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Vie publique
L'essentiel de Vie publique
Les forêts
Numéro 25 - Vendredi 31 octobre 2025

Sécheresse, canicule, incendies, parasites, la santé de la forêt française se dégrade en raison du changement climatique. Pourtant, les arbres jouent un rôle central dans la sauvegarde de l’environnement, notamment en stockant le carbone. Face aux menaces, les stratégies de gestion forestière basées sur le développement durable visent à trouver un équilibre entre les enjeux économiques et écologiques. 

Pourquoi on en parle ? 

Les forêts seront au cœur des discussions lors de la Conférence des Nations unies sur le climat (COP30) qui se déroulera du 10 au 21 novembre 2025 à Belém (Brésil), aux portes de l'Amazonie. Les forêts dans le monde recouvrent plus de 4 milliards d’hectares, soit 32% de la superficie terrestre mondiale. Si la déforestation a ralenti au cours de la dernière décennie, le phénomène reste préoccupant. Selon le dernier rapport de l'Organisation pour l'alimentation et l'agriculture (FAO), près de 11 millions d'hectares de forêts disparaissent encore chaque année. 88% de la déforestation mondiale se concentre dans les zones tropicales, en particulier en Amazonie où la plus forte pression est exercée par l'agriculture. Lors de la COP30, le Brésil souhaite proposer la création d'un fonds, le "Tropical Forests Forever Fund" (TFFF), dédié à la conservation des forêts tropicales.

Le poumon vert de la planète 

La forêt contribue à la sauvegarde de l'environnement de plusieurs façons. Elle atténue le changement climatique en absorbant et en stockant le carbone présent dans l'atmosphère. C'est le deuxième puits de carbone naturel de la planète après l’océan. Elle fournit une ressource durable et une énergie renouvelable, le bois, et préserve la biodiversité. Les forêts françaises accueillent 190 essences d’arbres et 75% des espèces animales et végétales. La forêt joue également un rôle important dans le cycle de l'eau par l'évapotranspiration des arbres, le filtrage de l'eau et le captage d'eau potable. Les arbres rafraîchissent l'air, préserve la qualité des sols et contribuent à réduire de nombreux risques naturels, tels que les inondations, les avalanches, les chutes de blocs et les glissements de terrain.

Changement net de superficie de forêt par région et dans le monde entre 1990 et 2025 (en millions d'hectares/an)
17,6
millions
LE CHIFFRE CLÉ

C’est la surface, en hectares, occupée par les forêts dans l’hexagone et en Corse en 2024, selon le dernier inventaire forestier national. Elles couvrent près d'un tiers du territoire. La Corse-du-Sud arrive en tête des départements les plus boisés devant six autres territoires dont le taux de boisement est supérieur à 60% (Alpes-Maritimes, Var, Alpes-de-Haute-Provence, Landes, Haute-Corse et Ardèche). En outre-mer, 8,2 millions d'hectares de forêts sont recensés, dont 97,4% sur le seul territoire de la Guyane

Les forêts françaises gagnent du terrain... 

La forêt s'étend en France depuis près de deux siècles. Le pays comptait 10 millions d'hectares de forêt en 1908 (19% du territoire), contre 17,6 millions aujourd'hui (32%). Depuis quarante ans, la surface forestière progresse d’environ 90 000 hectares par an. Cette extension concerne notamment la Bretagne et la zone méditerranéenne. Elle s’explique par la déprise agricole et, dans une moindre mesure, par les opérations de reboisement. Le volume de bois sur pied a, lui aussi, augmenté de près de 50% en quarante ans, faisant des forêts françaises le troisième stock de bois européen, derrière l’Allemagne et la Suède.

...mais leur état de santé se dégrade 

L’Institut national de l’information géographique et forestière (IGN) constate une augmentation de 125% de la mortalité des arbres en 10 ans. Les arbres morts représentent 5% du volume total de bois présent en forêt. 8% des arbres présentent également un état dégradé ou de dépérissement visible. L’IGN observe que les régions du Nord-Est sont les plus sévèrement touchées. Cette vulnérabilité croissante est liée au changement climatique : sécheresses successives, incendies, prolifération de bioagresseurs (champignons, insectes, bactéries...). La croissance des arbres s’en trouve impactée : elle a diminué de 4% entre 2015 et 2023. Même si le stock de bois continue de croître dans les forêts françaises, le rythme s’est nettement ralenti.

Taux de boisement des départements en 2024
Un puits de carbone qui s'essouffle 

Les forêts jouent un rôle clé dans la lutte contre le réchauffement climatique, mais elles sont aussi les premières victimes de ce phénomène. Les forêts françaises voient leur rôle de « puits de carbone » s’affaiblir : elles absorbent aujourd’hui 39 millions de tonnes de CO2 par an, contre 63 millions il y a 10 ans. Dans certaines régions, notamment le Nord-Est et le centre, la mortalité et les coupes sont plus importantes que la croissance biologique des arbres. Les stocks forestiers qui ont mis des années à se constituer diminuent brutalement. Résultat, certaines forêts ne sont plus des puits, mais des sources de carbone. Pour l'IGN, il faut à la fois renouveler les forêts sinistrées avec des essences plus résistantes et mieux protéger les forêts contre les aléas (incendies, tempêtes, épidémies).

Forêt publique, forêt privée : quelles différences ? 

Les forêts privées représentent 75% des forêts dans l'hexagone et sont très morcelées (3,3 millions de propriétaires). Les forêts publiques regroupent les forêts domaniales (1,5 million d'hectares), qui appartiennent à l’État, et les autres forêts publiques (2,7 millions d'hectares), essentiellement communales, qui appartiennent aux collectivités locales. Elles sont gérées par l'Office national des forêts (ONF) selon les règles du régime forestier. La gestion de toutes les forêts françaises, qu’elles soient publiques ou privées, est encadrée par le code forestier.
 

La gestion durable des forêts garantit leur diversité biologique, leur productivité, leur capacité de régénération, leur vitalité et leur capacité de satisfaire, actuellement et pour l’avenir, les fonctions économiques, écologiques et sociales pertinentes aux niveaux local, national et international, sans causer de préjudices à d’autres écosystèmes.

 

Article L1 du code forestier

Gestion durable des forêts : de quoi parle-t-on ?

Le concept de gestion durable des forêts est né lors de la Conférence de Rio en 1992. La loi d'orientation sur la forêt de 2001 a introduit ce principe dans le code forestier. La gestion durable des forêts vise à chercher un équilibre entre des enjeux à la fois économiques (production du bois), écologiques (protection des milieux et de l'environnement) et sociétaux (loisirs, tourisme...) pour le bien des générations actuelles et à venir.


L'ONF, gardien des forêts 

Créé en 1964, l'Office national des forêts (ONF) est un organisme public chargé de la gestion durable des forêts publiques. Il gère 4,6 millions d'hectares de forêts, soit un quart des forêts de l’hexagone, et met sur le marché 40% du volume de bois produit en France. Ses missions sont larges : régime forestier, préservation de la biodiversité, surveillance des territoires ultra-marins, suivi des écosystèmes... L’ONF mène également des actions pour adapter les forêts au changement climatique (forêt mosaïque avec une diversité d’essences, forêts d'exception...). Ses ressources proviennent essentiellement des recettes issues de la vente du bois des forêts domaniales (41%) et des subventions publiques (29%). 

Objectifs 2026 

En application de la loi d’avenir pour l’agriculture, l’alimentation et la forêt de 2014, le Programme national de la forêt et du bois (PNFB) fixe les orientations de la politique forestière pour les forêts publiques et privées en France pour une période de dix ans. Le programme pour 2016-2026 comporte quatre objectifs :

  • accroître les prélèvements de bois tout en assurant le renouvellement de la forêt ;

  • sensibiliser les citoyens sur les enjeux de la forêt, avec notamment des actions d'éducation ;

  • préparer les forêts au changement climatique et atténuer ses effets ;

  • développer les débouchés pour les produits forestiers et adapter la gestion des forêts aux besoins du marché.

LES MOTS DANS L'ACTU
Déforestation

C'est la conversion des forêts à d’autres utilisations du sol, comme l’agriculture et les infrastructures. Elle réduit donc la superficie forestière. La superficie forestière peut augmenter lorsque des arbres sont plantés sur des terres qui en étaient dépourvues auparavant (« boisement ») et lorsque la forêt s’étend par succession naturelle sur des terres qui étaient affectées précédemment à un autre usage (« expansion naturelle de la forêt » (source : FAO).

Forêt

C'est un territoire occupant une superficie d’au moins 5 000 m2 avec des arbres pouvant atteindre une hauteur supérieure à cinq mètres à maturité, un couvert boisé de plus de 10% et une largeur moyenne d’au moins 20 mètres (source : IGN). Pour s'aligner avec la définition internationale de la forêt établie par la FAO, les terrains dont l’utilisation du sol prédominante est agricole ou urbaine ne sont pas comptabilisés comme de la forêt.

Des forêts gérées comme un potager ? 

Les défenseurs de l’environnement dénoncent la pression croissante sur les forêts pour répondre à la demande des industriels de la filière du bois. Sylviculture intensive, coupes rases, utilisation de pesticides, mais aussi accélération des plantations de résineux (le Douglas) aux dépens des arbres feuillus, les ONG et scientifiques évoquent une « malforestation ». Faciles à cultiver et présentant un meilleur rendement, ces monocultures rendent l'écosystème moins durable face aux aléas climatiques ou sanitaires (le feu s'y propage plus facilement et la présence d'une seule essence amenuise les chances de se relever d'une maladie, par exemple). Les ONG dénoncent des forêts gérées comme un potager : planter, laisser pousser, tout prélever à une certaine taille, nettoyer et replanter. Ils appellent à laisser la forêt « vieillir » et se régénérer naturellement.

Les racines d’un nouveau modèle forestier 

Selon un rapport de la Cour des comptes de 2024, la gestion planifiée des forêts par l'ONF, sur une durée de 15 à 20 ans, n’est plus adaptée aux évolutions rapides et difficilement prévisibles des peuplements forestiers. En 2021, les autorités ont reconnu que l'objectif des politiques forestières est de « maximiser la production de bois » et ont appelé à un changement de modèle. Trois axes ont été retenus : la lutte contre la déforestation importée, une gestion de la forêt française privilégiant le long terme et l’implication des territoires et des citoyens. Cette nouvelle approche est confortée par la nouvelle stratégie forestière européenne pour 2030 qui prévoit de renforcer la protection des forêts face aux effets du changement climatique. L'État a lancé en novembre 2024, un dispositif d'aides au renouvellement forestier au travers de son programme France Nation Verte. Il vise à accompagner les propriétaires forestiers, publics et privés, pour renouveler et améliorer leurs forêts, et ainsi assurer la résilience des écosystèmes forestiers.

L'extrait de la Doc'
L’ONF et le défi de la transition écologique et climatique

Depuis 2017, la part dans la récolte de bois des produits accidentels du fait d’événements climatiques (sécheresse, tempête) ou sanitaires (attaque de parasites ou d’insectes) a augmenté pour atteindre un quart de la récolte, alors qu’elle ne représentait que 4 à 5% en plaine et 10% en montagne dans les décennies précédentes. (...) Les projections effectuées sur la base des scénarios du GIEC (Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat) montrent que la moitié de la forêt française pourrait dépérir ou devenir très vulnérable à la fin du siècle. Des essences comme l’épicéa, le sapin, le frêne et le hêtre semblent particulièrement sensibles. (...) L’enjeu est tout à la fois d’adapter les peuplements pour les rendre plus résilients au climat du futur, et d’encourager la production de bois matériau pour prolonger le stockage de carbone le plus longtemps possible et réduire le recours aux produits issus d’énergie fossile.

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