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Les droits de l'enfant
Numéro 26 - Vendredi 14 novembre 2025

La reconnaissance des droits de l’enfant est relativement récente. Plus de trente ans après l’adoption de la Convention internationale des droits de l’enfant, des progrès ont été réalisés en matière d’accès aux soins, à la protection, à l’éducation. Mais partout dans le monde, des millions d’enfants restent privés de leurs droits, victimes de la pauvreté, des conflits, des discriminations ou encore de la maltraitance. 

Pourquoi on en parle ? 

Le 20 novembre 2025 sera célébrée la journée mondiale de l’enfance, pour la 71e année consécutive. Cette date, qui marque également le jour de l’adoption de la Déclaration des droits de l’enfant (1959) et de la Convention internationale des droits de l’enfant (1989), vise à promouvoir le respect et les droits des enfants. 

Il fut un temps où les enfants travaillaient... 

En France, les premières lois consacrant des droits de l’enfant sont adoptées au 19e siècle, dans les domaines du travail, de la justice et de l'éducation. La loi du 22 mars 1841, par exemple, est la première qui encadre le travail des mineurs en France. Elle instaure un âge minimal (8 ans) et des plafonds d’horaires (8 heures maximum par jour de 8 à 12 ans et 12 heures de 12 à 16 ans). Au début du 20e siècle, les enfants de 12 à 18 ans représentaient encore 14% de la main-d’œuvre française. Le travail des mineurs de moins de 16 ans a depuis été interdit, sauf quelques exceptions (secteur artistique, pendant les vacances scolaires…). Au-delà des lois nationales, l’existence de droits propres aux enfants s'est progressivement affirmée à l'échelle internationale tout au long du 20e siècle.  

 

 

L’enfant doit bénéficier d’une protection spéciale et se voir accorder des possibilités et des facilités par l’effet de la loi et par d’autres moyens, afin d’être en mesure de se développer d’une façon saine et normale sur le plan physique, intellectuel, moral, spirituel et social, dans des conditions de liberté et de dignité. Dans l’adoption de lois à cette fin, l’intérêt supérieur de l’enfant doit être la considération déterminante.

 

Principe 2 de la Déclaration des droits de l'enfant de 1959

 

Protection des droits de l’enfant, un engagement international

Après la Première Guerre mondiale, en 1924, la Société des Nations adopte la Déclaration de Genève, premier texte international reconnaissant des droits spécifiques aux enfants. Elle affirme que « l’Humanité doit donner à l’enfant ce qu’elle a de meilleur (…) en dehors de toute considération de race, de nationalité ou de croyance ». Cette déclaration sera reprise et enrichie par l’ONU, qui proclame en 1959 la Déclaration des droits de l’enfant. Ce texte n’a aucune valeur contraignante pour les États parties, mais il introduit la notion d’intérêt supérieur de l’enfant, devenue un principe fondamental du droit international. 


Un traité international sur les droits de l'enfant 

La Convention internationale des droits de l’enfant (CIDE), adoptée le 20 novembre 1989 par les Nations unies, a été ratifiée par la quasi-totalité des États membres (196), à l'exception des États-Unis. La CIDE définit l'enfant comme « tout individu de moins de 18 ans » et lui reconnaît des droits inaliénables. Il s’agit d’un texte contraignant : les États signataires sont tenus de garantir et de protéger les droits de l’enfant énoncés dans la Convention. Elle repose sur quatre principes fondamentaux : la non-discrimination, l’intérêt supérieur de l’enfant, le droit à la vie, à la survie et au développement, et le respect des opinions de l’enfant sur toute question qui le concerne. La Convention est complétée par trois protocoles facultatifs sur : 

  • l’implication d’enfants dans les conflits armés (2000) ; 

  • la vente et la prostitution d’enfants et la pédopornographie (2000) ; 

  • la procédure permettant à tout enfant de déposer une plainte auprès du Comité des droits de l’enfant de l'ONU en cas de violation d’un droit protégé par la Convention (entrée en vigueur en 2014). 

L’Unicef, défenseur de la cause des enfants dans le monde 

Le Fonds des Nations Unies pour l'enfance (Unicef) est une agence des Nations unies créée par une résolution de l’Assemblée générale du 11 décembre 1946. L’agence est chargée de la défense des droits des enfants dans le monde entier (elle est aujourd’hui présente dans 190 pays). Elle consacre son aide à l’amélioration de la santé des enfants, à la formation des enseignants ou encore à la fourniture de matériel scolaire. Chaque année, l’Unicef publie un rapport sur la situation des enfants dans le monde. L’Unicef accrédite des comités nationaux dans les pays industrialisés. L’Unicef France, dont le siège est à Paris, a été créé en 1964, sous le statut d'une association de loi 1901, reconnue d'utilité publique en 1970.

L'organe de surveillance de la CIDE 

Le Comité des droits de l'enfant des Nations unies regroupe des experts indépendants chargés de surveiller la mise en œuvre de la CIDE et de ses protocoles par les États signataires. Tous les cinq ans, chaque pays doit lui remettre un rapport sur la situation des droits de l'enfant sur son territoire. Après examen, le Comité formule des recommandations aux États et peut dénoncer des violations constatées aux droits de l’enfant. Cependant, il ne dispose d’aucun pouvoir de sanction à l’égard des États. 

Les 12 principaux droits fondamentaux de l'enfant
Quel est le rôle du Défenseur des droits ? 

En France, le Défenseur des droits est l'organisation désignée pour veiller au respect des droits des enfants. Cette autorité administrative indépendante est dotée de plusieurs adjoints, dont un en charge de la défense des droits de l’enfant, appelé « Défenseur des enfants ». Reconnu par le Comité des droits de l'enfant des Nations unies, il s'assure du respect de l'intérêt supérieur de l'enfant par plusieurs moyens : traitement des réclamations qui lui sont adressées, actions de sensibilisation… L’institution est compétente à l’égard de tous les enfants vivant en France (qu’ils soient Français ou étrangers) et des enfants français qui résident à l’étranger. Chaque année, le Défenseur des droits publie un rapport consacré aux droits de l’enfant, qui repose sur les témoignages et propositions d’enfants recueillis dans le cadre d’une consultation nationale.

Le droit à une justice adaptée à son âge 

Le prochain rapport annuel du Défenseur des droits, qui sera publié en novembre 2025, portera sur le droit des enfants à une justice adaptée. Ce droit implique notamment une adaptation des sanctions prononcées à l’encontre des mineurs condamnés pénalement. C’est ce qu’on appelle l’atténuation de la responsabilité des mineurs ou « excuse de minorité ». En France, il s’agit d’un principe à valeur constitutionnelle, qui comprend quelques exceptions permettant d’y déroger. La loi du 23 juin 2025 visant à renforcer l’autorité de la justice à l’égard des mineurs délinquants et de leurs parents prévoyait d’inverser le régime en matière d’atténuation des peines, en en faisant l’exception et non plus le principe. Le Conseil constitutionnel a censuré cette disposition dans une décision du 19 juin 2025

 

LES MOTS DANS L'ACTU
Intérêt supérieur de l’enfant

Ce principe fondamental, protégé au niveau international, implique que l'intérêt de l'enfant soit considéré comme primordial et prioritaire sur tout autre. Il vise à garantir que les décisions relatives à l'enfant, qu’elles soient judiciaires, administratives ou éducatives, privilégient son bien-être, son développement global et ses droits fondamentaux. Toutefois, ce principe n’est pas clairement défini et peut poser des difficultés d’application et d’interprétation.

 

 

Violence éducative ordinaire

C'est lorsque les personnes qui s’occupent des enfants utilisent de la violence physique, psychologique ou verbale dans le but de les éduquer et de les discipliner. On parle de violences « ordinaires » parce qu’elles sont fréquentes et parfois considérées comme normales. La loi du 10 juillet 2019 interdit les violences éducatives ordinaires, car la violence n'est pas considérée comme un mode d'éducation. 

Quelle application de l’intérêt supérieur de l’enfant ? 

En France, le Conseil d’État a affirmé l’applicabilité directe de l'intérêt supérieur de l'enfant dans une décision du 22 septembre 1997. La Cour de cassation a également reconnu ce principe dans un arrêt du 18 mai 2005. L’intérêt supérieur de l’enfant a, par ailleurs, été consacré en tant qu’exigence constitutionnelle par le Conseil constitutionnel, à l’occasion d’une décision de question prioritaire de constitutionnalité (QPC) rendue en 2019. L’affaire portait sur le recours à des examens radiologiques osseux pour déterminer l’âge d’une personne, duquel dépendait l’attribution ou non de la qualité de mineur non accompagné (MNA). Le Conseil constitutionnel a conclu que « les règles relatives à la détermination de l'âge d'un individu doivent être entourées des garanties nécessaires afin que des personnes mineures ne soient pas indûment considérées comme majeures », en application de l’exigence constitutionnelle de protection de l’intérêt supérieur de l’enfant. 

Droits de l'enfant en France : un bilan mitigé 

Dans son rapport de 2020 sur la mise en œuvre de la CIDE, le Défenseur des droits constate que des progrès ont été réalisés en France dans la prise en compte des droits de l’enfant, notamment avec l’adoption en 2019 d’une loi interdisant les châtiments corporels et de la loi pour une école de la confiance, qui a abaissé l’âge de l’instruction obligatoire à trois ans afin de réduire les inégalités sociales dès le plus jeune âge. Pour autant, le respect des droits des enfants en France connaît encore de nombreuses lacunes, en particulier pour les enfants les plus vulnérables : enfants en situation de pauvreté, de handicap ou migrants. Le rapport pointe notamment l’insuffisance de la lutte contre le harcèlement scolaire, les violences institutionnelles (dans les écoles, foyers, structures médico-sociales, hôpitaux), ainsi que l’aggravation de la pauvreté et les inégalités d’accès à la santé et à l’éducation dans certains territoires ultramarins.

 

24,2%
LE CHIFFRE CLÉ

C’est le pourcentage de mineurs menacés de pauvreté ou d'exclusion sociale dans l'Union européenne en 2024, selon les dernières données d’Eurostat. Cela représente près de 20 millions de jeunes de moins de 18 ans. Ce taux est en légère baisse par rapport à 2023 (-0,7 point). La France se situe au-dessus de la moyenne européenne (26,2%). Les taux les plus élevés sont relevés en Bulgarie, en Espagne et en Roumanie. À l’inverse, la Slovénie, Chypre et la République tchèque affichent les taux les plus faibles. 

Une stratégie européenne pour l’enfance 

Le 24 mars 2021, la Commission européenne a publié la première stratégie de l'Union européenne sur les droits de l'enfant, autour de six priorités :

  • la participation à la vie politique et démocratique ;
  • l’inclusion socioéconomique, la santé et l’éducation ;
  • la lutte contre les violences ;
  • la mise en place d’une justice adaptée ;
  • le respect des droits dans l’environnement numérique ;
  • les actions visant à protéger les enfants dans le monde entier, notamment ceux qui sont enrôlés dans des conflits armés.

En juin 2021, une proposition de recommandation établissant une garantie européenne pour l'enfance a été adoptée par le Conseil de l’UE. Elle vise à lutter contre l’exclusion sociale des enfants dans le besoin en garantissant leur accès à un ensemble de droits fondamentaux : éducation, santé, nutrition, logement… Les États membres de l’UE ont nommé des coordinateurs et préparé des plans d’action nationaux pour mettre en œuvre la stratégie, qui seront suivis au niveau de l’UE. 

Les 10 pays de l'UE où les enfants sont les plus exposés à un risque de pauvreté ou d’exclusion sociale en 2024
Protection de l’enfance en danger 

En France, le système de protection de l’enfance mobilise l’État, qui fixe les grandes orientations nationales, les départements, qui mettent en œuvre l’aide sociale à l’enfance (ASE) et les acteurs de terrain (associations, professionnels…). Lorsqu’un mineur est en danger ou est susceptible de l’être, il peut être placé dans différentes structures de placement : famille d’accueil, maison d’enfant à caractère social (MECS)… Deux lois (2007 et 2016) ont réformé la protection de l'enfance et redéfinit les objectifs prioritaires de l'ASE pour répondre notamment aux situations de maltraitance. Plus récemment, la loi Taquet prévoit un certain nombre de mesures pour améliorer la situation des enfants protégés par l’ASE : interdiction des placements à l’hôtel, fin des sorties « sèche » du système à la majorité… Dans une décision-cadre du 29 janvier 2025, la Défenseure des droits a alerté les pouvoirs publics sur la situation particulièrement dégradée de la protection de l’enfance, mettant en lumière des atteintes graves et massives aux droits de l’enfant. 

Mineurs étrangers non accompagnés 

Chaque année, des migrants arrivent en France en étant mineurs sans être accompagnés d'aucun membre de leur famille. En France, ces mineurs non accompagnés (MNA) sont pris en charge, dans le cadre de la protection de l'enfance, par l'aide sociale à l'enfance (ASE). Ce sont les conseils départementaux qui ont la responsabilité de déterminer la qualité de MNA. Les conditions d’accueil et de prise en charge de ces jeunes font régulièrement l’objet de critiques : suspicion sur l’âge réel, saturation des structures d’hébergement, accès limité à un suivi éducatif, voire exclusion des dispositifs de protection de l’enfance... En janvier 2025, la France a été condamnée par la Cour européenne des droits de l'homme (CEDH) pour son absence de protection d’un mineur étranger. En juin 2025, la Commission nationale consultative des droits de l'homme (CNCDH) a également dénoncé le manquement des autorités françaises à leurs obligations envers les MNA.
 

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