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Vie publique
L'essentiel de Vie publique
Les retraites
Numéro 21 - Vendredi 5 septembre 2025

On démarre cette rentrée avec un sujet que vous avez placé en tête dans notre dernier sondage : les retraites. Fondé en 1945, le modèle de retraite français a beaucoup évolué depuis sa création. Âge légal de départ, durée de cotisation, montant des pensions… Depuis les années 90, les réformes se succèdent pour adapter le système à la réalité démographique et économique, le rendant de plus en plus complexe aux yeux des Français. 

Pourquoi on en parle ? 

Depuis le 1er septembre 2025, il est possible d’accéder à la retraite progressive dès 60 ans, quelle que soit son année de naissance, sous réserve de remplir certaines conditions. Deux décrets ont été publiés au Journal officiel le 23 juillet 2025. Ce dispositif permet aux salariés séniors de percevoir une partie de leur pension de retraite tout en continuant à exercer leur activité professionnelle à temps partiel. Par exemple, un salarié ayant un temps partiel à 60% pourra percevoir 40% de sa pension. Le salarié peut ainsi continuer à cotiser jusqu’à sa retraite définitive. Depuis la réforme des retraites de 2023, ce dispositif est accessible à tous les actifs, quel que soit leur statut : salariés du privé, agents publics, professions libérales, travailleurs indépendants et exploitants agricoles.

Retraite par répartition VS capitalisation 

Le système de retraite français, tel qu'il existe aujourd'hui, a été mis en place à la Libération. Les ordonnances des 4 octobre et 19 octobre 1945, qui instituent la Sécurité sociale, créent une assurance vieillesse obligatoire pour tous les salariés. Il s'agit d'un système par répartition : les cotisations des actifs d'aujourd'hui financent les pensions de retraite des générations qui travaillaient hier. On parle de solidarité intergénérationnelle. À l’inverse, dans un système par capitalisation, les actifs épargnent en vue de leur propre retraite. Leurs cotisations font l’objet de placements financiers ou immobiliers dont le rendement dépend essentiellement de l’évolution des taux d’intérêt. Cette capitalisation peut être effectuée par les individus eux-mêmes ou par les entreprises pour leurs salariés.

10 dates clés sur les retraites en France
De la tirelire à la caisse commune 

Avant 1945, la France a essayé de mettre en place un système de retraite par capitalisation reposant sur l'épargne individuelle. Trois lois vont dans ce sens : la loi de 1910 sur les retraites ouvrières et paysannes (ROP) et les lois de 1928 et 1930 sur les assurances sociales. Mais les crises économiques et l’inflation ont fortement réduit la valeur de l’épargne et des pensions. En 1941, le système bascule vers la répartition : ce sont désormais les cotisations des actifs qui financent directement les pensions des retraités. Garanti par l’État, ce modèle est perçu comme plus sûr, car les pensions ne sont pas soumises aux fluctuations des marchés financiers. 

Retraite solidaire 

Le système de retraite par répartition repose sur le principe de la contributivité : un retraité perçoit une pension proportionnelle aux cotisations qu’il a versées durant sa vie active. Cette durée de cotisation est comptée en trimestres : depuis la réforme de 2023, il faut entre 169 et 172 trimestres (selon son année de naissance) pour obtenir une retraite à taux plein (sans décote). La répartition intègre aussi un principe de solidarité qui permet de redistribuer et de réduire certaines inégalités. Des périodes d’inactivité professionnelle (chômage, maladie, maternité, congé parental, invalidité, etc.) peuvent être prises en compte pour la retraite, même si elles ne donnent pas lieu à des versements de cotisations. À l’inverse, la capitalisation a tendance à renforcer les inégalités, car les personnes qui ont de faibles revenus ou des carrières discontinues peuvent avoir du mal à se constituer une épargne retraite suffisante.

LES MOTS DANS L'ACTU
Régimes spéciaux

Il s'agit des premiers régimes de retraite qui on été instaurés avant la création de la Sécurité sociale en 1945, au profit de certaines catégories professionnelles (marins, militaires, fonctionnaires, cheminots...). Certaines catégories ont refusé d’intégrer le régime général et les régimes spéciaux ont été maintenus par le décret du 8 juin 1946

 

Taux de remplacement

Il correspond au rapport entre le montant de sa pension de retraite et celui du dernier revenu d'activité perçu. Il mesure donc l’impact du passage à la retraite sur le niveau de vie : plus le taux est élevé, plus la baisse de revenu est limitée. Ce taux varie selon les régimes et tend généralement à diminuer au fil des générations en raison des réformes.

Un équilibre fragile 

Le système par répartition repose sur un équilibre fragile : les cotisations des actifs doivent suffire à financer les pensions des retraités. Ce modèle est sensible aux évolutions démographiques (taux de fécondité, espérance de vie...), mais aussi économiques (croissance, productivité...). Après la Seconde Guerre mondiale, la France a connu un baby-boom, un pic de naissances qui a garanti un grand nombre de cotisants pour financer les pensions. Mais la situation s’inverse aujourd'hui. Le vieillissement de la population française s'accélère compte tenu de l'avancée en âge des baby-boomers, de l'allongement de l'espérance de vie et de la baisse de la natalité. Moins de naissances aujourd’hui implique qu’il y aura moins de travailleurs demain pour financer les retraites. Alors que l’on comptait environ 4 cotisants pour 1 retraité en 1960, 2 cotisants pour 1 retraité en 2000, il n’y en a plus que 1,8 en 2023, selon le rapport 2025 du Conseil d'orientation des retraites (COR). Les projections du COR prévoient 1,4 cotisant pour 1 retraité d’ici 2070. 

Les retraités vivent-ils mieux que les actifs ? 

Fin 2023, la pension moyenne des retraités vivant en France s’élevait à 1 666 euros bruts par mois (1 541 euros nets), d'après les derniers chiffres de la Drees. Leur pension est en moyenne moins élevée que les revenus des actifs, mais cela est contrebalancé par le fait qu’ils ont plus rarement des enfants à charge et sont plus souvent propriétaires. En tenant compte des autres revenus (patrimoine, prestations sociales...) et de la structure du ménage, les retraités disposent d’un niveau de vie médian de 2 030 euros par mois. Ce niveau de vie est revenu à un niveau équivalent à celui de l’ensemble de la population, après lui avoir été supérieur pendant plus de 15 ans. Selon le COR, la tendance devrait s'inverser, car les pensions augmenteront moins vite que les revenus d'activité. 

17,2
millions
LE CHIFFRE CLÉ

C'est le nombre de personnes à la retraite en France fin 2023, selon la Drees. Les effectifs de retraités augmentent de 1% en moyenne par an, ce qui représente une hausse annuelle de 175 000 personnes. Ce rythme est similaire à celui observé entre 2010 et 2020. De plus, 4,4 millions de personnes bénéficient d’une pension de réversion, versée après le décès d’un conjoint. Les femmes représentent 87% des bénéficiaires, en raison notamment de leur espérance de vie plus longue. Pour environ 900 000 de ces bénéficiaires, cette pension de réversion constitue leur unique pension de retraite

Des dépenses relativement stables... 

En 2024, la France consacre 13,9% de son produit intérieur brut (PIB) aux dépenses de retraite, soit 407 milliards d’euros. Cela représente près d'un quart des dépenses publiques. Malgré le vieillissement de la population, cette part devrait rester globalement stable dans les prochaines décennies. Selon le COR, elle resterait autour de 14% en 2030, puis 14,2% en 2070, en raison d'une moindre augmentation du niveau de vie des retraités par rapport aux actifs et du recul de l'âge de départ à la retraite avec la réforme des retraites de 2023. L'âge de départ passerait de 62,9 ans en 2023 à 64,6 ans en 2070.

...mais des recettes en baisse 

Même si les dépenses de retraite restent stables, les ressources du système diminuent. En 2024, elles s’élevaient à 405 milliards d’euros, soit 13,9% du PIB. D’ici 2070, cette part devrait tomber à 12,8%. Cette baisse ne s’explique pas par une diminution des cotisations, mais par une réduction des subventions publiques. En effet, l’État finance une partie des retraites de la fonction publique de l’État et de certains régimes spéciaux (comme la SNCF ou la RATP). Or, ces régimes vont voir leurs dépenses reculer dans les prochaines décennies, avec notamment l’extinction progressive de certains régimes spéciaux, et les financements publics qui les accompagnent diminueront eux aussi.

Les ressources du système de retraite en France en 2024
Un système de retraite en déficit  

Après avoir été excédentaire entre 2021 et 2023, le système de retraite affiche un déficit de 1,7 milliard d’euros en 2024. En raison du ralentissement économique, ce déficit pourrait atteindre 5 milliards en 2025, d'après le COR, et se maintiendrait à long terme à 6,6 milliards en 2030. Dans une mission flash sur la situation financière du système, en février 2025, la Cour des comptes estimait que le déficit pourrait atteindre près de 15 milliards en 2035 et 30 milliards en 2045. 

Des réformes en série 

Jusqu'en 1983, les réformes des régimes de retraite ont eu pour objet d’étendre aux salariés les garanties du système de retraite. Le Livre blanc de 1991 marque un tournant en mettant en évidence les difficultés à venir du système. Depuis 1993, plusieurs réformes majeures ont été menées avec pour objectif d’éviter une forte dégradation des déficits des régimes de retraite. La dernière réforme discutée s’est traduite par la loi du 14 avril 2023 de financement rectificative de la sécurité sociale pour 2023. Elle acte notamment le recul de l'âge légal de départ à la retraite de 62 à 64 ans d'ici 2030, l’allongement de la durée de cotisation portée à 43 ans dès 2027, la revalorisation des petites pensions, ainsi que la fin de certains régimes spéciaux pour les travailleurs embauchés à partir du 1er septembre 2023.

Comment assurer l'équilibre financier des retraites ?

Pour améliorer la situation financière des retraites, plusieurs leviers sont possibles :

- augmenter les cotisations des salariés ;

- augmenter les cotisations des employeurs ;

- limiter la hausse des pensions ; 

- reculer l’âge de départ à la retraite.
 

Selon le Conseil d'orientation des retraites, limiter la progression des pensions ou augmenter les cotisations peut freiner l’économie. Cela affecte le pouvoir d'achat des ménages, ce qui a un impact sur la consommation et finit par affaiblir le PIB. De même, l'augmentation des cotisations employeurs alourdit le coût du travail, avec un risque pour l’emploi et la compétitivité des entreprises. 

Le COR considère que repousser l’âge de départ à la retraite permet de maintenir les Français plus longtemps sur le marché du travail. Cela soutient l’emploi et augmente les recettes fiscales et sociales (TVA, impôt sur le revenu, impôt sur les sociétés, cotisations...). Pour la Cour des comptes, c'est un levier puissant mais de court terme. Agir sur la durée d'assurance (trimestres de cotisation) a un impact plus modéré, mais étalé dans le temps.

Pensions : le grand écart hommes-femmes 

En 2023, la pension moyenne des femmes est inférieure de 38% à celle des hommes. Même en incluant les pensions de réversion, dont elles sont majoritairement bénéficiaires, l’écart reste de 25%. Cela reflète les inégalités de parcours professionnels : écarts de salaires, carrières plus souvent interrompues ou à temps partiel liées à la maternité et aux congés parentaux. Des droits familiaux de retraite ont été mis en place pour les parents afin de corriger les inégalités causées par la naissance et l’éducation des enfants (par exemple, des trimestres d’assurance supplémentaires). Mais la réforme de 2023, en reculant l’âge légal de départ, a réduit l’impact de ces majorations : même si les femmes atteignent le taux plein dès 62 ans, elles devront attendre 64 ans pour partir à la retraite. Une « surcote parentale » de 1,25% pour chaque trimestre permettant de partir avant 64 ans a été instaurée pour compenser ce décalage (dans la limite de 5%).

Âge moyen de départ à la retraite en France, selon le sexe, entre 2004 et 2023
Pénibilité au travail 

La réforme des retraites de 2010 a créé un dispositif de départ anticipé à 60 ans pour pénibilité. Un Compte professionnel de prévention (C2P) a été institué par une loi de 2014 : il permet aux salariés exposés à des conditions de travail éprouvantes d’accumuler des points pour financer des formations, un temps partiel sans baisse de salaire ou un départ à la retraite jusqu’à deux ans plus tôt. En 2017, le C2P a été remplacé par le compte professionnel prévention (C3P) et quatre critères de pénibilité ont été supprimés. Il n'y en a plus que six aujourd'hui : travail de nuit, travail en équipes successives, travail répétitif, travail en milieu hyperbare, exposition au bruit, températures extrêmes. La réforme de 2023 a abaissé les seuils d’exposition à certains facteurs de risque (par exemple, le travail de nuit passe de 120 à 100 nuits par an).

Un débat toujours en activité 

En février 2025, le Premier ministre François Bayrou a invité les partenaires sociaux à rouvrir les discussions sur la réforme des retraites de 2023, à condition que cela n’affecte pas l’équilibre financier du système. À l'issue de ce conclave, en juin 2025, aucun accord n'a été trouvé. Le Premier ministre a, néanmoins, annoncé plusieurs avancées lors de ces négociations qui pourraient être intégrées dans le prochain budget de la sécurité sociale pour l'année 2026 : 

- un abaissement de l'âge de départ à la retraite sans décote à 66 ans et demi (contre 67 ans actuellement), mais une non remise en cause de l'âge légal de départ à 64 ans ; 

- une amélioration du droit à la retraite des femmes ayant eu des enfants : elles verraient leur retraite calculée non plus sur les 25 meilleures années, mais sur les 24 meilleures années (1 enfant) ou 23 meilleures années (2 enfants) ; 

- une prise en compte de deux trimestres de majoration de la durée de cotisation par enfant pour les départs anticipés au titre des carrières longues ; 

- une meilleure prise en compte de la pénibilité au travail.

L'extrait de la Doc'
28% de la vie des Français à la retraite

La génération née en 1960 va passer en moyenne 24,4 ans en retraite, soit 28% de sa durée de vie totale. Cette moyenne cache bien sûr une forte hétérogénéité individuelle, mais aussi selon le sexe et les caractéristiques socio-économiques. Ainsi, les femmes nées en 1960 peuvent espérer 26,1 ans de retraite contre 22,8 pour les hommes, soit respectivement 29% et 27% de la durée de vie. En 1965, la durée de vie en retraite avoisinait 15 ans sous la conjonction d’un âge de départ en retraite plus élevé qu’aujourd’hui (aux alentours de 64 ans en moyenne) et d’une espérance de vie plus faible à cet âge. En 50 ans, la progression a été très forte à la fois en nombre d’années passées en retraite, mais aussi en part de la durée de vie.

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