Interview de M. Jack Lang, ministre de l'éducation nationale, à France-Inter le 7 janvier 2002, sur le soutien à la candiature de L. Jospin à l'élection présidentielle et sur le recrutement d'enseignants.

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Média : France Inter

Texte intégral

F. Beaudonnet Alors que 13 millions d'élèves et d'étudiants s'apprêtent, ce matin, à regagner leur école, leur lycée ou leur université, la fin des vacances de Noël marquera peut-être aussi le véritable départ pour la campagne pour les législatives et pour la présidentielle. Cette semaine est en effet, à la fois, celle de la reprise des travaux parlementaires et celle de la suite des cérémonie des voeux. Autant d'occasions, à droite comme à gauche, de marquer sa différence. C'est de cette double rentrée, politique et scolaire, dont nous allons parler.
On n'a pas vraiment l'impression que l'éducation soit l'un des thèmes majeurs de cette campagne qui commence. Qu'en pensez-vous ?
- "Je pense que dans le projet de notre candidat, l'éducation, la culture, la recherche, bref, tout ce qui contribue à l'enrichissement intellectuel du pays, sera l'un des pôles de notre programme."
Mais pour l'instant, ce n'est pas le cas, car L. Jospin, ancien ministre de l'Education lui-même, quand il parle de son bilan pour l'instant, c'est plutôt un bilan économique et social, et l'éducation n'est pas du tout au premier plan.
- "Laissez d'abord les semaines venir. Je crois qu'il fait confiance à ceux qu'il a nommés à la tête de ce ministère pour aller de l'avant, rétablir - ce qui a été fait - un climat de dialogue et de sérénité, engager des réformes de fond. Il aura, croyez-moi, l'occasion de s'exprimer avec audace et imagination sur ces sujets."
Qu'attendez-vous justement de L. Jospin dans la campagne qui débute ?
- "J'attends qu'il soit ce qu'il est. La meilleure façon d'être un bon candidat, c'est d'être fidèle à lui-même. Et une des grandes qualités de notre futur candidat, c'est d'être un homme de grand scrupule, dans le respect de ses engagements. A la différence d'autres, il croit à la parole qu'il prononce et il respect ses engagements. Je crois beaucoup que L. Jospin s'imposera par ses qualités d'homme d'Etat, par son intégrité morale. Je notais ces jours derniers ce beau mot de J.-J. Goldman, le chanteur : "Voilà un homme disait-il à propos de Jospin, qui sert la politique au lieu de s'en servir". Toutes ces qualités morales, intellectuelles sont un des atouts de notre futur candidat."
L. Jospin va beaucoup parler vraisemblablement - il a déjà commencé - de son bilan à Matignon. Est-ce qu'il y a des points particuliers, des thèmes de campagne que vous souhaiteriez qu'il aborde ?
- "On voit à peu près se dessiner les grands axes. D'abord, un profond renouvellement des relations entre le pouvoir et les citoyens. Nous avons commencé, à travers une série de réformes - la parité hommes - femmes, une esquisse de suppression du cumul des mandats, la réhabilitation du Parlement. Mais il faut aller beaucoup plus loin. Et on ne pourra aller beaucoup loin que le jour où Jospin sera à l'Elysée, pour changer profondément la politique, faire que, dans ce pays les citoyens soient pleinement respectés, pleinement entendus. C'est un des thèmes majeurs. A partir de là, tout le reste découlera. Le futur candidat pourra dire aux citoyens : "Puisque j'ai respecté mes engagements, vous pouvez croire ce que vous annonce, dans le domaine économique, social, éducatif. Les promesses que je fais, ne sont pas des promesses que je déchire comme d'autres à la fin d'une campagne. Je les respecte scrupuleusement"."
Pour l'instant, les électeurs, les Françaises et les Français, ne sont pas très sensibles à ce bilan. Car dans les sondages, L. Jospin n'est pas en meilleure position...
- "Vous savez, je peux parler librement des sondages puisqu'ils me sont généralement assez favorables, et il faut les prendre avec une certaine distance. J'ai observé tout au long des années, que celui qui est donné vainqueur à l'automne n'est pas le vainqueur du printemps. Ce qui m'intéresse, c'est Jospin à l'Elysée et personnellement, j'ai pleine confiance dans les chances de notre candidat de devenir le futur président de la République. Parce que qu'il a pour lui, je le répète, beaucoup d'atouts : des atouts personnels, ses qualités d'hommes d'Etat, d'intégrité. Mais aussi une équipe qui y croit, qui va aller de l'avant, qui va se démultiplier. Et puis, nos idées, nos projets. Et je souhaite que notre projet soit un projet marqué par l'audace. Prenez l'exemple de l'euro : pour moi, c'est un grand bonheur de vivre avec des millions de Français cet événement historique. Qui y croyait voici quelques années ? Précisément, l'euro montre qu'il faut avoir des idées audacieuses, apparemment irréalistes, car ce sont seulement celles-là qui peuvent transformer la vie et changer le monde. Je souhaite que notre projet soit un projet audacieux, imaginatif. C'est par l'imagination que la gauche peut l'emporter."
Vous parlez de l'équipe de L. Jospin. Quelle sera votre place dans cette équipe ?
- "Celle qui me sera confiée. Je suis un bon soldat. Et chacun d'entre nous aura à coeur d'apporter sa contribution. Aucun d'entre nous ne joue "perso". Ce qui a fait notre force depuis plusieurs années, c'est la capacité à constituer une équipe. Comme on disait à propos des Mousquetaires : "Un pour tous, tous pour un". Nous serons solidaires actifs, mais chacun jouera sa partition et apportera le meilleur de lui-même."
Visiblement dans cette équipe, certains sont plus égaux que d'autres. On parle beaucoup de J. Glavany, on parle ce matin de la rentrée de D. Strauss-Kahn, il y a également M. Aubry. Et vous, J. Lang ?
- "Je n'ai pas à décider. Encore une fois, notre candidat organisera l'équipe de campagne comme il le souhaitera. Et je pense qu'il aura le souci d'associer l'ensemble des talents de notre famille de pensée. D'ailleurs, c'est une des caractéristiques de sa candidature par rapport à d'autres. A droite, la plupart des leaders ont été carbonisés les uns après les autres. Et l'éventuel futur candidat de la droite est plutôt un homme seul. Jospin est un homme entouré d'une pléiade de femmes et d'hommes de talent, souvent populaires, respectés. C'est une force de frappe intellectuelle, politique et morale qui, croyez-moi, le moment venu, se déploiera pleinement avec efficacité et ardeur."
Sur un plan encore plus personnel, on ne connaît toujours pas la circonscription dans laquelle vous allez vous présenter. Est-ce que vous avez des informations à ce sujet ?
- "C'est une question seconde. Pour moi, il y a deux préoccupations qui m'occupent : être ministre de l'Education nationale à 100 % - je dois m'y dédier en permanence, j'allais dire jour et nuit, en tout cas être sur le pont en permanence, c'est un très grand ministère et qui me passionne, difficile mais passionnant. Et en second lieu, la préparation de l'élection présidentielle. Le reste viendra par surcroît. Par ailleurs, je fais pleine confiance au premier secrétaire du Parti socialiste, F. Hollande, pour prendre une bonne décision."
Mais vous êtes quand même motivé pour être député ?
- "Peut-être, oui, le moment venu. Mais observez que dans le temps, l'élection législative, et je le dis d'ailleurs à tous les éventuels candidats ici ou là, viendra après l'élection présidentielle. Et l'élément majeur des prochains mois, c'est l'élection présidentielle. Si nous faisons gagner L. Jospin, comme je le pense, tout ira par surcroît."
Vous êtes homme politique mais également ministre de l'Education nationale. Pour la rentrée 2002 vous avez annoncé "des transformations profondes et réelles" - je vous cite. Alors, de quoi s'agit-il ?
- "Disons que le climat de dialogue et de sérénité rétabli nous permet d'engager de profondes réformes, de l'école à l'université, caractérisées par deux idées principales : donner à chaque enfant de ce pays une solide culture de base, en particulier dans la maîtrise de la langue française. Et par ailleurs, reconnaître pleinement la diversité des intelligences et des talents. Mais tout cela serait impossible à réaliser si, dans le même temps, ce Gouvernement n'avait pas dégagé des moyens sans précédent : 60.000 postes ont été créés au cours de cette période, nous allons recruter un grand nombre d'enseignants - 20 % de plus au printemps prochain. Et je vous fournis en primeur une bonne nouvelle qui m'a été communiquée hier : on disait depuis quelques mois qu'une certaine crise de vocation s'était produite parmi les étudiants vis-à-vis du métier d'enseignant. Et en effet, il y avait une certaine baisse du nombre de candidats à ce métier d'enseignant. Les chiffres que j'ai obtenus ce matin, montrent que le nombre des inscriptions aux concours d'enseignants sont en augmentation très forte, pour le premier degré, avec 25 % d'inscriptions supplémentaires et dans l'Académie de Versailles, 60 % de plus..."
C'est pour les concours qui viennent ?
- "Oui, qui viennent. C'est donc un signe de confiance des nouvelles générations d'étudiants vers l'enseignement. Pour moi, c'est la plus belle des récompenses. Et c'est une belle promesse pour l'avenir."
Cette hausse des inscriptions aux concours, on peut aussi l'interpréter par exemple, comme une conséquence de la hausse du chômage. Il y a une crainte de la hausse du chômage et l'Education nationale serait une valeur refuge...
- "D'abord, elle est faible. Et je crois d'ailleurs que ce moment que nous connaissons sera surmonté. Toute une série de mesures sont engagées. Et à la fin du trimestre, vous assisterez à nouveau à une reprise de la création d'emploi. Et ce Gouvernement aura été celui qui, en peu de temps, aura créé un très nombre d'emplois. Et le plein-emploi demeure notre objectif premier."
(Source http://Sig.premier-ministre.gouv.fr, le 7 janvier 2002)