Quelles sanctions en cas de non-respect des valeurs de l'Union (art. 7 TUE) ?

Union européenne

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L’essentiel

  • L’article 7 du traité sur l’Union européenne (TUE) prévoit deux mécanismes à l’encontre d’un État membre qui contreviendrait au respect des valeurs précisées à l’article 2 du TUE, parmi lesquelles figurent l’État de droit. Ces mécanismes se composent d’un volet "prévention" et d’un volet "sanction".
  • Devant l'inefficacité des mécanismes de l'article 7, une nouvelle procédure de conditionnalité des aides européennes a été instaurée en 2020, et a trouvé à s'appliquer dès 2022.

En détail

L'article 7 du Traité sur l'Union européenne (TUE) vise à assurer le respect par les États membres des valeurs de l'UE (énumérées à l'article 2 TUE) grâce à deux mécanismes : 

  • un mécanisme préventif, qui peut être déclenché en cas de "risque clair de violation grave par un État membre des valeurs visées à l'article 2" (art. 7 § 1). La procédure est la suivante : la Commission européenne, le Parlement européen ou un tiers des États membres invite le Conseil de l'UE à constater l'existence de ce risque. Après avoir entendu l’État membre et après approbation du Parlement, le Conseil se prononce.
  • un mécanisme de sanctions, qui peut être activé uniquement en cas de "violation grave et persistante par un État membre des valeurs visées à l’article 2" - et non d'un simple risque (article 7 § 2). La proposition émane de la Commission ou d'un tiers des États membres. Après présentation de ses observations par l’État membre visé et approbation par le Parlement, le Conseil européen se prononce. L'application de la procédure requiert une décision unanime, à l’exception de l’État visé par la procédure. Le Conseil de l'UE peut alors décider, à la majorité qualifiée, de suspendre certains droits du pays concerné, "y compris les droits de vote" exercés au sein du Conseil (art. 7 § 3).

La procédure prévue à l'article 7 a été enclenchée, uniquement sur le volet préventif, à l'égard de deux États : 

  • la Pologne, en décembre 2017, à l'initiative de la Commission, concernant une réforme remettant en question l'indépendance de la justice. C'était la première fois que l'article 7 était utilisé ; 
  • la Hongrie, en septembre 2018, à l'initiative du Parlement, en raison de préoccupations sur l'indépendance de la justice, la liberté d'expression, la corruption, le droit des minorités et la situation des migrants et des réfugiés. 

Les gouvernements hongrois et polonais ont été auditionnés, comme le prévoit la procédure de l'article 7, mais aucune position, qu'elle soit préventive ou punitive, n’a été adoptée. 

Les mécanismes prévus par l'article 7 n'ont ainsi jamais été mis en œuvre jusqu'ici. Le mécanisme de sanction, tout particulièrement, est peu susceptible d'aboutir dès lors que plus d'un État s'engage sur une voie autoritaire : le vote ne sera jamais unanime tant que l’État mis en cause sera soutenu par au moins un autre. Ce fut le cas pour la Pologne et la Hongrie. La procédure de l'article 7 TUE a en ce sens pu être qualifiée par certains d’"arme nucléaire", au regard de son ineffectivité et de son caractère peu dissuasif

L'évolution du respect de l'État de droit dans les États membres

La Commission publie depuis 2020 un rapport annuel sur l'État de droit, qui fait état de son respect par les États membres. Dans son rapport de 2024, la Commission constate l'évolution positive de la situation en Pologne, depuis l'élection de son nouveau gouvernement en 2023, davantage respectueux de l’État de droit. La Commission a mis un terme le 6 mai 2024 à la procédure déclenchée à son encontre en 2017. En revanche, la Hongrie est toujours dans le viseur de la Commission. Celle-ci émet également une alerte sur le recul de l’État de droit en Slovaquie, et constate le déclin de la liberté des médias nationaux en Italie. 

En raison de l'inapplication de l'article 7, un nouveau mécanisme a été mis en place par la Commission. Conformément au Règlement du 16 décembre 2020 créant ce mécanisme, le versement des fonds européens est désormais conditionné au respect de l’État de droit. Ce régime est entré en vigueur le 1er janvier 2021.

En cas de violations de l’État de droit, l’UE peut décider de suspendre les différentes aides financières à destination de l'État en cause. Le mécanisme est activé à l'initiative de la Commission, qui notifie l’État membre visé de ses constatations et le met en demeure de fournir les informations nécessaires et de formuler ses observations dans un délai compris entre un et trois mois. Une fois ce délai écoulé, si elle l'estime toujours nécessaire, la Commission propose alors des mesures au Conseil. Celui-ci statue à la majorité qualifiée. Il peut adopter telle quelle la proposition de la Commission ou la modifier. 

Ce nouveau régime poursuit deux objectifs :

  • sanctionner financièrement les États coupables de violations de l’État de droit ;
  • éviter que le budget européen ne soit utilisé à mauvais escient par des gouvernements agissant en contradiction avec les valeur de l'UE. 

Il a été mis en application pour la première fois à l’encontre de la Hongrie, le 27 avril 2022. Le 12 décembre suivant, le Conseil a décidé de suspendre 6,3 milliards d'euros dédiés à cet État. En décembre 2023, la Commission a néanmoins autorisé le dégel de 10,2 milliards d'euros pour la Hongrie.