Les référendums de la Ve République et leurs résultats

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L’essentiel

Neuf référendums ont été organisés sous la Ve République depuis l’adoption de la Constitution de 1958 (sans compter celui du 28 septembre 1958, approuvant l’adoption de la Constitution), tous sur décision du chef de l’État et, pour la plupart, selon la procédure prévue à l’article 11 de la Constitution. 

En détail

Le référendum du 8 janvier 1961

Un référendum est organisé afin de valider la politique d’autodétermination du général de Gaulle en Algérie.

Le résultat est favorable au "oui" dans une proportion de près de 74,99% des suffrages exprimés. L’abstention est assez faible, puisqu'elle se limite à un taux de 26,24%.

Le référendum du 8 avril 1962

Une nouvelle consultation référendaire, toujours sur le dossier algérien. Il s’agit cette fois d’autoriser le président de la République à négocier un traité avec le futur gouvernement algérien. Derrière ces formules quelque peu complexes, le référendum a en fait pour but de faire approuver par les Français les accords d’Évian du 18 mars 1962.

Dans un climat de soulagement créé par la perspective de la fin de la guerre d’Algérie, les "oui" l’emportent avec 90,81% des suffrages exprimés, alors même que le taux d’abstention n’est que de 24,66%.

Le référendum du 28 octobre 1962

Ce référendum porte sur une révision constitutionnelle de très grande ampleur : l’élection du Président de la République au suffrage universel direct.

La campagne est extrêmement animée, les débats portant aussi bien sur le bien-fondé de la réforme que sur l’utilisation de l’article 11 de la Constitution. Ce procédé est dénoncé par beaucoup comme une violation du texte fondamental. En effet, la procédure "normale" de révision des institutions est celle définie par l’article 89 de la Constitution, qui nécessite au préalable une approbation de chacune des deux chambres. Or, les électeurs sont convoqués sur le fondement de l’article 11, sur proposition de l’exécutif, et donc sans aucun vote parlementaire, qui aurait certainement été négatif.

En raison d’une forte mobilisation des différents partis en présence, le taux d’abstention est peu élevé (23,03%). Le "oui" l’emporte avec 62,25% des suffrages exprimés.

Le référendum du 27 avril 1969

Les électeurs doivent se prononcer sur la régionalisation et la réforme du Sénat. Le débat porte en réalité surtout sur le maintien ou non du général de Gaulle au pouvoir, après onze ans de présidence et un an après la crise de mai 1968.

En définitive, les "non" l’emportent avec 52,41% des suffrages exprimés. En raison de l’enjeu politique majeur de la consultation, le taux d’abstention est le plus faible de tous les référendums organisés sous la Ve République : seulement 19,87%. Le général de Gaulle démissionne, le président du Sénat, Alain Poher, exerce l'intérim dès le 28 avril.

Le référendum du 23 avril 1972

Un référendum est organisé afin de permettre la ratification du traité d’élargissement de la Communauté économique européenne. Les pays concernés sont le Danemark, la Norvège (qui finalement n’entrera pas dans la Communauté), l’Irlande et la Grande-Bretagne (dont l’entrée avait été auparavant refusée par le général de Gaulle).

Le résultat est favorable à l’adhésion, dans une proportion de 68,31% des suffrages exprimés. Mais le taux d’abstention est très élevé : 39,76%. Cela s’explique essentiellement par l’absence d’engagement décisif du chef de l’État, le faible intérêt des citoyens pour la question posée, et la décision du Parti socialiste d’appeler à l’abstention.

Le référendum du 6 novembre 1988

Les électeurs sont appelés à se prononcer sur le nouveau statut de la Nouvelle-Calédonie, qui fait suite aux "accords de Matignon" entre l’État, sous les auspices du Premier ministre Michel Rocard, le Rassemblement pour la Calédonie dans la République (RPCR) et le Front de libération nationale kanak et socialiste (FLNKS).

Les résultats du vote sont très favorables au nouveau statut (79,99% des suffrages exprimés). Mais le taux d’abstention est exceptionnellement élevé, puisqu'il atteint 63,11%. Ce chiffre s’explique par plusieurs éléments : le manque d’intérêt des Français, d’autant plus que les accords de Matignon laissaient présager un résultat positif du référendum, mais aussi la consigne d’abstention donnée par le RPR.

Le référendum du 20 septembre 1992

Le référendum a pour objet la ratification du Traité sur l’Union européenne (communément appelé "traité de Maastricht"). La campagne est extrêmement animée, et le débat, de manière assez inattendue pour un sujet aussi ardu, passionne et divise les Français.

C’est à l’évidence ce qui explique le taux relativement faible d’abstention enregistré à cette occasion (30,30%) par rapport à ceux constatés lors des deux référendums précédents. Le "oui" l’emporte de justesse avec 51,04% des suffrages exprimés.

Le référendum du 24 septembre 2000

Les électeurs doivent se prononcer sur la réduction du mandat présidentiel à cinq ans, sans qu’aucune autre réforme constitutionnelle ne soit votée à cette occasion (c’est le "quinquennat sec").

Le "oui" l’emporte avec 73,21% des suffrages exprimés. Mais le taux d’abstention est à nouveau très élevé et atteint 69,81%. Cette faible participation s’explique par la quasi-certitude qu’avaient les électeurs d’une réponse positive, mais aussi par l’absence d’engagement personnel du chef de l’État, Jacques Chirac, en faveur du "oui".

Le référendum du 29 mai 2005

Le président de la République décide de consulter les Français sur le projet de traité établissant une Constitution pour l’Europe. Sa décision est en partie motivée par l’appui donné au texte par les grands partis de gouvernement : UMP, PS et UDF. Le débat vif et passionné de la campagne électorale révèle un fort mécontentement de l’opinion publique motivé à la fois par un désaveu de la politique nationale menée depuis la dernière élection présidentielle, et l’absence d’alternative politique crédible.

Pour la seconde fois dans l’histoire de la Ve République, le "non" l’emporte à un référendum avec 54,67% des suffrages exprimés. La France, un des pays fondateurs de la construction européenne, devient ainsi le premier pays de l’Union européenne à rejeter le traité constitutionnel, avant les Pays-Bas le 1er juin 2005. Le taux de participation au référendum s’élève à 69,37%. Les électeurs se sont rendus aux urnes à l’issue d’une campagne passionnée, mais parfois confuse.

Une grande partie des débats s’est focalisée en effet sur le bilan des politiques du Gouvernement Raffarin ou sur des thèmes juridiquement étrangers au référendum (comme la directive dite "Bolkestein" sur les travailleurs détachés, ou l’adhésion de la Turquie à l’Union européenne).

Le référendum soulève, par ailleurs, de nombreuses contradictions au sein des partis en bouleversant les clivages politiques traditionnels. 

Estimant les Français "directement concernés" par le sujet, le président de la République avait choisi en juillet 2004 de faire ratifier le traité par référendum. Il aurait pu aussi opter pour la voie parlementaire. Malgré le désaveu sévère que représente ce résultat, et à la différence du général de Gaulle en 1969, Jacques Chirac remplace le chef du Gouvernement, mais reste en fonction.

En vidéo

  • Vie publique vous explique le référendum prévu à l’article 11 de la Constitution.
  • Un référendum vise à demander directement aux citoyens de se prononcer sur un texte ou sur une question.
  • L’article 11 de la Constitution de 1958 permet d’organiser des référendums législatifs sur un projet de loi.
  • Qui décide de l’organisation d’un référendum législatif ?
  • Le président de la République porte cette décision.
  • Mais cette initiative doit reposer sur une proposition du gouvernement ou bien sur une proposition conjointe de l’Assemblée nationale et du Sénat.
  • Quels projets de loi peuvent-être soumis au référendum législatif ?
  • Le texte soumis au référendum peut porter sur :
  • L'organisation des pouvoirs publics.
  • Des réformes sur la politique économique, sociale ou environnementale et aux services publics concernés.
  • L’autorisation de ratifier un traité international.
  • En faveur de quels sujets les électeurs se sont-ils prononcés depuis 1958 ?
  • L'autodétermination en l'Algérie en 1961 et les accords d'Evian en 1962.
  • L’élection du président de la République au suffrage universel direct, également en 1962.
  • Ce référendum a fait l’objet de vifs débats car il s'agissait d'une révision constitutionnelle. Or ces révisions relèvent en principe de l'article 89 de la Constitution.
  • L'adhésion de nouveaux États à la Communauté européenne, comme cela a été le cas pour le Royaume-Uni.
  • Le statut de la Nouvelle-Calédonie en 1988.
  • Ou encore la ratification du "traité de Maastricht" sur l’Union européenne en 1992.
  • Sur quels sujets le "non" l’a-t-il emporté ?
  • Le projet de régionalisation et de réforme du Sénat en 1969, porté par le président de la République, Charles de Gaulle.
  • Le traité pour établir une Constitution européenne, rejeté en 2005.
  • L’article 11 prévoit-il d’autres formes de référendums ?
  • Le référendum d’initiative partagé, qu’on appelle le RIP, est entré en vigueur en 2015.
  • Le RIP permet à des parlementaires, députés ou sénateurs, de provoquer un référendum. 
  • Le RIP porte sur les mêmes domaines que le référendum législatif, hors ratification de traités internationaux.
  • Les parlementaires doivent pour cela obtenir le soutien de 10% du corps électoral, soit environ 4,8 millions de personnes.

Podcast

Le référendum sous la Ve République : histoire, modalités et usage (2/3)

[GENERIQUE

Vous écoutez « L’Actualité de la vie publique », un podcast du site Vie-publique.fr. 

Signature sonore

Patrice : Bonjour à tous, Bonjour « Guillemette » 

Guillemette : Bonjour « Patrice » 

Patrice : Référendum d’initiative partagée (RIP), référendum d’initiative citoyenne (RIC), initiative populaire des lois (IPL)…etc., si le débat concernant les moyens de renforcer la participation des citoyens aux affaires de la cité a été relancé en France ces dernières années, le référendum plonge en réalité ses racines dans un passé très ancien. 
Voici une nouvelle série de « L’Actualité de la vie publique » consacrée à cet instrument de démocratie directe qui suscite de nombreuses critiques mais représente, pour d’autres, un outil susceptible d’améliorer le fonctionnement de la démocratie représentative. 

Au sommaire de ce deuxième épisode : « Le référendum sous la Ve République : histoire, modalités et usage ». 

Patrice : Alors, première question Guillemette, comment le référendum est-il défini dans la Constitution française ? 

Guillemette : Tout d’abord, rappelons que le référendum est une procédure de vote permettant de consulter directement le peuple sur une question. L’article 3 de la Constitution reconnaît le référendum comme l’un des deux moyens d’expression de la souveraineté nationale. Il dispose, je cite : « La souveraineté nationale appartient au peuple qui l’exerce par ses représentants et par la voie du référendum. » Les articles 11, 89 et 72 de la Constitution définissent les trois grands types de référendums. 

[Intervention 1. Patrice : Quels sont-ils ?] 

Guillemette : Le premier, défini à l’article 11, est le référendum législatif. Celui-ci peut porter sur : l'organisation des pouvoirs publics ; la politique économique, sociale ou environnementale de la nation (depuis 1995) ; et sur les services publics qui y concourent. Il peut également porter sur la ratification d’un traité international. Le référendum prévu par l’article 89 est le référendum constituant. Il vise à modifier la Constitution. Enfin, depuis la réforme constitutionnelle de 2008, il est possible d’organiser des référendums à l’échelle locale. En application de l’article 72, les électeurs d’une collectivité territoriale peuvent décider, par leur vote, de la mise en œuvre ou non d’un projet concernant une affaire locale (par exemple, la création d’une police municipale ou le choix du nom des habitants). 

Patrice : Qui est à l’initiative du référendum en France ? Eh bien Patrice, le droit d’initiative dépend justement du type de référendum. Le référendum législatif est décidé par le président de la République : à la demande du gouvernement ou des deux assemblées (Assemblée nationale et Sénat) ; à l’initiative d’un cinquième des membres du Parlement, soutenus par un dixième des électeurs inscrits sur les listes électorales. Dans ce second cas, on parle de référendum d’initiative partagée. En ce qui concerne le référendum constituant, l’initiative de la révision constitutionnelle appartient concurremment au président de la République sur proposition du Premier ministre et aux membres du Parlement. Le recours au référendum est : obligatoire pour les propositions de lois constitutionnelles (à initiative des parlementaires) ; alors qu’il est facultatif pour les projets de lois constitutionnelles (à l’initiative du Gouvernement). Un projet de loi constitutionnel n’est présenté au référendum que lorsque le président de la République décide de ne pas le soumettre au Parlement réuni en Congrès. 

[Intervention 2. Patrice. Et pour le référendum local ?] 

Guillemette : Le référendum local est toujours à l’initiative de la collectivité locale (commune, département ou région). Si plus de la moitié des électeurs a pris part au scrutin, et que le « oui » réunit au moins 50% des suffrages exprimés, le référendum n’est plus consultatif mais devient contraignant. 

Patrice : Les résultats du référendum sont-ils toujours contraignants ? 

Guillemette : Sous la Ve République, en effet, le référendum a généralement une portée décisionnelle. Une réponse positive au référendum se conclut par la promulgation de la loi constitutionnelle ou ordinaire correspondant au projet, ou par la ratification d'un traité. Par exemple, la victoire du « oui » au référendum du 24 septembre 2000 a donné lieu à la réforme constitutionnelle de 2000 sur le quinquennat. Parfois même, le référendum a eu une portée politique au-delà de la question posée. Par exemple, en 1969, après la victoire du « non » à la proposition de réforme du Sénat et de régionalisation, le président de la République Charles de Gaulle se résout à quitter ses fonctions. L’échec de ce référendum est interprété comme un désaveu de sa personne et de sa politique. Mais la personnalisation du référendum n’est pas systématique. En 2005, par exemple, le « non » au projet de traité établissant une Constitution pour l'Europe n'a pas provoqué de démission du Gouvernement ou du président de la République. 

Patrice : Quelles sont les principales critiques émises à l’encontre du référendum ? 

Guillemette : Certaines critiques portent sur la nature intrinsèque du référendum. Par exemple, le caractère réducteur de la question posée et la réponse, nécessairement binaire (oui ou non), ne permettent pas de trancher des questions complexes. Pour ses détracteurs, le référendum exclut toute forme de nuance et de consensus. Certains pointent également l’incompatibilité du référendum avec la culture et les pratiques du régime parlementaire. Il est en effet difficile de consulter plusieurs fois les citoyens sur un même sujet, ou tout simplement de corriger les erreurs d’un texte adopté par référendum. Au Parlement, à l’inverse, il est très fréquent que des lois soient amendées ou annulées en cas d’alternance politique. 

Patrice : Alors comment expliquez-vous que le référendum soit fréquemment évoqué comme un moyen d’améliorer le fonctionnement de la démocratie représentative ? 

Guillemette : Pour ses promoteurs, le référendum permet en effet de rapprocher les citoyens de la prise de décision et de la fabrique des politiques publiques… A condition, bien entendu, de lui retirer tout caractère plébiscitaire ! En France, il y a un véritable débat autour de l’usage de l’article 11. 

[Intervention 4. Patrice : Vous voulez parler du référendum de 1962 ?] 

Guillemette : Tout à fait Patrice. En 1962, le général de Gaulle souhaitait faire adopter une réforme constitutionnelle visant à modifier le mode de scrutin de l’élection présidentielle. D’après l’article 89, une réforme ne peut être soumise au référendum qu’à condition d’être votée dans les mêmes termes par l’Assemblée nationale et le Sénat. D’après l’article 11, en revanche, le président de la République, sur proposition du Gouvernement, peut soumettre au référendum tout projet de loi « portant sur l’organisation des pouvoirs publics ». Sachant le Parlement défavorable à cette réforme, le général de Gaulle a préféré le contourner et s’en remettre à l’article 11. Cette décision a été fortement contestée par ses adversaires politiques, mais aussi de nombreux juristes, qui y voyaient un abus de pouvoir contraire à l’esprit de la Constitution. Vous voyez Patrice, l’un des écueils du référendum en France, c’est qu’il soit utilisé par le pouvoir exécutif au détriment du pouvoir législatif. 

[Intervention 5. Patrice : Pourtant, le référendum peut être aussi à l’initiative des citoyens n’est-ce pas ?] 

Guillemette : En effet depuis la réforme de 2008, un dixième des électeurs inscrits sur les listes électorales, soutenus par un cinquième des parlementaires, peuvent initier ce que l’on appelle un référendum d’initiative partagée, RIP. Mais en réalité, il est très difficile de rassembler les soutiens nécessaires. Sous la Ve République, aucun projet de RIP n’a franchi la barre de recevabilité. Par ailleurs, Patrice, il ne faut pas confondre le référendum d’initiative partagée avec le référendum d’initiative citoyenne. Le référendum d’initiative citoyenne, RIC, permettrait de soumettre au référendum une proposition de loi sans l’aval du Parlement. S’il faisait partie des revendications des Gilets jaunes en 2018, il n’est, à ce jour, pas prévu par la Constitution française. 

Patrice : Dernière question Guillemette, a-t-on envisagé récemment des pistes de réforme du référendum ? Oui, par exemple, dans son projet de révision constitutionnelle de 2019, le président de la République Emmanuel Macron envisageait de faciliter l’accès au RIP, en levant certaines limites, et d’étendre le champ du référendum, notamment aux questions de société. Mais cette réforme constitutionnelle n’a finalement pas vu le jour. Toujours est-il que le référendum est un sujet récurrent dans le débat public français : même s’il ne cesse de faire l’objet de critiques, les partis politiques, les think tanks et la société civile ne manquent pas d’idées pour le moderniser. 

Patrice : Merci beaucoup Guillemette ! C’est la fin de cet épisode ! Dans le troisième et dernier épisode, nous nous intéresserons aux modèles de référendums étrangers et aux autres pistes de participation citoyenne. Vous pouvez réécouter gratuitement les deux premiers épisodes de cette série sur vos plateformes préférées et notre chaîne YouTube. N’hésitez pas à vous y abonner ! Et pour en savoir plus, RDV sur notre site internet Vie-publique.fr et nos réseaux sociaux. On se retrouve très bientôt ! Au revoir Guillemette ! 

Guillemette : Au revoir Patrice, au revoir à tous !

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