PODCAST SÉRIE 8 LOI DE DÉPÉNALISATION DU DÉLIT D’HOMOSEXUALITÉ
ÉPISODE 2. « Deux siècles de législation pénale de l’homosexualité »
[GÉNÉRIQUE]
Vous écoutez « L’Actualité de la vie publique », un podcast du site Vie-publique.fr.
Signature sonore
Stéphanie : Bonjour à tous,
Bonjour « Chloé »
Chloé : Bonjour « Stéphanie »
● Introduction de la série
Patrice : Le 20 décembre 1981, la proposition de loi dépénalisant l’homosexualité est adoptée par l’Assemblée nationale. Cette loi qui sera promulguée quelques mois plus tard, le 4 août 1982, met fin à quatre décennies d’une législation pénale répressive concernant les homosexuels. Notre podcast « L’Actualité de la vie publique » vous propose à l’occasion du quarantième anniversaire de la promulgation de cette loi, une nouvelle série consacrée à cet événement historique de la lutte pour les droits et l’égalité des personnes homosexuelles.
Dans ce second épisode, nous allons nous intéresser aux dates-clés qui ont marqué l’histoire de la législation pénale française concernant les homosexuels.
Au sommaire de ce second épisode : De la Révolution à la loi de 1982 : deux siècles de législation pénale de l’homosexualité.
[ARCHIVE : extrait du discours de G. Halimi 20 décembre 1981]
1. Stéphanie : La loi de dépénalisation de l’homosexualité de 1982 n’est pas une « première » dans notre pays, n’est-ce pas ? A quand remonte la première dépénalisation ?
Chloé : Dans l’ancien droit français, sous l’Ancien régime – donc avant la Révolution française -, l’homosexualité était un crime punissable de mort. En 1791, les députés de l’Assemblée nationale législative décident de ne plus faire un sort particulier à l’homosexualité. Ils n’incluent pas dans le premier code pénal en cours d’élaboration certains « crimes » réprimés sous l’Ancien régime comme le blasphème, le suicide ou toute pratique sexuelle non-reproductive. Les relations dites « contre-nature » entre personnes du même sexe sont en fait ignorées par le code pénal. Mais attention, la loi ne reconnaît pas pour autant l’homosexualité et des poursuites sont engagées contre les homosexuels sous d’autres incriminations comme l’outrage à la pudeur. La police continue d’exercer une surveillance active des homosexuels, en particulier ceux qui se livrent à la prostitution. Cette surveillance va jusqu’au fichage, pratique qui perdurera jusqu’au début des années 1980.
2. Stéphanie : De quelle manière, le régime de Vichy rétablit-il la sanction pénale de l’acte homosexuel ?
Chloé : De 1791 à 1942, c’est-à-dire pendant plus d’un siècle et demi, la législation pénale a ignoré l’homosexualité. Elle ne prévoyait pas pour les attentats aux mœurs commis par les homosexuels, un traitement différent de celui applicable aux hétérosexuels. C’est une loi du régime de Vichy (sous l’Occupation), du 6 août 1942 (n° 744), qui a réintroduit le délit d’homosexualité. Ce texte modifie un article du code pénal (art. 334) qui punissait des mêmes peines que le proxénétisme « celui qui aura commis un ou plusieurs actes impudiques ou contre nature avec un mineur de son sexe, âgé de moins de vingt et un ans » (l’âge de la majorité à l’époque). Cette incrimination ne sera pas supprimée à la Libération. Une ordonnance de 1945 la maintient dans le code pénal, en reprenant les termes de « crimes contre nature ». Elle sera simplement retirée de l’article du code pénal sur le proxénétisme (avec lequel elle n’avait rien à voir) et transférer dans l’article concernant les attentats à la pudeur.
3. Stéphanie : Et comment les pouvoirs publics s’engagent-ils au début des années 1960 dans une répression encore plus dure de l’homosexualité ?
Chloé : Un amendement présenté par le député gaulliste Paul Mirguet, qui présente l’homosexualité comme un fléau social contre lequel l’Etat a le devoir de protéger les enfants et qui doit être combattu au même titre que l’alcoolisme, le proxénétisme ou la prostitution, est voté le 18 juillet 1960. Cet amendement réaffirme dans la loi l’homophobie qui caractérisait la société à cette époque. Le texte aboutit quelques mois plus tard à l’aggravation dans le code pénal de l’outrage public à la pudeur en doublant – dans le cas de relations entre personnes du même sexe – la peine minimum (outrage public à la pudeur, par exemple un rapport sexuel dans un lieu public). Cette nouvelle disposition restera en vigueur vingt ans. Puisqu’il faut attendre novembre 1980 pour que l’amendement Mirguet soit supprimé par le gouvernement de Raymond Barre (Premier ministre depuis 1976).
4. Stéphanie : Quelles sont les conséquences de cette législation répressive dans la France des années 1960-1970 ?
Chloé : Dans une France, où l’homosexualité est encore taboue. Rappelons qu’en 1975, seuls 24 % des Français déclarent considérer l’homosexualité comme une manière de vivre sa sexualité comme une autre. La discrimination de la majorité sexuelle va servir de base à la répression des homosexuels. La police et la justice vont poursuivre et condamner des milliers de personnes (très majoritairement des hommes) pour « délit d’homosexualité ».
5. Stéphanie : A quelle date débutent les premières luttes pour les droits des personnes homosexuelles ?
Chloé : Historiquement, l’événement qui est considéré comme la première lutte pour les droits des homosexuels sont les émeutes de Stonewall, à la fin des années 1960 - du nom d’un bar dans lequel la police avait effectué une descente - dans le quartier de Greenwich Village, à New York. A la suite de ces manifestations violentes, les homosexuels commencent à s’organiser en groupes militants. En quelques années, des organisations de défense des droits des personnes homosexuelles sont créées aux Etats-Unis et à l’étranger. En 1970, les premières marches des fiertés (pride parades) sont organisées à Los Angeles et New York pour commémorer l’anniversaire des émeutes de Stonewall.
6. Stéphanie : Et ce mouvement de libération gagne donc également la France ?
Chloé : Oui. Dans les années 1970, la France est à son tour gagnée par le mouvement de lutte pour les droits des homosexuels. Des associations de défense voient le jour. Mais c’est le procès en 1978 d’un club gay de Paris, Le Manhattan, qui va constituer un événement charnière. Ce procès intenté contre des homosexuels arrêtés par la police au cours d’une descente nocturne, va servir de tribune aux avocats des prévenus (notamment Claudette Eleini, jeune avocate de la ligue du droit des femmes créée par Simone de Beauvoir) pour dénoncer la répression dont sont victimes les homosexuels en France. Cet événement ouvrira la voie, deux plus tard, à la suppression de l’amendement Mirguet et finalement, en 1981, avec l’arrivée de la gauche au pouvoir, au vote de la loi d’abrogation du « délit d’homosexualité ».
Fin de l’épisode :
Stéphanie : Merci beaucoup « Chloé » ! L’abrogation du délit d’homosexualité aura été un long combat. Combat qui, aujourd’hui, se poursuit à travers la lutte contre les discriminations et pour l’égalité des personnes homosexuelles, mais ceci est une autre histoire.
C’est la fin de cet épisode et de notre série !
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On se retrouve très bientôt ! Au revoir « Chloé », au revoir à tous !
[Chloé : Au revoir !]