Rapport d'information (...) sur la dérive normative de l'Union européenne

Remis le :

Auteur(s) : Jean-François Rapin ; Didier Marie ; Catherine Morin-Desailly

Auteur(s) moral(aux) : Sénat. Commission des affaires européennes

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Entre juillet 2019 et juillet 2024, l'Union européenne, confrontée à une succession de crises – crise migratoire, guerre en Ukraine, pandémie de Covid-19, transitions écologique et numérique –, a connu une intense activité normative : environ 13 000 textes ont été adoptés (contre 5 500 aux États-Unis). Certains textes ont imposé de fortes contraintes aux États membres, aux collectivités territoriales et aux entreprises. 
La Commission des affaires européennes du Sénat dresse un état des lieux de l'activité normative, non seulement le fait de la Commission européenne mais également du Conseil et du Parlement européen (co-législateurs), et déplore une préférence croissante pour les règlements plutôt que pour les directives (plus respectueuses de la diversité nationale) et un recours accru aux actes d'exécution ou aux actes délégués. Depuis 20 ans, la préoccupation de "mieux légiférer" au niveau européen a amené à prendre des mesures : obligation de présenter une étude d'impact pour toute nouvelle proposition législative, création d'un comité d'examen de la réglementation, règle "une norme nouvelle, une retirée" ("one in, one out"). Malgré cela, des propositions – comme la réforme du marché européen de l'électricité ou la simplification de la PAC – n'ont pas été accompagnées d'une étude d'impact ni de retraits de normes à due concurrence.
Le principe de subsidiarité – qui définit dans quelles conditions donner à l'action de l'Union européenne priorité sur celle des États membres dans le champ des compétences partagées entre eux – et le principe de proportionnalité – qui assure que l'action européenne apporte une plus-value par rapport à celle des États membres et n'excède pas ce qui est nécessaire pour atteindre les objectifs poursuivis – sont bien souvent inopérants.
Les rapporteurs font une douzaine de recommandations :

  • inviter les États membres réunis au Conseil à prendre leur part dans le contrôle du fondement juridique d'une initiative législative européenne ;
  • prévoir d'insérer, dans toute législation européenne, une "clause bouclier" préservant la compétence des États membres en matière d'ordre public et de sécurité nationale ;
  • promouvoir le dialogue entre juges nationaux et européen pour permettre à chaque État membre d'être toujours en mesure d'assumer ses responsabilités ;
  • privilégier le recours aux directives et limiter le recours abusif par la Commission aux actes d'exécution et aux actes délégués ;
  • étendre le champ et améliorer la qualité des études d'impact ;
  • prévoir une évaluation ex post systématique des actes législatifs ;
  • veiller à la charge administrative pesant sur les entreprises, notamment les PME, en soumettant toute nouvelle initiative européenne à un "test de compétitivité" sur le marché mondial et un "test PME" renforcé ;
  • faciliter le contrôle du respect du principe de subsidiarité par les Parlements nationaux ;
  • inciter les États membres au Conseil à examiner la conformité de toute initiative européenne aux principes de subsidiarité et de proportionnalité, en amont de sa négociation ;
  • rétablir un poste de vice-président de la Commission européenne chargé de la simplification et de la subsidiarité ;
  • veiller au respect de la diversité linguistique et de la place du français ;
  • mieux prendre en compte la spécificité des territoires, notamment ultra-marins.

L'ESSENTIEL
INFOGRAPHIE
INTRODUCTION

I. UNE DÉRIVE NORMATIVE DE L'UNION EUROPÉENNE QUI LA FRAGILISE

A. UN VOLONTARISME EUROPÉEN ALIMENTANT LE RISQUE D'UNE DÉRIVE NORMATIVE…
1. Un emballement législatif récent
2. Une préférence croissante pour les règlements qui laissent moins de liberté aux États membres que les directives
3. Un recours abusif aux actes d'exécution et aux actes délégués
4. Des procédures d'urgence de plus en plus courantes qui court-circuitent le législateur

B. SANS FREIN INSTITUTIONNEL SUFFISANT : VERS UNE DÉRIVE TECHNOCRATIQUE ?
1. Une interprétation extensive des compétences de l'Union européenne…
2. … accompagnée par la jurisprudence de la Cour de justice de l'Union européenne
3. La multiplication des agences européennes

C. UNE ACTION EUROPÉENNE SOUVENT RESSENTIE COMME CONTESTABLE, ILLISIBLE ET ÉLOIGNÉE DES RÉALITÉS DU TERRAIN
1. Une réglementation européenne qui heurte parfois le cœur de la souveraineté des États
2. Une complexité susceptible de nuire à l'efficacité du soutien apporté par l'UE : l'exemple de la politique agricole commune
3. La méconnaissance des réalités locales : l'exemple des outre-mer

D. UN PRÉJUDICE DE COMPÉTITIVITÉ : PLUS OU MOINS VALUE DES RÉGLEMENTATIONS EUROPÉENNES POUR LES ENTREPRISES ?
1. Le constat frappant de Mario Draghi
2. La directive relative au devoir de vigilance des entreprises : un but louable, mais une articulation difficile avec la compétition mondiale
3. Le règlement sur les déchets et les emballages : exemple de chevauchement d'exigences sans égard pour les situations nationales et les petits producteurs
4. Le préjudice concurrentiel subi par les entreprises, victimes du hiatus entre la réglementation européenne et la politique commerciale

II. DES RÉPONSES EUROPÉENNES QUI NE SONT PAS À LA HAUTEUR DES ENJEUX

A. "MIEUX LÉGIFÉRER" : UN VŒU PIEUX ?
1. Une préoccupation ancienne de la Commission européenne, reprise à son compte par la Présidente Ursula von der Leyen
2. Des effets limités et des études d'impact encore lacunaires voire absentes
3. La responsabilité partagée du Conseil de l'Union européenne et du Parlement européen

B. LES PRINCIPES DE SUBSIDIARITÉ ET DE PROPORTIONNALITÉ, BOUCLIERS PUISSANTS MAIS TROP SOUVENT INOPÉRANTS
1. Des principes gages de démocratie et d'efficacité
2. Un contrôle de leur respect par les Parlements nationaux sous fortes contraintes
3. Des résultats décevants en pratique : trois "cartons jaunes" seulement en quinze ans

III. RENDRE L'ACTION DE L'UNION EUROPÉENNE PLUS LÉGITIME, PLUS EFFICACE ET MIEUX ADMISE PAR LES CITOYENS

A. NE LÉGIFÉRER QUE SI NÉCESSAIRE ET DANS LE RESPECT DES COMPÉTENCES DES ÉTATS MEMBRES
1. Inviter les États membres réunis au sein du Conseil à prendre leur part dans le contrôle préalable des bases juridiques de toute initiative législative européenne
2. Prévoir d'insérer dans toute législation européenne une "clause bouclier" respectant la compétence des États membres en matière d'ordre public et de sécurité nationale
3. Promouvoir le dialogue des juges nationaux et européen pour permettre aux États membres d'être toujours en mesure d'assumer leurs responsabilités
4. Limiter le recours aux procédures d'urgence, aux actes d'exécution et aux actes délégués

B. LÉGIFÉRER MIEUX : POUR UNE LÉGISLATION SOBRE ET DE QUALITÉ
1. Étendre le champ et améliorer la qualité des études d'impact et prévoir une évaluation ex post des actes juridiques
2. Réduire la charge administrative pesant sur les entreprises, notamment les PME, en prévoyant un "test PME" et un "test compétitivité"

C. MOBILISER TOUS LES ACTEURS POUVANT CONTRIBUER AU RESPECT DES PRINCIPES DE SUBSIDIARITÉ ET DE PROPORTIONNALITÉ
1. Renforcer la place des Parlements nationaux, notamment en matière de contrôle du respect du principe de subsidiarité
2. Inciter les États membres réunis au Conseil à procéder à un examen préalable de toute initiative européenne au titre de la subsidiarité et de la proportionnalité
3. Rétablir un poste de vice-président de la Commission européenne chargé de la simplification et de la subsidiarité

D. TENIR DAVANTAGE COMPTE DE LA DIVERSITÉ DES ÉTATS MEMBRES
1. Veiller au respect de la diversité linguistique
2. Mieux prendre en compte la spécificité des territoires, notamment ultramarins

CONCLUSION
EXAMEN EN COMMISSION
LISTE DES PERSONNES AUDITIONNÉES
ANNEXE 1 : ACTES ADOPTÉS PAR L'UNION EUROPÉENNE EN 2024
ANNEXE 2 : LA PROPORTION DE PROPOSITIONS DE RÈGLEMENTS ET DE DIRECTIVES
ANNEXE 3 : L'ACCORD INSTITUTIONNEL "MIEUX LÉGIFÉRER" DU 13 AVRIL 2016

  • Type de document : Rapport parlementaire
  • Pagination : 141 pages
  • Édité par : Sénat
  • Collection : Les Rapports du Sénat
  • Numéro dans la série : 190