Tous les ans, des médecins partent à la retraite sans être remplacés. Depuis plusieurs décennies, des facteurs démographiques combinés aux politiques publiques ont conduit à une aggravation continue de la désertification médicale.
Entre 2010 et 2024, selon le Conseil national de l’ordre des médecins, la densité médicale est en hausse dans 31 départements, alors qu’elle s’est détériorée dans les 69 autres. Ces chiffres masquent en outre de fortes disparités au sein des départements.
D'après les données du ministère de la santé, la désertification médicale touche près de neuf millions de Français. Pour les 10% de la population habitant dans les territoires les plus mal dotés, il faut 11 jours pour obtenir un rendez‑vous chez un généraliste, 93 chez un gynécologue et 189 jours chez un ophtalmologue.
En raison de l’évolution de la démographique médicale, le nombre de médecins actifs de moins 70 ans continuera à stagner, voire à diminuer au moins jusqu’en 2030. Si depuis le milieu des années 1990, le nombre de médecins formés a progressé, selon l'auteur de la proposition de loi, le député Guillaume Garot, cet effort n'est pas suffisant du fait du vieillissement de la population et des nombreux départs à la retraite de praticiens.
Les dispositifs déjà mis en place pour inciter à l'installation de médecins dans les territoires mal pourvus (avantages matériels, contrats d’engagement de service public passés avec des étudiants, maisons de santé, passage du numerus clausus à un numerus apertus...) apparaissent de même insuffisants.
C'est pourquoi, il propose plusieurs mesures nouvelles.
Mieux répartir les médecins dans les territoires
L'article 1er de la proposition de loi, tel qu'amendé par les députés, permet de flécher l’installation des médecins, généralistes et spécialistes, libéraux et salariés, vers les zones où l’offre de soins est insuffisante.
Il crée une autorisation d’installation des médecins, délivrée par l’agence régionale de santé (ARS), après avis rendu par le conseil départemental de l’ordre dont ils relèvent. En zone sous-dotée, l’autorisation sera délivrée de droit pour toute nouvelle installation. Dans tous les autres cas, c’est-à-dire lorsque l’offre de soins est suffisante, l’autorisation sera délivrée uniquement si l’installation fait suite à la cessation d'activité d’un médecin pratiquant la même spécialité sur ce territoire.
Il est prévu que ce nouveau cadre soit applicable à une date fixée par décret, et au plus tard un an après la publication de la loi. Ce décret devra être pris après avis du Conseil national de l’ordre des médecins, et consultation des représentants des étudiants en médecine, des usagers du système de santé et des élus locaux.
Cette régulation devra être soutenue par les mesures d’incitation d'installation déjà existantes, notamment pour les jeunes médecins dans les zones sous-denses.
En outre, les députés, ont créé par amendement un indicateur territorial de l’offre de soins (ITOS), qui sera élaboré conjointement par les services de l’État en lien avec les communautés professionnelles territoriales de santé. Cet indicateur dressera annuellement une cartographie précise de la répartition de l’offre de soins, pour chaque spécialité médicale, dans chaque commune et de chaque territoire de santé. Il permettra notamment aux ARS de mettre en place la nouvelle autorisation d’installation des médecins.
Un décret devra définir, sur la base de cet indicateur, un niveau minimal d’offre de soins à atteindre pour chaque spécialité médicale et paramédicale.
Les autres mesures
Le texte propose d'assurer une formation a minima de première année en médecine dans chaque département. Il fixe aux unités de formation et de recherche (UFR) en médecine l’obligation d’offrir, dans chaque département et en particulier dans les zones sous-dotées en médecins, des formations équivalentes à la première année d’études de santé.
Il prévoit également de supprimer la majoration du ticket modérateur pour les patients qui n'arrivent pas à désigner un médecin traitant. Près de six millions de Français, dont 600 000 atteints d’affection de longue durée, n’ont pas actuellement de médecin traitant. Cette majoration des tarifs pour les habitants des déserts médicaux est une "véritable double peine". La loi "Valletoux" du 27 décembre 2023 avait déjà supprimé la majoration du ticket modérateur pour les patients durant l'année suivant le départ à la retraite ou dans un autre département de leur médecin traitant.
Enfin, l’obligation de permanence des soins est rétablie pour les médecins de ville libéraux ou salariés. Depuis la suppression de cette obligation en 2003, les services d'urgence des hôpitaux se sont engorgés. Selon les députés, le principe du volontariat n’est pas suffisant pour répondre à la demande de soins de la population. Ils citent le Conseil national de l’ordre des médecins qui parle de "désengagement des médecins libéraux". Ainsi, seuls 38,1% des médecins ont participé à la permanence des soins ambulatoires en 2019, ce chiffre baissant au fil des ans. Ce constat est particulièrement criant dans les déserts médicaux.
Le Sénat doit désormais examiner la proposition de loi.
Le plan du gouvernement contre les déserts médicaux
Cette proposition de loi a été adoptée contre l'avis du gouvernement.
Le 25 avril dernier, le Premier ministre a, en effet, présenté un pacte de lutte contre les déserts médicaux. Il repose sur plusieurs mesures, notamment :
- l'élaboration d'une cartographie des déserts médicaux. Les ARS sont chargées d’ici la fin du mois de mai 2025 d'identifier des "zones rouges" à l’échelle des intercommunalités, dans lesquelles l’accès aux soins est particulièrement dégradé ;
- l'obligation pour chaque médecin généraliste ou spécialiste installé dans un territoire bien pourvu médicalement de consacrer jusqu'à 2 jours par mois à des consultations dans les zones "rouges", c’est à dire celles les plus en difficulté. Grâce à ce mécanisme de solidarité, le gouvernement vise 30 millions de consultations par an réorientées ;
- l'obligation pour tous les étudiants en médecine durant leur cursus d'effectuer au moins un stage en dehors des centres hospitaliers universitaires (CHU) et un en zone sous-dotée en soignants ;
- la réduction du temps consacré par les médecins aux formalités administratives.
Une autre proposition de loi visant à améliorer l'accès aux soins dans les territoires a été adoptée par le Sénat le 13 mai 2025. Le 28 avril 2025, le gouvernement a engagé la procédure accélérée sur ce texte, qui se rapproche davantage des mesures qu'il prône. Cette proposition de loi prévoit ainsi par exemple de subordonner l'installation des médecins généralistes en zone sur-dotée à un engagement d'exercice à temps partiel dans des zones déficitaires.
Cette page propose un résumé explicatif du texte pour le grand public. Elle ne remplace pas le texte officiel.
Sources
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Légifrance :
Dossier législatif : Contre les déserts médicaux