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Vie publique
L'essentiel de Vie publique
Référendums et conventions citoyennes
Numéro 18 - Vendredi 13 juin 2025

En France, la démocratie représentative fait aujourd’hui l’objet d’une profonde remise en cause, fragilisée par la défiance croissante des citoyens vis-à-vis des élus et des institutions politiques. Les outils de démocratie directe ou participative comme les référendums ou les conventions citoyennes sont vus comme des réponses possibles à cette crise, afin de redonner la parole aux citoyens et de les associer davantage aux décisions politiques. On vous explique l'essentiel sur ces formes de participation citoyenne.

Pourquoi on en parle ? 

Pour tenter de remédier à la crise de la démocratie représentative, le président de la République a évoqué la possibilité de recourir au référendum et aux conventions citoyennes pour permettre aux Français de trancher certaines questions. Le 20 juin 2025, sera lancée une nouvelle convention citoyenne consacrée, cette fois-ci, aux temps de l’enfant

Référendum ou référendums ? 

Le référendum est une procédure de vote permettant de consulter directement les citoyens sur une question ou un texte. Le plus souvent, les électeurs ont à répondre par « oui » ou « non ». En France, la Constitution prévoit quatre types de référendum :

  • le référendum législatif : pour l’adoption d’un projet de loi ou d'une proposition de loi portant sur l’organisation des pouvoirs publics, sur des réformes relatives à la politique économique, sociale ou environnementale de la nation et aux services publics qui y concourent (art. 11 de la Constitution)
  • le référendum sur un traité : pour l’adoption d’un projet de loi tendant à autoriser la ratification d’un traité (art. 11) ;
  • le référendum constitutionnel : pour réviser la Constitution (art. 89). Toutefois, une révision constitutionnelle, même approuvée par référendum, ne peut pas porter sur « la forme républicaine du gouvernement » ;
  • le référendum local : pour soumettre à la décision des électeurs d’une collectivité territoriale un projet d’acte relevant de sa compétence (art. 72-1).
Référendums en série 

Quand il a annoncé sa volonté de recourir davantage au référendum, le président de la République a envisagé la possibilité de poser plusieurs questions et d'organiser « plusieurs référendums en même temps », ou même des « pré-référendums ». Le cadre défini par l'article 11 autorise l'organisation de plusieurs référendums le même jour, mais ils doivent être distincts avec un vote autonome pour chaque texte soumis à référendum. Quant au pré-référendum, il permettrait de consulter les électeurs avant le vote des textes par la procédure législative ordinaire. 

Démocratie directe vs. démocratie représentative 

On considère que le référendum est un instrument de démocratie directe car il permet au peuple d’intervenir directement dans la conduite de certains domaines de la politique nationale ou locale. Le référendum est l'une des deux expressions de la souveraineté nationale : « La souveraineté nationale appartient au peuple qui l'exerce par ses représentants et par la voie du référendum » (art. 3 de la Constitution). Dans la démocratie représentative, les citoyens élisent des représentants qui votent des lois en leur nom.

Outil démocratique ou arme politique ? 

Le référendum national, tout en gardant son objet principal, peut être détourné et servir à consacrer la légitimité du président de la République et de sa majorité. On parle alors de plébiscite lorsque la question posée peut être utilisée à d’autres fins par son auteur, notamment en cas de forte personnalisation du pouvoir, pour renforcer sa légitimité ou pour contraindre un Parlement réticent. Le général de Gaulle a utilisé le référendum en ce sens. Aussi, quand en 1969 les citoyens rejettent sa proposition de réforme du Sénat et de régionalisation, il a aussitôt démissionné de ses fonctions. Le plébiscite renvoie aux Premier et Second Empires. Le texte constitutionnel du Second Empire (1852) prévoit : « sera soumise au suffrage universel toute modification aux bases fondamentales de la Constitution ». Cinq plébiscites sont organisés par Napoléon III. De fait, l’appel au peuple est utilisé pour légitimer la politique menée et asseoir un pouvoir personnel.

19,87%
LE CHIFFRE CLÉ

C'est le taux d'abstention enregistré lors du référendum du 27 avril 1969 sur la régionalisation et la réforme du Sénat. Il s'agit du taux d'abstention le plus faible de tous les référendums organisés sous la Ve République. Le débat ayant en réalité surtout porté sur le maintien ou non du général de Gaulle au pouvoir, après onze ans de présidence et un an après la crise de mai 1968, les électeurs se sont fortement mobilisés. Après la victoire du « non » au référendum, Charles de Gaulle démissionne et le président du Sénat, Alain Poher, exerce l'intérim dès le 28 avril. 

À qui l'initiative ? 

L'organisation d'un référendum national est une prérogative du président de la République qui en décide sur proposition du Premier ministre ou des parlementaires. Cependant, depuis la révision constitutionnelle de 2008, un dixième des électeurs inscrits sur les listes électorales, soutenus par un cinquième des parlementaires, peuvent initier ce que l’on appelle un référendum d’initiative partagée (RIP) sur un texte. Mais en réalité, il est très difficile de rassembler les soutiens nécessaires. Sous la Ve République, aucun projet de RIP n’a franchi la barre de recevabilité. L'institution d'un référendum d'initiative citoyenne (RIC) a été, notamment, l'une des revendications des Gilets jaunes. Le RIC n'imposerait pas le soutien des parlementaires et il suffirait qu'un million de signatures de soutien soient obtenus pour imposer la convocation d'un référendum.

Une loi adoptée par référendum est-elle une loi comme les autres ? 

Dans sa décision du 6 novembre 1962, le Conseil constitutionnel considère qu'il est compétent pour juger de la constitutionnalité des seules lois votées par le Parlement. Pour le Conseil, les lois adoptées par le peuple à la suite d'un référendum constituent « l'expression directe de la souveraineté nationale ». Une loi adoptée par référendum échappe donc au contrôle de constitutionnalité. Néanmoins, le Conseil permet qu'une loi votée par le Parlement « modifie, complète ou abroge » une loi votée par référendum (décision du 9 janvier 1990).

Sous la contrainte 

Qu'il soit national ou local, le référendum vaut décision. Dans le cas d'un référendum législatif, par exemple, le texte soumis à référendum est adopté ou rejeté. Dans le cadre d'un référendum local, le scrutin vaut décision si la moitié des électeurs inscrits a participé au scrutin. À l'inverse, une consultation n'a pas de force contraignante. Elle a vocation à consulter les électeurs pour avis. C'est également le cas pour les consultations locales sur des projets environnementaux. Cette procédure a été utilisée le 26 juin 2016 à propos du projet de transfert de l'aéroport de Nantes vers le site de Notre-Dame-des-Landes. Bien qu'on parle le plus souvent du référendum sur Notre-Dame-des-Landes, il s'agissait d'une consultation pour recueillir l'avis des électeurs.

LES MOTS DANS L'ACTU
Démocratie participative

Il s'agit de l’ensemble des dispositifs et des procédures qui visent à associer les citoyens au processus de décision politique. Cette participation peut prendre plusieurs formes, plus ou moins directes et inclusives (budgets participatifs, débats publics...). L'objectif principal est de renforcer l'efficacité de l'action publique. 

 

Plébiscite

Vote populaire par lequel le pouvoir exécutif demande aux citoyens de lui manifester leur confiance, en se prononçant par oui ou par non sur un texte donné. Contrairement au référendum, il vise surtout à légitimer le pouvoir en place, comme ce fut le cas pour le coup d'État de Louis Napoléon en 1851, approuvé par plébiscite.

Quelle expression du peuple ? 

Parce qu'il ne permet que deux réponses (oui ou non), le référendum est souvent critiqué pour le caractère réducteur de la question posée et de la réponse, nécessairement binaire. De fait, il ne permet pas de trancher des questions complexes et exclut toute forme de nuance et de consensus. Contrairement à la pratique parlementaire, il ne permet pas de consulter plusieurs fois les citoyens sur un même sujet (même si c'est légalement possible) ou de corriger les erreurs d'un texte adopté par référendum. Les conventions citoyennes sont, elles, en revanche, censées permettre l'émergence d'un consensus, ou du moins d'aboutir à des compromis.

Une convention citoyenne, c'est quoi ? 

Une convention citoyenne réunit des citoyens tirés au sort durant plusieurs sessions de travail pour répondre à une question de société à l'issue de délibérations et en s'appuyant sur une information éclairée. Depuis sa réforme de 2021, le Conseil économique, social et environnemental (CESE) a été consacré comme la « chambre de la participation citoyenne ». À ce titre, il est régulièrement chargé par l'exécutif d'organiser des conventions citoyennes. À ce jour, deux conventions citoyennes ont été menées : la convention sur le climat (d'octobre 2019 à juin 2020) et la convention sur la fin de vie (de décembre 2022 à avril 2023). Une troisième convention consacrée aux temps de l'enfant doit débuter à compter du 20 juin 2025.

Les conventions citoyennes
La Convention citoyenne pour le climat, une expérience inédite ? 

La Convention citoyenne pour le climat a été la première convention organisée par le CESE à la demande du Premier ministre. Les citoyens tirés au sort qui ont participé ont pu exprimé leurs avis lors de la dernière séance de la Convention. La plupart ont salué l’utilité de cette démarche qui a contribué à médiatiser largement les débats sur le climat et à relayer le travail des organisations et des associations dans ce domaine. Ils considèrent la Convention comme une « expérience humaine et démocratique […], une démonstration au grand public […] des vertus de l’intelligence collective. Beaucoup espèrent que ce processus inspirera à nouveau en France et à l’étranger », tant à l’échelle locale que nationale.

 

L'extrait de la Doc'
Débat : Comment rendre notre vie politique plus démocratique ?

« Il y a des formes de démocratie participative qui méritent d’être développées. Le référendum n’est pas un procédé miracle, mais on gagnerait, je pense, dans le cadre de la Constitution, à en limiter les restrictions, comme cela est du reste envisagé. Concernant les conventions citoyennes, j’ai conscience du risque d’une superposition par rapport au travail des parlementaires, mais on peut envisager, me semble-t-il, une forme de coconstruction de la loi et plus généralement de la décision politique. » - Marc Lazar

 

« Si la démocratie participative est un complément de la démocratie représentative comme vous l’appelez de vos vœux, il faut d’abord que la démocratie représentative soit rétablie dans sa légitimité. C’est un préalable indispensable. À défaut, on risque de créer des conventions citoyennes que l’on présentera comme étant décisionnaires, alors qu’elles ne le sont pas, et qui menacent de mettre en péril la légitimité des représentants qui, eux, sont décisionnaires. Le danger est alors d’aggraver les tensions entre les deux formes de démocratie. » - Anne Levade

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Le référendum
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