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La laïcité
Numéro 27 - Vendredi 28 novembre 2025

Il y a 120 ans, la loi du 9 décembre 1905 consacrait la séparation des Églises et de l'État, posant les bases de la laïcité en France. Cet anniversaire est l'occasion de rappeler les fondements de ce principe constitutionnel qui assure la neutralité de l’État vis-à-vis des religions, garantit la liberté de conscience et l’égalité de tous les citoyens devant la loi, quelles que soient leurs croyances.

Pourquoi on en parle ? 

Ce 9 décembre 2025 est célébré le 120e anniversaire de la loi de séparation des Églises et de l’État de 1905. Cette loi qui ne mentionne pas le mot « laïcité » est pourtant la clé de voûte de la laïcité en France. Depuis 2015, le 9 décembre est la journée de la laïcité dans l'école et, depuis 2021, la journée de la laïcité est institutionnalisée dans la fonction publique.

Qu’est-ce que la laïcité ? 

La laïcité est un principe inscrit dans la Constitution de 1958 : « La France est une République indivisible, laïque, démocratique et sociale ». Ce principe implique le respect de toutes les croyances, l’égalité devant la loi de tous les citoyens quelle que soit leur religion, la garantie du libre exercice des cultes, la neutralité de l’État, l’absence de religion officielle et d’un clergé rémunéré par les pouvoirs publics.

Un principe de valeur constitutionnelle 

Inscrit dans l’article 1 de la Constitution de 1958 et dans le Préambule de la Constitution de 1946, le principe de laïcité est de valeur constitutionnelle. Le Conseil constitutionnel considère que ce principe figure au nombre des droits et libertés garantis par la Constitution. En conséquence, il peut être invoqué par tout justiciable dans le cadre d’une question prioritaire de constitutionnalité (QPC).

5 grandes dates sur la laïcité
Que signifie la séparation des Églises et de l’État ? 

La loi de 1905 abolit le Concordat de 1802 qui reconnaissait quatre cultes : catholique, protestant réformé, protestant luthérien, israélite. Ces quatre cultes « reconnus »  étaient organisés et financés par l’État dans un « service public du culte » . L’article 2 de la loi de 1905 dispose : « La République ne reconnaît, ne salarie ni ne subventionne aucun culte ». Les cultes cessent d’être des institutions publiques et ils ne reçoivent plus de financement public. Le subventionnement public des cultes est interdit car il pourrait être interprété comme un acte de reconnaissance. La loi prévoit l’organisation des cultes dans un cadre associatif et crée le statut d’associations cultuelles. 

Laïcité et liberté religieuse 

L’article 1er de la loi de 1905 dispose : « La République assure la liberté de conscience. Elle garantit le libre exercice des cultes sous les seules restrictions édictées ci-après dans l’intérêt de l’ordre public ». Sont ainsi garanties la liberté de conscience et la liberté de manifester son appartenance religieuse. La liberté religieuse suppose la liberté pour chacun d’exprimer sa religion, celle de la pratiquer et celle de l’abandonner, dans le respect de l’ordre public. Pour l’État et les services publics, ceci implique la neutralité face à toutes les religions et à toutes les croyances. L’État se doit de rendre possible l’exercice et la pratique de tous les cultes. Le Conseil d'État a qualifié la liberté de culte de liberté fondamentale au titre de l’article L. 521-2 du code de justice administrative instituant la procédure de référé-liberté.

 

La séparation est un de ces problèmes irritants qui sont le plus propres à passionner les masses. Nous voulons le résoudre de telle manière que les consciences ne soient pas troublées et que demain la religion soit pratiquée librement comme elle l’était hier. Vous nous disiez : « Respectez le libre exercice du culte » Mais nous vous avons donné toutes les facilités, et beaucoup de nos adversaires ont reconnu que la loi est suffisante pour que l’Église se développe en toute liberté. Si elle ne peut se développer sans le Concordat, c’est que l’Église est morte.

 

Discours d'Aristide Briand prononcé le 3 juillet 1905 avant le vote de la Chambre des députés sur la loi de séparation des Églises et de l'État.

Vote de la loi de 1905 : un discours "Briand"

Avant le vote de la loi de séparation des Églises et de l'État, le 3 juillet 1905, son rapporteur, Aristide Briand, défend le texte devant la Chambre des députés. Il prononce un discours destiné à rallier aussi bien les anticléricaux que les catholiques opposés au projet. La loi est votée par la Chambre (par 341 voix contre 233), puis par le Sénat le 6 décembre suivant, et promulguée le 9 décembre 1905. Elle met fin au régime concordataire qui encadrait les relations entre l’État et les cultes. 


La police des cultes 

Les manifestations religieuses sont autorisées dans l’espace public, mais elles sont encadrées. Elles sont considérées comme des réunions publiques, et sont donc soumises au droit commun. Il est, par ailleurs, interdit d’élever ou d'apposer un signe ou emblème religieux sur les monuments publics, et les réunions politiques ne peuvent pas se tenir dans des locaux servant à l’exercice d’un culte. L’État veille ainsi à ce que les pratiques religieuses, qui ne sont pas une affaire purement privée, ne troublent pas l’ordre républicain : c’est ce qu’on appelle la « police des cultes ». Ses règles et son application relèvent du ministère de l'intérieur.

La loi de 1905 s'applique-t-elle sur tout le territoire ? 

En Alsace-Moselle et dans certains territoires d'outre-mer (Guyane, Mayotte...), le droit des cultes obéit à des régimes spécifiques. En Alsace-Moselle, le droit des cultes est largement issu du Concordat de 1802. Comme sous le Concordat, quatre cultes sont reconnus et sont organisés dans un service public du culte. Les autres cultes sont dits « non-statutaires » et sont constitués en associations de droit local à objet cultuel (elles peuvent notamment recevoir des financements publics). En Guyane et à Mayotte, ce sont les décrets Mandel de 1939 qui s'appliquent avec le régime des missions religieuses.

Quelles relations entre l'État et les cultes ? 

La « non-reconnaissance » des cultes ne signifie pas pour autant la fin des relations entre l'État et les institutions religieuses. Au sein du ministère de l'intérieur, le bureau central des cultes est chargé des relations avec les autorités représentatives des religions. Traditionnellement, le président de la République présente chaque année ses vœux aux autorités religieuses. L'État entretient des relations avec les principales religions pratiquées en France à travers des représentants : la Conférence des évêques de France pour l'Église catholique, le Consistoire israélite de Paris, la Fédération protestante de France, l'Assemblée des évêques orthodoxes de France, l'Union bouddhiste de France. Les religions juive et protestante ont conservé l'organisation mise en place au début du XIXe siècle, sous le régime du Concordat. La question de la représentation de la communauté musulmane se pose depuis les années 1990. La première réunion du Forum de l'islam de France, instance de dialogue entre l'État et des représentants du culte musulman, s'est tenue en 2022.

Loi séparatisme : de nouvelles obligations pour les associations 

La loi Séparatisme du 24 août 2021 modifie certaines dispositions de la loi de 1905 (et de la loi du 2 janvier 1907) relatives aux associations cultuelles et aux lieux de culte. Les associations cultuelles doivent se déclarer auprès du préfet tous les cinq ans. Leurs obligations comptables sont renforcées (déclaration des dons étrangers...). La loi impose une reconnaissance préalable obligatoire du caractère cultuel des associations qui souhaitent relever du statut prévu par la loi de 1905. Le premier objectif de cette disposition est de police administrative : s'assurer que les avantages fiscaux et financiers liés au statut d'association cultuelle ne bénéficient pas à des officines séparatistes. Le second objectif est de favoriser la restructuration du culte en France pour inciter à la transformation des associations mixtes, privilégiées par les nouvelles spiritualités et le culte musulman, en associations relevant de la loi de 1905. La loi donne au préfet la possibilité de prononcer la fermeture temporaire des lieux de culte. Cette mesure permet de prévoir la fermeture de lieux de cultes où est prôné le séparatisme sans avoir à se fonder sur les dispositions existantes en matière de terrorisme ou sur les dispositions techniques relatives aux établissements recevant du public.
 

LES MOTS DANS L'ACTU
Déféré-laïcité

Introduit par la loi du 24 août 2021 dite « Séparatisme », le déféré-laïcité permet aux préfets de demander la suspension d'un acte d'une collectivité locale portant gravement atteinte aux principes de laïcité et de neutralité des services publics. Le juge administratif dispose de 48 heures pour statuer sur la demande de suspension. Sa décision est susceptible d’appel dans les 15 jours devant le Conseil d’État, qui statue dans les 48 heures.

Associations cultuelles

Ces associations résultent de la loi de séparation des Églises et de l’État de 1905. Elles sont constituées pour l’exercice d’un culte et peuvent recevoir des dons et des legs. Cependant, elles ne peuvent recevoir aucune subvention des pouvoirs publics en raison du caractère laïque de l’État. La loi Séparatisme de 2021 a renforcé les obligations des associations cultuelles. Dans la déclaration de leur qualité cultuelle, elles doivent notamment fournir la liste de leurs lieux de culte.

Laïcité et services publics 

La laïcité fait peser une obligation de neutralité religieuse sur l’État, les autres personnes publiques et les agents publics. La Charte de la laïcité dans les services publics, adoptée en 2007, affirme l’égalité de l’ensemble des usagers devant le service public, égalité qui est conditionnée par la neutralité des services publics. Dans certains services publics, le respect de la laïcité implique des aménagements spécifiques. Si un croyant est retenu dans un établissement géré par l’État, il doit pouvoir pratiquer son culte au sein de cet établissement. C’est pourquoi la loi de 1905 prévoit la mise en place d’aumôneries dans les hôpitaux, les prisons et les lycées, c’est-à-dire dans des lieux qui possèdent un internat qu’on ne peut pas quitter. Son article 2 qui interdit toute subvention à un culte prévoit que « pourront toutefois être inscrites auxdits budgets les dépenses relatives à des services d’aumônerie et destinées à assurer le libre exercice des cultes dans les établissements publics tels que lycées, collèges, écoles, hospices, asiles et prisons ».

Neutralité religieuse dans la fonction publique 

L'article L121-2 du code général de la fonction publique (CGFP) dispose : « Dans l'exercice de ses fonctions, l'agent public est tenu à l'obligation de neutralité. Il exerce ses fonctions dans le respect du principe de laïcité. À ce titre, il s'abstient notamment de manifester ses opinions religieuses. Il est formé à ce principe. L'agent public traite de façon égale toutes les personnes et respecte leur liberté de conscience et leur dignité ». L'article L124-3 du CGFP prévoit l'obligation pour toute administration de nommer un référent laïcité, notamment chargé d'apporter tout conseil utile au respect du principe de laïcité à tout fonctionnaire ou chef de service qui le consulte et d'organiser la journée de la laïcité du 9 décembre. Un délit de séparatisme protège les élus et les agents publics contre les menaces ou violences pour obtenir une exemption ou une application différenciée des règles du service public. 

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LE CHIFFRE CLÉ

C'est le nombre de signalements d'atteintes à la laïcité recensés dans les 60 000 établissements publics d'enseignement (écoles et établissements du secondaire) par les équipes académiques valeurs de la République (EAVR) pendant l'année scolaire 2024-2025. Cela concerne le port de signes et de tenues, la contestation d'enseignement, des suspicions de prosélytisme...

La laïcité à l'école 

Dans les établissements scolaires publics, les règles de neutralité s’appliquent aux enseignants et aux personnels des établissements. S'agissant des élèves, les règles en matière de liberté religieuse ont évolué. En 1989, l’affaire dite du « foulard islamique », à savoir l’exclusion de collégiennes ayant refusé de retirer leur foulard, a ravivé les débats autour de la laïcité à l’école. Le Conseil d’État a rendu un avis le 27 novembre 1989 sur le sujet. Il y affirme le droit des élèves à manifester des convictions religieuses au sein des établissements scolaires. Ce droit doit s’exercer « dans le respect du pluralisme et de la liberté d’autrui et sans qu’il soit porté atteinte aux activités d’enseignement, au contenu des programmes et à l’obligation d’assiduité ». Est par ailleurs interdit le port de signes religieux qui « constitueraient un acte de pression, de provocation, de prosélytisme... ». La loi du 15 mars 2004 encadre, « en application du principe de laïcité, le port de signes ou de tenues manifestant une appartenance religieuse dans les écoles, collèges et lycées publics ». Ce ne sont pas les signes en eux-mêmes qui sont interdits - la jurisprudence administrative a par la suite précisé que le port de signes discrets est possible -, mais la manifestation ostensible d’une appartenance religieuse qui peut en découler. 

L'extrait de la Doc'
Guide de la laïcité dans la fonction publique

Sous l’Ancien Régime, les rois de France, monarques  « de droit divin », exerçaient une autorité à la fois politique et religieuse. Si le gallicanisme a pu constituer une première forme d’affranchissement du pouvoir temporel des rois vis-à-vis du pouvoir spirituel, les sphères spirituelles et temporelles n’en étaient pour autant pas séparées. La Révolution française a réellement constitué une rupture avec ce modèle en donnant naissance à l’idée d’État laïque dans lequel le religieux est séparé et indépendant. C’est ce que traduit l’article 10 de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen, qui proclame la liberté de conscience et d’opinion, même religieuse.

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