Cette proposition de loi traduit les recommandations législatives du rapport de la mission d’information sur la compétitivité de la ferme France du Sénat, adopté en septembre 2022. Pour ses auteurs, la compétitivité est la grande oubliée des politiques agricoles de ces 20 dernières années. Le recul de l’agriculture française tant à l’export que sur le marché intérieur résulte d’un "trop plein de normes, de charges excessives et d’un besoin croissant d’investissements et d’innovation".
Le texte, qui a été modifié par les sénateurs, débute par un article qui intègre la souveraineté alimentaire à la liste des intérêts fondamentaux de la Nation, au même titre que "son indépendance, l'intégrité de son territoire...".
Rendre sa compétitivité à l'agriculture
Pour reconquérir les parts de marché agricole perdues, le texte propose de mettre en place :
- un Haut-Commissaire à la compétitivité durable des filières agricoles et agroalimentaires françaises, auprès du ministre de l'agriculture. Il participera à la définition et à la mise en oeuvre des politiques publiques de compétitivité et sera un interlocuteur privilégié des filières pour centraliser leurs difficultés ;
- un plan de compétitivité durable des filières agricoles et alimentaires à l'horizon 2024 puis tous les cinq ans ;
- un fonds spécial de soutien à la compétitivité des filières agricoles en difficulté.
Favoriser l'investissement et le produire local
Un "livret Agri", livret d’épargne réglementée, est créé pour faciliter l'accès à l'emprunt des agriculteurs et l'accès au foncier agricole des plus jeunes. Un crédit d’impôt est institué pour les investissements en mécanisation destinés à améliorer la compétitivité agricole ou adapter les exploitations au réchauffement climatique.
L'article 8, qui a été amendé par les sénateurs, propose une expérimentation pendant cinq ans pour déroger à l'interdiction de pulvériser des produits phytosanitaires par drone sur certaines surfaces agricoles (terrains en pente ou dans le cadre d'une agriculture de précision). Le texte initial allait plus loin puisqu'il pérennisait cette dérogation. Plusieurs expérimentation du même ordre, arrivées à leur terme, ont déjà été menées en application de l'article 82 de la loi Egalim 1 de 2018. Un amendement a prévu de donner une suite à ces expérimentions : en "l’absence de risques inacceptables pour la santé et l’environnement" à l’issue de l’évaluation conduite par l’Agence nationale de sécurité sanitaire de l’alimentation, de l’environnement et du travail (ANSES), une autorisation provisoire, d’une durée maximum de cinq ans, pourra être délivrée par le ministère de l’agriculture.
Sur amendement, le gouvernement devra publier, d'ici le 1er janvier 2024, le décret d'application relatif à l'obligation d'indiquer le pays d'origine des viandes dans les produits transformés, obligation posée par une loi du 18 octobre 2021 visant à protéger la rémunération des agriculteurs.
Un autre amendement reporte à 2025, au lieu de 2022 tel que l'avait fixé la loi Egalim 1, l'obligation pour la restauration collective (écoles publiques, hôpitaux...) de s'approvisionner à hauteur de 20% en agriculture biologique et de 50% en produits durables et de qualité. Par ailleurs, la liste de produits éligibles pour l'atteinte de ces seuils est élargie aux produits "bénéficiant d'une démarche de certification de conformité des produits" (CCP). Les sénateurs ont également institué un conseil national de la restauration collective.
Lutter contre la surrèglementation agricole
La proposition de loi crée un principe de non surtransposition des textes européens sauf motif d'intérêt général suffisant et complète les missions du Conseil d'État en le chargeant, dans ses avis sur les projets de textes législatifs, d'identifier les surtranspositions. Le gouvernement devra produire une estimation du surcoût qu'elles pourraient engendrer, ainsi qu'une comparaison européenne, en amont du débat parlementaire.
En complément, les sénateurs ont demandé au gouvernement un bilan sur la mise en œuvre des clauses miroirs. Les clauses miroirs consistent à interdire d’importer des produits qui ne respecteraient pas les standards sanitaires ou environnementaux européens. Il s’agit d’un principe inscrit dans la loi Egalim 1 de 2018.
Un article, l'article 13, traite des missions de l'ANSES et de l'emploi des pesticides. Tel que modifié, il donne la possibilité au ministre de l’agriculture de suspendre, par arrêté motivé, une décision de retrait de mise sur le marché de produits phytosanitaires de l’ANSES à deux conditions : en l'absence de solution alternative viable et au cas où ce retrait amènerait à des distorsions de concurrence avec les autres pays de l'Union européenne. Cet amendement revient donc en partie sur le droit antérieur à la loi de 2014 d’avenir pour l’agriculture, l’alimentation et la forêt : l’Anses instruisait, le ministre décidait.
En cas de retrait de mise sur le marché d'un pesticide, la proposition de loi prévoit un délai de grâce et oblige l'État à financer l'accompagnement technique et de recherche aux professionnels concernés. Elle revient aussi sur l'interdiction des remises, rabais et ristournes à l'occasion de la vente de produits phytopharmaceutiques ainsi que sur la séparation de la vente et du conseil des produits phytopharmaceutiques issue de la loi Egalim 1.
Concernant l'usage de l'eau, une disposition consacre le caractère d’intérêt général majeur des ouvrages de prélèvement et de stockage de l’eau agricole. Un amendement a toutefois précisé que ces ouvrages devaient s’inscrire dans le respect d’un usage partagé de l’eau.
Maîtriser les charges sociales des agriculteurs
La proposition de loi contient des dispositions sur le droit du travail. Le secteur agricole est inclus dans les secteurs prioritaires en tension. "Dans une optique d'aide à la réinsertion", les départements volontaires pourront proposer à titre expérimental aux bénéficiaires du revenu de solidarité active (RSA), le cumul de leur allocation avec une activité rémunérée.
Les employeurs agricoles, qui produisent des produits de saison, sont exclus de l'application du bonus-malus sur les contrats courts. Le dispositif d’exonérations pour l’emploi de travailleurs occasionnels et de demandeurs d’emploi (TO-DE) est pérennisé.
Des mesures pour maîtriser les charges et impôts des agriculteurs complètent le texte. Les seuils d'exonération de l'impôt sur le revenu sont indexés sur l'inflation.
L'Assemblée nationale doit désormais examiner la proposition de loi.
Cette page propose un résumé explicatif du texte pour le grand public. Elle ne remplace pas le texte officiel.