Texte intégral
L’Evénement du Jeudi : L’« euro » est-il un nom seyant pour la monnaie unique ?
Philippe Seguin : C’est certainement l’idée la plus idiote de ces dernières années. A quoi bon d’ailleurs s’obstiner à chercher un nom pour la monnaie unique ? On voudrait la tuer qu’on ne s’y prendrait pas autrement. Enfin, si ça les amuse…
L’Evénement du Jeudi : Les clubs de football français vont-ils souffrir de la préférence européenne imposée par la Cour européenne de justice ?
Philippe Seguin : Il faudra probablement adapter la réglementation sportive pour tourner la difficulté. Faute de quoi, il n’y aura plus d’équipe nationale possible. Technocratie, quand tu nous tiens !
L’Evénement du Jeudi : Cantona et Ginola doivent-ils jouer en équipe de France ?
Philippe Seguin : Au sélectionneur Aimé Jacquet de décider. Je comprendrais qu’il réponde par la négative. Il a choisi jusqu’ici de privilégier la constitution d’un collectif cohérent et complémentaire à la juxtaposition des individualités. N’oublions pas que certaines équipes nationales où on avait voulu aligner toutes les grandes vedettes du moment ont échoué lamentablement. Le talent de Ginola et de Cantona n’est certes pas en cause : on ne gagne rien à noyer des divas dans une chorale.
L’Evénement du Jeudi : Doit-on légiférer sur les sectes ?
Philippe Seguin : Qu’on applique déjà la législation existante. Ce ne sera pas si mal. Et on verra bien après…
L’Evénement du Jeudi : Faut-il réformer la session unique ?
Philippe Seguin : Laissez-la vivre.
L’Evénement du Jeudi : Etes-vous pour le prince Charles ou pour lady Di ?
Philippe Seguin : Laissez-les vivre.
L’Evénement du Jeudi : Pensez-vous qu’on soit sorti des mouvements sociaux ?
Philippe Seguin : Ce qu’il faut comprendre, c’est que la crise, elle continue. Qu’elle a commencé il y a vingt ans et qu’elle ne finira que lorsqu’on en aura pris la vraie mesure : elle naît d’un décalage structurel entre l’évolution technologique et la mondialisation des échanges, d’une part, la capacité d’adaptation spontanée du corps social, d’autre part. Elle appelle donc des réponses structurelles. Le destin d’une société ne peut longtemps se réduire à l’organisation de sa propre régression.
L’Evénement du Jeudi : Votre voyage au Proche-Orient est-il la marque de « l’autre politique » étrangère ?
Philippe Seguin : Il n’y a qu’une politique étrangère de la France. Le fait nouveau, c’est que le Parlement apporte désormais une contribution forte à l’approfondissement de nos relations internationales.
L’Evénement du Jeudi : Quel est l’homme de l’année 1995 ?
Philippe Seguin : Monsieur Sylvestre, le patron de la World Company, aux « Guignols ». Il a tout dit.
L’Evénement du Jeudi : L’émission télé ?
Philippe Seguin : L’Affaire Dreyfus.
L’Evénement du Jeudi : Le livre ?
Philippe Seguin : Cœur de tigre de Françoise Giroud. C’était le rendez-vous le plus inattendu de l’année. Et je l’ai trouvé plutôt réussi. Même mort, Clemenceau n’a pas fini de nous étonner.
L’Evénement du Jeudi : Quel est votre souvenir le plus fort de l’année passée ?
Philippe Seguin : Le voyage de Jacques Chirac à Tunis où il m’avait invité à l’accompagner. J’avais parfois le sentiment de lui présenter ma terre natale et de le présenter en même temps aux Tunisiens. Ce fut doublement émouvant.
L’Evénement du Jeudi : Quels vœux adressez-vous aux Français ?
Philippe Seguin : De comprendre qu’ils sont un grand peuple qui a rôle à jouer pour façonner un autre monde que celui qu’on nous prépare.
L’Evénement du Jeudi : A Lionel Jospin ?
Philippe Seguin : De parvenir au terme des réflexions qu’il nous dit avoir engagées.
L’Evénement du Jeudi : A Alain Juppé ?
Philippe Seguin : La santé.
L’Evénement du Jeudi : Pourrez-vous éviter de vous mettre en colère en 1996 ?
Philippe Seguin : Avec beaucoup d’autres questions de ce genre, ça va être effectivement assez dur…