Que recouvrait la théorie de la souveraineté limitée ?

Relations internationales

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L’essentiel

  • La théorie de la souveraineté limitée, dite "doctrine Brejnev" régit les relations entre l'URSS et les pays qu'elle estime inclus dans sa zone d'influence, le "bloc communiste".
  • À partir de 1968, elle restreint la souveraineté de ces États satellites au motif de protéger le socialisme dans le monde.
  • Critiquée par d'autres pays socialistes pour ses effets coercitifs et asymétriques, la doctrine est abandonnée dans les années 1980.

En détail

La théorie de la souveraineté limitée est aussi appelée doctrine Brejnev, du nom du dirigeant de l'Union des républiques socialistes soviétiques (URSS) de 1964 à 1982, Léonid Brejnev. Cette théorie renvoie à la politique menée par l’URSS dans sa zone d’influence pendant la Guerre froide. Elle signifie la remise en cause partielle de la souveraineté d’un État, et ce en contradiction avec l’égalité souveraine des États, consacrée dans la Charte de l’Organisation des Nations unies - ONU (art. 2 § 1) et apparaissant comme une protection contre les prétentions des plus puissants.

Son élaboration a lieu dans le contexte de la répression du Printemps de Prague. Souhaitant mettre fin aux velléités réformatrices d’Alexandre Dubček, les Soviétiques mobilisent les troupes de leurs partenaires du Pacte de Varsovie pour envahir la Tchécoslovaquie, la nuit du 20 au 21 août 1968. Cette intervention est menée au nom de la défense des intérêts du camp socialiste.

Plus qu’une théorie abstraite, la doctrine de la "souveraineté limitée" est en réalité liée aux circonstances et construite par touches successives. Léonid Brejnev a d’abord invoqué un appel à l’aide du gouvernement tchécoslovaque, plus tard démenti. Il a alors eu recours à un argumentaire déjà esquissé avant l’intervention. Le 2 juillet 1968, il déclarait que l’URSS ne pouvait être indifférente "aux destinées de la construction du socialisme dans les autres pays". Le 3 août de la même année, à Bratislava, il énonçait que "l’affaiblissement d’un maillon quelconque du système socialiste mondial" affectait directement tous les pays socialistes. Brejnev posait ainsi les contours d’un droit d’intervention de l’URSS dans sa sphère d’influence, formalisant une doctrine déjà mise en œuvre lors de la répression du soulèvement en Hongrie (1956).

Qualifiée de "souveraineté rénovée" par les juristes soviétiques, la souveraineté des États satellites apparaît limitée par l'interdiction qui leur est faite de porter atteinte aux intérêts du socialisme.

Il s’agit donc d’une construction conjoncturelle, destinée à répondre aux critiques immédiates, tout en tentant de s’inscrire dans une conception plus vaste de l’internationalisme socialiste. On peut y voir une tentative idéologique de mobiliser les codes qui régissent les relations internationales de l’après-Seconde Guerre mondiale, mis au service des intérêts de l'Union soviétique. Il s'agit d'invoquer la notion de souveraineté, et d'en détourner l'usage.

Cette doctrine a été critiquée par certains États du bloc socialiste, comme la Chine ou la Roumanie, qui dénonçaient ses effets asymétriques et coercitifs. Elle a été abandonnée sous Mikhaïl Gorbatchev. Dans l’ex-URSS, l’affirmation de la volonté d’indépendance des républiques de la zone soviétique (ex-URSS) a ainsi été précédée par des déclarations affirmant leur souveraineté.

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