Image principale 1
Image principale 1
© stock.adobe.com

Neuf questions sur le processus de mise sur le marché des médicaments

Temps de lecture  11 minutes

Par : La Rédaction

La législation en matière de médicaments en France est très stricte pour des raisons de sécurité sanitaire. Les nouveaux médicaments (tout comme les vaccins) passent par un long processus afin d'obtenir une autorisation de mise sur le marché (AMM). Retour en neuf questions sur ce processus de mise sur le marché.

L’entreprise pharmaceutique qui souhaite commercialiser un nouveau médicament doit déposer un dossier d'autorisation de mise sur le marché (AMM) auprès des autorités de santé compétentes, nationales (Agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé - ANSM) ou européennes (l'agence européenne d’évaluation des médicaments European Medicines Agency - EMA).

Ce dossier comporte les résultats des nombreux travaux de recherche et d'essais cliniques et précliniques. Il doit garantir :

  • la qualité pharmaceutique (composition, stabilité, stérilité, reproductibilité à grande échelle...) ;
  • la sécurité d'emploi (effets indésirables, précautions d'emploi...) ;
  • l'efficacité du médicament (données des essais concernant l'efficacité pharmacologique expérimentale du produit).

L’AMM est délivrée, en fonction de la procédure, soit par l’ANSM, soit par l'EMA. Elle est accompagnée :

  • du résumé des caractéristiques du produit (RCP) (dénomination, composition, contre-indications, effets indésirables…) ;
  • de la notice pour le patient ;
  • de l’étiquetage.

      

Le système d'accès dérogatoire à certains médicaments qui avait cours jusqu'en juin 2021 prévoyait :

  • une autorisation temporaire d’utilisation (ATU), délivrée par l'ANSM pour une durée limitée. Elle permettait l’accès à des médicaments n’ayant pas, ou pas encore, d’AMM. Ils étaient, en principe, destinés à des patients atteints de maladies rares ou graves et ne disposant pas d’un autre traitement approprié disponible. Leur efficacité et leur sécurité d'emploi étaient présumées en l'état des connaissances scientifiques, et la mise en œuvre du traitement ne pouvait pas être différée ;
  • la recommandation temporaire d’utilisation (RTU), délivrée par l'ANSM pour une durée maximale de trois ans. Elle concernait des médicaments déjà pourvus d'une AMM et autorisait un autre usage thérapeutique ("hors AMM").

La loi de financement de la Sécurité sociale (LFSS) pour 2021 a réformé ce régime dérogatoire. Elle vise à simplifier les procédures et à accélérer l'accès aux traitements pour les patients atteints d'une maladie grave, rare ou invalidante sans traitement approprié. Elle cible des médicaments présumés efficaces et sûrs dans l'indication concernée, compte tenu des données cliniques disponibles. La loi crée deux nouveaux dispositifs, entrés en vigueur le 1er juillet 2021 :

  • l'autorisation d'accès précoce (AAP), délivrée sur demande d'un laboratoire par la Haute Autorité de santé (HAS) après avis de l'ANSM, pour une durée d'un an renouvelable. Elle permet d'utiliser exceptionnellement avant leur AMM des médicaments présumés innovants (nouvelle spécialité ou nouvelle indication d'un médicament commercialisé). Le laboratoire s'engage à déposer une demande d'AMM dans un délai de deux ans. La prescription et la délivrance des médicaments en accès précoce sont encadrées par un programme d'utilisation thérapeutique et de recueil de données (PUT-RD) ;
  • la prescription à titre compassionnel, délivrée par l'ANSM. Elle ne nécessite pas de présomption d'innovation et ouvre deux voies d'accès aux médicaments :
    • l'autorisation d'accès compassionnel (AAC), délivrée par l'ANSM pour une durée d'un an renouvelable, sur demande d'un médecin pour un patient nommément désigné. Elle porte sur des médicaments qui ne sont pas destinés à être commercialisés en France pour l'indication concernée et ne font l'objet ni de développements ni d'une demande d'AMM,
    • le cadre de prescription compassionnelle (CPC), qui remplace la RTU et peut être établi par l'ANSM pour trois ans renouvelables. Il concerne des médicaments ayant une AMM dans d'autres indications et vise à sécuriser leur utilisation hors AMM dans la mesure où la balance bénéfice/risque est estimée favorable. Un CPC peut être délivré même si le besoin thérapeutique est déjà couvert par un autre traitement, à condition que le principe actif, le dosage et la forme pharmaceutique diffèrent. Il est assorti d'un PUT-RD.

L'ANSM a été créée en 2012 à l’issue de la crise du Mediator®. Elle est dotée de pouvoirs de police administrative en matière de produits de santé destinés à l’homme et d’expertise scientifique. Elle a pour mission principale d'évaluer les bénéfices et les risques des produits de santé et de garantir leur sécurité tout au long de leur cycle de vie :

  • elle évalue la qualité et la sécurité des médicaments, surveille leurs effets indésirables ;
  • elle inspecte les établissements qui produisent des médicaments ou réalisent des essais cliniques ; 
  • elle autorise les médicaments en délivrant des AMM (qu'elle peut aussi suspendre ou retirer) ;
  • elle autorise les essais cliniques ;
  • elle libère des lots de vaccins et de produits dérivés du sang ;
  • elle autorise et contrôle les dispositifs médicaux.      

Quand les composés les plus prometteurs contre une maladie spécifique ont été sélectionnés lors d'une première étape en laboratoire de recherche, ils font l'objet d'essais dits précliniques. Le but de ces tests est de comprendre le mode d'action des composés, d’évaluer leur efficacité et leur toxicité. D'éventuels effets secondaires sont recherchés. Les tests sont menés essentiellement sur l’animal.

À noter

L'expérimentation animale pour les médicaments est jugée indispensable pour étudier les interactions entre les différentes structures d'un organisme entier et évaluer les effets secondaires. Cette expérimentation s'appuie sur la règle des 3R : remplacement (remplacer autant que possible les expériences sur les animaux), réduction (limiter le nombre des essais et des animaux), raffinement (utiliser des techniques comportant le moins de contraintes possible pour l'animal).

Les premiers essais cliniques sur l'homme débutent après l'obtention de résultats satisfaisants lors de la phase préclinique. Ils sont strictement encadrés par la loi et ne peuvent débuter qu'après avis favorable du comité de protection des personnes et autorisation de l'ANSM. Les quatre phases d'un essai sont les suivantes :

  • phase I : essais effectués sur un petit groupe de volontaires non malades (une vingtaine) afin de vérifier les doses tolérables du médicament chez l'homme et son devenir dans l’organisme ;
  • phase II : essais effectués sur quelques centaines de participants atteints de la maladie ciblée. La posologie optimale du produit est déterminée et les effets secondaires sont observés ;
  • phase III : essais effectués sur une grande population de volontaires atteints de la maladie ciblée (jusqu'à plusieurs milliers), sur plusieurs sites. Il s’agit de comparer l'efficacité du médicament en développement à celle d'un traitement déjà existant et/ou à celle d'un placebo, c'est-à-dire un traitement sans activité pharmacologique. Cette phase, qui dure plusieurs années, vise à répondre à la question du bénéfice du médicament pour le patient ainsi qu’à identifier les risques potentiels. On parle de rapport bénéfice/risque. En parallèle se déroule une phase de développement industriel qui détermine le mode d'administration et le conditionnement du principe actif. C'est à l'issue de la phase III que le dossier AMM constitué peut être soumis à l'ANSM ou aux autorités européennes de santé  ;
  • phase IV : essais en phase de surveillance effectués à grande échelle et sur le long terme, après l'obtention de l'AMM. On parle de pharmacovigilance.

L'objectif essentiel d'un médicament est de bénéficier au patient, de le guérir ou d'atténuer ses symptômes. Mais la prise d'un médicament n'est pas sans risque. L'AMM ne devrait être accordée que si le rapport bénéfice/risque est jugé favorable. Pour certaines maladies très sévères comme le cancer, ce rapport est évalué de façon différente et on acceptera qu'il y ait des risques comme la perte de cheveux ou des nausées. Dans d'autres circonstances, ces risques seront jugés insupportables.

Un vaccin est un médicament immunologique. Il est particulier car fabriqué à partir de virus, bactéries... Des injections à faible dose de ces corps étrangers stimulent le système immunitaire afin de protéger à terme les individus contre certaines maladies. Leur mise sur le marché obéit aux mêmes règles que celles appliquées aux médicaments.

Toutefois, avec l’épidémie de Covid-19, la procédure a été accélérée afin d’anticiper une mise à disposition plus large des vaccins. Pour cela, l’Agence européenne des médicaments (EMA) a mis en place des révisions en continu ("rolling reviews") des demandes d'AMM. Les agences européennes, dont l’ANSM, examinent ainsi les données transmises par les fabricants au fur et à mesure de leur collecte, ce qui permet d’accélérer l’AMM. L’évaluation commence,  contrairement à l’habitude, dès que les premières données sur le vaccin sont disponibles (études en laboratoire). Mais seule l’évaluation des données issues des études cliniques portant sur un grand nombre de volontaires permet de s’assurer de l’efficacité et de l'innocuité du vaccin. C'est seulement à la fin de cette évaluation que les AMM seront délivrées par la Commission européenne et valables dans toute l'UE.

 

En France, les principes de la vaccination ont été définis par Louis Pasteur à la fin du XIXe siècle.

Les vaccins ont pour objectif de stimuler le système immunitaire pour le prémunir contre certains agents pathogènes.

Leur développement a fortement contribué à réduire la mortalité liée aux maladies infectieuses.

La vaccination fournit une protection individuelle mais aussi collective en cas de maladie transmissible.

En France, la politique vaccinale est définie par le ministère de la santé.

La Haute Autorité de santé émet des propositions sur la stratégie vaccinale.

Vaccination généralisée ou ciblée, nombre de doses ou encore périodicité des rappels.

Le caractère obligatoire d’un vaccin est décidé par le législateur.

Il peut être lié à une couverture vaccinale jugée insuffisante et à la réapparition d’épidémies.

En 2017, la liste des vaccins obligatoires a été portée de 3 à 11 pour les nourrissons nés à partir du 1er janvier 2018.

En France, comme dans de nombreux pays, la réticence à la vaccination progresse.

Selon Santé publique France, en 2005, 90% des Français avaient une opinion favorable sur les vaccins.

En 2016, ce chiffre tombe à 75%.

Parmi les raisons avancées, la crainte de potentiels effets secondaires ou encore l’entrave à la liberté individuelle.

Comme tout médicament, un vaccin présente un rapport bénéfices-risques évalué avant sa mise sur le marché.

Selon l’Organisation mondiale de la santé, deux à trois millions de vies sont sauvées chaque année grâce à la vaccination.

Une fois qu'un médicament est mis sur le marché, son impact est étudié sur une très grande population en vue de prévenir et de suivre ses effets indésirables. C'est la pharmacovigilance.
 
Né en 1974, le dispositif français de pharmacovigilance repose sur la notification spontanée des professionnels de santé (essentiellement les médecins et les pharmaciens, qui signalent les effets secondaires des médicaments). Des scandales sanitaires, notamment celui du médicament Mediator®, ont mis en cause ce dispositif, son indépendance et la compétence des acteurs chargés du contrôle des médicaments, depuis les agences sanitaires jusqu'aux médecins prescripteurs. L'intégrité de l’industrie pharmaceutique a également été interrogée.

C'est dans ce contexte qu'a été adoptée la loi du 29 décembre 2011 relative au renforcement de la sécurité sanitaire du médicament et des produits de santé. Elle vise à clarifier le rôle des différents acteurs et étend le cercle des notificateurs aux patients et aux associations de patients. La loi du 26 janvier 2016 de modernisation du système de santé a initié une réforme nationale des vigilances sanitaires. 
 

Que prévoit la loi de financement de la sécurité sociale pour 2024 ?

Selon la loi de financement de la sécurité sociale pour 2024, en cas de pénurie de certains médicaments, les pharmaciens pourront délivrer sans ordonnance certaines d'entre eux, après réalisation d'un test rapide. Le ministre de la santé fixera la liste de ces médicaments (par exemple antibiotiques pour les cystites simples et les angines). En cas de rupture d'approvisionnement sur des médicaments, un arrêté des ministres chargés de la santé et de la sécurité sociale pourra aussi autoriser la délivrance à l'unité. Les pharmaciens ne pourront plus dans ce cas délivrer une boîte entière mais la quantité adaptée de médicaments au malade.

En fonction de la gravité des effets secondaires et du rapport bénéfice/risque constatés ou dans le cas où les conditions d’octroi de l'AMM ne seraient pas respectées, l'ANSM peut suspendre, modifier ou retirer une autorisation de mise sur le marché.

La décision de suspension d'une AMM intervient notamment lorsqu'il apparaît que le médicament est nocif dans les conditions normales d'emploi ou que l'effet thérapeutique fait défaut ou que le médicament n'a pas la composition quantitative et qualitative déclarée. 

Dans certains cas où les effets indésirables sont importants mais que le médicament reste très utile, sa diffusion et son administration peuvent alors être restreintes, par exemple, au milieu hospitalier.