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L'élaboration du budget de l'État en six questions : processus et enjeux

Temps de lecture  10 minutes

Par : La Rédaction

En France, la loi de finances est un texte fondamental permettant le fonctionnement de l'État. Chaque année, elle dote la nation d'un budget définissant les ressources et les dépenses publiques et autorise la levée des impôts existants. Comment est élaboré le budget de l'État ? Que se passerait-il si le Parlement ne votait pas le budget ?

Le budget de l'État suit des règles de présentation et de vote qui retracent, de manière lisible et sincère :

  • les dépenses de l'État (dépenses de personnel, de fonctionnement, de mise en œuvre des politiques publiques, d'investissement et remboursement des intérêts de la dette publique) ;
  • les recettes de l'État (principalement des recettes fiscales provenant des impôts et des taxes).

Le budget de l'État est prévu chaque année par une loi de finances qui autorise l'État à :

  • percevoir impôts et ressources de toute nature ;
  • engager les dépenses pour l'année à venir ;
  • emprunter pour se financer.

La loi de finances traduit le consentement à l'impôt, inscrit dans la Déclaration des droits de l'Homme et du citoyen de 1789.

La loi de finances comporte un budget général de l'État, des budgets annexes et des comptes spéciaux.

Dans une loi de finances, les crédits alloués à chaque mission ou programme du budget général de l'État sont présentés en deux colonnes, les autorisations d'engagement (AE) et les crédits de paiement (CP).

De nombreux acteurs interviennent dans l'élaboration du budget de l'État, à différentes étapes d'un projet de loi de finances (PLF) :

Une des principales innovations de la loi organique relative aux lois de finances (LOLF) de 2001 est le rôle accru du Parlement dans une démarche d'amélioration de la démocratie financière. Le Parlement autorise la perception des impôts et approuve le budget. Députés et sénateurs peuvent ainsi lors de l'examen du projet de loi de finances :

  • modifier la répartition des crédits d'une mission ;
  • créer, modifier ou supprimer un programme ;
  • fixer des plafonds d'emplois de l'État et des opérateurs ;
  • modifier les objectifs et les indicateurs de performance des ministères.

Les parlementaires ne sont pas habilités à créer de nouvelles dépenses ni à supprimer des ressources, à moins de les compenser par une autre recette.

La première phase de l'élaboration d'un PLF, administrative, consiste à préparer un budget au cours de réunions techniques, conférences de performance, de budgétisation et de répartition entre ministères, puis à rédiger le projet de loi de finances et ses annexes. La phase parlementaire commence après l'adoption en Conseil des ministres du PLF.

Lors de la phase administrative, entre janvier et septembre de l'année N-1 :

  • le Premier ministre donne les priorités en matière de politiques publiques ;
  • la direction du budget analyse avec les ministères l'exécution du budget de l'année passée, les prévisions pour l'année en cours et les besoins en crédits et emplois pour l'année à venir. Ils établissent les indicateurs de performances ;
  • la France remet à la Commission européenne son programme de stabilité, présentant la stratégie de maîtrise des dépenses publiques et la trajectoire pluriannuelle de ses finances publiques ;
  • la direction du budget et les ministères négocient les montants des crédits et les emplois qui peuvent leur être allouées ;
  • le Premier ministre adresse une lettre de cadrage aux ministres et rend ses arbitrages ;
  • Bercy et les ministères répartissent les crédits des différentes missions ;
  • l'examen du programme de stabilité par la Commission donne lieu à un avis du Conseil que le projet de loi de finances doit prendre en compte ;
  • les documents budgétaires sont rédigés ;
  • le Conseil d'État est saisi par le gouvernement pour avis sur les dispositions du projet de loi de finances ;
  • le HCFP rend un avis sur :
  • le Conseil des ministres adopte le projet de loi de finances, qui est transmis à l'Assemblée nationale.

Lors de la phase parlementaire, le Parlement dispose d'un délai de 70 jours pour se prononcer sur le PLF (article 47 de la Constitution et article 40 de la LOLF). Le PLF est transmis à l'Assemblée nationale au plus tard le premier mardi d'octobre de l'année N-1. Les députés le discutent, le modifient et le votent puis le transmettent au Sénat. Fin décembre, le Conseil constitutionnel peut être saisi afin de se prononcer sur la constitutionnalité du PLF.

Une fois que le PLF est définitivement adopté au Parlement, le président de la République peut promulguer la loi de finances, qui est publiée au Journal officiel au plus tard le 31 décembre de l'année N-1.

L'État dispose de plusieurs outils afin de surveiller et d'ajuster le budget général établi par la loi de finances initiale (LFI), tout au long de l'année.

Les lois de finances rectificatives (LFR), ou collectifs budgétaires, permettent de modifier en cours d'année les dispositions de la LFI concernant le plafond des dépenses du budget de l'État et les données générales de l'équilibre budgétaire.

Une LFR a pour objet de :

  • traduire une nouvelle orientation de la politique économique et budgétaire (par exemple lorsque des élections législatives modifient la majorité à l'Assemblée nationale) ;
  • s'adapter à la conjoncture économique (par exemple, ces dernières années, avec la pandémie de Covid-19, la guerre en Ukraine ou encore la crise énergétique).

Avant la réforme de la LOLF de 2021, un collectif budgétaire était présenté en fin d'année afin de procéder aux ouvertures et aux annulations de crédits nouveaux en fonction de l’exécution de la LFI. Depuis 2023, il existe une loi de finances de fin de gestion (LFG), qui ne comporte aucune mesure fiscale nouvelle. La loi relative aux résultats de la gestion et portant approbation des comptes de l'année (LRGACA, ex-loi de règlement) arrête le montant définitif des recettes et des dépenses de l’exercice, ainsi que le résultat budgétaire (déficit ou excédent).

Les LFR, LFG et LRGACA font l'objet d'un vote au Parlement.

En cas d'urgence, des décrets d'avance, pris après avis du Conseil d'État et des commissions de l'Assemblée nationale et du Sénat chargées des finances, peuvent ouvrir des crédits supplémentaires sans affecter l'équilibre budgétaire (article 13 de la LOLF). Les LFR soumettent obligatoirement à la ratification du Parlement ces ouvertures de crédits opérées par décret d'avance.

Afin de prévenir une détérioration de l'équilibre budgétaire défini par une loi de finances, un crédit peut être annulé par décret pris sur le rapport du ministre chargé des finances. Un crédit devenu sans objet peut être annulé par un décret pris dans les mêmes conditions. Le montant cumulé des crédits annulés par décret ne peut dépasser 1,5% des crédits ouverts par les lois de finances correspondantes à l'année en cours (article 14 de la LOLF).

Par exemple, le gouvernement a choisi de passer en février 2024 par un décret d'annulation de 10 milliards d'euros de crédits. Ce décret faisait suite à un chiffre de croissance surestimé par le gouvernement (1,4% contre 1%).

Dès la promulgation de la loi de finances de l'année, le gouvernement prend des décrets de répartition qui allouent les crédits par programme. Ces décrets distinguent les crédits couvrant les dépenses de personnel des crédits couvrant les autres dépenses.

Le paiement de ces crédits obéit au principe de séparation des ordonnateurs et des comptables.

Les ordonnateurs prescrivent l’exécution des recettes et des dépenses publiques. On distingue trois catégories d'ordonnateurs :

  • les ministres (ordonnateurs principaux), qui ordonnent aux comptables le paiement des dépenses et délèguent des crédits aux ordonnateurs secondaires ;
  • les préfets, les ambassadeurs et certains hauts fonctionnaires (ordonnateurs secondaires) ;
  • les ordonnateurs délégués, qui ont reçu la délégation de crédits d'un ordonnateur principal ou secondaire.

Les comptables effectuent le paiement des dépenses présentées par l’ordonnateur, après le contrôle de leur régularité et de la disponibilité des crédits. Ils dépendent généralement du ministère des finances.

Chaque année, le budget de l'État et la perception de l'impôt reposent sur les lois de finances, initiale et rectificatives, soumises au vote du Parlement.

Lorsque la majorité parlementaire est opposée au gouvernement, un risque de blocage sur le vote du PLF existe.

En cas de blocage à l'Assemblée nationale lors de l'examen d'un projet de loi de finances, l'article 49.3 de la Constitution permet au Premier ministre, après délibération du Conseil des ministres, d'engager la responsabilité du gouvernement sur le vote. Dans ce cas, la discussion du projet de loi de finances est immédiatement suspendue et le texte est considéré comme adopté, sans être soumis au vote, sauf en cas de dépôt d'une motion de censure dans les 24 heures.

En cas de majorité parlementaire opposée au gouvernement, le risque pour le gouvernement est que la motion de censure soit adoptée. Dans ce cas, le texte est rejeté et le gouvernement est renversé.

L'article 47 de la Constitution laisse 70 jours au Parlement pour se prononcer sur le PLF et prévoit que "les dispositions du projet peuvent être mises en vigueur par ordonnance" en cas de retard. Si le Parlement a expressément rejeté le projet de loi de finances, le recours à une ordonnance n'est pas possible.

L'article 47 prévoit par ailleurs que "si la loi de finances fixant les ressources et les charges d'un exercice n'a pas été déposée en temps utile pour être promulguée avant le début de cet exercice, le gouvernement demande d'urgence au Parlement l'autorisation de percevoir les impôts et ouvre par décret les crédits se rapportant aux services votés". Cette demande d'autorisation s'effectue par le dépôt d'un projet de loi de finances spéciale qui est discuté selon la procédure accélérée pour une promulgation avant le 1er janvier.

De même, l'article 45 de la LOLF prévoit divers cas de retard ou d'inconstitutionnalité de dispositions.

Dans tous les cas, les mesures prévues par la Constitution et la LOLF sont temporaires et destinées à gérer des situations urgentes, non un blocage parlementaire.

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