ?

Bonjour, je suis Bertrand, rédacteur pour le site vie-publique.fr, et je vais vous expliquer en quoi consiste le rôle du Conseil d’État.

Le Conseil d'État, créé en 1799, est à la fois une juridiction administrative et conseiller du Gouvernement. Juge des litiges entre l'administration et les administrés, il est aussi la plus haute autorité de l'ordre administratif.

  • Mais commençons d’abord par le rôle de juge administratif du Conseil d’État ?

    Le Conseil d’État est juge, en premier et dernier ressort, du contentieux électoral des élections européennes, des élections régionales et des élections des assemblées de certains territoires à statut particulier tel que la Corse ou la Polynésie française. Il l‘est aussi pour juger des recours contre les décrets, les ordonnances, actes réglementaires des ministres. Enfin, il se prononce sur les recours formés contre les décisions administratives prononcées par les principales autorités administratives indépendantes.

    Le Conseil d’État dispose également de compétences en tant que juge d’appel des décisions rendues par les tribunaux administratifs, par exemple en matière d’élections communales et départementales.

  • Par ailleurs, le Conseil d’État est juge de cassation… Alors en quoi consiste ce rôle ?

    Le Conseil d’État est la juridiction suprême de l’ordre administratif. Il peut être saisi d’un pourvoi en cassation. Il s’agit d’une voie de droit exceptionnelle par laquelle le Conseil d’État ne rejuge pas l’affaire mais vérifie la correcte application du droit par les juges du fond.

    Le Conseil d’État est juge de cassation :

    • des arrêts des cours administratives d’appel ;
    • des décisions des juridictions administratives spéciales ;
    • et pour juger des pourvois formés contre les jugements rendus, dans certaines matières, par les tribunaux administratifs statuant en premier et dernier ressort.
  • Le Conseil d’État est également conseiller du Gouvernement… Mais comment exerce-t-il cette compétence ?

    D’abord en examinant chaque année les projets de loi, d’ordonnance ou de décret pour vérifier leur régularité juridique et leur opportunité en termes d’action administrative. Puis en rendant un avis qui peut être soit :

    • obligatoire, pour les projets de loi et les ordonnances, ainsi que pour certains décrets ;
    • soit facultatif, à la demande du Gouvernement, sur tout projet de texte.

    Le Conseil d’État peut aussi être consulté par le Gouvernement sur toute question et rendre un avis. Par exemple, en 1989, il a précisé la portée du principe de laïcité dans les établissements scolaires à la suite de l'affaire du “foulard islamique” et, en 2015, il s’est prononcé sur la conformité à la Constitution du dispositif prévoyant la création d’un fichier judiciaire des auteurs d’infractions de terrorisme.

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