Introduction
Stéphanie : Tu as vu, le film Anatomie d’une chute a remporté le César du meilleur film ?
Zoé : J’ai vu ce film, mais je ne vois pas de qui tu parles.
Stéphanie : C’est un prix qui récompense les producteurs du film.
Zoé : Ah oui les producteurs sont ceux qui financent un film !
Stéphanie : En partie oui mais les films bénéficient aussi de fonds publics. Ce système est unique au monde. Attends, je t’explique !
Générique --------------------------------------------------------------------------------------------------------------------
Stéphanie : Le producteur est chargé de trouver des financements pour son film. Il investit souvent son propre argent, mais cherche aussi d’autres financements.
Zoé : Quelles formes peuvent prendre ces financements ?
Stéphanie : Il y a d’abord les financements publics. Le CNC (Centre national du cinéma et de l’image animée), organisme public sous tutelle du ministère de la Culture, représente le soutien public le plus important.
Zoé : Ah donc ce sont nos impôts qui financent le cinéma français ?
Stéphanie : Non, le CNC est chargé de financer le cinéma français en prélevant différentes taxes.
Zoé : quelles sont ces taxes ?
Stéphanie : Le CNC prélève un pourcentage du chiffre d’affaires des services de télévision, de vidéo à la demande et de vidéo par abonnement, parce que ces services diffusent des films. Mais la taxe la plus importante est celle sur les tickets de cinéma ! Quand tu achètes une place de cinéma, 10,72 % du prix vont au Centre national du cinéma et de l’image animée (CNC), que le film soit français ou non.
Zoé : Mais alors que fait le CNC avec le montant des taxes ?
Stéphanie : Si le film est français, le CNC reverse une partie du montant de la taxe prélevée au producteur du film pour financer la création de nouveaux films. C’est ce qu’on appelle les aides automatiques.
Zoé : et si le film est étranger ?
Stéphanie : Les sommes récupérées via la taxe prélevée sur un film étranger et les autres taxes sont utilisées pour les autres aides du CNC comme les avances sur recettes qui sont, elles, des aides sélectives attribuées après délibération du CNC. Cela signifie que la taxe prélevée sur les entrées d’un blockbuster américain qui a rencontré un grand succès en France par exemple permettra au CNC de financer des films français à plus petit budget qui n’ont pas vocation à être rentables.
Zoé : C’est super ! Donc à chaque fois que je vais au cinéma, je participe au financement du cinéma français ! ça, c’est l’exception culturelle française !
Stéphanie : Exactement ! Le financement du cinéma français est unique au monde et c’est pour ça qu’on l’appelle l’exception culturelle.
Zoé : est-ce que les aides du CNC suffisent ?
Stéphanie : Non, les producteurs de films peuvent aussi avoir recours au crédit d’impôt cinéma qui consiste à réduire l’impôt sur les sociétés recrutées pour un film si le tournage a lieu en France. Cette réduction est de 30 % en France. Cette mesure vise à inciter les réalisateurs à tourner sur le territoire français car les retombées économiques locales sont importantes. De même, désormais les collectivités territoriales ou les régions participent au financement des films tournés sur leurs territoires et qui emploient la main-d’œuvre locale.
Zoé : « Anatomie d’une chute » qui a été tourné dans les Alpes a bénéficié d’une aide de la région ?
Stéphanie : Oui le film compte la région Auvergne-Rhône-Alpes parmi ses investisseurs. La région a en effet investi 270 000 euros pour un tournage qui aurait rapporté 700 000 euros en dépenses directes dans la région (hôtels, emploi de techniciens locaux etc.). En tant que coproductrice, la région a également récupéré une partie des recettes générées par le film.
Zoé : Ok pour les financements publics mais il y aussi des financements privés !
Stéphanie : Oui ! Le producteur va aussi faire appel à des financements privés. Il va chercher un distributeur qui sera chargé de distribuer le film en salles et en VOD notamment. Selon la portée du film, le producteur se tournera aussi vers des vendeurs internationaux pour distribuer et diffuser le film à l’étranger. Il existe aussi des fonds d’investissement privés qui vont soutenir financièrement le film.
Zoé : Donc les chaînes de télévision et les services de vidéo à la demande peuvent aussi être des investisseurs ?
Stéphanie : Bien sûr ! On les appelle les diffuseurs. Ils sont d’ailleurs obligés d’investir dans le cinéma.
Zoé : Obligés ? Pourquoi ?
Stéphanie : Pour préserver le cinéma ! Il s’agit là encore de l’exception culturelle française. Dans les années 60, la démocratisation de la télévision dans les foyers français a peu à peu vidé les salles de cinéma. Pour inciter les spectateurs à retourner en salle, l’Etat a mis en place un système de priorisation de diffusion, c’est ce qu’on appelle la Chronologie des médias.
Zoé : et alors comment ça marche ? Qui est prioritaire ?
Stéphanie : La chronologie des médias change régulièrement, mais la sortie d’un film en salle est toujours prioritaire. Quatre mois après, le film sort en DVD et au bout de 6 mois, Canal + peut le diffuser. Ensuite, les droits de diffusion sont répartis entre les plateformes de streaming. Netflix peut diffuser le film au bout de 15 mois, alors que les autres plateformes comme Disney+ et Prime vidéo doivent attendre 17 mois.
Zoé : Pourquoi cette différence entre les plateformes de diffusion ?
Stéphanie : Toujours dans l’idée de promouvoir le cinéma français, plus un diffuseur investit dans le cinéma français, plus il est prioritaire dans la diffusion des films. Canal+ est le plus gros investisseur du cinéma français avec 600 millions d’euros investis par an (il représente 70 % du financement par les chaînes de TV). Netflix arrive juste derrière avec 200 millions d’euros par an. Les autres plateformes investissent moins donc sont moins prioritaires. Enfin, les derniers diffuseurs sont les chaines de télévisions généralistes (comme M6 par exemple) qui peuvent programmer le film 22 mois après sa sortie en salle.
Zoé : Ça me donne envie de financer le cinéma français tout ça ! Je te laisse, je vais au ciné !
Stéphanie : Mais Zoé, il est que 10 h ! On a du travail, la journée n’est pas finie !
Décryptage. Le financement du cinéma
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En France en 2023, plus de 1,3 milliard d'euros ont été investis dans la production cinématographique française. Comment sont financés les films français ? Quels sont les rôles du Centre national du cinéma et de l'image animée (CNC), des producteurs, des télévisions et des plateformes ? Qu'est-ce que l’exception culturelle française ?