À la suite de l'invasion militaire russe le 24 février 2022, l'Ukraine a déposé une requête contre la Russie auprès de la Cour internationale de justice (CIJ) concernant à la fois :
- les accusations de la Russie affirmant que l'Ukraine a organisé un génocide dans les régions de Donetsk et de Louhansk, justifiant ainsi l’attaque de l’armée russe ;
- la violation de la convention de 1948 sur le génocide par la Russie.
Le 26 février 2022, l’Ukraine a lancé une action contre la Russie devant la CIJ. Son but est d’établir l’illégalité des actions lancées par la Russie sur le territoire ukrainien et d’obtenir l’arrêt des opérations. La Cour a ordonné à la Russie dans une décision du 16 mars 2022, de "suspendre immédiatement ses opérations militaires en Ukraine". La Russie n'a pas accepté cette ordonnance et a soulevé des "exceptions préliminaires" estimant la CIJ incompétente et la requête irrecevable.
Dans une décision du 2 février 2024, la Cour s'estime compétente pour juger des accusations de génocide contre l'Ukraine. Elle se déclare toutefois incompétente pour dire si l'invasion russe en 2022 constituait ou non un génocide.
Une autre action de l'Ukraine devant le CIJ, en 2017 cette fois, portait sur la violation par la Russie de la convention sur la répression du financement du terrorisme (ICSFT-1999) et de la convention sur l'élimination de toutes les formes de discriminations raciales (CERD-1965). L'Ukraine accuse la Russie d'avoir financé des groupes armés séparatistes en Crimée avant 2022. L'arrêt du 31 janvier 2024 dit que la Russie a manqué aux obligations :
- de l'ICSFT, en s’abstenant d'enquêter sur le financement des actes terroristes ;
- et de la CERD, "par la manière dont elle a mis en place son système d’éducation en Crimée après 2014 pour ce qui est de l’enseignement scolaire en langue ukrainienne".
Par ailleurs, le 17 mars 2023, la Cour pénale internationale (CPI) a délivré un mandat d'arrêt contre le président de la Fédération de Russie, Vladimir Poutine, et contre la commissaire aux droits de l'enfant du cabinet du président de la Fédération de Russie, Maria Alekseyevna Lvova-Belova.
Le 29 décembre 2023, l'Afrique du Sud a saisi la Cour internationale de justice par une requête introductive d'instance "contre l'État d'Israël au sujet de supposés manquements par cet État aux obligations qui lui incombent au titre de la convention pour la prévention et la répression du crime de génocide en ce qui concerne les Palestiniens dans la bande de Gaza". La requête contient également une demande en indication de mesures conservatoires dans laquelle l'Afrique du Sud prie la Cour "d'indiquer des mesures comme faire en sorte qu'Israël respecte les obligations que lui fait la convention de ne pas commettre de génocide."
Dans une ordonnance du 26 janvier 2024 qui est contraignante, la Cour souligne qu'elle est "gravement préoccupée par le sort des personnes enlevées pendant l’attaque en Israël le 7 octobre 2023 et détenues depuis lors par le Hamas et d’autres groupes armés et appelle à la libération immédiate et inconditionnelle de ces otages." Elle indique les mesures conservatoires que l'État d'Israël doit prendre :
- "pour prévenir la commission, à l’encontre des Palestiniens de Gaza, de tout acte entrant dans le champ d’application de la convention pour la prévention et la répression du crime de génocide" (meurtre de membres du groupe, atteinte grave à l’intégrité physique ou mentale de membres du groupe, par exemple) ;
- "sans délai, des mesures effectives pour permettre la fourniture des services de base et de l’aide humanitaire requis de toute urgence afin de remédier aux difficiles conditions d'existence auxquelles sont soumis les Palestiniens de la bande de Gaza."
Le 28 mars 2024, une nouvelle ordonnance de la CIJ modifie les mesures conservatoires pour prendre en compte "la dégradation des conditions de vie auxquelles sont soumis les Palestiniens de Gaza, en particulier de la propagation de la famine et de l’inanition". La Cour ordonne notamment à Israël de "veiller sans délai à ce que soit assurée sans restriction et à grande échelle, la fourniture par toutes les parties intéressées des services de base et de l’aide humanitaire requis de toute urgence" à Gaza. La décision demande d'augmenter "la capacité et le nombre des points de passage terrestres et en maintenant ceux-ci ouverts aussi longtemps que nécessaire".
À la suite de l'offensive militaire d'Israël lancée le 7 mai à Rafah, une décision de la CIJ du 24 mai 2024 a ordonné à Israël :
- d'arrêter "immédiatement" les opérations militaires à Rafah ainsi que "toute autre action menée dans le gouvernorat de Rafah qui serait susceptible d’infliger au groupe des Palestiniens de Gaza des conditions d’existence capables d’entraîner sa destruction physique ou partielle" ;
- "maintenir ouvert le point de passage de Rafah pour que puisse être assurée, sans restriction et à grande échelle, la fourniture des services de base et de l’aide humanitaire requis de toute urgence."
Par ailleurs, la Cour renouvelle "son appel en faveur de la libération immédiate et inconditionnelle" des otages détenus par le Hamas depuis l'attaque menée contre Israël le 7 octobre 2023.
Plus récemment, le 21 novembre 2024, la CPI a émis deux mandats d'arrêt contre le Premier ministre israélien Benjamin Netanyahu et l'ancien ministre de la défense israélien Yoav Gallant et un mandat d'arrêt contre le chef palestinien de la branche armée du Hamas Mohammed Deif.
La CIJ est un organe de l’ONU institué en 1945 par la Charte des Nations Unies. Elle prend la suite de la Cour permanente internationale de justice (CPIJ), organe créé en 1922 par la Société des Nations. La CPIJ n’a pas survécu à la Seconde Guerre mondiale et, au sortir du conflit, il fut décidé par les grandes puissances qu’une nouvelle cour internationale établie sur la base du statut de la CPIJ verrait le jour. Instituée lors de la conférence de San Francisco des 25 et 26 juin 1945, elle est aujourd’hui l’organe judiciaire principal de l’ONU dont les États parties sont membres. LA CIJ siège à La Haye (Pays-Bas).
La CPI est née du traité appelé statut de Rome mais n’est entrée en vigueur qu'à partir du 1er juillet 2002. Elle est la première cour pénale internationale installée de façon permanente. À l’origine de l’idée d’une juridiction pénale internationale se trouvent les procès de Nuremberg, sous l’égide du Tribunal militaire international, jugeant les dirigeants nazis pour les crimes commis durant la Seconde Guerre mondiale. Le projet d’une cour pénale internationale permanente et universelle, freiné par la Guerre froide, est remis à l'ordre du jour avec la création des tribunaux en lien avec l'ex-Yougoslavie et le Rwanda. Les travaux aboutissent dans un premier temps, le 17 juillet 1998, avec l’adoption du statut de Rome et, dans un second temps, avec sa ratification par un certain nombre d’États le 11 avril 2002. Son siège est également situé à La Haye et elle est reconnue par 124 membres (les États-Unis et la Russie n'ont pas ratifié le traité, la Chine et l’Inde n’en font pas partie). En plus du nombre limité d’États signataires au traité, les choix judiciaires pris par la Cour peuvent être parfois guidés par des enjeux diplomatiques.
Le but de la CIJ est de promouvoir le règlement pacifique des différends internationaux. Elle est chargée de régler les différends d’ordre juridique survenant entre les États. Pour cela, elle dispose de plusieurs outils : la négociation, l’enquête, la médiation, la conciliation, l’arbitrage, le règlement judiciaire et le recours aux organisations ou accords régionaux. Le nombre croissant d’affaires et de questions juridiques portées devant elle témoigne de la confiance que lui accorde la communauté internationale.
Pour la CPI, le but est d’empêcher l’impunité des auteurs des crimes les plus graves, de les obliger à répondre de leurs actes afin que de tels crimes ne soient plus jamais commis. Celle-ci agit en complémentarité des systèmes pénaux nationaux, c’est-à-dire qu’elle n’intervient que lorsque les États n’ont pas la volonté ou la capacité d’engager des poursuites. Elle constitue une institution centrale dans la lutte contre l’impunité et dans la promotion et le respect du droit international humanitaire. Son travail de mémoire sur les conflits armés est essentiel pour permettre la réconciliation.
L’objectif commun de ces deux cours est d’œuvrer en faveur d’une paix durable qui ne peut exister sans une justice internationale effective. Les cours internationales s’appuient donc sur le droit international pour rendre justice et concourir à la stabilité et au développement pacifique de la communauté des nations.
La CIJ est chargée de régler les différends d’ordre juridique survenant entre les États. Siégeant à La Haye, elle est le plus haut tribunal de l’ONU. Elle donne également des avis consultatifs sur des questions juridiques lorsque les organes et institutions spécialisées de l’ONU la sollicitent. Ses conclusions sont principalement fondées sur des traités et des conventions. Sa compétence est générale, c’est-à-dire que c’est uniquement face à des situations relevant de tribunaux à compétence spécifique (Tribunal international du droit de la mer…) qu’elle se déclarera incompétente. Néanmoins, la compétence ne lui est accordée que si les États en cause l’ont acceptée et qu’elle a été saisie. Elle ne possède pas de procureur susceptible de lancer des poursuites.
Pour sa part, la CPI mène l’enquête et juge des individus accusés d’avoir commis des crimes internationaux. Elle est compétente pour juger "les personnes accusées des crimes les plus graves qui touchent l’ensemble de la communauté internationale". Ces crimes sont de quatre natures :
- génocide ;
- crimes de guerre ;
- crimes contre l’humanité ;
- crimes d’agression.
Le crime doit avoir été commis par un ressortissant d’un État partie ou sur le territoire d’un État partie. Depuis juillet 2018, suite à un accord conclu avec les Nations unies, la CPI peut se voir confier par le Conseil de sécurité des situations ne relevant habituellement pas de sa compétence.
Les décisions rendues par la CIJ ont force obligatoire pour les parties en cause. Selon l’article 94 de la Charte des Nations unies, "chaque membre des Nations unies s’engage à se conformer à la décision de la Cour […] dans tout litige auquel il est partie". Les arrêts sont rendus de manière définitive et aucune voie d’appel n’est possible. Néanmoins, si les jugements de CIJ sont contraignants et sans appel, elle ne possède aucun moyen de faire respecter ses décisions.
De la même façon, les décisions de la CPI sont juridiquement contraignantes pour les parties concernées. Ainsi, en ne respectant pas les mesures conservatoires du 16 mars 2022 prise par la Cour, ordonnant à la Russie de suspendre immédiatement ses opérations militaires en Ukraine, la Russie viole ses obligations internationales. La reconnaissance par la CIJ d’une violation russe du droit international induit la nécessité de verser des réparations. Toutefois, la CPI, tout comme la CIJ, ne dispose pas de ses propres forces de police, c’est-à-dire qu’elle est dépendante de la bonne volonté des États. La coopération des États avec la CPI s’avère donc nécessaire à l’exécution de ses décisions (arrestation, transfert, gel des avoirs…). C’est pourquoi l’article 86 du statut de la Cour met en avant une "obligation générale de coopérer" pour tous les États parties.
La Cour européenne des droits de l’homme (CEDH) est une juridiction internationale instituée en 1959 dans le cadre du Conseil de l’Europe. Siégeant à Strasbourg, elle est chargée de veiller au respect de la Convention européenne des droits de l’homme. Elle peut être saisie aussi bien par des États que par des particuliers alléguant d’une violation de la Convention. Elle participe à la consolidation de l’État de droit et de la démocratie au sein de ses membres et constitue une référence pour d’autres juridictions régionales.
Un tribunal international spécial est une juridiction pénale chargée de juger les auteurs de crimes commis dans une région particulière et pendant une période déterminée (également appelés tribunaux ad hoc). Il en a existé un certain nombre.
Quel est le premier tribunal international ?
Le premier tribunal est celui de Nuremberg, créé par les accords de Londres du 8 août 1945. Ces accords définissent les notions de crime contre la paix, crime de guerre et emploient pour la première fois celle de crime contre l’humanité. Le Tribunal de Tokyo a été quant à lui institué le 19 janvier 1946.
Le Tribunal pénal international pour l’ex-Yougoslavie (1993-2017) était une instance judiciaire de l’ONU en charge des crimes commis pendant la guerre des années 1990 dans les Balkans. Ce tribunal a constitué une avancée considérable dans le champ du droit humanitaire en obligeant les criminels à répondre de leurs actes et en permettant aux victimes de témoigner des atrocités vécues.
Le Tribunal pénal international pour le Rwanda (1994-2015) a été institué par le Conseil de sécurité de l’ONU "pour juger les personnes présumées responsables d’actes de génocide ou d’autres violations graves du droit international humanitaire commis sur le territoire du Rwanda et sur les territoires d’États voisins" pendant l’année 1994. Ce tribunal est le premier à avoir reconnu le viol comme un moyen de perpétrer un génocide et à juger des personnes accusées de génocide.
Le Tribunal spécial pour la Sierra Leone (2002-2013) a été créé conjointement par le gouvernement sierra-léonais et l’ONU pour juger les responsables des crimes commis pendant la guerre civile sierra-léonaise (1991-2002). Il est le premier tribunal hybride, associant des personnels et financements locaux et internationaux, jamais créé.