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Vie publique
L'essentiel de Vie publique
La France maritime
Numéro 17 - Vendredi 30 mai 2025

Avec le deuxième plus vaste espace maritime au monde, la France s’impose comme une puissance maritime majeure. Mais entre protection de la biodiversité, lutte contre le changement climatique, sécurisation des espaces maritimes et développement d’une économie bleue durable, les enjeux sont nombreux. On fait le point sur les défis océaniques que la France doit relever pour assurer son rôle et son influence dans ce vaste territoire bleu.

Pourquoi on en parle ? 

La 3e conférence des Nations unies sur les océans, organisée conjointement par la France et le Costa Rica, se tiendra du 9 au 13 juin 2025 à Nice. Cet événement doit réunir les États membres des Nations Unies, les organisations internationales, ainsi que des représentants de la société civile (ONG, scientifiques...). La conférence de Nice vise à faire avancer l’objectif de développement durable n°14 des Nations Unies, consacré à la conservation et à l’exploitation durable des océans, des mers et des ressources marines. Trois priorités seront au cœur des discussions : 

  • faire avancer les accords multilatéraux, comme la ratification du traité sur la haute mer qui prévoit la création d'aires marines protégées dans les eaux internationales ;
  • mobiliser des financements pour soutenir une économie bleue durable ;
  • renforcer les connaissances scientifiques pour éclairer les décisions politiques.

 

LES MOTS DANS L'ACTU
Économie bleue

Il s'agit de tous les secteurs et toutes les industries liées aux océans, aux mers et aux côtes, qu’ils relèvent du milieu marin (comme le transport maritime, la pêche, la production d’énergie) ou du milieu terrestre (comme les ports, les chantiers navals, l’aquaculture terrestre, le tourisme littoral).

Aires marines protégées

Ce sont des espaces délimités en mer qui visent des objectifs de protection de la biodiversité marine à long terme et qui favorisent la gestion durable des activités maritimes. En France, on dénombre 564 aires marines protégées en 2022 (réserves naturelles, parcs nationaux, Natura 2000...).

Les mers et les océans ont-ils des frontières ? 

Ce n’est pas parce que l'océan est liquide qu’il n’a pas de frontières. Pendant longtemps, les espaces maritimes ont été régis par le principe de la liberté des mers et exploités par les grandes puissances maritimes selon la règle du « premier arrivé, premier servi ». En 1982, la Convention des Nations Unies sur le droit de la mer, signée à Montego Bay (Jamaïque), établit un cadre juridique pour les espaces maritimes. Elle détermine les zones relevant de la souveraineté des États côtiers et celles relevant de la haute mer (située au-delà de la juridiction des États). Dans le cas où les côtes de deux pays se font face (comme la France et le Royaume-Uni dans la Manche, par exemple), c'est aux États concernés de convenir à un accord de délimitation. Malgré l’adoption de la Convention, des tensions subsistent entre certains États quant à la délimitation des zones maritimes. La souveraineté française est particulièrement contestée dans l’océan Indien. Les îles Éparses sont partiellement revendiquées par Madagascar et Mayotte par les Comores. Le Tribunal international du droit de la mer a été créé pour régler les différends liés à l'interprétation et à l'application de la Convention.

Zones du droit international de la mer
La France, puissance maritime 

La France dispose du deuxième plus grand espace maritime au monde, juste après les États-Unis, grâce à ses départements d’outre-mer et à ses collectivités territoriales répartis sur trois océans (Atlantique, Pacifique, Indien). Sa zone économique exclusive (ZEE), c'est-à-dire l’espace maritime sur lequel elle exerce des droits souverains, s'étend sur près de 11 millions de km², dont 97% se situent en outre-mer (Chiffres clés de la mer et du littoral 2024). L'article 76 de la Convention de Montego Bay donne aux pays côtiers la possibilité d’étendre leur plateau continental au-delà des 200 milles marins. Entre 2014 et 2021, la France a reçu l’autorisation de la Commission des Limites du Plateau Continental (CLPC) des Nations Unies d'étendre son domaine sous-marin de 729 000 km² au large des Îles Kerguelen, de la Nouvelle-Calédonie, de la Guyane, de la Martinique, de la Guadeloupe, de la Réunion et des Terres australes et antarctiques. Cette extension permet à l’État d’accéder à de nouveaux espaces à explorer, offrant un potentiel en ressources naturelles (hydrocarbures, minéraux...).

Des ressources encore peu exploitées 

La France possède un vaste domaine maritime riche en ressources naturelles. Les ressources halieutiques (poissons, crustacés...) sont abondantes au large des côtes de la Manche et de l’Atlantique, ainsi que dans les Terres australes. La France est le deuxième producteur européen de produits de la mer, derrière l'Espagne, avec 516 000 tonnes de poissons et crustacés pêchés en 2022 (FranceAgriMer). Malgré ses atouts, elle affiche un déficit commercial dans le secteur de la pêche et de l’aquaculture (-5,5 milliards d’euros). Sa flotte de pêche, vieillissante, ne se renouvelle pas assez vite, et la filière peine à recruter. Les fonds marins de l'outre-mer abritent également d’importants gisements de minerais (Polynésie, Clipperton). Toutefois, leur exploitation reste peu envisageable à court terme pour des raisons à la fois techniques et financières. On y trouve aussi des ressources en hydrocarbures (Îles Éparses, Guyane), mais la loi Hulot de 2017 interdit l’exploitation de nouveaux gisements. La France mise désormais sur les énergies marines renouvelables, comme l’éolien en mer, pour diversifier son mix énergétique.

525 000
LE CHIFFRE CLÉ

C'est le nombre d'emplois dans l'économie maritime française en 2019, selon l'Institut français de recherche pour l'exploitation de la mer. Pêche, tourisme, transport maritime, construction navale, exploitation des ressources énergétiques ou minérales, télécommunications sous-marines... L’économie bleue englobe une grande diversité d’activités liées aux mers, aux océans et aux littoraux. Si elle représente un levier de croissance important, elle ne pèse que 1,5% du PIB national (43,3 milliards d’euros). Ce poids est comparable à celui d'autres États comme l’Allemagne ou les États-Unis, mais inférieur à celui d’États, comme le Royaume-Uni ou l’Italie, qui comme la France, disposent d’un littoral important par rapport à la taille de leur pays. Le tourisme domine largement le secteur : il représente plus de la moitié de la valeur ajoutée de l’économie bleue et près des deux tiers des emplois.

Part des emplois dans l'économie maritime française en 2019
Les ports dans le creux de la vague 

Plus de 90% des échanges mondiaux transitent par les mers, les ports jouent donc un rôle central dans le commerce international. La France dispose de sept grands ports métropolitains (Le Havre, Marseille, Dunkerque, Nantes, Rouen, La Rochelle, Bordeaux) et de quatre grands ports ultramarins (Guyane, Martinique, Guadeloupe, Port-Réunion), idéalement situés sur les grandes routes maritimes mondiales. Cette position stratégique de la France favorise son intégration dans les échanges internationaux, tant pour le transport de marchandises (porte-conteneurs) que pour l’approvisionnement en matières premières et ressources énergétiques (hydrocarbures, gaz naturel). Marseille et Le Havre restent les premiers ports français, mais font face à la concurrence de ports européens comme Rotterdam et Anvers. La modernisation et la décarbonation des infrastructures sont essentielles pour améliorer la compétitivité de ces ports. Le 26 mai 2025, lors d’un comité interministériel de la mer à Saint-Nazaire, le Premier ministre François Bayrou a annoncé une enveloppe de 90 millions d’euros pour décarboner le secteur maritime. Ces fonds, issus du marché européen des quotas carbone, seront mobilisables en 2026 pour moderniser les navires, les infrastructures portuaires et soutenir les carburants alternatifs.

Une puissance militaire présente sur tous les océans 

Grâce à ses bases en outre-mer, la France maintient une présence militaire sur tous les océans. Sa marine nationale, classée de rang 2, peut intervenir à l’échelle internationale, même si elle ne peut mener plusieurs opérations majeures simultanément. Elle dispose de sous-marins nucléaires d’attaque et de quatre sous-marins nucléaires lanceurs d’engins (Le Triomphant, Le Téméraire, Le Vigilant et Le Terrible), ce qui lui confère une dissuasion maritime de haut niveau. Elle est également, avec les États-Unis, la seule à posséder un porte-avions à propulsion nucléaire, le Charles de Gaulle. En 2038, un porte-avions de nouvelle génération, appelé PA-NG, remplacera le porte-avions Charles de Gaulle avec un bâtiment plus long, plus puissant et équipé pour les guerres du futur. Ces capacités militaires permettent à la France de défendre ses intérêts, de faire respecter le droit international et de participer à des opérations de sécurité maritime, comme la lutte contre la piraterie dans l’océan Indien ou contre le trafic de drogues dans les Caraïbes. 

La stratégie indopacifique de la France

Depuis quelques années, la France a renforcé sa présence militaire dans la région Indopacifique. Cette région s’impose comme le centre de l’économie mondiale. Elle abrite six membres du G20 (Australie, Chine, Corée du Sud, Inde, Indonésie, Japon) et concentre les principales routes maritimes commerciales. La zone est confrontée à de nombreuses menaces : prolifération nucléaire, criminalité transnationale, terrorisme, piraterie ou encore pêche illégale. La montée en puissance de la Chine alimente une rivalité stratégique avec les États-Unis qui accentue les tensions. La France s'est dotée

en 2019 d'une stratégie de défense en Indopacifique qui s'est élargie en 2022 pour dépasser le seul cadre sécuritaire et inclure des dimensions économiques et diplomatiques.

Des espaces maritimes fragiles 

La santé des océans, des mers et des littoraux est primordiale pour la croissance économique et la production alimentaire, mais également essentielle à la lutte contre le réchauffement climatique. La France possède un patrimoine marin unique. Elle abrite 10% des récifs coralliens et 20% des atolls de la planète. Près de 10% de la diversité mondiale des espèces marines est présente en outre-mer. Mais cette richesse est fragile. Selon l’Office français de la biodiversité, 94% des habitats marins de l’Hexagone sont en mauvais état, et 29% des coraux en outre-mer ont disparu. Malgré l'existence de 564 aires marines protégées, la biodiversité reste menacée par l’artificialisation des littoraux, la surpêche et le changement climatique. Adoptée fin 2023, la Stratégie nationale pour la mer et le littoral 2024-2030 identifie quatre grandes priorités pour les six ans à venir : la neutralité carbone, la protection de la biodiversité, l'équité sociale et la compétitivité d'une économie bleue durable. En 2024, la France a ratifié le traité sur la protection de la haute mer qui a pour ambition de protéger 50% de la surface de la planète et les deux tiers des océans. 

L'extrait de la Doc'
Un traité pour protéger la biodiversité en haute mer

Un traité historique a été adopté à l'unanimité en 2023 après 18 ans de négociations. En cours de ratification par les États, l'Accord sur la biodiversité marine au-delà des juridictions nationales (ou traité BBNJ) vise à protéger la vie marine en haute mer et à y établir de nouveaux outils tels que des aires protégées, un régime d'accès aux ressources génétiques et un partage juste et équitable des avantages des produits issus des ressources maritimes.

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